Mai 2014, Bruxelles
Nassé, arrêté, fouillé, détenu 7 heures
J. : « Je m’inquiète fortement de la façon dont sont traitées les personnes qui osent descendre dans la rue pour exprimer leurs opinions de manière pacifiste«
Où l’on comprend que manifester pacifiquement… n’est pas sans danger !
Je me trouvais sur une place pour exprimer mon mécontentement, il s’agissait d’une manifestation organisée par l’alliance D19-20. J’ai ensuite rejoint le Boulevard X. avec ma mère (62 ans) et y étais à proximité d’une sortie de métro où de nombreux policiers avec casques, matraques et boucliers se trouvaient devant moi et ont commencé à m’encercler ainsi que d’autres personnes se trouvant là.
Des policiers ont commencé à pousser des personnes calmes et pacifistes. Une autopompe était présente et a aspergé d’eau les personnes pacifistes, à l’arrêt qui dansaient et déguisés en clowns ! Même de l’eau a été projetée violemment sur des manifestants assis et immobiles. J’ai trouvé le dispositif policier totalement disproportionné et leur comportement provocateur !
Les policiers m’interdisaient de me déplacer et j’ai aussi été arrosé alors que je n’opposais pas la moindre résistance, ni ne menaçais qui que ce soi. Je n’ai à aucun moment eu de comportement différent d’un père de famille (je suis papa d’une fille de 6 ans). Des policiers m’ont poussé en criant « Restez calme, restez calme ! » , je leur ai répondu « Mais je suis calme, c’est vous qui me poussez Monsieur l’agent« .
J’ai trouvé que ces policiers étaient fortement stressés, certains ont avoué ne pas savoir pourquoi nous manifestions, qu’ils ne faisaient qu’obéir aux ordres (certains policiers semblaient se rendre compte du décalage énorme entre les consignes d’intervention musclée et les manifestants pacifistes qui se trouvaient en face d’eux).
Dans un premier temps, les policiers ont dit que l’on pourrait retourner à la place X. Après le commissaire X est venu crier que nous étions tous en état d’arrestation. J’ai plusieurs fois demandé à m’en aller pour retourner travailler mais les policiers s’y sont opposés. Deux policiers m’ont ensuite « escorté » et mis des colsons serrés en attachant mes poignets dans le dos et mis dans un bus. On m’a attaché les bras alors que je n’ai pas fait le moindre geste ni parole qui aurait pu laisser penser un quelconque comportement violent. J’étais juste là. Dans le bus j’ai dû attendre encore environ 45 minutes.
J’ai également pu observer un policier en civil qui courait après un manifestant, le plaquer au sol, lui mettre des colsons pour le ligoter et ensuite il a mis un brassard fluo orange indiquant qu’il était agent de police. Je n’ai pas trouvé ça normal. J’ai également vu des manifestants installés par dizaines à même le sol en attendant d’être emmenés à la caserne. Les manifestants étaient de simples citoyens, hommes, femmes, personnes âgées, travailleurs…
J’ai ensuite été conduit à la caserne d’Etterbeek. Là j’ai été placé dans une cellule avec environ 35 autres personnes (alors que sur la porte un écriteau mentionnait « max 21 personnes« ). Je serai ensuite fouillé et devrai remettre mes effets personnels.
On me demandera de signer un papier mentionnant que j’avais été arrêté à l’avenue X à 10:20.
J’ai refusé de signer car je ne me suis jamais trouvé là. L’officier de police m’a dit, « Alors vous faites partie du premier groupe?« , ils ont ensuite changé cela en 8:45 et « Rue Y« , ce qui est faux, puisque lorsque je me suis fait encercler et arrêter arbitrairement, je me trouvais Bd X.
J’ai ensuite été placé dans une autre cellule avec une vingtaine d’autres personnes et j’ai reçu comme seul repas une petite gaufre et une petite bouteille d’eau. Vers 15:30 j’ai été appelé pour récupérer mes effets personnels. J’ai ensuite été escorté par un policier dans un bus. Ce dernier m’a demandé sur le ton de cynisme « Est-ce que vous avez bien vu ce que vous aviez signé ? » et ensuite il a ricané, j’ai trouvé cela humiliant et déplacé. J’ai ensuite été relâché vers 16h sur l’Avenue C à proximité du Boulevard J.
J’aurai donc été privé de liberté pendant environ 7 longues heures parce que j’exprimais mes opinions politiques de manière calme et pacifiste avec un millier d’autres personnes. Au total plus de 300 personnes seront privées de liberté, soit un tiers de la manifestation, cela paraît absolument aberrant !
J’ai été traité comme si j’étais un dangereux délinquant violent alors que je suis un simple citoyen, un père de famille qui travaille plein temps comme ingénieur dans une entreprise bruxelloise. Je m’inquiète fortement du recul démocratique de mon pays et de la façon dont sont traitées les personnes qui osent descendre dans la rue pour exprimer leurs opinions de manière pacifiste. La démocratie est en grand danger ! »