24 janvier 2021, Bruxelles
Arrêtée, détenue, traumatisée
« Je me suis retrouvée dans la nasse de policiers après la manifestation à laquelle j’ai assisté, je souhaitais reprendre mon train afin de retourner sur X.; mais je n’ai jamais pu, la nasse est devenue de plus en plus étroite, j’étais clairement face aux policiers.
Certains policiers en civil circulaient dans la foule très jeune, calme, ambiance bon enfant, des jeunes qui chantent avec leur musique, des jeunes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive (beaucoup n’avaient rien à voir avec la manifestation)!
J’observe l’évacuation des journalistes mais aussi l’arrestation aléatoire de jeunes garçons par la police en civile puis je vois une flic avec des colsons, j’ai compris, nous allons être arrêtés !
La foule se réduit mais les effectifs policiers augmentent, mon tour arrive, on exige ma carte d’identité et que j’enlève mon masque pour qu’on me prenne en photo! Je demande pourquoi je suis arrêtée, on me dit « Vous participez à une manifestation interdite« , je réponds non j’ai participé à une manifestation tolérée pendant 45 minutes, ici je souhaitais reprendre mon train, le policier m’a répondu « Ah! Dommage pour vous, vous étiez là au mauvais moment » !
Ensuite j’ai été placardée contre un combi et on m’a passé les colsons ! On m’a dit « Tu vas à terre avec les autres« , j’ai refusé! ils m’ont mise à terre de force! Ensuite, avec d’autres filles nous avons été mises dans des mini cars de police et là je me rends compte que j’ai trois ados de 17 ans autour de moi, deux d’entre elles semblaient paniquées, une devait prendre son train pour Y., la seconde l’accompagnait; la troisième était à coté de moi et tout comme moi souhaitait rentrer chez elle après la manifestation. Nous démarrons, personne ne nous dit où on va; on finit par savoir que nous allons à la caserne d’Etterbeeck, un policier à côté de moi dit à sa collègue, »Petite pioche aujourd’hui, on n’a pas dû courir des masses » !
Ils ouvrent les portes, on attend, on a froid, une fille veut aller aux toilettes, on lui dit non ! Elle insiste en disant que si elle n’y va pas, elle va faire pipi sur elle et donc sur le siège! un policier lui répond, « Tu peux le faire, le siège sera nettoyé« ! Dix-quinze minutes plus tard, on entre dans la caserne, on nous met dans une cellule pouvant accueillir 17 personnes, nous étions bien 30 avec énormément de mineurs donc une de DOUZE ANS!!!
Nous avons pu garder nos affaires, les jeunes tentent de prévenir leurs parents elles-mêmes, les parents ne comprennent pas, certaines sont venues vers moi […] j’explique aux parents la situation! nous avons eu donc la chance de garder nos effets personnels, une ambiance solidaire et légère s’installe dans la cellule, on discute, on met de la musique, on décompresse et on tente de se réchauffer dans cette cellule glaciale !
Puis on entend que l’ambiance n’est pas la même partout, on entend des cris, des mecs qui se font frapper dessus, on en voit au sol se faire piétiner puis tirer comme un sac dans des cellules! Certaines filles filment, l’une d’entre elles s’est fait menacer de se le faire confisquer si elle filmait à nouveau !
Certaines filles ont pu aller aux toilettes, pas d’autres, je n’ai pas pu me retenir, je me suis fait pipi sur moi ! Vers 20h-20H15 on nous appelle par une ou deux, je sors seule, on me prend mes affaires et à nouveau on photographie ma carte d’identité et mon visage sans mon masque!
On me fouille au corps puis là je me retourne car j’entends un jeune crier de douleur, je le vois avec quatre policiers sur lui en train de le frapper, le piétiner, et lui mettre les bras dans le dos afin de lui remettre des colsons ! Le garçon criait « Pitié arrêtez, j’ai mal« . Des larmes me montent aux yeux, je regarde le policier qui avait mes affaires en mains qui dit » Ça chauffe« , je lui demande « Vous cautionnez ça ? » Il me dit non mais que c’est ainsi, on ne dénonce pas les collègues! Je reste sans voix, on me fait signer un papier sans me proposer de le lire, j’étais tellement sous le coup de l’émotion que je n’ai même pas lu le papier qu’ils m’ont fait signer!
J leur demande si on peut avoir quelque chose de chaud pour nous réchauffer, on me donne de l’eau glacée! Je rejoins une partie des filles dans une autre cellule, nous avons été séparées en deux groupes! Dans la cellule d’à côte des filles veulent aller aux toilettes, des policiers sont devant, ils nient les appels de ces filles puis un répond que les toilettes seraient bouchées et que du coup c’était non!
Ensuite nous avons été appelées une à une mise les une à côté des autre contre un mur, avons récupéré nos affaires puis avons dû former un rang et sortir avec l’interdiction de sortir nos téléphones sur le trajet! Deux filles avaient filmé ce qu’ils se passaient, les policiers ont eu accès aux contenus et ont effaces et sont allés jusqu’à vérifier si rien n’avait été publié sur les réseaux, heureusement elles ont eu le temps de tout envoyer!
Je suis sortie de là choquée, gelée, en tremblant et prête à m’effondrer, j’ai essayé de rire un max et d’échanger avec les filles en cellule mais j’ai eu peur de demander quoi que ce soit au policier, peur de leurs réponses, peur de ce qui pouvait me faire, j’ai eu plusieurs fois envies de me révolter face à ce que j’ai vu entendu mais je me sentais paralysée face à la peur qui s’est emparée de moi, peur de me prendre des coups, de ne pas sortir, ils avaient le contrôle sur nous et le savaient !
Je suis sortie vers 21.20, les garçons bien plus tard, je sais que certains sont sortis après minuit… ce jour je ne sais toujours pas pourquoi j’ai été arrêtée ni si je vais avoir une amende, je ne sais rien… »
- Témoignage ObsPol