25 décembre 2023, Centre fermé de Merksplas
38 ans. Retrouvé pendu dans sa cellule d’isolement : décédé
A., une personne enregistrée comme de nationalité algérienne, détenue depuis environ trois semaines et en instance d’expulsion vers l’Allemagne le lendemain a été retrouvée sans vie le jour de Noël dans une cellule d’isolement.
D’après Getting the Voice Out et le CRACPE (Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers), qui a publié un article sur le décès de cette personne :
« Vers 18:00, des détenus nous signalent l’arrivée d’ambulances avec pompiers et de la police au centre fermé de Merksplas, du côté du bloc 5 où sont situés les cachots et les cellules d’isolement pour “personnes à besoins médicaux spécifiques”. Très vite dans la soirée, la rumeur d’un décès dans le bloc 5 se propage. Celle-ci sera par la suite confirmée par la direction. […]
Un premier détenu nous a informé que la personne concernée était dans le bloc 3 et qu’elle a ensuite été mise en isolement car elle demandait des soins. “Dès que tu demandes des soins, tu es isolé dans l’aile médicale du bloc 5, ou parfois mis dans un réel cachot” nous disent des détenus. […]
Selon un autre détenu, sa demande de soins médicaux faisait suite à un tabassage par la police. Une autre source nous indique qu’il était soumis au règlement Dublin et qu’il devait pour cette raison être expulsé cette semaine vers l’Allemagne. De toute évidence, d’après ses codétenus, ce drame est “le résultat des mauvaises conditions” et des traitements inhumains qui leur sont réservés.
Une autre source nous indique que l’homme décédé était présent dans une salle commune avec d’autres détenus et qu’il aurait demandé à être ramené dans sa cellule vers 17:15. Un peu avant 18:00, il aurait été retrouvé mort par un gardien qui venait le chercher pour participer au repas de Noël.
Le lendemain, le 26 décembre vers 10:00 du matin, la direction annoncera aux détenus le décès de ce monsieur, qui se serait suicidé par pendaison avec sa ceinture. Tout au long de la journée du 26 décembre, plusieurs détenus nous rapportent leurs doutes relatifs à ce suicide. Ils nous disent connaitre la cellule et que, selon eux, il est impossible de s’y pendre : “Il y a une petite fenêtre au cachot avec des barreaux mais très hauts et hors d’atteinte”.
Les détenus demandent une enquête. Ils savent que, il y a plusieurs mois, un autre détenu est décédé en isolement médical. Et, alors que l’Office des étrangers avait qualifié ce décès de “mort naturelle”, des investigations par des journalistes mettaient en doute cette version. Une enquête est d’ailleurs toujours en cours.
Ce 26 décembre, certains de ses codétenus les plus proches ont entrepris une grève de la faim le temps d’une journée, marqués par le deuil. Mais, comme toujours lorsque des détenus font acte de résistance, qu’importe les circonstances tragiques qui les y ont menés, ils ont été menacés de répression par le personnel. Régulièrement, face à l’enfermement et aux conditions de détention auxquelles ils sont soumis, des détenus en souffrance s’infligent des comportements auto-agressifs, tels que des automutilations ou même des tentatives de suicide.
Ces personnes se trouvent enfermées, en “détention administrative” sans jugement ni date de fin, parce que “plus en règle de papiers” et qu’elles risquent une déportation vers leur pays dit “d’origine” ou d’origine supposée. Alors que souvent, ils ont construit leur vie ici et ne peuvent ou ne veulent plus retourner dans ces pays où ils n’ont parfois plus aucune attache, voire, dans certains cas, où leur vie est en danger. L’un d’eux s’interroge : “Parce qu’on est sans-papiers, ça veut dire qu’on doit mourir ici ?”.
Ce sont bel et bien ces détentions en centres fermés, dans des conditions extrêmement précaires, violentes par nature, et régies par des dynamiques répressives, qui mènent à des désespoirs et des passages à l’acte, dont celui-ci qui n’est malheureusement pas le premier.Les centres fermés ne sont rien d’autre que des prisons, dont l’objectif est de briser la résistance des individus face à l’expulsion, en leur infligeant des traitements inhumains tant psychologiquement que physiquement, et ce pendant toute la durée de leur détention, avec une violence qui peut être poussée à l’extrême au moment-même de l’expulsion.
Toutes nos pensées vont à la victime, et notre solidarité avec ses codétenus et ses proches. »
La version de la police
Dominique Ernould, porte-parole de l’Office des étrangers, affirme qu’il s’agit d’un suicide. « Les investigations sont terminées, les autorités du centre ont déjà reçu les conclusions du parquet : le suicide est confirmé« . Après la venue de la police à Merksplas, le parquet a en effet mené « une vérification et une autopsie » sur le corps, et « devrait donc classer le dossier, puisqu’il ne s’agit pas d’une mort suspecte« .
Pour se dédouanner de toute responsabilité, genre défaut de surveillance, l’Office déclare :
« La personne avait été vue par un médecin et par un psychologue quelques jours avant son acte, et même la veille. Ces entretiens s’étaient bien passés : rien d’alarmant. Aucun signe pouvant présager d’une attitude suicidaire n’avait été détecté, tant par le médecin que par le psychologue« .
La version d’une visiteuse de l’ONG Move et d’autres détenus
A. « ne faisait pas l’objet d’une observation particulière. Les autres détenus nous ont dit que c’était une personne calme, gentille, assez silencieuse, qui ne posait pas de problème de comportements« , dit la visiteuse de l’ONG Move. « Il était dépressif, ça se voyait, mais personne n’avait de soupçons.«
Selon un codétenu,
A. témoignait avoir subi des violences policières au moment de son transfert dans le centre. « Quand il est arrivé ici, il boitait et il ne pouvait pas bien marcher. Tout son corps lui faisait mal. Je l’ai vu dans cet état », insiste N.
À partir de là, A. , arrivé deux semaines auparavant, « a commencé à demander une aide médicale, mais ils ne l’ont pas pris au sérieux […] Ici c’est toujours comme ça. Moi-même je suis malade. Depuis ce matin je reste allongé dans le lit, et ça fait plusieurs jours que j’ai une forte douleur à l’œil. Mais on ne te donne que du paracétamol« .
A. aurait protesté face au médecin du centre. C’est là qu’il aurait été transféré vers le bloc 5, où se trouvent des cellules d’isolement médical.
A. est la seconde personne en migration détenue et décédée à Merksplas, après Tamazi Rasoian.
À QUAND LA FIN DES CENTRES FERMÉS ? FIN DES TRAITEMENTS INHUMAINS ET DÉGRADANTS ! NO ONE IS ILLEGAL !
Violences physiques
Coups de pieds, coups de poings, gifles | |
Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
Étranglement | |
Clés aux bras douloureuses | |
Doigts retournés | |
Arrosage | |
Morsures de chien | |
Pare-chocage (percussion par un véhicule de police) | |
Tirage par les cheveux | |
Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
Usage d’arme à feu | |
Usage de « Bean bags » (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
Usage de FlashBall | |
Usage de grenade assourdissante | |
Usage de grenade de désencerclement | |
Usage de grenade lacrymogène | |
Usage de LBD40 | |
Usage de matraques | |
Usage de spray lacrymogène | |
Usage de Taser |
Violences psychologiques
Accusation de trouble à l’ordre public | |
Accusation de rébellion | |
Accusation de coups à agent | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Menace avec une arme de poing | |
Agressivité, manque de respect, insultes | |
Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
Violences de la part de collègues policiers | |
Passivité des collègues policiers | |
Défaut ou refus d’identification des policiers | |
Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
Obstacle à la prise d’images | |
Refus de prévenir ou de téléphoner | |
Refus d’administrer un éthylotest | |
Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
Refus d’acter une plainte | |
Refus de soins ou de médicaments | |
Mensonges, dissimulations, disparition de preuves | |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
X | Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
Absence de procès-verbal | |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | |
Position inconfortable prolongée |
- 25.12.2023 – Décès de A.
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