Deux ans et demi après la mort d’Ilyes Abeddou dans la garde zonale de la police de Bruxelles-Capitale/Ixelles, l’affaire devrait en principe être fixée devant la chambre du conseil. Alors que l’instruction est terminée depuis plus d’un an, la Ligue des droits humains constate l’inaction du parquet dans ce dossier et dénonce les manquements de l’enquête : les recommandations du Comité P n’ont pas été suivies, les policier·ères présent·es la nuit de la mort d’Ilyes n’ont pas été pas entendu·es. Depuis la mort d’Ilyes, deux autres personnes ont perdu la vie dans ce commissariat. La Ligue rappelle l’obligation de mener des enquêtes effectives, lorsqu’une personne meurt au contact de la police.
Communiqué de presse de la LDH :
Ilyes Abeddou a perdu la vie le 19 janvier 2021 dans une cellule de la garde zonale de la police Bruxelles-Capitale/Ixelles. Ce trentenaire algérien, sans-papier, avait été arrêté la veille dans un centre commercial bruxellois. La Ligue des droits humains regrette que l’instruction de cette affaire ait été clôturée en mars 2022, alors qu’aucun·e des des intervenant·es dans ce dossier n’a été entendu·e.
Des questions en suspens
Pourtant, des questions importantes persistent : pour quelles raisons Ilyes Abeddou n’a-t-il pas été libéré peu après 1 heure du matin alors que l’Office des étrangers avait notifié qu’il pouvait l’être. L’autopsie révélera qu’Ilyes est mort entre 5 et 9 heures du matin.
Le Comité P, saisi de l’affaire, avait recommandé l’audition des policier·ères de garde cette nuit-là. Pour quelles raisons la juge d’instruction n’a-t-elle ensuite pas jugé utile de procéder à ces auditions pourtant indispensables ? La Ligue des droits humains, au travers de ses avocates, en avait également fait la demande mais celle-ci a été rejetée par la juge. Ces devoirs complémentaires sont essentiels pour comprendre ce qu’il s’est passé la nuit du 19 janvier 2021, la Ligue demande fermement qu’ils soient réalisés.
Plus d’un an après avoir clôturé l’instruction, le dossier n’a toujours pas été fixé devant la chambre du conseil.
Obligation d’une enquête effective
La Ligue des droits humains et l’association DoucheFLUX avaient décidé de se porter parties civiles dans le cadre du décès d’Ilyes Abeddou en juin 2021. Très vite, le parquet de Bruxelles communiquera que les premiers constats de l’autopsie ne révélaient « ni trace de violences, ni intervention de tiers ».
Les circonstances de la mort d’Ilyes restaient pourtant très floues. Les deux associations demandaient qu’une enquête sérieuse et impartiale soit menée dans ce dossier pour faire la lumière sur les circonstances de la mort d’Ilyes. Cette enquête effective est en réalité une obligation de la Cour européenne des droits de l’homme quand une personne perd la vie, au contact avec les forces de police.
Trois décès en deux ans
Depuis la mort d’Ilyes Abeddou, on dénombre deux autres décès dans des cellules de la garde zonale de la police Bruxelles-Capitale/Ixelles. Mohamed Amine Berkane, jeune homme sans-papier, également de nationalité algérienne, y est décédé en décembre 2021. On se souvient également, en janvier 2023, de la mort de Sourour Abouda, dossier que le parquet a refusé de mettre à l’instruction. Une décision que condamnait la Ligue des droits humains il y a quelques mois, car elle avait notamment pour conséquence de faire peser sur la famille de Sourour Abouda la responsabilité de se constituer partie civile.
La Ligue des droits humains dénonce le mauvais signal que sont les manquements dans l’enquête sur la mort d’Ilyes Abeddou et elle regrette que la justice ne mette pas les moyens pour répondre aux questions restées en suspens dans ces différentes affaires. La Ligue des droits humains réitère sa demande que des devoirs complémentaires soient réalisés, sans quoi la vérité ne pourra se manifester.