En Belgique plus de trois millions de personnes dans la BNG...
Depuis de nombreuses années les citoyen.nes belges se sentent dépossédé.es de leur droit élémentaire à l’information concernant les données policières dans leur dossier. Bien souvent afin de vérifier le bien fondé des informations reprises et accessibles à la police il leur est rétorqué que ces données ne leur seront pas fournies.
La question reste donc entière, mais que se trouve-t-il à mon sujet dans mon dossier, cela correspond-il à des faits réels, sur quelle bases les données ont-elle été récoltées, quelles conséquences cela pourrait avoir ?
Autant d’interrogations restées sans possibilité de réponse. Une question préjudicielle posée en 2022 par la Ligue des droits humains devant la cour d’appel de Bruxelles tente de clarifier la situation.
En effet, le droit européen prévoit que les États membres de l’Union européenne ont l’obligation de permettre à leurs citoyen.es d’obtenir des informations sur le traitement de leurs données policières. Ils doivent aussi leur donner accès à un recours juridictionnel en cas de contestation. C’est ce qu’a estimé le 16 novembre 2023 la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).
L’arrêt de cette juridiction fait suite à une question préjudicielle posée par la Ligue des droits humains (LDH) devant la cour d’appel de Bruxelles à propos de la BNG, la Banque nationale générale. Ce fichier recense les faits potentiellement répréhensibles qui ont pu, à un moment, concerner les habitants de la Belgique.
Le fichier BNG (pour Banque nationale générale) contient des données conservées durant 30 ans. Quand, selon l’expression consacrée, un « individu est connu des services de police« , c’est qu’il figure dans la BNG. En 2017, 2,2 millions de Belges figuraient dans le fichier BNG. En 2019, selon Medor, ce chiffre est passé à 3 millions.
« En Belgique, des millions de personnes sont fichées dans les banques de données policières et ne disposent d’aucun moyen d’obtenir des informations« , déplore Me Catherine Forget, avocate de la LDH. « L’organe de contrôle, seul compétent, se limite en effet à leur répondre que « toutes les vérifications ont été faites« .
La CJUE a désormais jugé ce système contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.Dans un arrêt majeur, elle répondait à une question préjudicielle de la Cour d’appel de Bruxelles (elle même interrogée par la LDH) qui voulait vérifier si l’accès aux bases de données policières par les citoyen.nes qui y sont fiché.es était conforme au droit européen.
La réponse est très claire : la Belgique fait de l’exception la règle, ce qui est contraire à la directive européenne.
Selon la CJUE, la règle générale prévoit le droit d’accès direct à ces bases de données policières et un recours auprès de l’autorité de contrôle si ce droit est limité. La Cour de justice de l’Union européenne souligne que le système belge est contraire à la directive européenne régissant l’accès aux banques de données policières.
1- Tout d’abord : en Belgique, pour exercer vos droits quant aux informations que la police conserve sur vous, vous devez vous adresser à l’Organe de contrôle de l’information policière (COC) qui répond systématiquement qu’il a procédé aux “vérifications nécessaires” sans préciser lesquelles, ni au sujet de quelles données, mais reconnaît que la loi belge pose problème.
La directive européenne prévoit pourtant un accès direct à ses données auprès du responsable du traitement et seulement, en parallèle, un accès possible via l’organe de contrôle si l’ensemble des informations demandées ne sont pas communiquées par les forces de l’ordre. Or, en Belgique, l’accès indirect systématique par l’intermédiaire du COC est devenu la règle, aucun accès direct n’étant organisé.
2 – Verrou supplémentaire : lorsqu’une personne demande d’accéder à ses données personnelles conservées dans les fichiers policiers, ces informations devraient lui être communiquées. Toutefois, le droit d’accès à ses données peut être limité, par exemple parce que cela nuirait à une enquête en cours. Cette limitation doit être proportionnée et appréciée au cas par cas. Or, le COC se contente de manière générale de répondre qu’il a procédé aux vérifications nécessaires sans communiquer d’autres informations.
Comme l’avocate générale de la CJUE l’a rappelé dans ce dossier, en Belgique, la réponse de l’organe du contrôle est toujours la même : « Les vérifications nécessaires ont été réalisées », aucune information sur le fond. L’avocate générale avait en juin 2023 évoqué un système dans lequel « Toutes les portes des personnes concernées lui étaient fermées ».
3 – Enfin, la CJUE juge également contraire à la directive européenne l’absence de recours face à une décision de l’organe de contrôle, quand il refuse l’accès aux bases de données policières. C’est le troisième verrou à ce droit fondamental d’accéder aux informations que la police garde sur les citoye.nes belges.
Cette décision fait suite à une affaire de 2016, lorsqu’une personne s’est vu refuser une attestation de sécurité qu’elle devait obtenir pour un emploi. La personne était fichée pour sa participation à dix manifestations au cours desquelles elle n’a jamais été poursuivie ni arrêtée. Ses données figuraient dans la BNG, et cette personne voulait faire valoir son droit d’accéder aux bases de données de la police pour savoir exactement quelles manifestations justifiaient son fichage et vérifier qu’elle avait réellement participé à celles-ci. En résumé, elle voulait savoir ce que la police détenait précisément comme information sur elle.
Ce droit d’accéder aux informations que la police conserve dans ses fichiers est fondamental, puisque le traitement/l’utilisation par la police de ces données peut être lourd de conséquences pour les personnes « fichées ». Ce droit nous concerne toustes. La LDH qui a fait intervention dans ce dossier de 2016 est très satisfaite de la décision de la Cour de Justice et attend maintenant l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles. Elle appelle également le gouvernement à corriger la loi du 30 juillet 2018 pour que le droit d’accès soit pleinement respecté et que les limitations soient enfin conformes à la directive européenne.
- Belga
- LDH