Les histoires de violences exercées par la police se répètent, sont relatées quelque temps dans la presse, ont droit au mieux à « une enquête » si elles ont été publiées, et puis bien souvent disparaissent dans la nature …
Que deviennent toutes les victimes de ces violences ? Comment surmontent-elles les traumatismes tant physiques que psychologiques subis ? Qui s’en soucie ?
Il est de notoriété publique que les enquêtes menées par les forces de l’ordre elles-mêmes aboutissent très fréquemment à des explications plus ou moins tarabiscotées de leur part. Les victimes qui bien souvent ignorent comment et à qui s’adresser pour porter plainte et obtenir ne serait-ce que la reconnaissance du dommage subi, se retrouvent souvent seules face à une frustration qui peut persister longtemps.
Nous nous posons une nouvelle fois cette question dans le contexte d’une violence récemment dénoncée par la victime Salomé, étudiante, énième « incident » relaté dans la presse.
Trois jeunes femmes entre 23 et 25 ans terminent une soirée à Mons, l’une d’entre elles soutient l’autre un peu enivrée qu’elle souhaite emmener manger quelque chose. La jeune femme fait des gestes car elle ne souhaite pas partir. C’est à ce moment que des policiers qui auraient cru qu’il s’agissait d’une dispute interviennent. Ils plaquent les deux jeunes femmes à terre sans raison et leur placent les colsons.
Salomé, intervient pour s’enquérir de leur situation. Elle précise dans son témoignage n’avoir été ni ivre ni avoir à aucun moment insulté les policiers, ni essayé de se battre. Elle a juste le temps de dire « Vous n’avez pas le droit… » avant de subir une clé de bras de la part d’un policier derrière elle.
Tombée à terre elle signale une douleur tellement intense qu’elle a perdu connaissance. En reprenant connaissance, les policiers auraient été en train de lui asséner des coups de pieds. Ce n’est que parce que Salomé hurlait de douleur ne sentant plus sa main, que les policiers lui auraient retiré les menottes dans le véhicule.
Mais le calvaire ne s’arrête pas puisque Salomé est emmenée au commissariat, placée sur une chaise, fouillée à nu et placée en cellule. Narguée ensuite par des agent.e.s qui l’auraient touchée au bras douloureux en rigolant, d’autres exerçant des intimidations, la menaçant de casier judiciaire. Plus tard elle constate le manque 60 euros qu’elle avait dans son porte-feuille.
Elle subit ensuite un sort de douleur à l’hôpital où elle est traitée sans ménagement et apprend qu’elle devrait probablement subir une opération. Il s’avère plus tard que son humérus fracturé est inopérable. La zone de police montoise précise que ce ne seraient pas des policiers de leur zone qui ont procédé à l’arrestation mais une équipe d’arrestation de la police fédérale venue en renfort.
La police fédérale de Bruxelles dont question, donne comme justification que Salomé aurait commencé à les insulter et à vouloir les frapper. Salomé a porté plainte et le parquet de Mons a réagi en précisant qu’elle aurait tenté de s’interposer.
Et nous voilà au point habituel des suites données à des témoignages et plaintes de victimes, la parole des policiers, toujours prompts à trouver les accusations justifiant leurs actes, et les victimes face à elles-mêmes. Mais leur parole vaut-elle plus que celle des citoyen.ne.s ?
Non ! Dans son arrêt NEMTSOV vs Russie du 31 juillet 2014 (numéro 1774/11), la Cour européenne des Droits de l’Homme a jugé que :
« Certains juges belges, qui ont trop souvent tendance à croire les policiers sur parole et à mettre en doute la version des citoyens, […] La Belgique n’est pas à l’abri d’une condamnation similaire dans le futur…«
Une enquête pour faire la lumière serait en cours : mais de quel côté la lumière va-t-elle briller ?
- La Capitale 29 et 30 septembre 2020
- RTBF