Dans une interview accordée à la RTBF, un policier démissionnaire raconte : « J’étais flic et j’ai démissionné à cause du racisme dans mon commissariat« . Voici la transcription de ce témoignage rare…
« La manière dont parle parle à la radio des personnes étrangères, que ce soit ‘bougnoule’, ‘singe‘ , ‘babouin‘ , ce sont des termes qu’on retrouve très très souvent. Quand on parle d’une personne étrangère, ça va être ‘le nègre‘ , ‘le bougnoule‘ …
J’ai été policier pendant un an et demi, et j’ai démissionné parce que j’étais révolté des propos racistes et des violences physiques à l’encontre des personnes étrangères. Je pense que je suis l’un des premiers à parler publiquement, parce que beaucoup ont peur des représailles. J’ai démissionné en décembre 2017, donc ça fait deux ans et demi. Si j’ai mis autant de temps c’est parce que c’est compliqué…
J’ai été affecté dans une zone de la province du Hainaut. À partir du moment où j’ai mis les pieds dans la salle de rédaction des PV pour les policiers en intervention, il y avait une grande affiche où il était inscrit : ‘Chassez la crasse !‘ , avec des photos de personnes étrangères quelconques. Ça m’a totalement révolté, surtout que cette affiche-là, je l’ai retrouvée plusieurs fois sous forme de tract dans mon casier. ‘Chassez la crasse !’ : on parle d’humains quand même !
Quand vous consultez le carnet des arrestations, où on note les personnes qui sont arrêtées, et que vous constatez qu’il n’y a que des étrangers, c’est quasiment 90% d’étrangers… Peu importe les contrôles, généralement on va se focaliser sur les personnes étrangères. Dans le Hainaut, c’est pas qu’on n’a pas la plus forte densité d’étrangers, sachant que je n’étais pas dans la région de Charleroi, 90% c’est énorme ! Vous vous en doutez, c’est comme ça, il y a du délit de sale gueule malheureusement…
J’étais affecté au service d’intervention, et étant donné que j’étais blessé au genou, j’ai surtout effectué des « gardes cachot », et c’est là où j’ai assisté aux humiliations et aux violences physiques. J’ai par exemple vu des passages à tabac dans des salles qui n’étaient pas audiofilmées, où on les mettait complètement nus lorsqu’on réalisait une fouille, on me demandait de ne pas servir d’eau aux personnes étrangères qui étaient arrêtées… C’était dur à vivre, dur à voir…
Lancer l’alerte, je ne l’ai pas vraiment fait. J’ai plus été voir mes supérieurs en leur disant que je n’acceptais pas cette mentalité qui était mise en place. Il a été catégorique, il m’a dit « Soit tu acceptes cette mentalité, soit tu démissionnes. » J’ai demandé à changer de service, et ç’a été un refus catégorique, et le changement de zone encore moins. Du coup je suis remonté un plus haut au sein de la police fédérale, vraiment au niveau de la Direction du personnel, et à part me dire de porter plainte contre mon employeur, ils ne m’ont pas vraiment aidé…
Je rentrai chez moi tous les jours quasiment en pleurs, c’était vraiment insurmontable, et voilà, j’ai pas longtemps hésité à démissionner, parce que je me sentais pas capable de vivre ça au quotidien.
Si moi j’ai réagi sur Twitter, c’était à la suite des différentes émeutes en Belgique et en France, que je ne cautionne absolument pas, parce que dans la police ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac, on a de très bons policiers, et malheureusement des moins bons, mais j’ai voulu témoigner pour soutenir un peu ces jeunes qui ne se sentent jamais écouté parce que, oui, il y a de la discrimination raciale au sein de la police.
Je pense que je suis l’un des premiers à parler publiquement, parce que beaucoup ont peur des représailles. Maintenant, le contrôle interne de la zone où je travaillais m’a contacté pour savoir mon histoire, voir ce qui s’était passé, et elle m’a dit de ne plus mettre d’huile sur le feu, donc j’ai eu un petit peu d’intimidation, et j’ai également eu pas mal de policiers qui ont fait de l’intimidation, ils m’ont reconnu, ils ont reconnu mon nom, et ils m’ont dit, en gros, qu’il ne faut plus trop parler, quoi…
Je m’imaginais absolument vivre ce que j’ai vécu, étant donné que j’ai réalisé mes stages dans une autre zone de police, où ça s’est merveilleusement bien passé, j’étais avec des personnes formidables, et où il n’y avait aucune discrimination raciale, et une fois que j’ai démissionné j’ai trouvé j’ai travaillé en tant que personne civile dans un autre hôtel de police où les inspecteurs sont vraiment géniaux et j’ai jamais eu aucun problème, et énormément de policiers de partout en France et en Belgique sont venus témoigner de la même chose qu’ils vivent, actuellement, encore, et y en a un qui a parlé publiquement sous mes tweets, qui a été également Inspecteur en Belgique dans la Région de Bruxelles, et qui a également démissionné pour les mêmes raisons.
On retrouve énormément de policiers avec une très grande ouverture d’esprit, c’est important de le souligner. Y a vraiment de très belles personnes. Et c’est ceux-là qui doivent vraiment combattre de l’intérieur, et j’espère que grâce à mon message, même si ce n’est que le début, si je mets que la première pierre, ça peut faire changer les choses, ce serait vraiment, vraiment, vraiment très bien… »