Nuit du 16 au 17 janvier 2016, avenue Brugmann – Saint-Gilles
Tabassés et arrêtés : lésions importantes, notamment au visage
La nuit du 16 au 17 janvier 2016, trois jeunes Anglais participaient à une fête de travail, dans une habitation située avenue Brugmann à Saint-Gilles. Vers 02:45, les trois copains s’apprêtaient à sortir pour se rendre dans un snack à proximité, lorsqu’une patrouille de deux policiers se présente, suite à une plainte pour tapage nocturne.
Les policiers leur demandent d’aller chercher le propriétaire et l’un des trois y va, refermant la porte derrière lui, mais l’un des policiers met son pied pour bloquer la porte.
Quelques instants plus tard, deux policiers, accompagnés d’autres collègues, entrent dans le snack où se trouvent les trois Anglais, les plaquent au sol, les menottent et les emmènent au commissariat.
Les trois jeunes reçoivent des coups violents dans la voiture puis au commissariat, ayant provoqué d’importantes lésions, notamment au visage.
La version de la police
Pour se justifier, les flics ont notamment expliqué que l’un d’eux avait été intentionnellement bousculé par l’une des trois victimes quand il a voulu garder la porte ouverte.
Ils affirment aussi que les trois jeunes ont crié en rue et fait des gestes obscènes, provoquant ainsi un trouble à l’ordre public.
La version des médecins à l’hôpital
Après avoir été brutalisés au commissariat, les trois jeunes sont présentés à l’hôpital Molière pour un « vu et soigné« .
Le médecin indique aux policiers que, selon les résultats de son examen, « quelque-chose avait dû se passer au commissariat« .
Le ton monte entre le médecin et les policiers. Une infirmière entendue par le Comité P déclare que les trois jeunes paraissaient terrorisés et que deux des policiers n’avaient généralement pas un comportement correct avec les personnes qu’ils amenaient, étant provocateurs et agressifs.
La version de Elliot James Meredith
« Nous étions en train de commander à manger dans ce snack quand trois policiers y sont entrés et, sans un mot d’explication, ont collé un de mes amis à terre et lui ont frappé la tête contre le sol avant de le menotter. Ils ont ensuite menotté un autre de mes amis et les ont emmenés tous deux dans leur véhicule. Moi-même et le reste du groupe avons demandé aux policiers ce qu’il se passait et pourquoi nos amis étaient emmenés. L’un d’entre nous avait filmé l’incident et un des agents s’est emparé de son GSM puis a effacé la vidéo. Lorsque j’ai à nouveau tenté d’avoir des explications auprès des agents, j’ai été violemment arête et frappé en plein visage. Un autre policier s’est également agenouillé de tout son poids sur mon crâne. »
« Menotté, j’ai ensuite été emmené dans un véhicule de police sans que personne ne m’explique pourquoi j’étais arrêté et brutalisé de la sorte. Durant le trajet jusqu’à un commissariat de Saint-Gilles, un policier m’a frappé régulièrement dans les côtes et au visage. Au commissariat, j’ai été mis dans une cellule où cinq policiers m’ont frappé tour à tour au visage. J’ai pensé qu’ils allaient me tuer et les ai suppliés d’arrêter mais ils ont continué à me rouer de coups pendant plusieurs minutes. Ils m’ont ensuite ôté les menottes et m’ont incité à me battre avec un agent, ce que j’ai refusé.«
« J’ai ensuite été emmené à l’hôpital Molière et durant le trajet, le policier assis derrière moi m’appuyait la nuque contre la fenêtre au point de me faire suffoquer. A un autre agent, je devais répondre ‘je suis une petite fille’ quand il me demandait qui j’étais. A un moment donné, je leur ai demandé s’ils essayaient de me tuer et l’un des agents a répondu que oui. Arrivés à l’hôpital, les policiers ont radicalement changé de comportement et étaient calmes. J’ai été examiné par des médecins dont un m’a demandé si je souhaitais porter plainte mais comme j’étais toujours entouré des policiers qui m’avaient tabassé et que j’avais peur qu’ils recommencent, j’ai fais un signe de refus de la tête. Durant le trajet du retour vers le commissariat, ils ont recommencé leurs tortures.«
La version du Tribunal correctionnel de Bruxelles
Dans son jugement du 25 mai 2022, le tribunal, qui a pu exploiter des enregistrements radio de la police, relève que l’audio d’entendre des personnes « parler haut et fort » dans la rue, mais « sans hurlements, sans insultes, et sans faire d’esclandre particulier« .
« Alors que la mission de la police est de veiller au maintien de l’ordre, ils [les condamnés] ont créé le désordre en intervenant de manière inappropriée, excessive, créant des dommages plus graves que ceux qu’ils étaient censés prévenir
Les déclarations du médecin et de l’infirmière de l’hôpital en disent long sur leur comportement. […]
On ne peut ni comprendre ni accepter qu’une telle banale intervention de départ ait pu mobiliser autant de policiers, tout au long d’une nuit, à l’égard de jeunes gens qui n’avaient nullement le profil de délinquants, alors qu’on sait qu’on est en manque de policiers sur le terrain et que des faits graves de délinquance se commettent chaque nuit sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale, sans pouvoir être empêchés ou élucidés« .
Verdict :
- quatre policiers condamnés à des peines de 5 à 6 mois de prison avec sursis pour coups et blessures, traitement dégradant, arrestation illégale et détention arbitraire.
- un policier bénéficie d’une suspension du prononcé
- un policier acquitté
La version de la Cour d’appel
Verdict le 10 janvier 2024 : acquittement des 4 policiers « au bénéfice du doute »…
Violences physiques
X | Coups de pieds, coups de poings, gifles |
Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
Étranglement | |
Clés aux bras douloureuses | |
Doigts retournés | |
Arrosage | |
Morsures de chien | |
Pare-chocage (percussion par un véhicule de police) | |
Tirage par les cheveux | |
Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
Usage d’arme à feu | |
Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
Usage de FlashBall | |
Usage de grenade assourdissante | |
Usage de grenade de désencerclement | |
Usage de grenade lacrymogène | |
Usage de LBD40 | |
Usage de matraques | |
Usage de spray lacrymogène | |
Usage de Taser |
Violences psychologiques
X | Accusation de trouble à l’ordre public |
X | Accusation de rébellion |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
X | Accusation d’injure à agent |
Menace avec une arme de poing | |
X | Agressivité, manque de respect, insultes |
Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
Violences de la part de collègues policiers | |
Passivité des collègues policiers | |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
Obstacle à la prise d’images | |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
Refus de soins ou de médicaments | |
X | Mensonges, dissimulations, disparition de preuves |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
Absence de procès-verbal | |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | |
Position inconfortable prolongée |
- 13.12.2023 – Acquittement en appel au bénéfice du doute de 3 des 4 policiers condamnés en première instance, confirmation de la condamnation du quatrième
- 25.05.2022 – Condamnation par le tribunal correctionnel de Bruxelles de 5 policiers, dont l’un avec suspension du prononcé; acquittement d’un sixième policier
- 17.01.2016 – Arrestation et agression des trois Anglais; « vu et soigné » à l’hôpital Molière
- Avocat : Zouhaier Chihaoui, avocat d’Elliot James Meredith
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- Dernière mise à jour : il y a 10 mois - Publié le