Septembre 2020, Bruxelles
70+ ans. Écrasée contre une balustrade, bousculée, projetée, étranglée, insultée
Militante d’un certain âge, C. a pu mesurer dans sa chair les égards particuliers de forces de l’ordre pour « les personnes vulnérables » qui leur « cassent les couilles »…
« Lors d’une action en zone neutre (j’étais consciente du risque d’arrestation), débouchant sur la place Y., sous une pluie battante, nous sommes 5 femmes et un homme, qui traversons la place pour nous rapprocher (de notre but), afin d’y déployer une banderole posant la question : « Quel est votre plan ? » et criant cette question.
Arrivant près des grilles de l’entrée où devaient arriver des personnalités politiques, plusieurs dizaines de policiers courent à notre rencontre, suivis de plusieurs combis de police.
Alors qu’une confusion règne lors des arrestations de mes compagnes, je me retrouve plaquée et pliée en deux par un policier par-dessus une balustrade, qui me passe les menottes en les serrant très fort, malgré mes protestations. Alors que j’essaye de me redresser, je suis à nouveau violemment écrasée en deux sur la balustrade. J’entends que l’on me parle en néerlandais, auquel je demande – poliment – de me parler en français, étant bruxelloise. Je ne comprends donc pas ce qui se dit.
Je n’ai opposé à aucun moment, la moindre forme de rébellion ni la moindre violence (le rapport de force n’étant vraiment pas en notre faveur…)
Lorsqu’on me relève, un policier rejette en arrière mon capuchon, montrant mon âge et mes cheveux blancs.
À cela u) policier, m’identifiant sans doute, crie « Encore celle-là : mais qu’est-ce qu’elle me (ou « nous ») casse les couilles… !!!« , semblant donner l’ordre de m’embarquer.
Je suis saisie et poussée, « on » me fait tomber – ou je glisse ? – par terre toujours solidement tenue. Des mains, des bras me saisissent alors les bras, les épaules et les pieds par X policiers. Très rapidement, je n’arrive plus à respirer, mon anorak fermé jusqu’au cou étant la pluie, m’étrangle par la prise des policiers : je parviens à dire « je ne sais plus respirer« , « j’étouffe » à au moins 3 reprises, peut-être 4… d’une voix de plus en plus faible.
Les policiers alors me laissent brutalement tomber, mon visage et ma tête heurtant le sol, mais me permettant un peu de respirer – 15 secondes environ – puis ils me re-soulèvent dans la même position, m’étranglant à nouveau, je dis « Attention, je ne peux pas respirer, je ne peux pas respirer…«
Arrivés près du combi, les policiers me lâchent, je tombe sur les genoux, ils me somment alors de monter à bord. Je suis incapable de dire si j’étais à l’arrière ou sur le côté du combi (j’étais sur le côté du combi).
Je suis à genoux, sonnée par le transport « sac patate », (menottée dans le dos), et ils veulent que je monte dans ce combi… Ne parvenant pas à me relever sans pouvoir prendre appui, étant toujours menottée, ils me jettent à l’intérieur, ma tête heurtant des montants ou des séparations de box, je ne sais pas, mes yeux étant brouillés. Je reste allongée dans le combi – KO – ils me soulèvent à nouveau pour me jeter violemment sur un siège arrière où je reste pliée en deux pendant de très longues minutes à essayer de récupérer, de reprendre mon souffle, de réagir, incapable de parler ou de répondre à mes compagnes inquiètes.
Un passant, arrêté en même temps que nous, (« par erreur…« ) est mis à côté de moi, son vélo, devant nous, et enfin une compagne occupe le 3ème siège de la banquette. Le véhicule démarre à très vive allure, le passant et moi n’ayant même pas de ceinture de sécurité bouclée… et toujours menottés.
Nous avons ensuite été conduits au commissariat, où nous avons été correctement traités, si ce n’est l’impossibilité d’aller aux toilettes, qui est « reservé aux personnes en cellule » (sic).
Lorsque je suis libérée, demandant l’aide d’un compagnon ayant appelé un taxi, nous nous sommes rendus aux urgences de l’hopital Z., me sentant particulièrement mal, souffrant de violentes douleurs dans le ventre, sous les côtes et d’importantes céphalées, les poignets portant les marques de menottes vraiment beaucoup trop serrées.
(Le chauffeur inquiet, semblait effaré et soucieux de mon état, au sortir du commissariat).Alors qu’après de longues heures passées dans la salle d’attente sans pouvoir m’allonger, avant qu’un ami que j’avais pu appeler n’intervienne de l’extérieur pour exiger de me mettre dans une chambre, le médecin de l’hôpital, chargé « de prendre soin de moi« , se tenant à la porte de la chambre (période COVID), et n’a à aucun moment voulu approcher du lit pour m’examiner….
J’y suis restée jusque fort tard le soir/nuit, où, au terme d’une attente d’environ 4 heures, j’ai fait une « sortie exigée« , malgré la demande du médecin de me faire passer un scanner général, mais je me sentais vraiment trop mal.
J’ai par contre vu le lendemain, le docteur M. C., qui a dressé un constat reprenant les lésions constatées et les circonstances telles que relatées par moi.
Voilà ce que j’ai pu reconstituer et dont je me souviens…
Une semaine après, la plupart des douleurs ont disparu sauf celles au niveau du ventre, parfois encore des nausée.
J’aurais dû aller déposer plainte, je le savais, et j’étais déterminée à le faire… ayant d’ailleurs pris rapidement contact avec un avocat. Munie du certificat médical, de mon témoignage – écrit – fait à chaud dès le lendemain et des témoignages des autres personnes arrêtées, perso, j’ai été TOTALEMENT INCAPABLE de le faire, dans les jours puis les mois et les années qui ont suivi : incapable physiquement et psychologiquement, de me retrouver – seule – face à des policiers dans un commissariat.
Est-ce que politiquement, cela aurait pu servir, sachant (d’expérience) le peu de chances de voir aboutir ma plainte que ce soit devant un tribunal ou au Comité P….?
Je pense que l’accompagnement d’une personne, ami.e, connaisssance ou non, lors du dépôt de la plainte peut être une aide, un soutien, dans cette démarche pouvant être à nouveau traumatisante.
Trop de violences policières de degrés divers, passent aux oubliettes et in fine, objectivement permet à celles-ci de se poursuivre, car non signalées, voire non sanctionnées.
Si aujourd’hui, j’ai contacté OBSPOL pour leur apporter ce témoignage, pensant avoir enfin pu dépasser le traumatisme de ces violences, je le fais pour dénoncer – comme je l’avais déjà fait auprès d’une Commission néerlandophone de la région bruxelloise, en compagnie d’autres victimes de violences policières, – étant une victime pourtant « privilégiée« , c’était pour moi un devoir, de citoyenne, car trop de personnes ne peuvent se plaindre de l’attitude et des violences policières pour diverses raisons, sans parler des homicides.
C’est intolérable, il faut que cela change, que cela s’arrête.
Merci Obspol de recueillir ces témoignages et leur suivi.«
Violences physiques
X | Bousculade / projection |
Coups de pieds, coups de poings, gifles | |
Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
X | Étranglement |
X | Clés aux bras douloureuses |
Doigts retournés | |
Arrosage | |
Morsures de chien | |
Pare-chocage (percussion par un véhicule de police) | |
Plaquage ventral | |
Tirage par les cheveux | |
X | Serrage douloureux des colsons ou des menottes |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
Usage d’arme à feu | |
Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
Usage de FlashBall | |
Usage de grenade assourdissante | |
Usage de grenade de désencerclement | |
Usage de grenade lacrymogène | |
Usage de LBD40 | |
Usage de matraques | |
Usage de spray lacrymogène | |
Usage de Taser | |
Usage de tranquillisants |
Violences psychologiques
X | Accusation de trouble à l’ordre public |
Accusation de rébellion | |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Menace avec une arme de poing | |
X | Agressivité, manque de respect, insultes |
X | Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet |
Prises de photo / empreintes | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
Violences de la part de collègues policiers | |
X | Passivité des collègues policiers |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
Obstacle à la prise d’images | |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
X | Refus de soins ou de médicaments |
Mensonges, dissimulations, disparition de preuves | |
Confiscation, détérioration ou destruction d’effets personnels | |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
X | Absence de procès-verbal |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
X | Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) |
X | Complaisance des médecins |
Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | |
X | Position inconfortable prolongée |
- Témoignage ObsPol
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- Dernière mise à jour : il y a 6 mois - Publié le