Y-a-t-il de plus en plus de cas de violences policières, plusieurs cas ont interpellé la chaîne ces dernières semaines. #M a donc décidé d’ouvrir le débat sur cette question dans son édition du 2 février et d’en faire sa page principale. Autour de la table, deux représentants des forces de l’ordre, un membre d’ObsPol…
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Après les agressions médiatisées de Benjamin Hannesse à Bruxelles centre la nuit du réveillon du jour de l’An, de Mehdi à Molenbeek, de Thomas à Etterbeek, Jean-Christophe Pesesse invite à la table du magazine de la rédaction trois personnes pour en débattre. Côté forces de l’ordre, le représentant syndicaliste Stéphane DELDICQUE, Secrétaire permanent CSC services publics et Michael JONNIAUX, Chef de corps de la zone de police Montgomery. Questions précises et discussions cadrées. Les policiers réitèrent l’argumentaire si souvent entendu sur l’air de :
- « Les violences policières sont quasi-inexistantes : voyez les chiffres du Comité P » ; certes, les chiffres du Comité P. semblent faire accroire qu’un nombre insignifiant de plaintes sont portées à sa connaissance, et qu’un nombre encore plus dérisoire aboutirait à des sanctions contre les policiers. MAIS peut-on accorder un tant soit peu de crédit à un organe composé essentiellement de fonctionnaires de police en détachement ? Un organe maintes fois pointé du doigt par les ONG et le Comité contre la Torture de l’ONU ? Peut-on éviter de mentionner qu’une part considérable des faits de violence ne font pas l’objet d’une plainte, par suite d’intimidation, de classement sans suite par le Procureur du Roi, en raison du désarroi, de l’incompréhension, du désir de bien vite oublier le traumatisme, voire, comme on le constate de plus en plus souvent chez les sans-papiers, de la crainte liée au statut de séjour ? Et quand plainte il y a, doit-on encore rappeler l’extraordinaire parcours du combattant qui attend la victime face à la Justice et aux poursuites engagées par les forces de l’ordre ?
- « La médiatisation de prétendues bavures excite l’opinion contre la police qui fait son travail correctement » : Certes, MAIS si ces bavures n’étaient pas médiatisées, comment les citoyens en auraient-ils connaissance ? Les Ministres de l’Intérieur eux-mêmes, aux termes d’une circulaire du collège des Procureurs généraux, doivent-être tenus informés de toute affaire impliquant des violences policières, mais, AUCUN, depuis la création d’ObsPol, ne le savait… Doit-on dans ce cas s’en remettre à la communication du Comité P, juge, partie et organe de presse ? Le pendant de l’argument, propice à l’inquiétude des masses, est le risque d’émeutes que la médiatisation générerait : combien de fois cela s’est-il produit ? Mystère. Interdire ces rassemblements, comme lors du rassemblement prévu du 17 février dernier, revient en revanche à prohiber toute expression du mécontentement citoyen face à ces abus;
- « Chacune des plaintes fait l’objet d’une plainte approfondie sous la direction du Parquet » : certes, MAIS rappelons ici que le Procureur est seul décideur de l’opportunité de poursuivre ou non les policiers, et que, dans nombre d’affaires qu’ObsPol a suivies, le classement sans suite a prévalu en dépit des preuves matérielles à charge particulièrement incriminantes. Connivence ou coïncidence ?
- « Le réflexe corporatiste et la protection par la hiérarchie policière sont des mythes » : de fait, chaque fois que le thème des violences policières est abordé par les médias, syndicat et hiérarchie policière s’invitent dans la presse et à la télévision pour tenir ce discours; en revanche, si l’affaire n’est pas ébruitée, c’est le silence total qui prévaut côté Police. Aucun cas ne nous revient à l’esprit où un Divisionnaire, un commissaire viendrait spontanément faire part au public d’une affaire impliquant une « brebis galeuse » dont il a la charge. De plus, les témoignages reçus par ObsPol de policiers contre les pratiques de leurs collègues indiquent sans ambiguïté que c’est bien ce réflexe de protection mutuelle qui prévaut, et que seule la peur de sanctions, de placardisation et d’être pointé du doigt (sans oublier parfois les menaces plus explicites) empêche un plus grand nombre d’entre eux de briser la loi du silence;
- « Les violences policières sont des violences physiques » : certes, MAIS s’en tenir aux violences physiques serait pardonner par avance les abus verbaux (insultes, propos racistes, homophobes, sexistes etc.), et les violences psychologiques (contrôles aux faciès multipliés, arrestations administratives sans raison valable, intimidations sous forme de menaces, de pressions pour signer des documents, pour ne pas porter plainte, etc.); par ailleurs, les violences physiques ne recouvrent pas uniquement les coups portés, il s’agit bien plus fréquemment de pratiques plus insidieuses (colsons bien trop serrés, tirage par les colsons, tirage par les cheveux, refus de donner à boire ou à manger pendant la détention, obligation de se déshabiller, flexions à nu devant témoins de l’autre sexe etc.), des pratiques qu’ObsPol relève dans ses rapports;
- « Les policiers sont bien formés » : soit, MAIS alors comment expliquer que le stoïcisme qui devrait découler de leur formation à résister au stress et aux situations difficiles cède si facilement et si fréquemment au besoin d’en découdre, d’affirmer sa domination, d’abuser de son pouvoir pour l’imprimer dans la chair et l’esprit de la victime ? Comment former un individu déjà raciste à cantonner ses idées entre les murs de son domicile ?
- « Le manque de moyens et de policiers » : peut-être, encore qu’on puisse s’étonner de voir tant de policiers et une telle débauche de moyens à chaque manifestation, et l’équipement type « Robocop » adopté si fréquemment même par les policiers de quartier, qui crée un véritable fossé entre la police et les habitants et ne contribue certainement pas à rétablir le lien entre eux….
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