Huit inspecteurs, dont plusieurs gradés, étaient poursuivis par le tribunal de Liège pour avoir soumis un citoyen à un traitement dégradant dans l’exercice de leurs fonctions. Deux d’entre eux également pour coups et blessures.
Les faits se sont déroulés le 30 avril 2022, quand un jeune homme de 29 ans, déficient mental, avait été interpelé à Liège pour avoir donné en passant un coup dans un combi de police.
Emmené au commissariat « Wallonie », non loin de la place Saint-Lambert, les forces de l’ordre lui avaient attaché les mains dans le dos et forcé à rester sur une chaise. Il s’est retrouvé dans cet endroit à l’abri des regards extérieurs, au centre de toutes les attentions des policiers présents, même ceux qui n’étaient en rien concernés par l’interpellation. Seulement voilà , la bodycam d’un des agents s’était enclenchée par erreur et a filmé la scène durant presque 19 minutes.
C’est ainsi que l’on peut voir ce qui s’est passé : la situation à rapidement évolué de manière fort tendue, le jeune insultant les policiers et les policiers surenchérissant. Coincé à la gorge par un policier qui le maintenait ainsi contre un mur, le jeune avait craché, avait reçu un coup de radio lui occasionnant une plaie ouverte à sang. Il aurait aussi reçu deux gifles d’un des policiers qui était assis sur lui à califourchon alors qu’il se trouvait menotté au sol. Il avait été traité par les divers policiers présents de « mongol », de « tête à claque », de « cas social », de « peine perdue », de « poisson rouge » ; les inspecteurs avaient ri de ses « 45 de QI ». « T’as une belle tête à claques, tu as dû ramasser toute ta jeunesse, tu n’en as pas eu assez ? », lui avait demandé un des policiers. « Celui-là, il a été fini à la pisse », avait lancé une gradée passant devant la pièce en civil alors qu’elle avait terminé son service.
Le tribunal correctionnel de Liège a prononcé son jugement le 18 janvier 2024 dans le dossier à charge de neuf policiers liégeois pour traitement dégradant et, pour deux d’entre eux, coups et blessures volontaires.
Des faits ahurissants ont été révélés lors de l’audience
Ainsi une quinzaine de minutes, un policier dont le jeune avait ciblé le crâne dégarni s’était assis à califourchon sur lui et au moins un coup lui avait été porté. Le fait qu’il souffre d’un complexe relatif à sa calvitie – ce qu’il avait invoqué – ne justifie en rien sa réaction, a conclu la juge.
Le gradé qui avait frappé avec sa radio, avait évoqué un harcèlement quotidien en rue, des insultes, une agressivité croissante vis-à-vis d’eux. Les insultes du jeune arrêté, ce jour-là, auraient été un déclencheur d’une scène qui, le disaient-ils tous, ne leur ressemblait pas et avait sans doute été aussi liée à un effet de groupe.
La juge a estimé, au vu des multiples moqueries adressées à ce jeune laissé au sol, menotté dans le dos, que les faits de traitements dégradants étaient établis sauf pour un policier, tout comme ceux de coups, à charge des deux poursuivis pour cette qualification.
Les voies de l'(in)Justice sont impénétrables…
Cependant, comme il est presque systématique pour des policiers incriminés, et bien que les juges reconnaissent les faits de violences illégitimes à l’encontre d’un.e citoyen.ne, ici aussi la juge a tenu compte du contexte et de l’absence de tout antécédent au disciplinaire pour accorder aux huit une suspension du prononcé qui ne laissera pas de trace sur leur casier. Ils devront, au civil, indemniser la victime à hauteur de plusieurs milliers d’euros.
Sur le fond
La question reste posée : qu’en aurait-il été sans la vidéo prouvant les brutalités policières à l’encontre d’une personne par ailleurs vulnérable et ce, dans le confinement d’un commissariat de police ?
Autant d’agents des forces de l’ordre, en groupe et à l’aise pour commettre des infractions graves qui, pour un.e citoyen.ne lambda n’auraient certainement pas été considérées avec autant de clémence ? Alors qu’ici il s’agit bien de personnes sensées représenter l’autorité et nous protéger…
- Le Soir 16.01.2023
- Le Soir 18.01.2023