La police hongroise se lâche sur les migrants en transit qui franchissent la frontière pour traverser le pays, les ONG dénoncent, le comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe rappelle les autorités à l’ordre dans un rapport. Un air de déjà vu ? Le travail quotidien du collectif No Border Serbia, qui documente les violences quotidiennes, a poussé France 24 à publier certaines images, souvent terribles, mais qui ont le mérite de nous rappeler à la réalité…
La Hongrie est depuis bientôt deux ans régulièrement dénoncée par les associations humanitaires et collectifs de citoyens pour ses exactions contre les migrants qui tentent de la traverser. C’est, ou plutôt c’était, pour les migrants syriens, afghans, irakiens et pakistanais une nouvelle porte d’entrée vers l’espace Schengen et l’Union européenne, à la sortie des routes des Balkans. Le premier ministre hongrois Viktor Orban, devant l’ »afflux des demandes d’asile » qui mettent « la Hongrie et toute l’Europe […] en danger » (la Hongrie a vu transiter 225 000 migrants depuis le début de l’année, qui dans leur très grande majorité ont poursuivi leur route vers l’ouest de l’Europe), n’a pas hésité dans l’escalade de la répression et des mesures pour repousser les entrants :
- Mise en place d’une fiction juridique créant une « zone de transit » à la frontière, qui permet aux autorités d’alléguer que les migrants qui s’y trouvent ne sont pas entrés en Hongrie et ne bénéficient donc pas de la protection du droit international, et peuvent par conséquent être repoussés hors du pays sans autre formalité (depuis mai, les hommes seuls ont vu leur demande d’asile systématiquement refusée); femmes et enfants sont condamnés à tâcher survivre dans des conditions épouvantables au milieu d’un no-man’s land avant de pouvoir accéder à la zone de transit;
- Criminalisation corollaire du franchissement de la frontière en dehors des zones de transit (2879 demandeurs ont été poursuivis depuis juillet 2016 au titre de ce nouveau chef d’inculpation);
- Décret de juillet 2015 listant l’UE et un certain nombre de pays candidats à l’adhésion (comme la Serbie) comme des « pays sûrs« , ce qui permet aux autorités hongroises d’utiliser une procédure expéditive d’expulsion contre les migrants en transit;
- Érection d’une clôture de 175 Km le long de la frontière serbe, puis d’une clôture de barbelés de 41 Km le long de la frontière croate, et enfin d’une troisième clôture de barbelés le long de la frontière slovène;
- Adoption en septembre d’une loi (qui nécessitait une majorité des deux tiers et a été adoptée par 151 voix contre 12 et 27 abstentions) qui entérine la possibilité de déployer massivement des militaires aux frontières et autorise dans certaines conditions l’armée et la police à ouvrir le feu contre des migrants « à balles réelles« , à condition que les tirs ne soient pas « mortels » (sic !);
- L’armée est également autorisée à procéder à des contrôles d’identité, et à procéder à la garde-à-vue de migrants;
- Le dispositif, qui complète une législation anti-migrants entrée en vigueur le 15 septembre, permet en outre à la police de perquisitionner tout domicile privé où des migrants sont soupçonnés de se trouver.
Ces dispositions s’appliquent dans les zones où a été déclaré l’ « état de crise due à une immigration massive » , une mesure ad hoc mise en oeuvre dans six départements limitrophes de la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l’Autriche. « On ne peut pas laisser entrer ceux qui nous submergent » , affirmait M. Orban, dans un discours humaniste prononcé devant le parlement avant l’adoption de la loi. C’est dire si les forces de l’ordre sont poussées au respect des droits humains…
En dépit des alertes lancées par les organisations humanitaires ayant pignon sur rue, dénonçant les « pushbacks » vers la Serbie, les traitements inhumains et dégradants à répétition (tabassages à coups de pieds, de poings, de matraque, gaz irritants, lâchers de chiens, passage forcé dans des couloirs étroits de clôture de barbelés « razor wire« ), la situation semble empirer sur le terrain, tandis que de timides réponses des instances européennes se font jour : le 10 décembre 2015, la Commission initie une procédure contre la Hongrie pour non-respect de ses obligations en matière d’asile; Le comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe exhorte la Hongrie à rappeler aux policiers travaillant au contact des migrants qu’aucune forme de mauvais traitements ne doit être tolérée, dans un rapport rendu public jeudi. Le texte fait mention de gifles et de coups de poing. Une recommandation que le gouvernement hongrois a jugée, dans une réponse adressée au CPT, « injustifiée ». Selon l’exécutif, nul n’est besoin de déclaration officielle pour rappeler aux policiers qu’ils risquent une sanction en cas de non-respect des droits fondamentaux, cela étant « absolument évident » …