7 heures du matin
Sur le square de l’Aviation, à Anderlecht, au moins 250 personnes sont déjà réunies devant un grand immeuble vide occupé par le collectif de sans-papiers Zone Neutre. En une phrase : c’était le siège du syndicat libéral CGSLB, ça a été racheté par des investisseurs néerlandais qui projettent d’y ouvrir un hôtel et, entretemps, 70 personnes squattent les anciens bureaux. Zone Neutre a indiqué aux Hollandais et au bourgmestre anderlechtois Fabrice Cumps qu’il était prêt à migrer à quelques kilomètres de là, où l’attend une « convention d’occupation temporaire » avec un propriétaire peu pressé de réaffecter les lieux et soucieux d’éviter le paiement de la taxe sur les immeubles inoccupés. Il faut juste quelques semaines de patience. Mais d’un coup, les investisseurs n’ont plus le temps. Ils exigent l’expulsion. Un huissier de justice est attendu à 9 heures pour faire exécuter le jugement d’expulsion obtenu en mai dernier. Près de la gare du Midi, une bonne dizaine de fourgons de police sont près à l’action. Comme Nationale 4 l’a annoncé hier, ils auraient reçu l’ordre d’y aller. Sur le square, Fatiha cherche à se rassurer : « Ils ne vont pas oser, ça va aller. » Autour d’elle, les gens sont calmes. Pour l’essentiel, il s’agit d’habitant.es sensibles au droit au logement. Un vieil homme s’appuie sur une canne. La moyenne d’âge doit tourner autour des 30, 35 ans maximum. Plusieurs groupements ou associations sont représentées. Ce vendredi, c’est la journée mondiale de lutte contre la pauvreté.
9 heures
D’un étage de l’ancien siège syndical, un porte-voix annonce que les ultimes négociations avec les autorités communales et la zone de police « Midi » sont en train d’échouer. À l’une des extrémités de la place, deux négociateurs choisis par Zone Neutre et le Front Anti-Expulsions discutent posément avec un officier de police. Il est question de répéter ce qui s’est produit le 27 août dernier quand le bourgmestre socialiste Fabrice Cumps avait invoqué le risque de troubles à l’ordre public pour stopper les policiers (des tensions qui auraient bloqué l’une des artères voisines, importante pour l’accès au haut de la ville et à la gare en pleine heure de pointe). La mobilisation citoyenne était déjà dense. Cette fois, il y a davantage de monde encore ; les policiers sont beaucoup plus nombreux également. Au final, c’est niet. Pas d’attitude conciliante des autorités. Il est 10 heures et quelques. Les chants d’appel à la solidarité se renforcent. Devant l’une des entrées du bâtiment, il y a un château gonflable. Tout un symbole. La coopérative Recyclart en fait profiter depuis plusieurs mois les communes proches du canal. De l’art ludique qui permet un rapprochement entre les divers groupes de population.
10:24
Des véhicules anti-émeutes remontent l’artère évoquée ci-dessus, bouclée depuis une trentaine de minutes. À deux cents mètres du square de l’Aviation, un « ultime appel » étonnant exige de dégager l’espace. Pas d’autre avertissement avant ça. Tout va alors très vite. Des policiers courent la matraque au poing et équipés de gaz lacrymogène. Les pompes à eau sont déjà là. En moins d’une ou deux minutes, les coups pleuvent. Un policier déchire le château gonflable avec un couteau. Plusieurs opposants pacifiques à l’expulsion sont frappés à plusieurs reprises. Parmi elles et eux, il y a l’un des négociateurs qui parlementait trente minutes plus tôt avec l’officier désigné pour éviter une escalade. Des vidéos réunies par Nationale 4 montrent cet enchaînement rapide de violences policières. Sur l’une d’elle, filmée de l’intérieur du bâtiment, on voit un policier qui disjoncte dès les premiers assauts. Après plusieurs longues secondes, un collègue le retient. Ce qui rappelle une vidéo diffusée en décembre 2023 chez Blast : un « boxeur » déchaîné dans un commissariat de la zone Midi, qui frappe avec une violence invraisemblable des personnes d’origine étrangère en détention provisoire.
- Nationale 4
- Témoignages ObsPol
TÉMOIGNAGES REÇUS
Expulsion de Zone Neutre, 17 octobre 2025
N. “J’ai pleuré, choqué, à plusieurs moments de la journée qui a suivi”
“Vendredi 17 au matin, nous avons subi un déchaînement de violences de la part de la police à notre encontre, nous qui étions venu soutenir et essayer d’empêcher que des dizaines de personnes sans-papiers, précaires, dont des enfants, soient mises à la rue. L’ambiance était d’abord conviviale, la résistance que nous apportions était pacifique, elle consistait a nous placer devant le bâtiment pour l’entourer et empêcher son expulsion, elle consistait aussi à montrer notre solidarité à des personnes risquant la rue, alors même que l’hiver commence à se faire sentir. Vers 08:00 du matin, un petit groupe de policiers est venu nous dire de partir, nous avons refusé, ils ont donc commencé une expulsion violente.
Plus d’une centaines de policiers équipés en équipement antiémeute ont commencé a former une ligne compacte, pendant que des brigades canines et d’autres policiers lourdement équipés tenaient en respect les personnes qui passaient et qui filmaient ce qui allait bientôt devenir un tabassage.
Implacables, les policiers se sont avancés, boucliers et matraque levés, nous pressant contre le mur situé derrière nous, puis ont chargé en tapant tout ce qui dépassait, nous étions derrière une bâche en vinyle en tentant de l’utiliser pour nous prémunir de certains coups, nos doigts qui dépassaient de cette bâche étaient visés systématiquement par le policiers. À ma gauche, un camarade commence à saigner abondamment : son crâne était ouvert, une entaille de plusieurs centimètres résultant d’un coup de matraque.
Pendant que les policiers nous pressaient avec le bouclier tenu bien haut, ils envoyaient des coups de matraque dans les tibias, dans les genoux, et dans les parties intimes. Pendant qu’ils nous pressaient, entre deux salves de coups, un policier qui ne faisait pas partie de la première ligne est venu, et depuis derrière ses collègues, nous a souri et a même commencé a ricaner, nous l’avons interpellé, en lui demandant si ça le faisait rire de nous voir nous faire tabasser et de mettre des familles a la rue, et il nous a répondu, provocateur, que oui, et que c’était mérité.
Pendant la cohue, qui pour rappel, est causée par la charge des policiers, nous recevions des coups de lacrymogène au niveau du visage, sauf que pressés comme nous étions il n’y avait pas moyen de se cacher le visage ni de se baisser, et les policiers n’avaient au début pas l’intention de laisser sortir des gens de la foule. Plus les policiers poussaient plus nous étions compressés contre le mur et entre nous, plus il était difficile de partir de la cohue aussi.
À un moment, en tentant de protéger ma tête je me suis recroquevillé avec les bras autour de la tête et du coup deux policiers m’ont ciblé, en m’envoyant des coups de matraques dans le dos, et sur les bras qui protégeaient ma nuque. La médecin qui m’a ausculté aux urgence a signalé quatre marques dans mon dos « en ligne de tram », ce qui signifie qu’on voit les contours du bâton former deux lignes parallèles dans mon dos. Mon poignet droit a aussi été atteint assez lourdement, il a très rapidement gonflé à tel point que la douleur irradiait dans tout mon bras et je ne pouvais plus bouger la main. J’ai eu des contusions aussi à l’épaule gauche, mon poignet gauche et mon index gauche.
Peu après, une autopompe est arrivée devant nous et s’est positionnée à seulement 3-4 mètres et nous a aspergé d’eau avec des jets à grosse pression alors que nous étions toujours coincés contre le mur. Je me suis fait tirer par un policier hors du groupe alors que j’essayais de relever un camarade au sol qui allait se faire piétiner. À cause de l’eau qui rendait le sol glissant, je suis tombé au sol au moment ou les policiers m’ont tiré et, alors que je me relevais pour partir, un des policiers m’a envoyé un coup de pied dans le dos en me criant « Dégage !».
Par après j’ai pu assister de loin à la suite du tabassage alors que plus en plus de personnes se faisaient tirer du groupe. Plusieurs personnes se sont faites traîner au sol par des policiers qui les tenaient par le col, d’autres sortaient de là en ayant des difficultés respiratoires à cause des lacrymogènes et des violences subies. Nous avons assisté à des policiers qui on traîné une personne inconsciente au sol et qui n’ont pas vérifié son état ou même s’il était en vie pendant de longues minutes, pendant qu’un des chiens policiers tenu par un policier de la brigade canine lui marchait dessus et nous empêchait d’aller lui porter secours.
Encore après, nous avons interpellé les policiers car ils ne portaient pas de matricule ni aucun moyen d’identification. C’est alors qu’un policier m’a intimidé en me défiant de venir lui parler de près, et me regardait avec un sourire en me disant que si j’étais un homme je viendrais me battre avec lui, en parlant de mes camarades qui se tenaient entre lui et moi comme des “gonzesses” derrière lesquelles je me planquais.
J’ai pleuré, choqué, à plusieurs moments de la journée qui a suivi, et trois jours plus tard mon poignet droit est encore gonflé et mon dos est encore raide des coups que j’ai subis. La médecin qui m’a vu a l’hôpital m’a mis une indisponibilité au travail du 17 octobre au 21 octobre et a bien constaté que mon récit des évènements coïncidait avec les blessures que j’avais.”
V_e2025.10.20.13.06.24
Expulsion de Zone Neutre, 17 octobre 2025
A. “L’un d’eux frappait à répétition le dos et les fesses d’une personne qui était attachée à la porte et incapable de s’extraire”
“Square de l’aviation, à Bruxelles, vendredi 17/10/25. Nous nous tenions devant l’occupation “zone neutre”, dans laquelle vivaient 70 personnes dont 15 enfants, que la police menaçait d’expulsion alors qu’une solution pour les loger avait été trouvée par la commune et qu’iels demandaient simplement un délai avant de pouvoir y avoir accès.
Vers 10h du matin, la police a chargé. Je me tenais pacifiquement dans la foule, je tenais les bras de mes camarades. La police nous a gazé à bout portant, à répétition, jusqu’à ce que je pense vomir et que je ne puisse plus ouvrir les yeux ni respirer. Elle a dirigé le canon à eau sur nous, à seulement quelques mètres de distance. J’entendais les camarades hurler, je voyais les policier matraquer celles et ceux à ma gauche. L’un d’eux frappait à répétition le dos et les fesses d’une personne qui était attachée à la porte et incapable de s’extraire. On lui hurlait qu’il était attaché mais cela ne cessait pas. J’ai vu le bras d’un policier passer entre nos visages pour nous gazer au plus proche, j’ai fermé les yeux et j’ai senti un coup de matraque sur ma cuisse. La police nous poussait violemment, tentait de nous arracher les uns aux autres et matraquait tout en usant de gaz lacrymogène en continu.”
Expulsion de Zone Neutre, 17 octobre 2025
P. : “J’ai été visé directement au visage par un jet de pepperspray alors que j’étais immobile et tournais le dos aux policiers.”
“Je peux témoigner du recours injustifié et non provoqué à la violence, de la part de la police, dès la première minute de l’intervention. La police a directement encerclé les manifestants. J’ai vu des policiers anti-émeute rouer de coups de matraques les manifestants groupés devant le bâtiment, notamment en les frappant au visage, alors qu’ils ne pouvaient pas fuir ni s’esquiver. Certains de ces soutiens tenaient une banderole, les policiers ont tapé à l’aveugle à la matraque par-dessus la banderole, au niveau des visages. Des manifestants ont été extraits du groupe par la police, jetés à terre et frappés à terre bien que maîtrisés, à l’aide de matraques et des pieds.
Quasiment tous les manifestants ont été ciblé à courte distance, parfois à quelques dizaines de centimètres, souvent directement au visage, par des jets de spray lacrymogène.
J’ai personnellement été touché directement au visage par un jet de pepper spray alors que j’étais immobile et tournais le dos aux policiers.”
Expulsion de Zone Neutre, 17 octobre 2025
B. : “Ce qui m’a le plus marqué, c’est le regard de certains policiers : ils étaient face à nous, soutenaient le regard, et celui-ci était plein de haine et de violence”
“J’étais à un rassemblement pacifique en soutien au collectif Zone Neutre, qui occupait un bâtiment inoccupé Square de l’Aviation, à Anderlecht. Nous étions entre 200 et 300 manifestants pour soutenir les occupants et essayer d’empêcher l’expulsion. Nous avons formé une « chaîne humaine » (en nous tenant par les bras) autour du bâtiment.
La police est arrivée vers 10:30, en nombre : deux autopompes, plus de cinquante policiers anti-émeute. Les policiers se sont directement approchés de nous. Il y avait une grande banderole entre la police et les manifestants. Les policiers ont commencé à nous pousser (alors que, derrière nous, il y avait le mur de l’immeuble), à nous frapper avec des matraques (principalement en visant la tête), et à utiliser le pepper-spray (plusieurs fois à moins de 15 cm des visages). L’autopompe a été utilisée au moins deux fois.
Environ dix minutes plus tard, la banderole a été arrachée et les policiers se sont retrouvés face à nous ; j’étais à moins de 20 cm d’eux, uniquement séparé par le bouclier. Ils ont continué à nous pousser et à nous demander de reculer alors qu’il y avait toujours l’immeuble derrière nous.
Encore une fois : usage du pepper-spray (certains policiers toussaient à cause de celui-ci), insultes, intimidation et pluie de coups de matraque. Alors qu’on était serrés et poussés, et que j’étais dos au cordon de policiers, j’ai été frappé violemment deux fois sur le crâne (plus un troisième coup « raté » sur l’épaule).
J’ai commencé à saigner du crâne. Je l’ai signalé aux policiers, mais aucune réaction, si ce n’est de continuer à me pousser. Ensuite, j’ai été agrippé par le bras par un policier, qui m’a sorti du groupe de manifestants. Je suis tombé au sol, derrière le premier cordon de policiers. J’ai essayé de me relever, mais un policier m’a repoussé au sol en me criant de « dégager ».Finalement, un policier (qui n’était pas en tenue anti-émeute) m’a relevé et emmené plus loin, derrière le deuxième cordon de policiers. Il m’a emmené en me tenant fermement par le bras, en me poussant, de façon agressive et autoritaire, sans se soucier du fait que j’avais le crâne en sang.
Sur le côté, j’ai été pris en charge par d’autres manifestants. Quelques minutes plus tard, j’étais assis à environ 30-40m du bâtiment concerné, avec un autre manifestant, quand des policiers sont arrivés et nous ont demandé de reculer et de partir. Nous avons précisé que j’étais blessé et qu’on attendait que j’aille mieux pour partir, mais l’un des policiers n’a rien voulu entendre et a donné un coup de matraque au camarade qui était avec moi. Le policier a dit qu’on n’avait qu’à « aller à l’hôpital si ça n’allait pas » (sur un ton méprisant, sans aucune empathie).
Ensuite, je suis parti et je suis allé à l’hôpital : cinq points de suture, mal de crâne, fatigue. Ne travaillant pas les vendredis et les lundis, le médecin ne m’a pas mis en arrêt de travail, mais m’a demandé de revoir mon médecin traitant le lundi suivant. C’est ce que j’ai fait, et celui-ci m’a mis en arrêt maladie pour une semaine, car j’ai une commotion (symptômes : fatigue, mal de tête, sensibilité à la lumière, nausée).
Je considère que les moyens utilisés étaient disproportionnés et l’intervention violente. Les policiers étaient particulièrement agressifs (insultes : « dégagez », « barrez-vous », « sales gauchos ») et ont instauré un climat de peur, de stress et de tension, non nécessaire. Ils ont frappé violemment les manifestants, principalement en visant la tête. Usage intempestif du pepper-spray, près des visages. À aucun moment, ils ne se sont souciés des blessés.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est le regard de certains policiers : ils étaient face à nous, soutenaient le regard, et celui-ci était plein de haine et de violence. J’ai vraiment eu le sentiment qu’ils étaient là pour se défouler.”
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Expulsion de Zone Neutre, 17 octobre 2025
E. : “Je n’arrivais plus à trouver de l’air frais. Je n’arrivais plus à bouger non plus, étant donné que les policiers nous poussaient contre le mur”
“Ce témoignage reflète mon expérience, ce que j’ai vécu, et je l’écris tout en me rendant bien compte que chacun.e a pu expérimenter les évènements différemment.
Je me suis placée avec mes camarades dans le groupe entre la porte d’entrée principale et le château gonflable après l’annonce de l’arrivée de la police. Nous formions trois rangées de personnes, rangées derrière la grande banderole en plastique qu’une dizaine de personnes maintenait droite. Nous nous tenions bras dessus dessous afin de créer un bloc compact. Quelques minutes avant l’arrivée de la police nous chantions et dansions encore, sur Diams et Stereo Love.
Nous avons ensuite vu au loin des dizaines de policiers débarquer en courant, en file, en provenance de la R20 en face du square, ainsi qu’une dizaine de camions de police et de deux autopompes. La tension a commencé à se faire sentir dans notre bloc, et quelques personnes ont quitté le bloc en s’excusant, à la vue d’un tel dispositif, auquel nous ne nous attendions manifestement pas. Une trentaine de policiers se sont ensuite placés face à nous, en une rangée, en équipement complet : casque blanc avec visière, matraques, protections en plastique sur tout le corps.
Ils sont restés quelques minutes face à nous dans cette position, en s’échangeant des informations entre eux, probablement sur la manière dont ils allaient procéder. Ils ne nous ont pas adressé la parole, pas sommé de quitter les lieux. Ensuite tout est allé très vite, ils nous ont foncé dessus en un coup, tenant leurs boucliers devant eux, et nous nous sommes toustes avancé.es pour soutenir les camarades à l’avant du bloc. Etant plus à l’arrière du groupe j’ai pu observer les coups de matraque fondre sur les personnes à l’avant, à la tête, sur les bras, le torse, et sur les jambes, provenant d’au moins 5 policiers différents.
Les policiers tiraient sur la banderole, essayant de nous l’arracher. Un premier coup d’autopompe a été tiré par la gauche, nous obligeant à nous retourner et à nous recroqueviller. Du gaz lacrymo a également été propulsé sur notre groupe, l’air devenant vite irrespirable. Je dirais qu’au bout d’un certain moment, nous étions moins de personnes, et il n’y avait plus de banderole, et les policiers nous ont complètement encerclés, et ont commencé à nous pousser contre le mur directement avec leurs boucliers, en criant « en avant, en avant » ou bien « on pousse » je ne me rappelle plus exactement.
Ça a été le moment le plus paniquant. Le gaz continuait d’être propulsé et une fille dans notre groupe tentait de se frayer un chemin à l’arrière pour quitter ce qui était devenu une nasse, car elle ne voyait plus rien à cause du gaz. On a dû l’aider à monter sur un rebord du mur du bâtiment car la pression exercée par la police ne nous permettait même plus de lui laisser un passage. Devant moi, en première ligne, un homme avait le crâne ouvert, je le voyais, et il avait du sang qui coulait le long de son cou. Il touchait son crâne avec sa main et elle était aussi pleine de sang, alors il l’a montrée aux policiers devant lui en demandant « vous voyez ce que vous avez fait, vous trouvez ça normal ? ». Aucune réaction des policiers qui le regardaient pourtant.
J’ai ensuite senti une deuxième grande dose de gaz lacrymo être propulsée sur nous, et là je n’arrivais plus à trouver de l’air frais. Je n’arrivais plus à bouger non plus, étant donné que les policiers nous poussaient contre le mur. Plusieurs personnes ont crié autour de moi « laissez-nous sortir, laissez-nous passer ». Quand je n’ai plus réussi à respirer correctement j’ai aussi crié « laissez-nous passer », et j’ai été prise d’une grande panique car rien ne bougeait. J’ai réussi à atteindre l’épaule d’un policier qui était en diagonale de moi, je l’ai poussée et je lui ai crié « laissez-nous sortir », il m’a regardée mais n’a rien fait, donc il savait très bien ce qu’ils faisaient en nous nassant de la sorte.
À un moment donné une personne devant moi a su se frayer un passage entre les policiers et avec trois ou quatre autres personnes nous nous sommes faufilés, recroquevillés, en courant, hors de la nasse. J’étais complètement choquée. J’ai ensuite observé de loin comment une personne par-ci, une personne par-là, sortait de la nasse : soit trainée par des policiers, dont une par le col de sa veste, littéralement jetée plus loin par un policier, soit en se frayant un passage entre la ligne de policier, en courant, et trébuchant pour plusieurs, dont un homme qui avait le crâne et une partie du visage en sang, qu’on peut apercevoir sur une vidéo que j’ai prise que je vous attache à ce mail.
Le groupe pris dans la nasse diminuait, et la police avançait vers une porte d’entrée du bâtiment à laquelle au moins deux personnes s’étaient armlockées. J’ai aussi pu observer une femme qui ne semblait plus pouvoir voir du tout à cause du gaz lacrymo, être « escortée » par un policier hors de la zone maintenue vide par des policiers autour de la nasse. J’ai déjà lu plusieurs médias le mentionner et c’est vrai qu’un policier lui tenait le bras et l’éloignait de la zone, mais il ne l’a fait qu’après qu’elle se soit retrouvée assise, seule, le visage dans les mains, juste derrière la ligne de policiers qui encadraient la nasse, comme on le voit sur une autre vidéo que je vous attache à ce mail. J’ai ensuite essayé de passer la ligne de policiers qui s’était formée, coupant le square en deux, pour rejoindre des camarades qui étaient de l’autre côté de la R20, mais un policier m’a repoussée avec son bouclier, nous empêchant de circuler librement.”
V_LS411
ANALYSE
Les chiffres ci-dessous seront actualisés régulièrement au fil des nouveaux témoignages que l’on recevra et des réponses obtenues de nos répondant.e.s.
Ces chiffres sont loin de refléter l’entièreté du drame qui s’est déroulé le 17 octobre dernier :
Si vous connaissez des gentes qui ont été battues ou qui en ont vu d’autres se faire battre, demandez-leur de témoigner ici : https://voices.obspol.org/esolu/victim.php
Répression du 17 octobre 2025 : les profils
Profil des victimes des brutalités policières du 17 octobre contre les occupant.e.s et les soutiens du collectif Zone Neutre au moment de leur seconde tentative d'expulsion du square de l'Aviation à Anderlecht| Genre | ||
| Femme | 1 | |
| LGBTQ+ | 1 | |
| Homme | 3 | |
| Tranche d’âge | ||
| 14-15 ans | ||
| 16-17 ans | ||
| 18-30 ans | 4 | |
| 31-50 ans | 1 | |
| 51-70 ans | ||
| 70+ ans | ||
| Exposition | ||
| militant.e associatif.ve | ||
| militant.e politique | 3 | |
| militant.e syndical.e | ||
| militant.e religieux.se | ||
| aucun engagement particulier | 2 | |
| Presse |
Répression du 17 octobre 2025 : les violences physiques
Typologie des violences physiques policières du 17 octobre contre les occupant.e.s et les soutiens du collectif Zone Neutre au moment de leur seconde tentative d'expulsion du square de l'Aviation à Anderlecht| Arrestation | |
| Détention | |
| Bousculade / projection | 4 |
| Plaquage ventral mise à plat-ventre / décubitus ventral | |
| “Pliage” (maintien d’une personne en position assise, la tête appuyée sur les genoux) | |
| Clés aux bras douloureuses | |
| Coups de pieds, coups de poings, gifles | 3 |
| Pied/genou sur la nuque, le thorax ou le visage | |
| Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | 2 |
| Coups sur les oreilles | |
| Étranglement | |
| Doigts retournés | |
| Arrosage | 6 |
| Morsures de chien | |
| Tirage par les cheveux | |
| Serrage douloureux des colsons ou des menottes | |
| Tirage par les colsons ou des menottes | |
| Sévices sexuels | |
| “Tamponnage » / “Parechocage“ (percussion par un véhicule de police) | |
| Usage de gants | |
| Usage d’arme à feu | |
| Usage de "Bean bags" (un sac de coton contenant de minuscules billes de plomb) | |
| Usage de FlashBall | |
| Usage de grenade assourdissante | |
| Usage de grenade de désencerclement | |
| Usage de grenade lacrymogène | |
| Usage de LBD40 | |
| Usage de matraques | 6 |
| Usage de spray lacrymogène | 6 |
| Usage de Taser | |
| Usage de tranquillisants | |
| Expulsion | |
| Disparition | |
| Serrage du visage | |
| Marcher sur les jambes |
Répression du 17 octobre 2025 : les violences psychologiques
Typologie des violences psychologiques policières du 17 octobre contre les occupant.e.s et les soutiens du collectif Zone Neutre au moment de leur seconde tentative d'expulsion du square de l'Aviation à Anderlecht| Accusation de trouble à l'ordre public | |
| Accusation d’entrave à la circulation | |
| Accusation de rébellion | |
| Accusation de coups à agent | |
| Accusation de manque de respect | |
| Accusation de menace à agent | |
| Accusation d'injure à agent | |
| Accusation de manque de respect | |
| Accusation de refus d'obtempérer | |
| Agressivité, manque de respect, insultes | 4 |
| Intimidation, chantage, menaces | 4 |
| Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation | |
| Intimidation ou arrestation des témoins | |
| Obstacle à la prise d’images | 1 |
| Appels à faire cesser les souffrances restés sans effet | 2 |
| Position inconfortable prolongée | |
| Non-assistance à personne en danger | 2 |
| Prise de photos, empreintes, ADN | |
| Menace avec une arme de poing | |
| Tir dans le dos | |
| Charge sans avertissement | 4 |
| Nassage (enfermement de manifestants dans une souricière) | 1 |
| Course-poursuite | |
| Propos sexistes | 1 |
| Propos homophobes | |
| Propos racistes | |
| Intervention dans un lieu privé | |
| Problèmes de santé mentale | |
| Harcèlement | |
| Fouille | |
| Perquisition | |
| Violences de la part de collègues policiers | |
| Passivité des collègues policiers | 1 |
| Défaut ou refus d’identification des policiers | 4 |
| Refus de prévenir ou de téléphoner | |
| Refus d’administrer un éthylotest | |
| Refus de serrer la ceinture pendant le transport | |
| Refus d’acter une plainte | |
| Refus de soins ou de médicaments | |
| Mensonges, dissimulations, disparition de preuves | |
| Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
| Flexions à nu devant témoins | |
| Insuffisance ou absence de surveillance pendant la détention | |
| Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
| Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
| Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
| Confiscation, détérioration, destruction des effets personnels | |
| Pression pour signer des documents | |
| Absence de procès-verbal | |
| Complaisance des médecins |
Répression du 17 octobre 2025 : les suites
Les conséquences des violences exercées lors des charges policières du 17 octobre contre les occupant.e.s et les soutiens du collectif Zone Neutre au moment de leur seconde tentative d'expulsion du square de l'Aviation à Anderlecht| Incapacité 1-3 jours | |
| Incapacité 4-7 jours | 4 |
| Incapacité 8-14 jours | |
| Incapacité 15-21 jours | |
| Incapacité > 22 jours | |
| Plaies à la tête ou au visage | 2 |
| Plaies aux membres | 2 |
| Trauma crânien / commotion cérébrale | |
| Contusions aux membres | 3 |
| Contusions au dos | 1 |
| Contusions au torse | |
| Suivi psychologique |

