23 février 2018 – Charleroi
38 ans. Décédé d’un arrêt cardiaque après un coma de plusieurs jours
Le 24 février 2018, à l’aéroport de Charleroi, Jozef Chovanec se voit refuser l’embarcation pour son vol en direction de Bratislava : pas de papiers d’identité et aurait comportement turbulent. Le slovaque de 38 ans est alors arrêté pour rébellion et placé dans une cellule de l’aéroport de Charleroi, où il se frappe la tête contre les murs, déclenchant l’intervention brutale de policiers pour le calmer.
Trois policiers entrent pour le maîtriser, l’enroulent d’un tissu de la tête aux pieds, l’empêchant de respirer correctement, tandis qu’un infirmier lui injecte un tranquillisant. Un policier effectue un plaquage ventral, et l’immobilise 16 minutes avec les genoux.
La vidéo de surveillance montre une policière dans la cellule au garde-à-vous nazi pendant que ses collègues rigolent.
Jozef décède trois jours plus tard à l’hôpital Marie Curie de Charleroi.
La version de la police
La police a prétendu que Jozef était mort des blessures qu’il s’était lui-même infligé et que celui-ci était alcoolisé ou drogué. Pourtant, l’autopsie a prouvé que Jozef n’avait consommé ni drogue ni alcool.
La version de la Justice
Une reconstitution des faits a eu lieu fin septembre 2021. Le règlement de procédure de ce vaste dossier a débuté jeudi devant la chambre du conseil de Charleroi. Trente-et-un inculpés, dont principalement des policiers, pourraient faire l’objet d’un renvoi devant le tribunal correctionnel de Charleroi. Lors d’une première audience à huis clos, les nombreuses parties civiles (dont la veuve de Jozef Chovanec, Unia et l’aéroport de Charleroi) ont plaidé pour le renvoi des inculpés devant la justice.
Ses proches se sont constitués partie civile devant un juge d’instruction de Charleroi.
L’autopsie demandée par les parties civiles (la femme de Jozef et l’État slovaque) révèle que la mort serait due à un œdème cérébral causé par un traumatisme crânien. La thèse de l’asphyxie par suffocation serait donc à écarter, bien que l’avocate de la famille, Ann Van de Steen, affirme n’avoir jamais été informée du rapport ni de son contenu. Selon elle, une reconstitution est prévue et si un tel rapport avait été rédigé avant la reconstitution, et sans l’accord des exports nommés par la famille, il s’agirait d’un incident sérieux de nature à remettre en cause l’objectivité de l’enquête.
Ce n’est que deux ans après son décès que la femme de J. Chovanec aura accès aux images de vidéo-surveillance
[Voir nos commentaires sur cette affaire]
Pour Lennert Dierickx, conseil de la veuve de Jozef, un procès doit avoir lieu :
« Aujourd’hui, après six ans, le parquet trouve que tout s’est bien passé et qu’il n’y a pas de crime, qu’il n’y a pas d’indices, donc tout est normal. C’est pour ces raisons que nous avons demandé de plaider cinq heures pour expliquer pourquoi nous sommes convaincus que ce cas mérite un débat devant le tribunal correctionnel. »
Me Alexandre Wilmotte qui représente trois autres policiers :
« Nous demanderons un non-lieu puisqu’il n’existe pas de charges suffisantes pour envoyer qui que ce soit devant un tribunal correctionnel. Il est clair, à mon sens, que l’intervention des policiers a été destinée à essayer d’aider M. Chovanec plutôt que de porter atteinte à son intégrité physique« .
« Elle [la policière prise en flag de salut nazi, NDLR] a été victime finalement d’une espèce de présomption de culpabilité sur base d’une interprétation, d’un geste qui est tout à fait malheureux et qui n’aurait pas dû avoir lieu, mais qui a été interprété comme ayant une connotation raciste, alors que ce n’est pas du tout le cas. Sa vie a été détruite parce qu’elle a été jetée en pâture à la vindicte populaire dans des conditions qui sont inadmissibles dans un État de droit. Cela fera évidemment aussi l’objet d’un débat en temps utile. »
Six ans plus tard, jeudi 25 janvier 2024, le ministère public a prononcé devant une audience extraordinaire de la chambre du conseil de Charleroi un non-lieu requis à l’encontre des 31 personnes inculpées, dont 27 policièr·es. Les nombreuses parties civiles (dont la veuve de Jozef Chovanec, Unia et l’aéroport de Charleroi) ont plaidé pour le renvoi des inculpés devant la justice.
Le jugement final (décision de renvoyer vers le tribunal correctionnel ou de prononcer un non-lieu) dont la décision appartient à la Chambre du Conseil, sera prononcé le 25 mars prochain.