VOS QUESTIONS

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Les éléments de réponse que vous lirez ci-dessous, tirés du manuel de Mathieu Beys Quels droits face à la police ?, vous permettront de trouver une réponse fondée sur le droit applicable en Belgique.

Toutefois, et comme souvent, il y a loin du droit à la pratique. Dans la majorité des cas, seule une consultation juridique prenant en compte tous les aspects et toutes les circonstances de votre agression, vous donnera une image précise de votre situation. Les éditeurs de ce site ne sont pas responsables des éventuelles conséquences fâcheuses subies par les personnes qui se seront inspirées de ces réponses.

Voici les différentes thématiques abordées regroupant les questions et réponses; vous trouverez dans chacun des onglets la liste des questions se rapportant à chaque thème : faîtes défiler les onglets thématiques, puis cliquez sur une des questions pour lire le contenu :

IDENTIFIER UN POLICIER

En principe, le policier est obligé de porter une plaquette nominative sur sa poche droite au niveau de la poitrine. La couleur identifie son appartenance à la police locale (bleu clair) ou fédérale (ocre). Cette plaquette contient les noms, prénoms, service et fonction du policier.

Malheureusement, la plaquette disparaît si un chef le décide en raison de « circonstances exceptionnelles« , ou s’ils sont membres d’une unité spéciale qui « par nature » doit pouvoir opérer incognito. Lors d’actions sur le terrain, il est souvent impossible de connaître le nom d’un policier.

Oui, mais uniquement s’il mène une intervention contre moi (contrôle d’identité, arrestation, etc.). Il doit alors montrer spontanément sa carte de légitimation « sauf si les circonstances ne le permettent pas ».

Sur la poche gauche doit apparaître une plaquette avec les insignes indiquant son grade, ou encore sur son képi ou sa casquette. De haut en bas : couronnes, étoiles, barrettes. Si les insignes sont dorés il s’agit d’un haut gradé, s’ils sont argentés le grade est inférieur.

Contrairement à la plaquette nominative, la plaquette de grade doit être portée en toutes circonstances. Reconnaître le grade d’un policier peut servir à l’identifier si les choses tournent mal.

LE CONTRÔLE D'IDENTITÉ

Les policiers peuvent m’obliger à donner ma carte dans les cas suivants:

  • je suis arrêté.e ;
  • les policiers me voient commettre une infraction ; par exemple, un policier me voit brûler un feu rouge, casser une vitrine, vendre des DVD piratés, vendre de la drogue, tenter de voler un scooter…
  • je souhaite entrer dans un « lieu où l’ordre public est menacé » ou participer à un « rassemblement public qui présente une menace réelle pour l’ordre public » ;
  • je suis recherché.e, j’ai troublé ou je pourrais troubler l’ordre public ou je prépare une infraction ;
  • ils en ont reçu l’ordre pour « maintenir la sécurité publique » ;
  • ils en ont reçu l’ordre pour faire respecter la loi sur les étrangers (et contrôler d’éventuels sans papiers) ;
  • je franchis une frontière extérieure de l’espace Schengen (aéroport, port, terminal Eurostar etc.).

En dehors des cas prévus par la loi, les policiers ne peuvent pas, pour un oui ou pour un non, m’obliger à leur donner ma carte d’identité.
Serait donc par exemple abusif, un contrôle parce que :

  • j’interroge calmement un policier sur les raisons d’une opération ;
  • j’observe ou filme une opération policière sans troubler l’ordre public.

Rien ne l’interdit. Je peux être contrôlé.e plusieurs fois par jour si, à chaque fois, les policiers ont de bonnes raisons de le faire. Par exemple, je vais le matin assister à un procès terroriste (1er contrôle). L’après-midi, je participe à une manifestation non autorisée dont le mot d’ordre est « fermons toutes les prisons » (2ème contrôle) pendant laquelle des vitrines sont cassées. En la quittant, des policiers me demandent ma carte parce que je ressemble à un des « casseurs » (3ème contrôle) et me laissent partir après vérification. Cela me permet d’assister au match du championnat de football considéré comme « à risque » (4ème contrôle).

Mais si les policiers d’une même patrouille, qui me connaissent bien (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) et n’ont pas de doute sur mon identité, me contrôlent plusieurs fois par jour « juste pour vérifier » ce qu’ils savent déjà, ils abusent de leur droit.

Non, un simple contrôle d’identité ne justifie pas toujours une fouille. Pour pouvoir me fouiller, les policiers doivent aussi avoir « des motifs raisonnables de croire » que je porte « une arme ou un objet dangereux pour l’ordre public ».

Oui, je ne peux pas me contenter de la montrer au policier en gardant ma carte en main. Il faut la remettre pour que le policier puisse notamment vérifier :

  • si elle n’est pas fausse ;
  • si mon nom ne se trouve pas dans le registre des personnes recherchées ;
  • si je suis bien la personne mentionnée sur le document.

La police doit me rendre mes documents immédiatement après la vérification. Si aucun doute n’existe sur mon identité ni sur l’authenticité du document, le policier ne peut pas le conserver sans nécessité ni confisquer celui-ci.

Oui, parce que le simple fait de ne pas avoir mes papiers sur moi peut entraîner une amende.

Mais je ne commets aucun délit si je refuse de répondre aux questions sur mon identité et mon origine ou que je garde le silence. En revanche, je commets une infraction si je tente de me faire passer pour quelqu’un d’autre ou si je possède ou utilise de faux documents.

Si je n’ai pas mes papiers, la police peut me retenir le temps « strictement nécessaire » à la vérification de l’identité. Les contrôleurs des transports publics peuvent me surveiller (mais pas m’enfermer ni m’attacher) 30 minutes maximum (ou 2 heures si j’ai commis une infraction « mettant gravement en danger la sécurité ») en attendant l’arrivée de la police, si je refuse de leur donner mon identité ou que j’ai donné un faux nom. Ils doivent me laisser partir tout de suite si la police n’arrive pas à temps.

Les policiers doivent d’abord faire cette vérification sur place, et ne m’emmener au poste que si c’est indispensable (notamment s’ils ont besoin d’un accès à un ordinateur pour consulter le registre national ou la BNG (banque de données nationale générale de la police), ce qu’ils font en principe systématiquement pour voir si je ne suis pas recherché.e). Je dois pouvoir repartir dès que mon identité n’est plus douteuse. S’ils veulent m’emmener au poste, j’ai intérêt à noter l’heure.

Pendant le contrôle (soit au poste, soit près de leur véhicule), je dispose toujours d’une certaine liberté de mouvements (notamment pour téléphoner). Ils ne pourront m’enfermer dans une cellule que si je refuse de rester sur place ou si c’est la seule manière d’effectuer la vérification.
Dès que je suis privé.e de ma liberté d’aller et venir, le policier doit en faire mention dans le registre des privations de liberté en indiquant l’heure du début de privation de liberté. Celle-ci ne peut durer que le temps de la vérification avec un maximum de 12 heures. S’il n’existe pas d’autres motifs d’arrestation (troubles à l’ordre public, infractions et.), je dois être relâché.e dès que mon identité est établie.

Si je suis inscrit.e au registre d’une commune (comme tous les Belges et étrangers en ordre de séjour), les policiers ne peuvent pas me garder des heures sous prétexte que je n’ai aucun document. Si je leur donne mon nom (et éventuellement ma date de naissance), ils ont un accès direct à ma photo. Si j’y ressemble encore et que je ne suis pas signalé.e comme recherché.e, ils doivent me laisser partir immédiatement puisque mon identité est établie.

J’ai donc tout intérêt à vérifier que l’heure réelle de privation de liberté figure dans les documents signés et à ne surtout pas signer aucun document sans être certain.e que je suis d’accord avec tout ce qui y est écrit. Les policiers pourraient par exemple écrire que « l’intéressé.e nous suit volontairement au commissariat pour procéder au contrôle d’identité » et me le faire signer. Il s’agit d’une ruse qui pourrait prolonger le temps de l’arrestation si l’affaire se corse. Si j’ai signé le document, il sera difficile de contester par la suite.

Mon droit à la liberté n’est pas violé par exemple si :

  • on me retient 3 heures au poste de police de l’aéroport pour vérifier mon identité après que j’ai résisté à un contrôle d’identité ;
  • je suis arrêté.e à 15h parce que je refuse par principe de donner ma carte au policier qui invoque « un contrôle de routine » et que je suis libéré.e à 17:30 après interrogatoire.

Mais mon droit à la liberté est violé si je suis sexagénaire voyageant sans ticket et que les policiers me retiennent plus de 13:30 parce que je ne veux pas dévoiler mon identité, sans faire aucune démarche pour établir mon identité.

Non, dans ce cas, la parce que l’usage de la force n’est pas nécessaire n’est pas remplie. Même à supposer que l’objectif poursuivi est légitime (par exemple un contrôle d’identité), la police ne peut utiliser la force que s’il n’y a pas d’autre moyen pour connaître mon identité. La contrainte est l’ultime recours et ne peut être employée que si d’autres moyens ont échoué ou ne sont pas envisageables pour atteindre l’objectif légitime. La police doit d’abord me demander ma carte d’identité avant d’envisager la violence. Tant qu’il est possible de régler le problème en douceur (dialogue, persuasion etc.), la force reste interdite. Si la force est utilisée en premier lieu sans envisager d’autres moyens, elle est illégale.

Exemple : en cas de dispersion de manif pour raisons légitimes, les policiers doivent d’abord demander aux personnes de quitter les lieux et leur laisser suffisamment de temps avant d’actionner les arroseuses et de charger.

Les actions suivantes sont donc abusives parce que non nécessaires :

  • m’arrêter en vue de m’empêcher de prendre part à une manif non autorisée sans m’avoir laissé l’occasion de partir librement en l’absence d’incidents ;
  • me faire un croche-pied ou un balayage pour vérifier le contenu de mon sac à dos sans me l’avoir demandé auparavant ;
  • m’asperger avec une autopompe ou des gaz lacrymogènes ou me donner des coups de matraques sans m’avoir demandé auparavant de quitter les lieux en cas de dispersion légale d’une manif.

Non. Si la police recherche une personne précise d’origine étrangère, elle peut contrôler toutes les personnes qui pourraient correspondre à la description. Mais si, au cours d’un « contrôle de routine » ou d’un barrage filtrant, les policiers contrôlent uniquement ou en grande majorité des personnes d’apparence étrangère, ou d’une certaine origine présumée, il s’agit clairement d’une discrimination interdite.

Il y a clairement discrimination si :

  • je suis arrêté.e à un barrage et empêché.e de poursuivre ma route parce que la police a reçu l’ordre de ne laisser passer personne appartenant à mon origine ethnique (présumée) ;
  • en descendant d’un train, je suis la seule personne contrôlée sur le quai parce que je suis noir.e (et le policier m’avoue avoir reçu des instructions pour contrôler les « personnes de couleur » afin de lutter contre l’immigration illégale).

Vous pouvez consulter un juriste ou avocat et envisager avec lui de porter plainte.

AGIR SUR LA VOIE PUBLIQUE

Non, « chacun a le droit d’adresser aux autorités publiques des pétitions signées par une ou plusieurs personnes« . Ceci implique évidemment le droit de proposer la signature d’une pétition au public sans agressivité. Si la police invoque un règlement qui interdirait d’aborder ou d’importuner les passants de manière générale, il faut lui rappeler gentiment que la liberté d’expression implique le débat et la diffusion d’idées dérangeantes.

Par contre, la police pourrait limiter mon action en cas de trouble concret et précis à l’ordre public, par exemple si vous gênez considérablement la circulation.

Non, car nous avons la chance de vivre dans un pays où « la presse est libre » et où « la censure ne pourra jamais être établie ». Si la police me reproche de distribuer un tract sans autorisation sur le contenu, il peut s’agir d’une pure intimidation.
Il est par exemple interdit d’exiger que j’envoie au bourgmestre un exemplaire du tract que je vais distribuer un jour à l’avance pour qu’il donne son accord.

Par contre, si un règlement communal le prévoit, la police peut par exemple exiger :

  • que je distribue le tract de la main à la main sans les jeter par paquets ;
  • m’interdire d’importuner agressivement les passants pour leur donner le tract ;
  • m’obliger à ramasser les tracts qui auraient été jetés par le public ;
  • que je ne perturbe pas la circulation en distribuant des tracts au milieu du boulevard.

Si les policiers constatent que je ne respecte pas ces obligations, je peux recevoir une amende administrative de maximum 250 euros.

À Bruxelles-Ville, il est interdit de distribuer des tracts dans certaines zones (notamment dans l’îlot sacré, au Heysel lorsqu’un événement s’y déroule ou même « à moins de 50 mètres des bureaux de chômage, établissements d’instruction, casernes et autres bâtiments militaires ») et d’accoster les passants. Ces interdictions générales nous semblent liberticides.

Non, je ne peux en principe coller des affiches qu’avec l’accord du propriétaire du support et en respectant la réglementation (notamment les prescriptions urbanistiques), ou aux endroits, rarissimes en dehors des périodes électorales, spécialement prévus pour l’affichage libre.

En dehors de ces cas, l’affichage sera considéré comme « sauvage » et, si je suis pris.e le pinceau de colle à la main, je risque une amende administrative de maximum 250 euros ou une taxe si la commune l’a prévu dans un règlement.

CONTRAINTE ET USAGE DE LA FORCE

Pour que l’usage de la force par les policiers soit légal, il faut que 4 conditions soient réunies:

  • ils doivent poursuivre un « objectif légitime »
  • « qui ne peut être atteint autrement »
  • en n’exerçant qu’une force « raisonnable et proportionnée à l’objectif poursuivi » en tenant compte des risques
  • après m’avoir averti.e (en principe)

Les 3 premières doivent l’être en toutes circonstances, la 4ème connaît des exceptions. Tant que ces conditions sont réunies, leur violence est légalement justifiée. Mais dès qu’ils agissent en dehors de ces conditions, les policiers sont dans l’illégalité et deviennent éventuellement délinquants.

Non, torturer ou infliger la torture ou un traitement inhumain ou dégradant, c’est toujours interdit (1 et 2), même lorsque la vie d’un individu se trouve en péril (3). La menace d’infliger une torture physique peut en soi constituer une torture mentale interdite.

Par exemple, il est interdit de me menacer de sévices graves (en faisant venir un policier spécialisé dans les techniques qui ne laissent pas de traces et en menaçant de m’injecter un « sérum de vérité » (4)) pour que je révèle où se trouvent des otages, pendant un interrogatoire de 10 minutes où je suis menotté.e (5).

Oui, en principe, la police doit en principe m’avertir avant d’utiliser la force. Il faut qu’elle me laisse suffisamment de temps pour réagir aux ordres pour éviter la violence, mais elle peut s’en passer « si cela rend l’action inopérante ».

On considère généralement que la police peut agir sans avertissement quand :

  • je suis un dangereux malfaiteur et qu’elle veut arrêter par surprise en défonçant les portes et cassant les vitres de mon refuge ;
  • elle intervient en urgence pour dégager des victimes d’un sinistre (incendie, inondation etc.) en retirant des obstacles.

Non, dans ce cas, la première condition n’est pas remplie. La force ne peut être utilisée que pour atteindre un objectif qui est légitime, dans le cadre des missions prévues par la loi. Si j’insulte un policier ou sa mère, je risque d’être condamné.e pour outrage. Mais si je ne suis pas violent.e ni menaçant.e, il ne pourra pas me frapper pour se venger ou pour rétablir son honneur (ou celui de sa mère), qui ne sont pas des missions prévues par la loi. En tant que professionnels formés à la maîtrise de la violence, les policiers doivent être capables de ne pas réagir violemment à des insultes. Ils doivent « être à même de se maîtriser, y compris en cas de remarque ou acte déplacé » et « ce principe est d’autant plus vrai lorsque les policiers sont en supériorité numérique ».

Si cette première condition n’est pas remplie, il ne faut même pas examiner les autres : l’usage de la force est illégal. Le policier devient délinquant : il se rend coupable d’abus de pouvoir.

Par exemple, il est interdit d’user de la force dans le but de :

  • me fouiller uniquement dans le but de m’humilier ou en dehors des cas prévus par la loi ;
  • exiger mes documents d’identité dans le cadre d’une grève du zèle pour diffuser des revendications professionnelles de la police ;
  • entrer dans mon domicile en dehors des cas prévus par la loi;
  • prendre mes documents d’identité en dehors des cas prévus par la loi ;
  • me faire mal (une intervention qui a pour but de faire souffrir est illégale et peut constituer un traitement inhumain ou dégradant, ce qui ne veut évidemment pas dire qu’il est toujours interdit de faire mal) ;
  • m’intimider ;
  • me faire parler ;
  • me neutraliser par bombe lacrymogène, coups et menottes parce que, malentendant, je m’enfuis lors d’un contrôle nocturne effectué par des policiers en civil dans un véhicule banalisé qui n’ont pas présenté leur carte de légitimation.

Le policier qui me donne une simple baffe parce que j’ai été désagréable avec lui devient délinquant.

En réalité pourtant, certaines formes d’humour pratiquées sur certains policiers peuvent coûter très cher en frais médicaux et il sera souvent difficile de prouver l’abus. En général, les insultes et l’humour douteux sont déconseillés.

Oui, si l’intervention de la police respecte la loi et que je suis violent.e, les policiers peuvent me rendre les coups que je leur donne mais uniquement s’il n’y a pas d’autre solution pour me neutraliser.

Par ailleurs, si je blesse un policier, je peux être condamné.e pour coups et blessures, sans compter l’indemnisation de ses frais.

Non. Dès que je suis maîtrisé.e, les policiers peuvent éventuellement utiliser un moyen de contrainte pour me neutraliser (menottes) mais les coups deviennent illégitimes puisque l’objectif qui les avait justifiés (la neutralisation de ma violence) a disparu.

Si les policiers continuent à me frapper à ce moment, ils deviennent délinquants (auteurs de coups et blessures).

Le policier n’a le droit d’utiliser cette technique d’immobilisation qu’en dernier recours et en prenant toutes les précautions pour éviter les dommages pour ma santé. Lorsqu’un policier me maintient allongé.e sur le ventre en appuyant sur mon dos, je respire difficilement et cela peut aboutir à « l’asphyxie posturale« .

Celle-ci peut même entraîner la mort si la situation se prolonge. Il est interdit de m’empêcher de respirer et de maintenir une pression dès que je suis maîtrisé.e et que je ne risque plus de me débattre ou de m’enfuir. En cas d’abus, le policier pourra être accusé d’homicide ou de traitement inhumain et dégradant.

En pratique, si je me débats ou remue trop dans cette situation délicate, le policier risque, par réaction, d’appuyer plus fort. Mieux vaut tenter de lui faire comprendre que je n’ai pas l’intention de bouger et qu’il peut relâcher la pression.

Les menottes sont une contrainte. Les policiers peuvent les utiliser uniquement s’ils démontrent qu’elles sont absolument nécessaires. Ceci vaut aussi pour l’utilisation d’autres liens (entraves aux jambes, aux chevilles etc.). En plus, leur usage est limité aux circonstances suivantes :

  • si je suis surveillé.e, transféré.e ou extrait.e de la prison où je suis détenu.e ;
  • si je suis arrêté.e administrativement ou judiciairement seulement si c’est « rendu nécessaire par les circonstances », notamment la gravité de l’infraction qu’on me reproche, ma dangerosité pour moi-même ou autrui, ma violence lors de l’arrestation, le risque d’évasion, de dommages ou de destruction de preuves, etc.

Le placement de menottes ne peut pas être automatique, même si en pratique, les policiers ont tendance à en abuser et qu’il sera difficile de contester. Les policiers abusent de leurs droits s’ils me passent les menottes ou d’autres liens :

  • sans nécessité en m’arrêtant sur mon lieu de travail devant mes collègues de travail et m’exposent menotté.e à mes voisins lors d’une perquisition en provoquant un sentiment d’humiliation important ;
  • si je refuse sans violence ni menace de donner ma carte d’identité ;
  • si je ne risque pas de m’évader ou de causer des dégâts parce que je suis blessé.e ou handicapé.e ;
  • si je ne suis pas détenu.e ou que les conditions légales de l’arrestation ne sont pas réunies (renvoi) ;
  • en m’attachant au mur, au sol ou au radiateur si ça me place dans une position humiliante sans nécessité pour la sécurité.

D’après la loi, le but des menottes est de m’empêcher de m’évader ou de provoquer des dégâts mais certainement pas de faire mal. Dès que les menottes font mal, elles deviennent illégales.

En pratique, je peux toujours demander aux policiers de les enlever ou de les desserrer. Parfois, ils me soulageront mais parfois aussi, ils serreront encore plus fort. Dans ce cas, je ne pourrai que faire constater les dégâts par un médecin à ma sortie et porter plainte pour traitement dégradant.

Dans l’équipement individuel de chaque policier, il y a en principe un pistolet semi-automatique, une matraque rétractable et une bombe de liquide incapacitant qui est censé ne causer « aucun dommage corporel ou matériel permanent ». A côté de cela, il peut puiser, en cas de besoin, dans l’équipement collectif (par exemple une matraque longue).

Certaines armes spéciales ne peuvent être utilisées que par ceux qui ont reçu une formation particulière et une autorisation écrite du Ministre de l’Intérieur (par exemple pistolets électriques, matraque rigide en T, grenades à lancer ou à tirer, lanceurs, fusils hypodermiques etc.). Les unités spéciales de la police disposent d’un arsenal plus élaboré.

Si les 4 conditions du recours à la force sont réunies, les policiers peuvent utiliser leur arme à feux, mais seulement dans 3 cas :

  • lorsqu’ils se trouvent en situation de légitime défense ;
  • ou lorsqu’ils se trouvent face à des personnes armées ou leur véhicule en cas de flagrant délit commis avec violence ;
  • ou pour défendre les personnes, les postes, le transport de biens dangereux ou les lieux confiés à leur protection.

Non, c’est tout à fait interdit. Ils doivent utiliser des moyens moins violents (arroseuses, gaz lacrymogènes, éventuellement matraques) en respectant les règles de l’usage de la force.

Dès que leur violence n’est plus nécessaire pour me maîtriser ou dépasse le niveau utile, les policiers sont coupables de torture, de traitement inhumain ou dégradant (selon la gravité des leur violence) et donc deviennent délinquants (12345).

Il y a torture si les policiers « ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à (leur) instigation ou avec (leur) consentement exprès ou tacite » m’infligent intentionnellement « une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales », notamment pour obtenir de moi ou d’une autre personne « des renseignements ou des aveux, de (me) punir d’un acte que (moi ou une autre) personne » aurait commis, « de (m)’intimider ou de faire pression sur (moi ou une autre) personne », ou pour « tout autre motif fondé sur une forme de discrimination quelle qu’elle soit » (6).

Les policiers sont coupables de torture par exemple s’ils :

  • me suspendent par les bras, qui sont liés dans le dos, ce qui provoque de fortes douleurs et leur paralysie temporaire (« pendaison palestinienne ») (7) ;
  • me donnent des coups en groupe sur le visage (notamment avec une batte de base-ball) pendant que d’autres me tirent par les cheveux et me frappent par derrière pendant plusieurs jours de garde à vue laissant des traces sur tout mon corps (8) ;
  • me menacent avec un chalumeau puis avec une seringue, me font courir dans un couloir le long duquel des policiers se plaçaient pour me faire trébucher, me mettent à genoux devant une jeune femme à qui ils disent « Tiens, tu vas entendre quelqu’un chanter », et qu’ensuite un policier me présente son sexe en me disant « Tiens, suce-le » avant de m’uriner dessus (9) ;
  • introduisent une matraque (ou un autre objet) dans mon sexe ou mon anus en provoquant une douleur aiguë (10). Ils seront aussi coupables de viol (11) ;
  • me bandent les yeux, m’obligent à entrer dans un pneu qu’ils font tourner et m’arrosent avec de puissants jets d’eau glacée (12) ;
  • laissent un collègue me violer (12) ;
  • arrachent mes vêtements et me laissent nu.e dans une position humiliante devant plusieurs policiers de l’autre sexe (12).

Si leur violence est moins grave, mais provoque chez moi des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité propres à m’humilier, on parle de « traitements inhumains ou dégradants » (en fonction de la gravité). Il n’y a pas de définition générale et définitive qui englobe tous les cas. Une même pratique pourra être parfois qualifiée de torture, parfois pas en fonction du contexte (caractère humiliant, âge ou fragilité de la victime, etc.). Ce sera le juge qui décidera au cas par cas.

Les policiers sont coupables de traitements inhumains ou dégradants si par exemple :

  • ils font usage de techniques dites de « désorientation » ou de « privation sensorielle » telles que le fait de m’encapuchonner, de m’exposer à un bruyant sifflement continu, de me priver de sommeil, de limiter mon alimentation et de m’obliger à rester debout contre un mur dans une station pénible durant plusieurs heures (13). Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) estime que mettre des lunettes opaques et des casques diffusant de la musique assourdissante pendant les transferts de détenus « dangereux » pour qu’ils ne puissent pas entendre les échanges radios ni voir l’itinéraire du transfert, c’est aussi un traitement inhumain et dégradant (14) ;
  • ils me donnent de nombreux coups (15) ;
  • ils me donnent un seul coup de genou aux parties génitales pendant ma garde à vue alors que j’ai moins de 18 ans (16) ;
  • j’ai un gros bleu au cou et des contusions dans tout le dos, une blessure à la tête et une commotion cérébrale (nécessitant plusieurs jours d’hospitalisation) que les policiers expliquent par mon opposition et mon ivresse lors de l’arrestation alors qu’eux, légèrement blessés, sont sortis de l’hôpital le jour même ;
  • ils me passent les menottes devant l’ensemble de mes collègues et me laissent attaché.e trois jours sans aucune nécessité (17) ;
  • j’ai des hématomes et inflammations aux mains et au genou suite à mon interpellation par la police, s’ils s’accompagnent d’insultes racistes comme « pute noire, dégage d’ici ! » (18) ;
  • un policier me tire les cheveux, me pince les bras et me frappe à la tête, provoquant 5 jours d’arrêt de travail, suite à la gifle que je lui ai donnée (19).

Oui, le policier a l’obligation de faire cesser la violence de son collègue dès que celle-ci est devenue illégale. En effet, tout policier doit contribuer « en tout temps et en toutes circonstances à la protection des citoyens et à l’assistance que ces derniers sont en droit d’attendre » (1). Si je suis frappé.e illégalement par un policier, je suis évidemment en droit d’attendre que ses collègues fassent respecter la loi et me protègent.

Dans certains cas, le policier violent sera délinquant. Dans ce cas, ses collègues doivent m’assister comme une victime d’infraction (2) et me traiter « de façon correcte et consciencieuse » (3). Dans certains cas, il y aura même un flagrant délit qui pourrait justifier l’arrestation du policier brutal sur-le-champ par ses collègues.

Si les policiers non violents restent sans rien faire, ils pourraient être poursuivis pour complicité ou pour non assistance à personne en danger (4), ou subir des poursuites disciplinaires, à condition que je dispose de preuves solides et d’un bon avocat. Dans la pratique, ils resteront souvent impunis.

Oui, il en a en principe l’obligation (1). Il doit aussi signaler tout risque d’utilisation abusive de l’arme de service par un collègue en situation particulière (dépression, problèmes familiaux etc.) (2).

Le policier n’a pas besoin d’autorisation de sa hiérarchie pour dénoncer les faits. En pratique, l’esprit de corps prend souvent le dessus. Les policiers suffisamment courageux pour dénoncer leurs collègues sont rares mais ils existent.

Si certains policiers semblent désapprouver le comportement de leurs collègues sans oser ou sans pouvoir les arrêter au moment même, je peux tenter de les recontacter discrètement par la suite pour les encourager à les dénoncer (ou demander à une association ou un avocat de le faire).

Non, je dois prouver que j’ai subi des coups (par un certificat médical le plus précis possible) lorsque j’étais en contact avec les policiers (par exemple dans une arrestation ou une manifestation ou une perquisition). Mais si j’explique de façon convaincante que les policiers m’ont frappé.e, c’est à eux (et aux autorités) de prouver que la violence était strictement nécessaire à cause de mon comportement. Si les policiers (ou les autorités) ne donnent aucune explication satisfaisante sur l’origine de mes coups, on devra en conclure que je suis victime de torture ou de traitements inhumains ou dégradants (123).

Si je porte plainte, le juges ne pourront pas croire les policiers sur parole, par exemple si :

  • j’ai un gros bleu au cou et des contusions dans tout le dos, une blessure à la tête et une commotion cérébrale (nécessitant plusieurs jours d’hospitalisation) que les policiers expliquent par mon opposition et mon ivresse lors de l’arrestation alors qu’eux, légèrement blessés, sont sortis le jour même (4) ;
  • j’ai une double fracture de la mâchoire et des contusions faciales que les policiers expliquent d’abord en disant que ma tête à heurté le pare-chocs d’une voiture, et ensuite, le garde-boue d’une voiture stationnée et le goudron du parking, alors que je n’étais pas armé.e et qu’ils étaient bien plus nombreux pour m’arrêter sans heurt (5).

En cas de décès entre les mains des policiers, ce sera aussi aux autorités de prouver que ma mort n’a pas été causée par la violence policière (6).

[Consultez notre rubrique Vos droits]

Non, il faut que l’enquête soit menée par des « personnes indépendantes des personnes impliquées » (12). Cela suppose non seulement l’absence de lien hiérarchique ou institutionnel, mais aussi une indépendance concrète (3). Il n’est donc pas question de confier l’enquête à des collègues qui ont un lien hiérarchique ou institutionnel ou qui connaissent de près ou de loin les policiers impliqués (4). Tant les policiers qui assistent à l’incident que ceux qui mènent l’enquête ont l’obligation de récolter des preuves et de ne pas bâcler les devoirs élémentaires de l’enquête.

L’État ne fait pas son devoir si par exemple lorsque des policiers ne bloquent pas l’accès aux lieux, permettant à une personne de recueillir une douille de balle et de la leur rendre, empêchant ainsi de déterminer des éléments importants, tels que la position de la victime lorsque le coup de feu fatal a été déclenché.

L’excuse consistant à invoquer la présence d’une foule rassemblée juste après l’incident n’est pas acceptable car « il incombe toujours aux agents de l’État de prendre, en cas d’incidents de ce genre, toutes les précautions nécessaires afin de garantir la collecte de preuves » et « dans le cas contraire, la police serait dispensée de son obligation de conserver en l’état, dans la mesure du possible, le lieu public d’un crime simplement en invoquant la présence éventuelle d’une foule, pourtant habituelle dans cette sorte de situation » (5)

ARRESTATION

Oui, même si ce n’est pas un délit en soi, si la police soupçonne la préparation d’un coup qui met gravement en danger la tranquillité ou la sécurité publiques.

  1. En cas de flagrant délit les policiers et même les particuliers (par exemple passants, vigiles, voisins etc.) doivent prévenir immédiatement les forces de l’ordre qui doivent avertir un magistrat du parquet qui décide de maintenir ou pas, en fonction de ce que le policiers lui déclarent.
  2. En l’absence de flagrant délit, uniquement par des policiers sur ordre du procureur du roi ou du juge d’instruction qui doit avoir des indices sérieux de culpabilité à ma charge.

Si je suis arrêté.e, j’ai intérêt à noter tous les détails et à les retenir, notamment :

  • l’heure et l’endroit exacts de mon arrestation ;
  • la description des policiers (nom sur la plaquette, grade grâce aux insignes, description du physique, signes particuliers, langue parlée ou accent etc.) ;
  • le modèle du véhicule et le numéro de plaque ;
  • l’adresse du commissariat (ou quartier) ;
  • la description de la cellule ;
  • l’heure à laquelle j’ai demandé que mes droits soient respectés (nourriture, eau, toilette, médecin, faire prévenir un proche) et les motifs de refus et description du policier ;
  • heure et circonstances de sortie.

Si j’ai été maltraité.e, l’urgence est de consulter un médecin. Avec mon récit détaillé et mon éventuel certificat médical, je peux prendre contact avec un avocat.

Je ne commets aucune infraction si je tente, sans violences ni menaces, d’échapper aux policiers qui veulent m’arrêter.

Si je suis recherché.e pour des faits graves (hold-up, prise d’otage etc.) ou que les policiers considèrent que je risque de commettre des violences graves contre des personnes, ils peuvent m’empêcher de fuir par la force.

Si je tente de m’enfuir quand la police essaie d’arrêter les participants à une action ou une manif pacifique, je ne risque en principe pas de sanction, sauf dans les communes qui infligent des amendes aux personnes qui n’obéissent pas aux injonctions de la police (maximum 250 euros). Dans ce cas, les représailles des policiers pour me punir d’avoir voulu fuir seraient abusives.

Une arrestation administrative ne peut pas durer plus que « le temps requis par les circonstances qui la justifient » avec un maximum de 12 heures. La loi ne donne pas aux policiers un chèque en blanc qui leur permet à tous les coups de me garder 12 heures.

Si je suis arrêté.e pour trouble à l’ordre public, mon arrestation ne peut pas durer plus que le temps nécessaire pour que le calme revienne sur les lieux de l’incident.

La durée de mon arrestation devient abusive si elle se prolonge sans nécessité par rapport aux circonstances qui l’ont justifiée, notamment :

  • lorsque les policiers attendent 3:00 du matin (bien après le passage du dernier métro) avant de me relâcher alors que le calme est revenu depuis 21:00 sur les lieux de la manif où j’ai été arrêté.e à 19:00 et que les risques de troubles ont disparu ;
  • si les policiers me gardent jusqu’à 23:00 après m’avoir arrêté.e à 14:00 parce que je perturbais une réunion (ministres, congrès de parti, sommet etc.) qui s’est terminée à 17:00 sans incident ;
  • si je suis sexagénaire voyageant sans ticket et que les policiers me retiennent plus de 13 heures 30 parce que je ne veux pas dévoiler mon identité, sans qu’ils ne fassent aucune démarche pour établir mon identité ;
  • si la police m’a arrêté.e à 18:15 et ne m’a relâché.e que le lendemain à 13:45 parce que le tribunal n’avait pas prévu de permanence, alors que les autorités savaient que beaucoup de personnes souhaitant participer à une manifestation interdite allaient être arrêtées.

Concrètement, si je reste donc plus de 12 heures au poste, cela signifie en principe que mon arrestation est judiciaire (et donc qu’on me reproche d’avoir commis un délit et qu’un procureur du Roi a pris la décision de prolonger la privation de liberté).

Si je suis soupçonné.e d’avoir commis des infractions, l’arrestation judiciaire peut durer au maximum 48 heures, à partir du moment où je suis privé.e de la liberté d’aller et venir. Si j’ai fait l’objet d’une arrestation administrative qui devient judiciaire, la privation de liberté peut durer au total 24 heures maximum (et non pas 36 heures).

Au-delà de ce délai de 24 heures, seul un juge d’instruction (ou un juge de la jeunesse si j’ai moins de 18 ans) peut décider de prolonger ma détention. Le juge d’instruction peut le faire de trois manières :

  • S’il souhaite m’interroger personnellement et que je ne suis pas sous la main, il peut délivrer un mandat d’amener, valable 24 heures, durée qui peut se cumuler avec les 24 heures de l’arrestation judiciaire (ce qui peut aboutir à un maximum de 48 heures avant que je puisse voir le juge).
  • En cas de « circonstances particulières », il peut prendre une seule fois une ordonnance de prolongation pour 24 heures (ce qui peut aboutir à un maximum de 48 heures avant que je ne puisse voir le juge).
  • Après m’avoir entendu.e, éventuellement avec mon avocat, il peut me décerner un mandat d’arrêt. Dans ce cas, je recevrai aussi une copie de tous mes interrogatoires depuis mon arrestation avant d’aller en prison (détention préventive), où je serai confronté.e, non plus aux policiers mais aux agents pénitentiaires (matons).

Si une de ces trois tuiles me tombe dessus, j’aurai automatiquement accès à un avocat qui pourra tenter de me faire libérer plus tard.

Attention : le fait de sortir moins de 12 heures après l’arrestation ne veut pas dire que je n’aurai pas de problème avec la justice. Une arrestation judiciaire peut évidemment durer moins de 24 heures. Les policiers ou le juge peuvent décider de me relâcher et de quand même lancer une enquête contre moi. A l’inverse, le fait de rester arrêté.e plus que 12 heures ne veut pas dire que je me retrouverai à coup sûr au tribunal, et encore moins que j’aurai un casier judiciaire. Parfois, les magistrats se rendent compte par la suite qu’ils n’ont pas assez d’éléments pour me poursuivre (d’où un classement sans suite), ou pour me renvoyer devant un tribunal (d’où un non-lieu).

Si je suis libéré.e après plus de 12 heures d’arrestation, même s’il n’y a pas urgence, il vaut mieux toujours consulter un avocat, qui pourra contrôler la suite des événements et tenter d’éviter que l’affaire ne prenne des proportions astronomiques.

Le point de départ est l’instant où je ne dispose plus « de la liberté d’aller et de venir », à la suite de l’intervention de la police. Si j’ai été arrêté.e par un particulier en situation de flagrant délit, le délai prend cours au moment où il me dénonce à la police, ce qu’il doit faire « immédiatement ». Le début de l’arrestation commence donc bien avant le placement dans le véhicule de police, l’arrivée au commissariat ou la mise en cellule.

Si j’accompagne les policiers volontairement, ou bien si je vais au commissariat suite à une convocation, la privation de liberté commence dès que je n’ai plus la permission de sortir du commissariat (même si je ne suis pas dans un local fermé à clé). Mieux vaut donc demander dès le début de l’interrogatoire si je peux quitter les lieux. Sinon, les policiers pourraient retarder le moment fatidique en prétendant que je pouvais quitter les lieux pendant les premières heures d’interrogatoire.

Exemples :

  • À 17:25, je suis arrêté.e dans une manifestation par trois policiers qui me mettent dans une camionnette à 17:27. Vers 19:00, la camionnette démarre pour arriver au commissariat de police vers 19:20. Je patiente menotté.e dans la cour du commissariat avec les autres personnes arrêtées jusqu’à 20:30 avant d’être brièvement interrogé.e et mis.e en cellule à 20:45. L’heure qui doit figurer au registre ou au PV est 17:25 (si l’arrestation n’est qu’administrative, je dois donc être libéré.e au plus tard à 05:25, et pas à 07:20 ou 08:30).
  • À 12:08, la police encercle le bâtiment où je suis caché.e et surveille toutes les issues. Les policiers fouillent l’immeuble en commençant par le bas et finissent par me prendre manu militari sur le toit à 12:20. La privation de liberté commence à 12:20 parce qu’avant, les policiers ne m’avaient pas encore physiquement mis.e la main dessus, même si mes chances de leur échapper étaient déjà quasiment nulles dès leur arrivée à 12:08.
  • À 09:50, des policiers viennent perquisitionner chez moi. A 10:35, je les suis sans menottes jusqu’au commissariat, où je suis interrogé.e à 11:00. A 17:00, ils me font signer un PV qui mentionne : « suite à mon interpellation de ce jour, j’ai pris acte que, sur décision du juge d’instruction, je suis arrêté.e depuis ce jour à 10:45 ». Si je ne peux pas prouver le contraire, les juges vont considérer que j’ai été privé.e de liberté à 10:45, et pas plus tôt (un mandat d’arrêt délivré le lendemain à 10:43 sera donc parfaitement valable).

Toute arrestation (administrative et judiciaire) doit être inscrite dans le registre des privations de liberté. Ce registre est une sorte de compte-rendu des événements entre l’arrestation et la sortie ou le transfert vers d’autres services et devrait contenir:

  • les heures de début et de fin de ma privation de liberté ;
  • les raisons de mon arrestation ;
  • la notification de mes droits ;
  • l’inventaire des objets saisis ;
  • l’identité des policiers qui m’ont fouillé.e avant qu’on me mette en cellule ;
  • les horaires des interrogatoires ;
  • les contacts éventuels avec les autorités administratives ou judiciaires ;
  • les incidents (par exemple, des coups, une crise d’épilepsie, des vomissements etc.) ;
  • les blessures visibles ;
  • le transfert vers un autre endroit.

Les policiers doivent en principe me présenter ce registre pour le signer à l’entrée et à la sortie. Je peux exiger dès le début de l’arrestation de contrôler si l’heure indiquée est correcte. En pratique, il arrive souvent que le commissariat ne tienne aucun registre ou que les policiers « oublient » de le remplir, ou ne le fassent pas correctement.

Par ailleurs, toute arrestation judiciaire doit faire l’objet d’un procès-verbal qui mentionne :

  • l’heure précise de mon arrestation ;
  • une explication détaillée des circonstances de mon arrestation ;
  • la décision prise par le parquet, et la manière dont cette décision d’arrestation m’a été expliquée ;
  • éventuellement, l’heure précise où l’on m’a expliqué la décision d’arrestation.

Je pourrai voir ce procès-verbal en consultant le dossier par la suite, tout comme mon avocat.

Il est donc CAPITAL de ne signer aucun document (procès verbal, registre etc.) sans être certain.e que l’heure mentionnée corresponde exactement au moment précis où j’ai été arrêté.e, et surtout, de ne signer aucun document en blanc ou rédigé dans une langue que je ne comprends pas.

MISE À JOUR – NOVEMBRE 2017

L’article 12 alinéa 3 de notre Constitution, tout juste révisé, plafonne à 48 heures au lieu de 24 heures précédemment, le délai maximal endéans lequel une personne peut être privée de sa liberté en dehors de l’intervention d’un juge. Toute personne peut, désormais, conformément à notre Charte fondamentale, être privée de sa liberté pendant deux jours et deux nuits sans que l’intervention d’un juge ne soit requise.

Cette modification du délai maximal d’arrestation judiciaire prescrit par notre Constitution s’accompagne d’une modification, dans le même sens, des délais inscrits dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive [L. du 31 octobre 2017 modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, la loi du 7 juin 1969 fixant le temps pendant lequel il ne peut être procédé à des perquisitions, visites domiciliaires ou arrestations, la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police et la loi du 19 décembre 2003 relative au mandat d’arrêt européen, M.B., 29 novembre 2017, p.104136 et s.].

L’allongement du délai maximal d’arrestation judiciaire à 48 heures est le résultat d’un long cheminement parlementaire. Nous nous proposons, dans un premier temps, de retracer les prémisses de la réforme. Nous commenterons, ensuite, son aboutissement en nous interrogeant sur les conséquences concrètes des modifications apportées au prescrit constitutionnel ainsi qu’au texte de la loi du 20 juillet 1990.

[Source : Christelle Macq – UCL Louvain]

Oui, la police DOIT me donner les principales raisons juridiques et concrètes justifiant mon arrestation, et la détention qui suivra éventuellement. Ceci doit se faire oralement ou par écrit mais toujours dans une langue que je comprends, au besoin à l’aide d’un interprète, et avec des mots simples et non techniques.

Me donner seulement la base légale de mon arrestation sans autres explications, ce n’est pas suffisant.

En cas d’arrestation administrative, la police doit m’informer, oralement ou par écrit et dans une langue que je comprends :

  • des raisons de mon arrestation ;
  • de la durée maximale (12 heures) ;
  • de ce qui va se passer si je suis mis.e en cellule (fouille, saisie de certains objets etc.) ;
  • de mes droits liés à l’arrestation (prévenir une personne de confiance, accès au médecin, aux sanitaires, eau et nourriture etc.) ;
  • de la possibilité d’utiliser la force si je résiste.

Les policiers peuvent se contenter de donner des explications orales une seule fois pour tout un groupe de personnes arrêtées.
La police de Bruxelles a l’habitude de présenter un feuillet (disponible dans plusieurs langues), contenant des informations générales sur les droits des personnes arrêtées. Rien ne m’oblige à signer ce document. Si ce feuillet ne contient pas les raisons concrètes de l’arrestation ou n’est pas clairement compréhensible, j’ai intérêt à ne pas signer.

En cas d’arrestation judiciaire, les policiers devront toujours me décrire brièvement les faits qu’ils me reprochent (et qui ont justifié mon arrestation) avant de m’interroger. Ils devront aussi me remettre un document m’expliquant que j’ai le droit de :

  • voir un avocat seul.e à seul.e et d’être assisté.e par lui pendant l’interrogatoire dans la plupart des cas ;
  • demander qu’une personne de confiance soit avertie de mon arrestation, sauf exceptions (voir plus loin) ;
  • obtenir l’assistance d’un médecin.

Le registre des arrestations (ou le PV) contient la confirmation que les policiers ont bien rempli leur devoir d’information. Si ce n’est pas le cas, ou si je n’ai pas tout compris sans interprète, j’ai intérêt à NE PAS SIGNER, sinon je pourrai difficilement contester. Si, plus tard, je conteste avoir reçu les informations sur mes droits, ce sera aux autorités de prouver que j’ai bien été informé.e.

Cela dépend du type d’arrestation.

En cas d’arrestation administrative, c’est NON. Les policiers n’ont en principe pas d’infraction à me reprocher. Le droit à l’avocat n’existe donc pas dans ce cas. Ils n’ont donc pas de raison de m’interroger puisqu’aucune enquête ni procès n’est prévu. Même si aucune enquête officielle n’est ouverte, les policiers pourraient essayer de m’interroger informellement (par exemple sur l’action que je viens d’organiser, mon mouvement politique, mon comité de soutien, mes contacts etc.). Cette pêche à l’information servira à étoffer leurs dossiers (et peut-être aussi ceux des services de renseignements belges ou étrangers). Il est donc vivement conseillé de refuser de répondre.

En cas d’arrestation judiciaire, c’est OUI, sauf exceptionnellement si un magistrat du parquet ou un juge d’instruction a pris une décision motivée jugeant « qu’il existe des raisons impérieuses » de me priver d’avocat.

En principe, j’ai donc le droit d’avoir une consultation confidentielle avec l’avocat de mon choix avant tout interrogatoire de la police ou d’un magistrat (du parquet ou juge d’instruction).

Les policiers doivent me demander si j’ai déjà un avocat. Si je n’ai pas choisi d’avocat ou s’il est empêché, un avocat sera choisi par la permanence organisée par l’Ordre des avocats.

Cette consultation doit avoir lieu dans les 2 heures de la prise de contact et ne peut durer que 30 minutes au maximum. Si aucun avocat n’est disponible dans ce délai, les policiers (ou le magistrat) peuvent commencer à m’interroger mais seulement après m’avoir laissé.e téléphoner confidentiellement à la permanence locale des avocats.

Si j’ai plus de 18 ans, les policiers peuvent, après ce contact téléphonique avec un avocat, essayer de me faire signer un papier dans lequel je renonce à l’assistance d’un avocat. Si je ne souhaite pas y renoncer, ou si je ne suis pas certain.e du contenu du document, il ne faut surtout rien signer.

Si l’avocat est disponible, il a le droit de m’assister pendant tous mes interrogatoires jusqu’au moment où le juge d’instruction décide de me délivrer un mandat d’arrêt ou de me libérer.

Oui et non.

OUI, parce que les policiers peuvent utiliser la force (« strictement nécessaire ») pour prendre un document d’identité que je refuse de donner, ou pour prendre une empreinte digitale ou un cheveu permettant une analyse ADN aboutissant à mon identification si les conditions de la loi sont réunies.

NON, parce que si je ne suis pas porteur d’un document d’identité, je peux être sanctionné.e mais les policiers ne peuvent pas m’obliger à donner mon nom. Mon droit au silence existe même si je refuse de donner mon identité. Les policiers ne peuvent pas me refuser certains droits (prévenir un proche, accès au médecin, à l’avocat etc.) au prétexte que je n’ai pas donné mon identité.

Oui, j’ai le droit de recevoir une quantité suffisante d’eau potable pendant toute la durée de mon arrestation et un repas « compte tenu du moment ».

Si les policiers me privent de nourriture et de boisson pendant une privation de liberté, ils pourraient devenir des délinquants coupables de traitements inhumains et dégradants.

Oui. Je bénéficie du droit d’utiliser des sanitaires adéquats. La police doit respecter la distinction entre hommes et femmes, entre enfants et adultes et entre personnes valides et moins valides.

FOUILLE

Je peux être fouillé.e par la police mais aussi par d’autres personnes à qui la loi donne ce pourvoir. Je peux par exemple être fouillé.e superficiellement par :

  • des gardiens de sécurité qui contrôlent l’accès à un lieu (dancing etc.), mais uniquement si je l’accepte ;
  • des gardiens à la sortie d’un magasin qui supposent, après observation, que j’ai pris une marchandise sans la payer, mais uniquement si je l’accepte (ils peuvent m’empêcher d’entrer si je refuse) ;
  • des stewards qui contrôlent l’accès au stade, mais uniquement si je l’accepte (ils peuvent m’empêcher d’assister au match si je refuse) ;
  • des agents de sécurité d’une société publique de transport (SNCB, STIB etc.) qui me retiennent en attendant l’arrivée de la police ;
  • des douaniers ;
  • des fonctionnaires compétents avant que je ne prenne l’avion ou pénètre sur le tarmac d’un aéroport ;
  • des agents de sécurité de l’Office des étrangers lorsque j’introduis une demande d’asile ou que je me retrouve dans un centre fermé ;
  • des gardiens à la demande de mon employeur, uniquement avec mon accord ou celui de la délégation syndicale de mon entreprise.

Mais seule la police peut utiliser la force contre moi si je refuse d’être fouillé.e (gardiens et stewards pourront me refuser l’accès au lieu).

Les policiers peuvent me fouiller superficiellement quand :

  • je suis arrêté.e [voir Arrestation ] ;
  • j’accède à un lieu où existe une menace pour l’ordre public ;
    il faut assurer la sécurité du transport international ;
  • ils contrôlent mon identité et pensent que je pourrais porter un objet dangereux.

Dans ces 4 cas, on parle de « fouille de sécurité ».

Ils peuvent me fouiller de manière plus approfondie :

  • avant de me placer en cellule au commissariat (on parle de « fouille à corps » ou de « fouille corporelle ») ;
  • lorsqu’ils me soupçonnent de détenir des objets liés à une infraction précise (on parle alors de « fouille judiciaire »).

Chaque type de fouilles répond à des situations et à des conditions différentes.

Si je refuse, les policiers peuvent utiliser la force « strictement nécessaire » pour me fouiller [voir Usage de la force].

Oui, les policiers doivent me fouiller pour voir si je n’ai pas d’objets ou de substances dangereux pour moi-même ou d’autres personnes (couteaux, drogues, lacets, ceinture, bijoux etc.) ou rien de nature à favoriser une évasion.

Cela dépend du type de fouille.

OUI, sans exception si :

  • je suis fouillé.e en voulant accéder à un lieu ou un rassemblement public où l’ordre public est menacé (sauf si la fouille se limite aux bagages) ;
  • je suis fouillé.e avant d’être placé.e en cellule au commissariat.

OUI, sauf s’il n’y a pas suffisamment de policiers de mon sexe disponibles et si les policiers pensent que j’ai sur moi des pièces à conviction ou des objets dangereux (fouille judiciaire).

Les policiers doivent faire le maximum pour trouver un policier du même sexe qui peut me fouiller. Si personne n’est disponible, ils doivent envisager d’attendre qu’un collègue du même sexe se libère ou prenne son service. Ce n’est donc que dans des cas exceptionnels qu’ils peuvent me faire fouiller par une personne d’un autre sexe.

NON, pas nécessairement si je suis fouillé.e superficiellement pendant un contrôle d’identité ou juste après mon arrestation.

Si la fouille se fait pendant que je suis arrêté.e, l’identité du policier qui a effectué la fouille devrait être mentionnée au registre des privations de libertés.

Si je suis transsexuel.le ou transgenre et que les policiers ont un doute sur mon sexe, ils devraient me demander quelles sont mes préférences et, si je refuse de répondre, se baser sur le sexe indiqué sur mes documents d’identité.

Les policiers peuvent aller plus loin que la simple palpation de mes vêtements et de mon corps, et même me demander de me déshabiller si c’est absolument nécessaire, dans trois cas :

  • avant que je sois mis.e en cellule au commissariat [voir Arrestation]; Dans ce cas, on parle de « fouille à corps » ou « corporelle » ou de « fouille avant mise en cellule » ;
  • si je suis arrêté.e parce qu’on me soupçonne d’avoir commis une infraction ;
  • s’ils me soupçonnent d’avoir sur moi des pièces à conviction ou les preuves d’un crime ou d’un délit.

Dans les cas 2 et 3, on parle de « fouille judiciaire ».

Consultez notre rubrique Vos droits.

INTRUSION DE LA POLICE

Il existe des tas de situations qui permettent aux policiers d’entrer dans un lieu privé, domicile ou autre lieu, pour des raisons très variées.

Avant de développer plus en détail les cas les plus fréquents, listons les principales situations. Les policiers peuvent notamment entrer dans le lieu où je me trouve sans mon accord :

  • sans formalité si je suis dans un lieu public ou accessible au public (centre commercial, café, resto, hall d’hôtel, gare, palais de justice etc.) ;
  • en cas de sinistre, catastrophe ou danger qui ne peut être écarté autrement que par leur intervention ou en cas d’incendie ou d’inondation ;
  • s’ils ont été appelés par une personne qui s’y trouve, par exemple mon partenaire qui se plaint de violence domestique ;
  • s’il y a flagrant délit ;
  • s’ils ont des indications que les lieux servent à la fabrication, préparation, conservation ou l’entreposage de stupéfiants ou si on en consomme en présence de jeunes de moins de 18 ans ;
  • s’ils ont un mandat de perquisition pour l’adresse du lieu ;
  • s’ils ont un mandat d’amener ou un mandat d’arrêt d’un juge d’instruction contre moi ou une personne présente dans le lieu ou domicile ;
  • s’ils sont accompagnés par un juge d’instruction même sans mandat ;
  • s’ils ont une autorisation du juge de police parce qu’ils soupçonnent que j’ai des contrefaçons (DVD, CD, fichiers copiés illégalement, programmes informatiques piratés etc.) chez moi ;
  • s’ils ont une autorisation du juge de police parce qu’ils me soupçonnent de maltraiter des animaux ou de détenir des animaux interdits ;
  • s’ils viennent saisir mes meubles ou mon logement avec un huissier de justice parce que je n’ai pas payé les dettes auxquelles j’ai été condamné.e ou que j’ai été expulsé.e de mon logement par une décision du juge de paix.

Dans certains cas, il n’est pas clair que les policiers puissent entrer chez moi sans mon accord, même s’ils essaieront probablement. C’est par exemple le cas :

  • s’ils accompagnent un bourgmestre qui constate que mon logement est insalubre ;
  • si l’agent de quartier vient faire un contrôle de mon domicile après mon arrivée dans la commune ou mon déménagement.

Si les policiers (ou d’autres fonctionnaires) entrent chez moi en dehors des cas prévus par la loi, ils violent mon domicile et deviennent délinquants.

Lorsqu’ils veulent entrer chez moi sans être sûrs que la loi les y autorise, les policiers peuvent essayer de me convaincre de signer un document pour que je renonce à la protection de mon domicile.

Les policiers peuvent entrer sans formalité et sans mon accord si je me trouve dans :

  • un lieu public ou accessible au public, aux mêmes heures et aux mêmes conditions que le public ;
  • un lieu abandonné (terrain vague, usine désaffectée, habitation abandonnée et inhabitée etc.) ;
  • un « lieu livré notoirement à la débauche » ou dans une «maison où l’on donne habituellement à jouer des jeux de hasard » ;
  • un hôtel ou d’« autres établissements de logement », à condition de respecter la protection du domicile et avec l’accord de l’hôtelier.

Non car c’est un domicile protégé si j’y réside effectivement (parce que j’y dors le plus souvent), même si je ne suis pas inscrit.e à la commune à cette adresse et même si je n’ai aucune autorisation du propriétaire.

Les policiers ne peuvent entrer librement que dans les bâtiments « abandonnés », ce qui n’est pas le cas dès que j’ai installé des affaires (par exemple un lit de camp avec des couvertures, quelques provisions et un réchaud à gaz).

Je ne commets aucun délit par le simple fait d’habiter dans un logement (jusque-là inhabité) contre la volonté du propriétaire.

Sauf cas d’urgence limités (voir plus bas), les policiers ne pourront pas entrer sans autorisation d’un juge (qui peut ordonner l’expulsion sur demande du propriétaire) ou décision du bourgmestre (qui peut faire évacuer les lieux pour des raisons de sécurité en cas d’urgence).

Si les policiers se trouvent à la porte du squat, j’ai intérêt à leur demander s’ils ont un document qui leur permet d’entrer. S’ils n’ont rien et qu’ils n’invoquent pas d’urgence, d’appel venant de l’intérieur ou de flagrant délit, je peux refuser d’ouvrir et les empêcher d’entrer.

Oui, les policiers peuvent m’obliger et sortir de mon logement, et s’il n’y a pas d’autre moyen, utiliser la force, dans les cas suivants :

  • s’il y a un danger grave de catastrophe, d’accident ou de graves menaces sur l’intégrité physique des personnes (voir ci-dessus) ;
  • s’ils accompagnent un huissier qui exécute un jugement qui ordonne mon expulsion (ou mon expropriation, ou la destruction de ma maison construite sans permis etc.) ;
  • s’ils viennent m’arrêter.

Les policiers peuvent entrer chez moi sans mon accord et fouiller pour trouver des objets liés à une infraction si on se trouve dans l’une des situations suivantes :

  • il y a flagrant délit ;
  • ils ont des indications que les lieux servent à la fabrication, préparation, conservation ou l’entreposage de stupéfiants ou si on en consomme en présence de jeunes de moins de 18 ans ;
  • ils sont accompagnés par un juge d’instruction (rare car le juge ne se déplace que pour les gros poissons, par exemples les professions libérales ou les parlementaires déchus de leur immunité) ;
  • ils ont un mandat de perquisition (ou une « ordonnance de perquisition ») signé par un juge d’instruction pour pouvoir entrer chez moi.

Les policiers peuvent me rendre visite même si on ne me reproche rien, s’ils ont de bonnes raisons de trouver chez moi des objets interdits ou utiles à leur enquête.

Non, ils ne sont pas toujours obligés de m’expliquer pourquoi ils entrent chez moi ou de me donner un document, surtout si c’est un cas d’urgence. Au moins un des policiers doit présenter sa carte quand il se présente à ma porte, « sauf si les circonstances ne le permettent pas ».

MAIS, s’ils ont un mandat d’un juge (de perquisition, d’amener, d’arrêt), ils devraient en principe me le montrer, parce que j’ai le droit d’avoir des informations suffisantes pour me « permettre d’en déceler, prévenir et dénoncer les abus ». J’ai le droit de vérifier :

  • les raisons de leur visite (par exemple une enquête pour fraude, détention de drogue ou pédophilie) ;
  • s’ils ne se sont pas trompés d’adresse ;
  • les éléments qui font penser qu’on pourrait trouver des objets intéressants chez moi (par exemple un témoin anonyme leur a dit que je cachais une caisse noire, de la drogue ou des images pédo-pornographiques) ;
  • s’ils ne dépassent pas les limites fixées par le juge.

Une perquisition viole mes droits, par exemple si les policiers viennent :

  • « rechercher et saisir tous les objets et documents relatifs à l’enquête n° 435 du juge d’instruction Brollewinkel » ou « tous les documents utiles à l’instruction » ;
  • rechercher dans un bureau d’avocat n’importe quels documents, sans limitation, révélant l’identité de l’auteur d’une lettre offensante envoyée à un juge ;
  • perquisitionner à l’archevêché de Malines alors qu’un témoin a déclaré que des documents liés à des affaires de pédophilie étaient cachés à la cathédrale de Malines (et non pas à l’archevêché) ;
  • perquisitionner 49 maisons à proximité d’une prison, dont la mienne mais sans aucune explication sur les raisons et les indices ;
  • aider mon ex et ses avocats à récupérer ses affaires chez moi en mon absence sans vérifier si un jugement le permet.

Quand les policiers sont à ma porte, j’ai toujours intérêt à leur demander poliment pourquoi ils veulent entrer et s’ils disent qu’ils ont une autorisation du juge, je peux leur demander de glisser une copie sous la porte pour la lire avant de les faire entrer. S’ils me montrent un document, je peux le lire mais je ne suis jamais obligé.e de le signer. Même s’ils me disent que c’est juste « pour information », j’ai intérêt à ne pas signer pour éviter qu’on ne pense que j’ai accepté leur visite.

En pratique, je ne recevrai pas toujours un document, sous prétexte que les policiers considèrent la situation comme urgente. Dans ce cas, je pourrai contester par la suite.

AUDITION

OUI, j’ai droit dès que les policiers veulent m’interroger sur des infractions qu’on me reproche.

La police doit contacter un avocat ou la permanence organisée par le Barreau pour demander une assistance à l’endroit où je suis arrêté.

À partir de ce moment, ils doivent attendre deux heures avant de m’interroger (sauf si je renonce à l’avocat). Si l’avocat n’arrive pas dans les deux heures, les policiers peuvent commencer à me poser leurs questions, mais doivent d’abord me laisser téléphoner sans surveillance à la permanence locale des avocats.

Si je ne suis pas privé.e de liberté, je peux tout simplement partir, de préférence après avoir demandé au policier si j’étais bien libre de mes mouvements. Sinon, je peux me borner à dire et à répéter : « Je n’ai rien à déclarer« , ou « Je fais usage de mon droit au silence » . « Je n’ai rien à déclarer » et non pas « Je ne sais rien » car cela pourrait jouer contre moi par la suite.

Les mots « Je n’ai rien à déclarer » ou « Je fais usage de mon droit au silence » doivent se retrouver tels quels sur le procès-verbal et ce, à chaque question de l’audition.

Je peux aussi tout simplement reste muet comme une carpe. Dans tous les cas, j’ai intérêt à rester très poli.e en défendant mon droit au silence, même si certains agents me provoquent. Sinon, je risque d’être inculpé.e d’outrage à agent (ou plus concrètement, de recevoir une réaction agressive sous forme de gifle, de bottin ou d’un coin de table qui viendrait subitement se rapprocher de ma tête à la vitesse du son etc.).

Oui, même si je refuse de répondre aux questions, j’ai le droit de faire des déclarations que les policiers sont obligés de noter sur le PV (mot-à-mot si je le demande).

Si je décide de faire des déclarations j’ai intérêt à me limiter aux faits en étant le plus neutre possible et le plus précis. Je peux par exemple faire des déclarations sur :

  • la manière dont j’ai été arrêté.e en décrivant précisément la chronologie et les faits de violence éventuels, exiger l’interrogatoire rapide des policiers impliqués pour éviter qu’ils ne construisent une version qui les blanchisse ;
  • les fouilles que j’ai subies et pourquoi j’estime qu’elles sont vexatoires ;
  • les objets ou valeurs que les policiers m’ont pris.e, et exiger leur restitution rapide ;
  • le non-respect de certains de mes droits (prévenir mon entourage, médecin, avocat, interprète etc.) ;
  • les insultes, menaces, intimidations et les questions des policiers que j’estime déplacées ;
  • les faits dont je suis accusé.e (en précisant que je me limite à donner ma version des faits et refuse de répondre à toute autre question).

Il se peut que les policiers essaient de me poser des questions à partir de ma déclaration pour en réalité me pousser à dire des choses que je ne souhaite pas. Si je participe à une action collective, je peux avoir intérêt à préparer une déclaration écrite que tous les participants portent sur eux et remettent aux policiers sans répondre à leurs questions.

J’ai intérêt à ne pas déclaré que je me suis débattu.e, parce que les policiers pourraient l’utiliser pour me reprocher une rébellion !

Oui, mais ce droit ne m’oblige évidemment pas à signer.

Si je décide malgré tout de signer, j’ai le droit d’exiger de lire attentivement le procès-verbal (ou de me le faire lire par un policier) et de faire corriger ou compléter mes déclarations.

Le plus souvent, les policiers refusent de corriger dans le texte même de la réponse. Ils laissent la version contestée telle quelle et ajoutent mes corrections séparément tout à la fin du document.

Non, je n’ai aucune obligation de signer le PV en tant que suspect.

Mon refus ne peut entraîner aucune sanction.

Le fait de ne pas signer n’empêchera pas qu’on puisse utiliser par la suite le contenu du PV contre moi, mais si je signe, il sera très difficile de contester le document par la suite.

RIEN. Au pire, les policiers seront désagréables avec moi ou essaieront de me faire croire que j’ai intérêt à signer, ou que je sortirai plus vite si je signe (ce qui est souvent faux).

Oui. Les policiers (ou magistrats) qui m’interrogent doivent m’informer que j’ai le droit d’obtenir une copie gratuite du texte de mon audition.

Je reçois cette copie immédiatement ou au plus tard dans le mois. Je devrai attendre ma copie maximum trois mois (renouvelable une fois) si un magistrat a pris une décision écrite en raison de « circonstances graves et exceptionnelles ». Dans le pire des cas, je devrai recevoir une copie 6 mois après mon interrogatoire.

Si j’ai moins de 18 ans, les policiers peuvent aussi refuser me donner une copie si un magistrat pense qu’il y a un risque qu’on me prenne ce PV ou qu’on le consulte sans mon accord. Je pourrai consulter le PV sans en prendre copie avec mon avocat ou un assistant de justice immédiatement ou trois mois plus tard (renouvelable une fois) si le parquet l’a décidé. Dans certains cas, mon avocat pourra avoir une copie même si je ne l’ai pas reçue.