Il serait intéressant de savoir qui leur indique cette direction… Les situations vécues par des victimes de ces interrogatoires biaisés sont diverses, reprenons ci-dessous des cas relatés, fait exceptionnel, par des personnes migrantes accusées de trafic d’êtres humains et participation à une organisation de malfaiteurs et hébergeuse.
Les situations vécues par des victimes de ces interrogatoires biaisés sont diverses. Reprenons ci-dessous des cas relatés, fait exceptionnel, par des personnes migrantes accusées de trafic d’êtres humains et de participation à une organisation de malfaiteurs et hébergeuse.
Dans la situation évoquée le but est clair : trouver des individus et les accuser afin de prouver que l’on travaille de manière efficace, même s’il s’agit éventuellement de « petits poissons« , de faire de l’intimidation ? de montrer au grand public que les choses sont bien gérées dans la répressions? ou encore ?
Les extraits ci-dessous proviennent du livre « Welcome, témoignages de 7 inculpés pour « trafic d’êtres humains« . Nous remercions d’avoir pu en publier des passages et recommandons vivement sa lecture.
A. : « On ne savait rien de rien, ni moi ni les autres personnes accusées qui étaient dans cette prison »
« On avait une avocate commise d’office qui ne venait que la veille de notre convocation au tribunal. On est restés toute une période sans rien savoir. Lors d’un interrogatoire, un policier m’a dit qu’ils avaient vu que mon téléphone avait été enregistré à Bruxelles en juin 20xx ; j’ai répondu que c’était impossible, car j n’étais encore jamais allé à Bruxelles en juin. Il y a des preuves de ça, je lui ai demandé pourquoi il ne revenait pas là-dessus, pourquoi il ne les utilisait pas, pourquoi il les négligeait. Je leur demandais d’utiliser les preuves sur mon téléphone, sur Messenger, mes retraits et consultations de mon compte avec ma carte bancaire en juillet en Italie puis à Paris… Je leur parlais de ces preuves, ces détails, ces conversations qui montrent qu’il y a une erreur, une injustice : le policier ne voulait rien entendre de tout ça. Il prenait note de ce que je disais mais il ne réagissait pas : il a noté « Messenger« , mais il ne faisait rien.
Pendant cet interrogatoire j’ai demandé pourquoi l’avocate n’était pas là, il a répondu « On n’a pas envoyé la convocation à ton avocate, on a envoyé ta convocation à l’ancien avocat » alors que j’avais changé d’avocat quatre mois avant et été plusieurs fois au tribunal avec ma nouvelle avocate. Je ne comprenais rien. […] « Si tu attends ton avocate, sans faire l’interrogatoire tout de suite, ton dossier restera ouvert pendant encore deux mois et tu les passeras en prison. » Et il a ajouté « De toute façon, si l’avocate était là, elle ne ferait qu’écouter et ne dirait rien. » J’ai demandé que cette menace de passer deux mois supplémentaires en prison si je n’acceptais pas de passer l’interrogatoire sans avocat soit notée dans le rapport. Je ne sais pas si le policier l’a fait. Mais j’ai demandé à ce que ce soit noté. Il y avait deux policiers : un qui posait les questions et un qui écrivait. Celui qui posait les questions jouait avec son téléphone. Il était sur Facebook. Quand je répondais aux questions, il rigolait. Je lui ai demandé pourquoi il rigolait, il m’a répondu qu’il s’en foutait de ce que je disais. […]
On est allés au tribunal mais ils reportaient l’audience. Du coup on retournait en prison. On était inquiets parce qu’on savait qu’il y avait beaucoup de racisme lié aux décisions du tribunal de Dendermonde, leurs jugements sont souvent bizarres. […] On ne savait pas très bien ce qu’on faisait là. Il n’y avait pas d’assistante sociale, personne qui aurait pu nous aider à faire un rapport ou nous accompagner, nous donner une aide. J’ai demandé les règles juridiques à la prison, en arabe, ils m’ont passé une version en néerlandais que je ne comprenais pas, je ne pouvais pas me renseigner. On savait seulement qu’il y avait une injustice contre nous. On avait l’impression que c’était le destin, que c’était arbitraire. »
Z. – « J’ai vraiment eu le sentiment que ce n’était qu’une formalité pour elle, parce que sa décision était prise«
« On arrive, on me place dans un cachot. Dans la zone de police de Dendermonde, il faut laisser ses affaires à l’extérieur […] Je me dis « C’est bon, j’ai compris là, ça a un lien avec le parc [le parc Maximilien à Bruxelles, lieu de rencontre de migrants de passage, NDLR], c’est quasi sûr et certain. » Je suis mise au cachot le temps que l’avocat arrive. J’ai droit à un entretien de quinze minutes derrière un miroir. Encore une fois, traduction foireuse, parce que la personne qui était prévue pour traduire le faisait du néerlandais vers l’arabe, mais pas pour le français [la victime est francophone, NDLR], c’était chaotique ! Je comprends avec mon avocate que ça concerne l’aide apportée à des gens en séjour irrégulier. Nous avions beaucoup de mal à communiquer, j’ai donc demandé si elle parlait anglais, elle m’a dit oui, nous avons donc continué l’entretien en anglais ! […] Pour démontrer à quel point je ramais sur ce sujet, l’avocat a demandé une pause d’un quart d’heure, pour m’expliquer en quoi dans la loi belge, aider une personne en séjour illégal est interdit. À ce moment on n’est pas encore sur l’aspect « trafic d’êtres humains« , mais la police m’explique que je ne peux pas aider quand c’est en lien avec une traversée de frontière. J’étais dans une considération humaine : il a besoin d’aide, point barre quoi. […] C’était un peu ridicule parce que les policiers ont vraiment joué à ce truc du « bon flic versus mauvais flic » avec l’un qui est assez gentil et l’autre qui gueulait. C’était un peu gros comme une maison leur tentative de déstabiliser.
Il m’est aussi reproché durant cet interrogatoire de ne pas être une bénévole, parce qu’ils disent qu’une bénévole, c’est juste quelqu’un qui donne du pain et qui rentre chez elle. Moi il y a une implication et cette implication prouve, selon la police, que je ne suis pas bénévole. Et tout ça se dit en me criant dessus ! Mon avocate me rassure en me disant que c’est pour me déstabiliser. Et ainsi de suite. […] Qu’est ce qui est en train de se passer, c’est quoi ce truc? J’ai laissé mon fils à la maison ! Plein, plein de questions… On donne à la personne désignée comme étant mon avocat l’autorisation de partir. Puis dès qu’il part et qu’on me fait signer ces documents, je me rends compte qu’on me ramène chez la juge, contrairement à ce qui venait d’être annoncé. […] Une juge d’instruction est censé te poser des questions, te confronter à certains éléments. Elle a décidé que ce serait l’avocate qui était dans le couloir et qui ne connaissait absolument rien de la situation, parce qu’elle avait déjà tout décidé d’avance. J’ai vraiment eu le sentiment que ce n’était qu’une formalité pour elle, parce que sa décision était prise, et qu’elle s’en fichait probablement de tout ce que l’on allait amener comme arguments. »
M. – « À chaque fois que je répondais, « Non, tu mens ; tais-toi, arrête de parler »
« Je suis monté dans la voiture de police, on a tous été mis en garde à vue, ils ont pris nos empreintes. Ils avaient arrêté aussi les gens qui étaient à l’intérieur. Ils nous on séparés et nous ont laissé longtemps dans des cellules. Je ne comprenais rien, il ne répondaient pas aux questions. Finalement il y en a un qui m’a dit que j’étais accusé d’être un passeur, de faire du trafic d’humains et association de malfaiteurs et encore d’autres accusations énormes. […] Le policier a fait son interrogatoire, j’avais peur, je ne comprenais pas pourquoi on m’accusait de ça, on m’a dit que je saurai plus tard. […] Puis il a eu un autre interrogatoire avec une femme. Plus tard on m’a dit que c’était la procureure [de Dendermonde, NDLR]. C’était très particulier, elle me posait une question et quand je répondais elle me disait « Tu mens« . À chaque fois que je répondais, « Non, tu mens ; tais-toi, arrête de parler« , des mots très violents. Elle m’accusait d’avoir été passeur ici durant un période où j’étais à Paris. Elle demandait de prouver que j’étais à Paris, je ne pouvais rien prouver évidemment, je travaillais au noir. […] Je me suis mis à pleurer. Elle m’a dit « Pas besoin de pleurer, ça ne changera rien à l’accusation« . Pendant ce temps mon avocat ne disait rien, il n’a pas prononcé un mot. […] À la fin elle (la procureure) m’a dit que j’étais un individu dangereux pour la société, qu’il fallait que je sois incarcéré à la prison de Dendermonde et que j’allais y passer cinq jours [en réalité la détention préventive fut bien plus longue, NDLR]. Je me suis tourné vers mon avocat et je lui ai dit « Mais je suis innocent, je n’ai rien fait, dites quelque chose, je vais passer cinq jour en prison alors que je n’ai rien fait, vous devez me défendre« . Il a dit : « Désolé je ne peux rien faire, je ne peux rien dire, je ne connais pas ton affaire, je n’ai pas lu ton dossier.«
Ces édifiants témoignages semblent indiquer que les interrogatoires n’étaient pas destinés à prendre connaissance de faits et d’explications des personnes suspectées, mais bien à remplir des dossiers ficelés d’avance et permettant ainsi un semblant de suivi des protocoles.
Il est apparu dans la suite donnée à ces poursuites, et notamment au cours des audiences au tribunal, qu’une énorme confusion et un flou organisé sous-tendait l’ensemble des accusations. Des dossiers inexacts, des dates erronées, des erreurs grossières de traduction etc.
N’oublions pas que le droit occidental dans sa grande majorité présume innocent jusqu’à preuve du contraire toute personne suspectée d’infraction. Un interrogatoire devant servir ne peut se transformer en lieu de manque de respect, d’absence des droits et règles élémentaires ni évidemment de menaces. Pour mémoire, quelques indications sur vos droits lors de l’interrogatoire.