Rien de neuf mais toujours aussi interpellant : les collègues sont aussi coupables que ceux qui posent les actes...
Bruxelles, le 7 juin 2020, manifestation en soutien à Black Life matters, mouvement étasunien qui défend simplement le fait que la vie de personnes black compte ! Le contexte de cette manifestation est connu : le meurtre de George Floyd perpétré par un policier entouré de ses collègues. Cette manifestation organisée en dépit des mesures de confinement eut plus de retentissement en raison de cette outrecuidance des organisatrices.teurs de braver les instructions officielles, que du fond de son succès. Car à Bruxelles, une manifestation, qui plus est statique, qui plus est dans un contexte fort particulier et restrictif, qui plus est imposant un masque, une manifestation donc qui réunit bien au-delà de 10.000 personnes motivées et pacifiques, méritait plus de considération que celle concédée par la presse en général.
Si tant de personnes ont ressenti le BESOIN de participer et de manifester leur soutien à la cause, ce n’est évidemment pas uniquement (bien qu’essentiel) le soutien à l’atrocité vécue par George Floyd. Non, c’est parce que cette brutalité policière les a touché.es, au fond d’elles, d’eux, soit concerné.es directement, soit indirectement dans leur vécu, dans leur respect, dans leur honneur humain.
Suite à cette manifestation des « émeutes » ont eu lieu dans un quarter de Bruxelles qui comprend d’un côté les magasins les plus chics et de l’autre Matonge – quartier commerçant et associatif africain. Voilà la situation qui donne lieu aux forces de l’ordre présentes en grand nombre, certes un peu dissimulées, dès le début de la manifestation, d’intervenir.
Certaines interventions, éloignées des émeutes, telles que l’usage de canons à eau, ont par ailleurs été vécues comme effrayante par des jeunes personnes surprises et alarmées. Inutile déploiement de force de la part des autorités.
Mounaime, 19 ans, aurait été arrêté et menotté par 5 policiers cagoulés. D’emblée la question se pose : cette manière de se cagouler a-t-elle d’autre objectif que de déclencher la panique ? De dissimuler l’identité des agresseurs ? Qui donne l’ordre d’envoyer des policiers cagoulés parmi la foule, qui ensuite semblent s’en donner à cœur joie ? Il existe une distance énorme entre le fait de procéder à une arrestation, justifiée ou non, dans les règles de l’art policier prescrit, avec correction et démunie d’usage inutile et illégitime de violence, et ce qui nous est rapporté. Le jeune aurait en réalité été tabassé et insulté dans un combi de la police à l’abri des regards ! Ce traitement violent s’il en est, l’amène à s’évanouir . Vers 23 heures (pourquoi si tard?), il a été transporté à l’hôpital où les médecins ont diagnostiqué des hémorragies internes.
Il nous est précisé qu’il conteste avoir pris part aux émeutes déclenchées après la manifestation. Nous n’émettons certainement aucun doute sur ses dires. Nous nous permettons cependant de préciser que de tels agissements de tabassage de la part de personnes policières (cagoulées) détenant un pouvoir d’autorité n’auraient pas été justifiables, même à l’encontre d’un.e émeutier-ère, et ce en aucun cas.
Son avocat Guillaume Lys indique que plainte a été déposée « La version de mon client est précise et circonstanciée » explique-t-il. « Il (la victime) est capable de reconnaître ses agresseurs. Nous espérons qu’un juge d’instruction soit saisi pour faire la lumière sur ces faits très graves de manière totalement indépendante ».
En lisant ce type de récit on ose espérer qu’une instruction et une enquête seront menées pour clarifier l’agression de manière objective, et que les collègues présents seront amenée.s à témoigner des faits. Malheureusement rien n’est moins sûr.
Sans préjuger de la suite de cette affaire révélatrice de dérives nous sommes en droit de douter du support de collègues policiers à la victime. Ainsi nous avons récemment eu confirmation à travers les déclarations d’un policier, déclarations faites lors d’une audition concernant une accusation de « bavure« d’un policier en région bruxelloise : « Si on fait une petite erreur, on essaie de camoufler, de se protéger les un les autres. Même le chef est parfois au courant. Je vous donne l’exemple où des coups sont portés à une personne durant son transfert. Lorsque le chef va constater que la personne présente des traces de coups, il ne va rien dire, par solidarité. Il va accepter que les policiers rédigent un PV pour rébellion. Ça existe dans toutes les équipes […] S’il n’y a pas d’images on dira qu’il n’a rien fait. […] ».
À l’heure où les policiers organisent des manifestations pour se plaindre du manque de considération à leur égard, soutenus par leur hiérarchie comme c’est le cas à Liège où Christian Beaupère, le chef de corps, a annoncé sa participation à l’action. « Je suis policier depuis 44 ans et je ne peux rester passif face à l’acharnement auquel la police est confrontée ces dernières semaines« , […] Je n’accepte aucune discrimination. Le fait qu’il y ait très peu de faits racistes qui nous soient imputables ne nous dispense pas d’y être attentifs« , poursuit-il, « pourtant, je n’accepterai jamais que notre métier soit ainsi vilipendé, calomnié, insulté, injurié sur la place publique. »
Dont acte.
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- La DH du 19.06.2020