L’année 2016 s’est achevée ; pas les témoignages de violences policières, souvent fort agressives et décomplexées.
Fréquemment à l’abri des regards, les victimes sans défense se retrouvent dans des états de peur panique, les mots « j’avais peur de mourir » sont récurrents. Il en va de même pour les victimes de ces traitements d’origine étrangères lors d’expulsions. Ces violences parviennent rarement à la connaissance du public car à l’abri des regards et parce que leurs victimes, une fois arrivées dans un pays lointain, n’ont pas la possibilité effective de porter plainte. Pour ne pas laisser sous silence ces agissements, voici des extraits d’un récit qui nous est parvenu et qui relève un coin du voile, Lors d’une expulsion sous escorte :
« Alors ils m’ont passé les menottes, ils ont serré très très fort . […] Ils m’ont ensuite ligoté les pieds. Ils m’ont donné des coups de coudes, ils m’ont humilié, ils m’ont piétiné, ils m’appuyaient sur l’abdomen puis ils m’ont jeté dans la voiture. La brutalité s’est poursuivie contre moi, je suis sans défense et je ne constitue aucun danger ni pour ma personne, ni pour autrui, ni à l’ordre public. […] Arrivée sur le tarmac : ils m’ont fait monter dans l’avion et m’ont installé à l’arrière. La maltraitance continue … […]
Ils m’ont mis à l’arrière dans l’avion avec deux escortes qui me quadrillaient. Un autre agent debout maintenait ma tête vers le bas contre le siège avant. Je suis resté courbé et oppressé privé de tout geste. Je criais mais personne ne pouvait m’entendre. J’arrivais à peine à respirer. J’étais suffoqué. Je me sentais anéanti et j’avais peur pour ma vie […] »
La brutalité utilisée par les policiers en fonction avec leurs collègues pour témoins passifs ou collaborant, est injustifiable et semble se banaliser. Rappelons les règles d’usage de la force par la police. Aux termes du code de déontologie(Art. 49, mai 2006) :
Pour accomplir leurs missions, les membres du personnel n’utilisent des moyens de contrainte que dans les conditions prévues par la loi.
Dans l’exercice de ses missions de police administrative ou judiciaire, tout fonctionnaire de police peut, en tenant compte des risques que cela comporte, recourir à la force pour poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement (Art. 37, alinéa 1er LFP.).
Tout recours à la force doit être raisonnable et proportionné à l’objectif poursuivi (Art. 37, alinéa 2 LFP.).
Tout usage de la force est précédé d’un avertissement, à moins que cela ne rende cet usage inopérant (Art. 37, alinéa 3 LFP.).
Les membres du personnel qui sont autorisés a utiliser la force ou la contrainte, conformément à la loi, s’assurent que :
- l’objectif poursuivi par l’intervention est légal;
- cet objectif ne peut être atteint d’une autre manière moins violente, tels la persuasion ou le dialogue
- les moyens mis en œuvre sont raisonnables et proportionnés à l’objectif poursuivi et aux circonstances propres au cas d’espèce. Ceci implique qu’ils doivent rechercher les modes d’intervention adéquats les moins violents possibles et qu’une certaine différenciation et gradation doivent exister dans les modalités du recours à la force. 8, alinéa 2 LFP.).
Questions
Tous les policiers en fonction ont-ils connaissance de ces réglementations ? Si oui, quels sont les mécanismes qui permettent à certains d’entre eux de ne pas s’en soucier et de donner libre cours à leurs pulsions ? Quels sont ceux qui grippent le contrôle et la répression par leur hiérarchie et les organes de contrôle interne ?
2016 s’est achevée sur des violences. 2017 s’ouvre sur … des violences.
F. nous raconte que ce premier janvier 2017 il a vécu une expérience très pénible et traumatisante :
« Je lui [le policier] ai alors demandé de me le [mon sac] rendre et que nous allions retourner dans la fête privée de laquelle nous venions. Il a refusé. Je l’ai redemandé. Et il m’a alors pris au cou dans un élan de colère sans nulle autre raison, et son collègue, le plus jeune qui n’avait rien dit jusqu’à lors, l’a accompagné et me donnant, ensuite, une série de coups de pied au niveau du ventre et des côtes. Les deux avaient sorti leur matraque en même temps. Leur volonté d’en découdre par la violence était explicite.
Peut-être pris de rage encore plus forte, les deux policiers se sont mis à revenir vers moi en courant. Moi, pris de frayeur, j’ai couru vers la rue Y., espérant pouvoir me mettre à l’abri. Peine perdue. Ils m’ont rattrapé avant, saisi par la capuche de ma veste, mis au sol puis frappé de coups de pieds dans l’abdomen, dans le dos, les côtes et le ventre mais surtout dans mes jambes. Tout ça sans relâche pendant plusieurs minutes. »
À l’évidence, les policiers impliqués n’ont cure du fait que les coups ne sont en rien justifiés, ni indiqués pour neutraliser une quelconque violence ; se comportant de la sorte ils sont délinquants.
Pendant ce temps, en ce début d’année également, le ministère de l’Intérieur indique qu’il y aurait eu une baisse du nombre de blessures volontaires envers les policiers. Les syndicats de police réagissent en s’interrogeant sur les chiffres communiqués : « Toutes les données sont tellement éparpillées entre les différentes zones de police qu’il n’est pas possible d’établir une tendance, qu’elle soit à la baisse ou à la hausse. Les faits enregistrés se concentrent sur les cas de violence physique, mais nous rencontrons également de la violence mentale et il est difficile de la répertorier. C’est pourquoi nous demandons depuis des années un système à l’aide duquel les agents, aussi bien de la police locale que fédérale, pourraient tout signaler. […] Les victimes sont souvent laissées pour compte et les auteurs de violence, eux, restent impunis en bénéficiant soit d’un sursis, soit d’une libération sous conditions. Il faudrait pourtant veiller à ce que les agresseurs soient punis pour qu’ils réalisent que c’est la tolérance zéro qui prévaut. Il faut montrer de façon claire que les agents de police ne sont pas des punching-balls. »
Évidemment, si l’on ne peut que déplorer les agressions sur des policiers, on ne peut s’empêcher de regretter que cette volonté de tolérance zéro ne trouve d’écho ni auprès de la hiérarchie policière, ni auprès des organes de tutelle, ni auprès des syndicats de policiers qui restent bien silencieux lorsqu’il s’agit des abus commis par les forces de l’ordre sur des citoyens ordinaires, … On ose pourtant croire que la santé d’un quidam vaut bien celle d’un policier. Alors, un oubli sans doute ?
- Belga