4 décembre 2024, Aéroport de Zaventem
Brutalisé pendant son extraction de l’avion : phalange fracturée, oeil gauche et vision endommagés, insomnie : décède deux mois plus tard, dans la nuit du 1er au 2 février.
Nous reproduisons ici un article paru ailleurs :
« Injustement débarqué par Brussels Airlines et violenté par la police fédérale.
Le 4 décembre, Baudouin P. embarque dans un avion de Brussels Airlines pour se rendre à Kinshasa. Il se prépare à un long voyage et n’a pas de chaussures lorsqu’une hôtesse de l’air exige qu’il se chausse.
La deuxième fois, elle l’avertira que la police va être appelée pour qu’il soit débarqué de l’avion. Les images choquantes d’une vidéo prise au moment de l’intervention des policiers démontre la violence exercée sur le corps de Baudouin alors qu’il n’avait aucune intention de résister, et qui l’a même exprimé.
Son témoignage fait au média « La diaspora chuchote » et sur « Vews RTBF » est révélateur de la violence subie et de la dangerosité des techniques policières utilisée, particulièrement l’étouffement durant un long moment d’un des policiers comme nous le voyons dans la vidéo. Une chose est sûre, le traitement dont il a fait l’objet est discriminatoire.
L’analyse que Baudouin fait de l’intervention policière est claire : « Ça c’est du racisme pur ! Et demain ça va être qui ? Si c’était un blanc, on n’allait pas le traiter comme ça ».
Conséquemment à l’intervention policière, les séquelles psychologiques et physiques sont nombreuses. Il n’a toujours pas retrouvé ses facultés visuelles de l’œil gauche et à une fracture à la main. Les procédures qui suivront devront permettre d’établir les responsabilités, tant de Brussels Airlines que de la police fédérale, et d’obtenir réparation.
A présent, le combat de Baudouin pour la justice commence. Il sera long mais est déterminant dans le dévoilement des pratiques racistes rendues trop souvent invisibles par la complexité et le coût des procédures judiciaires. Soutenons Baudouin en partageant son témoignage et en participant financièrement à la cagnotte autant que possible afin de couvrir les frais de justice et les honoraires d’avocat à venir. »
La version de la police
La police fédérale assure que son équipe aéronautique avait d’abord entamé un dialogue avec Baudouin, ce qu’il dément.
“Vu que ce passager a refusé de quitter l’avion volontairement, ils [les policiers] n’ont pas eu d’autre choix que de faire l’usage de la contrainte proportionnelle pour débarquer cette personne.”
D’après la RTBF, aucun élément ne justifiait l’extraction de Baudouin et donc a fortiori pas de motifs qui auraient pu justifier l’usage de la force pour faire appliquer cette mesure.
Baudouin est accusé par la police de « rébellion non armée, violations du droit aérien, racisme et discrimination ». Selon les policiers qui ont mené l’intervention, en dépit des images filmées et malgré les multiples traumatismes dont Baudouin a été victime, c’est lui le « suspect ».
Le cynisme policier n’ayant pas de limite, Baudouin s’est retrouvé face à l’un de ses agresseurs lors de l’audition à laquelle il était convoqué en tant que « suspect ». Vous avez dit « impartialité » du système judiciaire ?
La version de la victime
« Je me suis fait casser le bras. Je ne peux pas voir très bien maintenant avec mon œil gauche. J’ai raté mon vol parce que j’étais pieds nus ! J’ai reçu une agression gratuite par la police.
Le 4 décembre je partais au pays pour enterrer deux des miens et j’avais un rendez-vous pour le travail. J’ai pris mon vol Brussels Airlines comme d’habitude à destination de Kinshasa. Le vol était en retard d’un heure.
Moi je marche pieds nus, mais j’avais des babouches dans mon sac, au cas où, peut-être les toilettes, tout ça, je peux les utiliser. Contrôle, passeport, tout est bien, et au moment d’entrer dans l’avion, une hôtesse m’a demandé si je n’avais pas de chaussures. J’ai dit « j’ai les babouches dans le sac », j’ai pris ma place, et une hôtesse est venue me demander une deuxième fois, j’ai dit j’ai mes babouches dans le sac.
C’est là qu’ils reviennent une troisième fois, ils me disent « Le pilote a dit que vous allez sortir. » Mais les gens qui étaient autour de moi, ils n’avaient pas de chaussures non plus. La dame est partie, elle a dit « C’est la police qui va venir te faire sortir ».
La police est venue, et après ç’a été vite, ça a dégénéré. La police a commencé à m’agresser. Ils m’ont pris et m’ont étouffé, ils m’ont cassé le bras. Mon œil gauche, je vois encore flou. J’ai dit aux policiers « Laissez-moi, je viens avec vous ».
Ils ont continué à me menacer, à me maltraiter. Ils étaient violents, même verbalement.
Moi j’avais toujours confiance dans la police. Ils ont mis quelque chose, une peur en moi, et depuis le 4 décembre, je peux même pas dormir, je ferme pas l’œil. Ils m’ont traumatisé. Je crois pas que si c’était un Belge ou un Français on l’aurait traité comme ça. Ça c’est du racisme pur. Nous on veut notre respect, c’est tout. »
Baudouin a l’intention de porter plainte une fois sa santé retrouvée.La violence et les blessures qu’il a subies plus l’interdiction de vol relèvent « du racisme pur« .
Unia, le centre pour l’égalité des chances, a décidé d’ouvrir un dossier. La LDH déclare :
“Le fait que la compagnie a appelé la police pour ce motif mineur qui ne pose pas de problème de sécurité ou de nuisance pour les autres passagers, ainsi que l’usage de la force qui semble disproportionné, posent question. »
Brussels Airlines, compangie bien connue pour sa collaboration régulière avec les autorités pour l’expulsion de personnes « sans-papiers », refuse de commenter, invoque la protection de la vie privé, indique qu’il n’y a pas d’interdiction d’enlever ses chaussures à bord d’un avion, mais qu’il faut suivre les éventuelles indications de sécurité données par l’équipage ;
“Cette décision [de refuser un passager] n’est prise que lorsque nos équipes estiment qu’un passager peut représenter un danger ou perturber gravement le déroulement du vol.”
Baudouin est décédé dans la nuit du 1er au 2 février, deux mois après avoir été brutalisé.
Communiqué de presse de la famille après le décès de Baudouin
« Le 4 décembre dernier, Baudouin Pandikuziku embarquait à bord d’un vol de Brussels Airlines à destination de Kinshasa. Ce qui aurait dû être un simple voyage s’est transformé en cauchemar lorsqu’une hôtesse de l’air lui a demandé de se chausser.
Baudouin Pandikuziku s’était déchaussé pour pouvoir mieux supporter le vol à cause de la rétention d’eau dont il était sujet. Devant son incapacité immédiate à répondre à cette demande, la situation a rapidement dégénéré. Les hôtesses de l’air ont contacté la police. […] L’intervention policière qui s’en est suivie a été d’une brutalité extrême et inouïe à son encontre.«