L’utilisation par la police belge de pistolets à impulsion électrique, armes plus connues sous le nom de « Taser » du nom de la société américaine qui les fabrique, a été sous le feu de l’actualité récente. Dans un premier temps nous apprenions que la police belge et son chef le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) ont réussi à faire accepter l’utilisation de cette arme pour étoffer le coffre à outils policier. Poivre et bâton télescopique ne suffisent apparemment pas, voici les « Taser guns« …
Une zone de police en particulier – par ailleurs fréquemment impliquée dans des démêlés avec la justice pour le comportement de ses policiers, rappelons-nous l’inspecteur principal poursuivi par le Parquet pour coups et blessures avec des motifs racistes, – s’était portée candidate pour tester l’utilisation de ces armes. Pour nous rassurer probablement, il nous est précisé que les policiers qui utiliseraient cette arme devraient se faire taser pour comprendre le choc infligé! D’autres zones bruxelloises étaient également candidates (Anderlecht, Forest, Saint-Gilles et la zone Ouest qui couvre Molenbeek-Saint-Jean, Berchem-Ste-Agathe, Koekelberg, Jette et Ganshoren).
Décrivons brièvement le fonctionnement de ces pistolets : ils propulsent deux électrodes reliées à des filins à une distance maximale de 7,6 mètres. Les armes libèrent une décharge électrique de deux milliampères pour 50.000 Volts provoquant de la douleur et une dysfonction biomécanique.
Selon le Sergent Landry [Moniteur en emploi de la force – Service de police de Granby, Quebec – Canada] « en neutralisant le système neuromusculaire, la décharge immobilise la personne touchée et permet aux policiers d’intervenir sans risque pour procéder à son arrestation« . Il est en outre recommandé que le policier vise plus particulièrement le dos ou le bas de l’abdomen, en prenant soin d’éviter la tête, le cou, les seins, les parties génitales et la région du cœur. Il est en outre indiqué que « comme les individus ne réagissent pas tous de la même façon, toute personne recevant une décharge électrique sera transférée à l’hôpital pour un examen médical« . L’action de ce pistolet bloque le système nerveux : les muscles deviennent incapables de se contracter et de remplir leurs fonctions; la victime s’écroule alors au sol.
Dans les discours officiels on n’évoque généralement que le mode d’utilisation dans lequel la cartouche placée dans le pistolet libère deux ardillons qui vont aller se planter dans les vêtements de la personne. Il existe pourtant une seconde utilisation qui consiste en une impulsion électrique par contact : sans sa cartouche, le pistolet libère un arc électrique qui a les mêmes conséquences dès qu’il est appliqué sur la personne qui tombe alors au sol. Il faut également signaler que l’appareil possède une autre particularité rarement mentionnée : il est doté dans la partie inférieure de sa crosse, d’une caméra qui filme et enregistre tout ce qu’il se passe durant son utilisation [Jacques Prince, conseiller municipal délégué à la sécurité à Pontarlier, France].
Un instrument en état de marche dès sa mise sous tension et qui peut servir par la suite ; les images et l’enregistrement pouvant être extraits dans le cadre d’une procédure judiciaire. Actuellement le cadre légal qui manquait et avait déclenché l’opposition à leur utilisation de la part des syndicats policiers aurait finalement été défini [La loi sur la police intégrée prévoit que le Ministre de l’intérieur dispose d’une totale liberté pour doter les services de police d’un armement spécifique. La commission de l’armement policier qui a été saisie dans le cas présent n’a qu’un avis non contraignant. Le cadre légal serait respecté, selon Alain Kestermont conseiller sécurité et police (Défi)].
Nous ne pouvons que déplorer et craindre l’introduction d’un armement supplémentaire qui va augmenter la puissance de frappe des forces de l’ordre face aux citoyens. Beaucoup de voix s’élèvent contre l’utilisation du Taser, considéré comme une nouvelle porte ouverte aux abus. Au prétexte qu’il serait « non létal« , ce qui est erroné (lors de sa 39ème session de novembre 2007, le Comité de l’ONU contre la torture a estimé que l’utilisation du Taser constitue « une forme de torture » et « peut même provoquer la mort » (4) ; voir aussi le rapport d’Amnesty International de décembre 2008 (5) : le nombre de personnes mortes aux États-Unis après avoir été touchées par un Taser est de 334, chiffre établi pour la période comprise entre 2001 et août 2008. En février 2012, ce nombre a atteint les 500. Si la plupart de ces morts ont été attribuées à des facteurs autres que la décharge électrique, des médecins légistes et des coroners ont conclu que les décharges infligées au moyen d’un Taser avaient entraîné directement ou indirectement, la mort dans au moins 50 cas), les abus seront inévitables.
Plusieurs témoignages concordants nous sont déjà parvenus qui font état de l’utilisation de cette arme : « À ce moment-là il [le policier, NDLR] me réplique énervé ‘Vous êtes des terroristes sonores!’ il m’a regardé en souriant a sifflé dans son sifflet et m’a aspergé de gaz lacrymogène. J’ai vu des femmes se faire électrocuter par un Taser, se faire matraquer et gazer alors qu’elles n’avaient rien fait.«
Quelles seront les limites autorisées pour l’emploi des Tasers, définissant les futurs abus ? Les règles de la légitime défense leur seront-elles appliquées? Qu’a donc motivé la soudaine urgence de Jan Jambon ? Par ailleurs, lorsqu’on parle de « tester pendant six mois » des pistolets à impulsion électrique, qu’est-ce que cela signifie ? Les policier-ères vont-ils l’utiliser pour en tester l’efficacité, les effets, les blessures infligées, les douleurs occasionnées ? Une évaluation semble-t-il par le conseiller en prévention de la zone de police Bruxelles-Capitale Ixelles devrait encadrer le déroulement de l’expérience.
Selon la presse [DHnet, 1er avril 2017], du côté de la zone Bruxelles-Ouest, deux Tasers seront achetés et l’utilisation sera également faite par la brigade anti-banditisme. Seuls les chefs d’équipe pourront les utiliser après avoir suivi la formation. « Le nombre de personne sera limité et il n’est pas question d’équiper toute la brigade de ce nouvel outil« , explique Johan De Becker, le chef de corps (notons au passage qu’aux yeux d’un chef de corps, une arme n’est autre qu’un « outil« !). Espérons que, s’ils ne sont pas interdits, l’utilisation de ces « outils » sera soumise aux mêmes règles strictes que les armes à feu et fera l’objet d’un contrôle rigoureux !