Trois récits qui au fil des années se recoupent et témoignent sans aucune contestation possible de la violence tant physique que psychologique exercée à l’encontre de personnes vulnérables dans les locaux policier du principal aéroport de Belgique.
Monsieur X
Le 13 février 2024 nous avons recueilli le témoignage de Monsieur X détenu au centre fermé le Caricole dans l’attente de pouvoir introduire un recours à sa demande d’asile. Dans les centres fermés en Belgique les personnes sont détenues entièrement dépendantes du « bon » vouloir de l’administration. Il existe des règlements, il existe des procédures à suivre mais force est de constater encore et encore qu’il en est fait peu de cas. Les conditions de détention sont déplorables, le manque d’alimentation correcte et respectueuse des besoins de chacun.e, le manque criant de suivi médical le tout entouré de comportements abusifs et racistes de la part du personnel nous sont régulièrement rapportés.
Monsieur X pose la question à son avocat pour connaitre la suite donnée à son recours mais l’avocat de répondre qu’il n’avait pas le temps. Pourtant les délais sont serrés et donc son expulsion fut organisée par l’Office des étrangers. Monsieur X refusant toutefois son expulsion il a été attaché aux pieds et aux mains.
L’expulsion n’a pas abouti et il est rentré au centre les chaussures trouées, une main cassée… Il nous explique que ce sont les policiers de l’aéroport qui l’ont tabassé. Un comble, une personne complètement à leur merci, pieds et poings liés maltraitée et accusée ensuite de les avoir menacés.
Monsieur K
Nous ne pouvons que constater que les violences policières de la police de l’aéroport se poursuivent depuis des années. Ainsi en 2017 nous avions recueilli un témoignage ahurissant. Ci-dessous les faits rapportés par Monsieur K.
Arrivé à l’aéroport de Bruxelles National, Monsieur K est placé seul dans une petite « pièce » d’environ 2x2m. Les portes closes, des vitres des deux côtés permettent l’observation.
Trois policiers entrent, une dizaine, est groupée à l’extérieur visibles par Monsieur K. Les policiers sont en civil, portent leur badge autour du cou et sont armés.
Une expulsion vers la Chine est prévue pour ce Sierra-Leonais qui fuit son pays. Il explique aux policiers que ce n’est pas envisageable pour lui d’être une nouvelle fois expulsé vers la Chine (!) ce pays qu’il ne connait nullement ni la langue et refuse donc d’y être déporté. Le début de la conversation se passe d’une manière correcte lorsque soudain, Monsieur K est menotté, les bras derrière le dos. Il est ensuite entravé à l’aide d’une sangle noire tout autour de son torse les bras toujours derrière le dos menottés. A ce moment sept autres policiers entrent dans la pièce.
Monsieur K est maltraité, se laisse faire mais est terrorisé. Les policiers lui posent ensuite des bandages collants autour des genoux et des pieds. Il se retrouve ainsi complètement immobilisé saucissonné et poussé au sol. Un policier appuie sur son cou, il sent la douleur et se sent étouffer. Il est ensuite porté « comme un mort« , par les policiers vers le mini-bus escorté des 14 policiers dont ceux qui s’étaient tenus derrière la vitre à observer la scène dans la petite pièce.
Dans la camionnette toujours escorté des policiers, il est placé au sol couché, des pieds de policiers appuyés sur son corps, la douleur est extrême il suffoque. Un policier appuie sur son cou et appuie du coude ; il perd la voix. Il supplie du regard de relâcher la prise, il craint pour sa vie, la contrainte du cou est alors légèrement relâchée. Il se trouve toujours au sol, pieds et genoux liés, le corps sanglé.
Il n’a depuis le matin 8 heures au Caricole plus rien reçu à boire. Sa gorge le fait atrocement souffrir. Il saigne suite aux brutalités subies et transpire énormément, ses vêtements sont trempés.
Après une tentative avortée de le placer dans l’avion il est ramené dans la pièce de l’aéroport où il reste dénudé de longues heures sans rien à boire ni à manger. Seul pendant près de 6 heures Il reste debout incapable de s’assoir ou de se coucher tant la douleur est forte, déshabillé, seul, personne ne vient le voir jusqu’à 18 heures lorsqu’une équipe vient pour le ramener au Caricole.
Madame T
En octobre 2019 aussi un témoignage insupportable d’une dame apporte des éléments sur les comportements violents et complètement désinhibés des policier.ère.s à l’aéroport de Bruxelles -National.
Madame T dont la demande de protection en Belgique a été refusée doit être expulsée. Elle est emmenée et enfermée dans une pièce fermée sans fenêtres »comme en prison » où elle se retrouve seule face à cinq policier.ère.s en uniforme.
Madame T leur dit qu’elle ne veut pas être expulsée ce à quoi les policier.ère.s rétorquent « tu dois partir« .
Elle est menottée, attrapée à la nuque. Ses pieds lui sont liés, elle est sanglée au niveau de l’abdomen les mains entravées. C’est ainsi saucissonnée qu’elle est portée vers l’avion par les policiers. Un à gauche un à droite et un qui la porte par les pieds. Elle constate que les policiers surveillent constamment que personne ne les voit et font signe pour arrêter au cas où ils seraient vus. Visiblement ils se cachent.
Arrivée à l’avion elle est placée à l’arrière avec un policier à gauche et un à droite. Elle est toujours entravée, un policier l’agrippe à la nuque et la pousse en avant de manière à ce que sa tête se trouve coincée entre les jambes du policier où elle est maintenue violemment par la nuque. Elle sent qu’elle étouffe et panique, elle reste ainsi maintenue pendant une heure toussant et cherchant l’air avec des douleurs partout. Ceci ne peut que nous rappeler la mort tragique de Semira Adamu étouffée lors d’une 6ème tentative d’expulsion.
Les policiers poursuivent leur pression partout sur sa gorge, frappent la bouche et le nez. Ils font en sorte que les passagers ne la voient pas mais les hôtesses voient tout en ne bronchent pas. Après environ une heure (!) le commandant vient mettre fin à l’expulsion et ils descendent.
Madame T est une nouvelle fois emmenée dans le local où elle demande « c’est parce que je n’ai pas de papiers que vous voulez me tuer? » réponse « oui, retourne en Afrique« .
Dans cette salle elle se retrouve avec les mêmes cinq policier il est environ 12:00 et elle y restera jus qu’à environ 18:00.
Au cours de cette longue durée elle est frappée encore partout y compris dans le visage. Ses vêtements lui sont retirés brutalement, son soutien gorge déchiré et sa chaînette et sa culotte déchirées ! Tout au long de la journée, soit une douzaine d’heures, madame T n’a reçu ni à boire malgré ses demandes ni à manger…
- Témoignages ObsPol