15 octobre 2015, Porte de Hal – Bruxelles
Arrêtés puis relâchés : caméra saisie et images effacées
Nous relayons ici un commniqué de presse et un article publiés sur leur site par ZinTV :
Voici le témoignage de Thomas Michel, REPORTER pour ZIN TV et ATTAC :
« 13:30 : 70 à 90 personnes participent à une action place Meiser : Elles collectent des barrières, des grilles, des panneaux trouvés sur la route, afin de bloquer les artères principales menant au Conseil européen. Au moins 4 personnes filment.
Parcours : Place Meiser, Avenue Eugène Plasky, Avenue Léon Mahillon, Place des chasseurs Ardennais, Rue Charles Quint, Avenue de la Brabançonne, Square Ambiorix, Avenue Palmerston, Square Marie-Louise, Avenue Livingstone, Rue Joseph II, Rue Ortélius, Rue de Spa.
Des blocages approximatifs ont lieu au Square Ambiorix et dans la rue Joseph II. La police nous repousse jusqu’à la rue Ortélius, puis nous sommes encerclés rue de Spa. La répression est soudaine mais sans violence véritable. Les militants refusant d’obtempérer se font maîtriser fermement.
Environ 65 personnes se retrouvent encerclées par la police qui nous nasse à l’aide de boucliers. Nous nous signalons comme une équipe de tournage mais ça n’empêche pas notre arrestation. L’arrestation administrative est déclarée à 14h30. Nous arrêtons de filmer à ce moment là.
Puis, un par un, les policiers nous attachent les mains avec des colsons en plastique et nous placent au sol, sur le trottoir, assis les uns derrières les autres, entre des poteaux et le mur de la rue, par groupes de cinq. Nous avons attendu l’arrivée des bus une bonne heure sous la pluie. Une fois les bus sur place, hommes et femmes sont séparés, le bus des hommes étant rapidement complet, un groupe d’hommes est placé dans le bus des femmes.
Vers 16:45, nous arrivons à la caserne d’Etterbeek. On nous enlève les colsons. Les sacs sont fouillés, les identités contrôlées. Les manifestants sont répartis dans 3 cellules, placés en « privation de liberté ». A peu près tous les manifestants signent des déclarations d’arrestation administrative.
Retour à Bruxelles-Capitale en bus de police (commune de l’arrestation), arrêt Porte de Hal, vers 19:30. Cinq policiers sont avec nous, je filme au moins 4 plans dans le bus.
Nous descendons un par un, par l’avant du bus. J’étais dans les premiers à descendre et je sors aussitôt ma caméra pour filmer la descente du bus. Une dizaine de manifestants sont descendus et un policier s’avance vers moi pour saisir ma caméra. Il me demande de supprimer les images de la descente du bus, certains des visages des policiers apparaissant dans le cadre. Je finis par supprimer devant lui cette séquence. Néanmoins, une fois cette séquence supprimée, il me prend la caméra des mains, pour en vérifier le contenu. En découvrant les séquences filmées dans le bus, le policier monte dans celui-ci avec ma caméra et supprime l’ensemble de mes images.
Les manifestants protestent mais les policiers rétorquent qu’ils ont le droit de supprimer toutes les images sur lesquelles ils peuvent être identifiés, justifiant que leur mission est de niveau 3 sur 4 sur l’échelle des risques de terrorisme. Parmi les manifestants, un étudiant en droit leur explique qu’ils n’ont pas du tout le droit de supprimer mes images. Les policiers nous maintiennent à distance durant la suppression des images. Le policier me rend la caméra, toutes mes images ont disparu.
Nous rappelons qu’il est illégal d’être saisi de ses sources, c’est une violation du secret professionnel et la justification de niveau 3 sur 4 sur l’échelle des risques de terrorisme est simplement bidon. Comme le rappelle le juriste et membre de l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits de l’Homme, Matthieu Beys, dans son ouvrage ‘Quels droits face à la police’ publié chez couleur livres :
Page 314 : J’ai le droit de cacher et de refuser de communiquer “tout renseignement, enregistrement et document” qui pourrait permettre aux policiers notamment de découvrir l’identité de mes informateurs, la nature ou la provenance de mes informations, l’identité de l’auteur d’un texte ou d’une production audiovisuelle ou le contenu des informations et des documents eux-mêmes si ceux-ci permettent d’identifier un informateur. Les policiers n’ont pas le droit de me cuisiner dans le but de découvrir mes sources d’informations.
Je ne pourrai jamais être poursuivi pour avoir caché mes sources, même si j’ai des données ou documents qui ont été volés ou détournés par mes informateurs (ou d’autres personnes), ou si mes informateurs (ou d’autres personnes) ont violé leur secret professionnel.
MAIS exceptionnellement, les policiers peuvent enquêter sur mes sources si trois conditions sont réunies : 1. un juge leur a demandé ; 2. les informations demandées sont d’une importance cruciale pour empêcher des infractions constituant une menace grave pour l’intégrité d’une ou de plusieurs personnes (par exemple, un attentat terroriste menaçant des vies humaines) ; 3. les policiers ne peuvent obtenir ces informations “d’aucune autre manière”.
(…) Page 460 : “il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Il est légitime que des citoyens et journalistes filment ou photographient des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements et ce n’est en principe pas une infraction, lorsque les policiers filment une intervention, eux-mêmes ou par des caméras de surveillance, il arrive que les scènes de leurs brutalités soient malencontreusement absentes du film ou indisponibles pour des raisons techniques. Comme le dit l’autorité de contrôle de la police en France (une espèce d’équivalent du Comité P), les forces de l’ordre “doivent considérer comme normale l’attention que des citoyens ou des groupes de citoyens peuvent porter a leur mode d’action. Le fait d’être photographié ou filmé durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des règles déontologiques”.
ZIN TV est une WebTV de participation citoyenne à caractère culturel, éducatif et informatif. Nous sommes délibérément engagés socialement afin de donner à connaître les initiatives issues de la société civile. ZIN TV est également une organisation d’éducation permanente reconnue par la Fédération Wallonie Bruxelles qui offre des outils concrets, pratiques et théoriques à des citoyens impliqués dans le tissu associatif.
En détruisant le matériel filmé par ZIN TV, la police non seulement avorte violemment un film, bafouant délibérément la liberté d’expression, mais montre également son mépris envers la presse. Il faut agir et aider à renforcer le contrôle démocratique de la police par celles et ceux qu’elle est censé protéger et servir.
« Les faits se sont déroulés le 15 octobre 2015. En partenariat avec ATTAC, ZIN TV réalisait un reportage sur la manifestation paneuropéenne contre les traités de libre échange TTIP et CETA. Parmi nos reporters, Thomas Michel et Maxime Lehoux étaient en charge de couvrir l’encerclement du Conseil européen. Alors que les policiers nassent les manifestants et malgré s’être présentés aux policiers comme une équipe de tournage, ils se font embarquer et arrêter administrativement. Lorsqu’ils sont relâchés quelques heures plus tard, Thomas reprend le tournage immédiatement après être descendu du bus. C’est là, que leur caméra est saisie par un des policiers qui la transmet à son supérieur pour visionner les images. Ce dernier décide de les effacer. En saisissant cette caméra et en reformatant la carte mémoire, ces policiers policiers ont commis un acte illégal et ont détruit en quelques secondes une journée de travail.
En janvier 2017, après une plainte déposée auprès du comité P, celui-ci avait réagi affirmant qu’un policier ne peut pas supprimer ou imposer la suppression d’images à une personne qui filme l’action policière (journaliste ou non): “En ce qui concerne la saisie et la suppression des images de la caméra, l’enquête a permis de relever un dysfonctionnement tant organisationnel qu’individuel, qui a mené le chef de corps de la zone de police Bruxelles Capitale-Ixelles à diffuser à l’ensemble de son personnel une instruction générale relative à la gestion des personnes privées de liberté. Y figure notamment une fiche précisant qu’un policier ne peut pas supprimer lui-même ou imposer la suppression des images à la personne les ayant réalisées”, avait commenté le Comité P.
Le 14 novembre 2017 débute l’action en justice de ZIN TV et ATTAC Bruxelles qui se joignent pour porter plainte contre ces policiers et se constituer partie civile devant un juge d’instruction. Les inculpés étant néerlandophones, le parquet a demandé que l’affaire soit jugée par la chambre du conseil néerlandophone. Le parquet demandait un non-lieu pour l’une des policiers et un renvoi en correctionnel pour son collègue avec pour motif de s’être introduit dans un système informatique et avoir effacé les données, en l’occurrence nos images.
La décision a été rendue le vendredi 22 février 2019 et les deux policiers sont finalement renvoyés en correctionnelle pour vol d’usage et pour avoir effacé illégalement des données vidéo.
Le 17 décembre 2021 a eu lieu l’audience publique devant le tribunal correctionnel, dernière étape avant le prononcé du jugement.
C’est donc le jeudi 28 janvier 2021 que le jugement a été rendu public. La juge reconnaît que la caméra a bien été soustraite des mains de notre reporters, même si les faits se sont déroulés sans violence. Selon le tribunal, il était évident que les deux journalistes n’avaient pas consenti à ce que leur caméra soit confisquée, et l’inspecteur ainsi que l’inspecteur en chef le savaient, car les journalistes avaient clairement exprimé leur mécontentement. La juge a condamné avec des mots fermes l’acte illégal que constitue la saisie de cette caméra. Elle a rappelé qu’il n’est en général pas interdit de filmer la police en action mais surtout qu’en aucune circonstance, des policiers ne peuvent saisir une caméra ou en effacer le contenu. Le tribunal a retenu comme facteur aggravant le fait que les personnes qui ont commis ces faits soient des policiers. Il est donc prouvé pour le tribunal que la caméra a été manipulée par les policiers avec l’intention de vérifier ce qui a été filmé mais il subsiste par contre un doute pour la juge sur le fait que les images aient été endommagées ou effacées de manière intentionnelle par l’inspecteur en chef qui était également jugé pour. Compte tenu de l’absence d’antécédents judiciaires des deux policiers, du délai raisonnable qui est dépassé après 5 ans de procédure, que ces policiers aient dû subir une enquête en interne et que le fait d’être confrontés au tribunal est une peine en soi, la juge leur a accordé le bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation.
Depuis quelques années, nous assistons à une intensification et un élargissement de la répression à l’égard des mouvements sociaux. Si les violences policières ont toujours touché les quartiers populaires, les témoignages qui font état d’abus, de discriminations et de brutalités de la part des forces de l’ordre se multiplient. Il est donc plus que nécessaire de rappeler que filmer l’action policière est un droit fondamental. Or sur le terrain les policier.e.s maintiennent souvent la confusion, ou tentent de dissuader les citoyen.ne.s de filmer leurs actions. Ces intimidations mettent en danger le droit d’informer et la liberté d’expression. Par ailleurs, ces images sont essentielles pour apporter la preuve d’une infraction commise par les fonctionnaires de police et pour alerter l’opinion publique sur la réalité de la violence exercée par l’État chaque jour.
Nous invitons donc, sur base de ce jugement toute personne qui photographie ou filme les actions (ou dérives) de la police à ne pas se laisser intimider par d’éventuelles menaces injustement proférées. Il s’agit là d’un droit inaltérable et la police agit illégalement lorsqu’elle s’y oppose, saisit la caméra ou pire encore quand elle force la suppression de données sur un support tel qu’une caméra, un appareil photo, un smartphone, etc. Le fait d’être photographié ou filmé durant une intervention ne devrait pas constituer une gêne pour des agents de police n’ayant rien à se reprocher. »
Violences physiques
Coups de pieds, coups de poings, gifles | |
Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
Étranglement | |
Clés aux bras douloureuses | |
Doigts retournés | |
Arrosage | |
Morsures de chien | |
Pare-chocage (percussion par un véhicule de police) | |
Tirage par les cheveux | |
Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
Usage d’arme à feu | |
Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
Usage de FlashBall | |
Usage de grenade assourdissante | |
Usage de grenade de désencerclement | |
Usage de grenade lacrymogène | |
Usage de LBD40 | |
Usage de matraques | |
Usage de spray lacrymogène | |
Usage de Taser |
Violences psychologiques
Accusation de trouble à l’ordre public | |
Accusation de rébellion | |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Menace avec une arme de poing | |
Agressivité, manque de respect, insultes | |
Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
Violences de la part de collègues policiers | |
Passivité des collègues policiers | |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
X | Obstacle à la prise d’images |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
Refus de soins ou de médicaments | |
X | Mensonges, dissimulations, disparition de preuves |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
Absence de procès-verbal | |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | |
Position inconfortable prolongée |
- 28.01.2021 – Jugement dudu tribunal correctionnel de Bruxelles condamnant les deux policiers pour vol d’usage avec suspension du prononcé
- 17.12.2021 – Audience publique devant le tribunal correctionnel
- 22.02.2019 – Renvoi en correctionnelle dse deux policiers pour vol d’usage et pour avoir effacé illégalement des données vidéo
- 14.11.2017 – Dépôt de plainte avec constitution de partie civile par ZIN TV et ATTAC Bruxelles
- 00.00.2000 – Dépôt de plainte auprès du Comité P
- 15.10.2015 – Arrestation, saisie de la caméra et destruction des images
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- Dernière mise à jour : il y a 1 an - Publié le