À l’approche de La première audience qui se tiendra le mercredi 22 octobre 2014 au Palais de Justice de Bruxelles, petit résumé des faits : déroulement de la répression et des arrestations des activistes du camp Noborder, du 26 septembre au 1er octobre 2010…
Dimanche 26 septembre 2010 – manifestation devant le centre fermé 127bis de Steenokkerzeel
Ce jour là, à l’occasion du rassemblement annuel en mémoire de Semira Adamu, devant le centre 127bis la répression inattendue commence. Vers 14:15 à proximité de la gare de Nossegem : un déploiement policier important bloquant tout accès au pont. Des cordons de policiers et camionnettes stationnées de manière à empêcher tout passage vers le centre fermé 127 bis à Steenokkerzeel.
Dès la gare de Bruxelles, les policiers avaient envahi les wagons du train en direction de Leuven et priaient les autres voyageurs de se déplacer dans d’autres wagons afin de regrouper les voyageurs qui avaient l’air de se rendre à Steenokkerzeel et vérifiaient leurs papiers. C’est là que l’intimidation commence.
À la sortie du train les vérifications, parfois musclées, d’identité se prolongent pendant plus d’une heure. Les personnes sont obligées, parfois manu militari, de se laisser filmer à 40-50 cm du visage avant d’être autorisés à rejoindre les autres. À l’approche des manifestants au centre fermé, on observe à l’arrière la police montée ainsi que des policiers se promenant avec des chiens entre les deux rangées de grillages. Tout ce déploiement est fort impressionnant et intimidant.
À un moment du rassemblement, certains manifestants frappent sur la grille d’entrée ce qui déclenche chez les policiers, des mouvements inquiétants puisque les chevaux sont appelés et arrivent menaçants en écrasant les manifestants les uns sur les autres. Lorsque les manifestants dont certains sont à ce stade très effrayés, tentent de retourner vers la gare, d’autres policiers casqués et boucliers en main empêchent tout avancement que ce soit vers la gauche ou la droite. Les manifestants se retrouvent donc encerclés ne pouvant se diriger dans aucune direction.
Très lentement, avec de régulières pressions que les policiers exercent à l’arrière avec les chevaux de manière provocante et, suivis d’autopompes, le cortège des manifestants « hermétiquement » entouré de policiers avec leurs boucliers se met enfin en marche, marche lente et saccadée par les nombreux arrêts imposés par les forces de l’ordre. À la gare le passage est à nouveau bloqué les policiers refusant de laisser quitter les manifestants s’ils ne (re)montrent pas leur carte d’identité. Quelques manifestants qui avaient été arrêtés préalablement sont relâchés.
Mercredi 29 septembre – Bruxelles jour de la manifestation européenne des syndicats contre les plans d’austérité
Dès 9:30-10:00 du matin Bruxelles et en particulier dans les environs de Tour&Taxis où le camp NoBorder était implanté, les métros Simonis, Yzer, les grands boulevards, place Sainctelette, boulevard Lemonnier, sont envahis par des forces de l’ordre en civil et/ou en uniformes, des chiens, des chevaux, des combis.
Une multitude d’arrestations sont effectuées de manière systématique de personnes se déplaçant à pied ou en métro selon un processus identique : deux, trois personnes sont interpellées brutalement et sans aucune explication ni raison, de toute évidence sur base de leur aspect extérieur, plutôt jeune, style vestimentaire décontracté, sac à dos, style de coiffure… par des policiers en civil ou en uniforme. Fouille superficielle, fouille des sacs, vérification des documents d’identité, menottage derrière le dos, assis à même le sol le temps qu’arrive un véhicule de police pour les embarquer toutes sirènes hurlantes. Les personnes sont traitées brutalement, fourrées dans les véhicules et emmenées au commissariat où elles passent de 8 à 11 heures.
Les très nombreux témoignages envoyés au Legal Team du camp NoBorder ou à la LDH, font état de comportements railleurs, brutaux et généralement très violents en gestes et en paroles. Fréquemment arrêtés alors qu’ils s’apprêtent à prendre un bus ou se trouvent simplement assis à 3, 4 sur un banc, des individus se voient ainsi empêchés d’exercer une quelconque activité pendant l’entièreté de la journée puisque privés de liberté. De cette manière plus de 140 personnes sont victimes de ce que les forces de l’ordre ont qualifié « d’actions ciblées« , « d’arrestations préventives « .
A partir de 13:00 un rassemblement était prévu par Les précaires solidaires, groupe auquel devaient se rallier certains participants du camp No Border. La participation de ce groupe à la manifestation syndicale avait été négociée en détail et entièrement acceptée par les organisateurs (CSC et FGTB). Dès l’arrivée sur le lieu de rassemblement place Bara cependant, les membres du groupe Précaires se voient interdire l’accès de leur véhicule sono et leurs banderoles. Ainsi, dès avant le départ, intimidé par un impressionnant déploiement des forces de l’ordre ce groupe de manifestants se voit ensuite subitement encerclé ce qui les isole du reste du cortège. Le comportent des forces de l’ordre est d’emblée très agressif.
Après des palabres le groupe peut enfin rejoindre le cortège, visiblement il est souhaité qu’il reste à distance. Pourtant après quelques dizaines de minutes à la Porte de Hal, la police encercle ledit groupe avec une grande brutalité. Il est perceptible que la détermination est antérieure pour empêcher le groupe d’aller plus avant avec le reste de la manifestation. C’est avec une violence extrême et gratuite que les policiers se ruent sur les manifestants (voir les témoignages nombreux, photos et vidéos), ils frappent à la tête, sur les bras… Un homme au crâne fracassé titube, une femme lui venant en aide en tentant de le retenir par le bras reçoit un violent coup de matraque sur l’avant-bras. Il faut au moins 20 minutes avant que des secours n’arrivent pour le conduire en ambulance à l’hôpital avec 4 autres manifestants. Même les secouristes sont empêchés de venir en aide. La police procède à l’arrestation des manifestants encerclés. Cette manœuvre est suivie d’un second encerclement et de placages au sol. Des policiers en civil arrivent de tous les côtés, encapuchonnés, parfois masqués, sortent leurs matraques télescopiques et frappent lourdement même des gens déjà au sol. Toute tentative d’entraide ou de gestes de solidarité de la part d’autres manifestants sont violemment repoussés, voire réprimés brutalement, et du gaz au poivre leur est pulvérisé à bout portant dans le visage sans aucune précaution. Certains manifestants suffoquent, les yeux rougis. C’est un réel déferlement de violence.
Environ 90 personnes menottées les mains derrière le dos, sont obligées de s’asseoir en file sur le trottoir, pendant près de deux heures. Certains policiers exercent des mesures de contention supplémentaires en maintenant une pression dans le dos avec le genou. On assiste à des propos provocateurs et intimidations, notamment à l’aide de leurs bonbonnes de gaz de la part de policiers protégés par des masques. Des camionnettes de police font partiellement écran à ces agissements et un cordon de policiers empêche toute personne – même habitant du quartier – de passer. Questionnés les policiers répondent qu’il s’agit de « casseurs« . À un riverain de couleur qui dit aux policiers que c’est eux qui font peur avec leur accoutrement, l’un d’entre eux répond :
– » T’as déjà vu ta gueule ? C’est toi qui fait peur ! «
– » Mais c’est raciste ce que vous dites ! « .
– » Ben oui ! »
À partir de 16:30 les départs échelonnés se font avec des combis policiers, les personnes arrêtées sont traitées sans ménagement ni respect.
Les arrêtés sont conduits dans les casernes d’Etterbeek et rejoignent les autres en arrestations « préventives » de la journée. Ils y sont traités de manière humiliante et dégradante. Tous identifiés, fichés et fouillés. Il leur est demandé de signer des documents par lesquels ils déclarent avoir « porté atteinte à l’ordre public » !
Mercredi 29 septembre – Parc Léopold
Vers 11:00 un groupe qui souhaite faire connaître son opposition à l’agence Frontex, dont certains représentants devaient se réunir à la Bibliothèque Solvay dans le Parc Léopold, se réunit afin de bloquer l’accès aux participants de la réunion.
Les policiers, nombreux dans le parc, arrêtent tout passant qui leur semble suspect. Certains sont mis à l’écart de la vue dans des bosquets où ils sont maltraités. La violence est systématique. Les colsons sont serrés, les mains deviennent mauves, les personnes sont assises à même le sol et maintenues par des pressions de policiers sur le dos. Six policiers s’acharnent sur une seule personne. Les personnes arrêtées sont traînées par terre et jetées dans la camionnette de police. Pas de ceintures de sécurité pour les personnes pourtant menottées, une conduite brutale intentionnellement, avec coups de frein qui font se cogner les personnes aux sièges avants. À la caserne, fouille et relevé d’identité. Les policiers disent être à la recherche de « matériel de manifestant« . Arrestation vers 12:00 d’une quarantaine de personnes, libérées vers 21:00, après que tout le monde soit photographié; 11 gaufres sont apportées pour 22 prisonniers, un verre d’eau à 16:00 et un autre à 19:00.
Autres arrestations à Schumann – un groupe assis se fait arrêter et enfermer dans les mêmes conditions.
Jeudi 30 septembre 2010
Des arrestations ont lieu sur les trottoirs du centre ville. Les personnes sont traitées avec une violence débridée par les policiers qui les interpellent, en plaquant au sol, en tordant les bras et même en exerçant des strangulations, et les menottent. Sans qu’aucune raison ni objet de l’arrestation ne leur soit communiqués, elles sont ensuite maintenues pendant 11 heures à l’Amigo (commissariat central de Bruxelles). Fouille à corps, obligation pour les personnes de sexe féminin de se dévêtir même au regard de policiers du sexe opposé. Une jeune femme refusant d’enlever son pantalon se voit pliée en avant sur une table et baisser son pantalon par un policier, une autre doit se déshabiller entièrement. Humiliations et menaces, « J’ai envie de te couper les cheveux et les ajouter à mes trophées ! » se permet un policier ayant préalablement sorti son couteau. À la vue de passeports allemands, un policier se met à chanter « Deutschland, Deutschland über alles !« . Sacs, vestes et bijoux sont confisqués et certains objets ne seront jamais restitués. Remarques sexistes et moqueries font rire les policiers tout au long des 11 heures d’arrestation, au terme desquelles le rhabillement doit se faire dans le couloir…
Vendredi 1 octobre – arrestations gare du Midi
Appel à manifestation avait été lancé, suivi d’une interdiction communale de rassemblement de plus de 5 personnes. Dès 17:00 le quartier de la gare du Midi est envahi de policiers, combis et autopompes. Des personnes isolées ou se déplaçant à deux, trois sont systématiquement interpellées sur base de leur apparence extérieure (âge, vêtements décontractés, style de coiffure). Des passants voulant exercer une certaine vigilance sur les arrestations en cours sont aussi arrêtés. Des mineurs, identifiés comme tels avant leur arrestation, sont détenus jusqu’à 01:00 du matin en compagnie d’adultes. Les parents de ces mineurs ne reçoivent aucune information les concernant pendant leur détention. Aux personnes qui s’enquièrent de ce déploiement policier et aux cafetiers du coin, il est répondu qu’il s’agit de deux gangs qui préparent des bagarres et que les policiers sont là pour les en empêcher.
Le soir dans le quartier, arrestations aux alentours de la Porte de Hal vers 19:30. Route barrée à des personnes marchant dans la rue à deux. Les policiers les regroupent afin qu’il y en ait plus de cinq. Certains se font piéger par des tactiques policières qui consistent à dire à deux personnes « Attention il y a la police au coin« , si celles-ci répondent « Ah merci !« , elles sont embarquées par les policiers en civil et emmenées aux casernes d’Etterbeek où elles rejoignent d’autres déjà présentes. Menaces, intimidations, moqueries, incitations à la bagarre, sexisme, violences sont commises par les policiers, privation de boire, de manger et d’aller aux toilettes pour certains ! Est présent de manière active et proactive le Commissaire divisionnaire de police de la zone Bruxelles Ixelles.
Samedi 2 octobre 2010 – manifestation No Border dans les rues de Bruxelles
La veille, la police visite magasins, commerces, banques, restaurants et « avertissent » que le lendemain une manifestation dangereuse aura lieu. Qu’il y aura des « Black Blocs » qui vont tout casser, qu’il vaudrait mieux qu’ils ferments leurs établissements.
Il s’agit de la grande manifestation autorisée dans les rues de Bruxelles. C’est la seule manifestation organisée par le camp NoBorder. Bien que la présence policière avait été prévue discrète, il y a un nombre impressionnant de policiers en civil en plus des policiers présents pour la circulation. La surveillance, les photographies et les prises d’images sont constantes et importantes, exécutées par des policiers en civil principalement. Petite anecdote qui témoigne de l’état d’esprit des policiers : un enfant muni d’un flyer se rend sur le trottoir pour en distribuer aux observateurs du cortège. Voyant cela, un manifestant va vers lui à un moment donné et lui dit « Tu vois, ce monsieur : c’est un policier » et le policier de répondre devant l’enfant « Et toi, t’es une sous-merde !«
Des agissements récurrents
Concernant la mise en détention des personnes arrêtées, plus de 80 témoignages directs et écrits permettent d’affirmer les faits suivants :
- chaque arrestation se fait de manière brutale et violente ;
- aucun motif n’est donné aux personnes concernant l’arrestation et la mise en détention serrage excessif des colsons ;
- intimidation par les policiers qui circulaient aux abords des cellules à l’aide de chiens intimidation par les policiers d’ordre sexuel (à l’encontre d’hommes et de femmes) ;
- Accès aux toilettes refusé, parfois accordé après 4:30 de détention pour certains, d’autres ont dû se soulager dans la cellule (avec parfois plus de 20 détenus) ;
- privation de nourriture et/ou d’eau ;
- à leur sortie, les détenus sont sommés de signer un documentindiquant qu’ils ont troublé l’ordre public. Des photos sont prises de chaque personne (voire, dans certains cas, de force) ;
- violences policières dans les bus qui les transportaient et à la caserne (généralement devant le refus d’obtempérer aux ordres sans avoir obtenu d’informations sur ce qui concerne les arrestations ou l’usage de la force) ;
- mise en isolement sans couverture ni nourriture pour des personnes » repérées » ;
- irrespect et paroles fascisantes » Hitler ist mein Führer ! « , » Je n’aime pas les chômeurs « , » T’es habillé comme un clodo « , » On va faire du sexe avec toi » (en montrant la matraque).