Le vote du projet de loi du CD&V visant à autoriser Frontex à exercer des fonctions de police en Belgique a été reporté au mardi 30 avril, sous la pression des manifestations d'opposition d'un grand nombre de citoyens. C'est le moment d'agir si on ne veut pas voir fleurir une nouvelle variété d'uniformes dans nos gares, nos aéroports, nos ports etc. !
Le Parlement fédéral belge s’apprête à asséner le 2ème uppercut aux droits humains des personnes en migration, avec la complicité des partis de gauche. Rappel de la chronologie démago et liberticide :
Premier temps – 10 avril 2024, Parlement européen
Les eurodéputés votent les 5 réglements du nouveau Pacte Migration & Asile, un pavé de textes hypertechniques à la sémantique rassurante, sensé « améliorer » l’immigration, « humaniser les procédures« , les rendre plus « efficaces » dans un souci bonhomme de « bonne gestion« . Beurk.
Ces 5 textes seront révisés tous les 2 ans, pour coller au plus près de la « crise migratoire« , c’est à dire pour pouvoir les durcir à souhait dans les meilleurs délais si la tendance ne s’inverse pas (c’est à dire si toujours plus de personnes tentent le voyage vers l’El Dorado européen).
Pour faire court, ces 5 réglements concernent :
- Les bases de données et leur inteconnexion (EURODAC) : rien de neuf mais considérablement développé, avec les images biométriques rendues obligatoires, et plus seulement les empreintes digitales.
- Le filtrage dans les hot spots, un ensemble de procédures qui rendront dans certains cas quasi-impossible le dépôt d’une demande d’asile.
- La procédure d’asile elle-même, avec son tri par pays d’origine, et ses « pays sûrs« .
- La gestion de l’asile et de la migration, qui renforce le réglement Dublin et organise une « solidarité entre États » au détriment des personnes en migration et de leurs soutiens.
- Les situations de crise et de force majeure, un réglement qui permettra aux États de déroger à leurs obligations, par exemple en prolongeant le filtrage, et créera des « acteurs non-étatiques hostiles« , suivez notre regard….
Derrière la façade jargonnante et bien-pensante se cache une réalité toute autre, bien contraire à l’esprit des années d’après-guerre mondiale qui a présidé à la fondation de ce qui deviendrait l’UE : antifascisme, antinationalisme, antitotalitarisme, antiapartheid (même si ce mot n’est apparu que plus tard), « Plus jamais ça !« , plus jamais de personnes déshumanisées parquées dans des camps de concentration…
Une sémantique faite d’éléments de langage destinés à rassurer les citoyen.ne.s lambda et à en faciliter la diffusion servile par les médias, et qui sert de cache-misère des conséquences concrètes sur les personnes concernées.
Derrière ces textes se cachent la volonté d’expulser au plus vite les indésirables, les « illégaux« , les pas-comme-nous, les fuyards dont bien souvent nous sommes en partie responsables du départ plein d’espoir.
Derrière ces textes se cache des procédures cruelles et « efficaces » pour dénier aux personnes en migration leurs droits les plus fondamentaux, les concentrer systématiquement dans des « hot spots » ou des prisons en attendant le résultat d’une procédure administrative pour obtenir un droit de séjour.
Derrière ces procédures se cachent des pratiques déshumanisantes, criminalisantes qui, souvent, font déjà partie de la panoplie des États de l’UE, qui seront ainsi « légalisées » et institutionnalisées par l’UE, même si elles remettent en cause voire piétinent les acquis du droit international (Conventions de Genève, droit maritime etc.) : mensonges présupposés des demandeur.euse.s d’asile et renversement de la charge de la preuve, notions de »pays sûrs« , de « zones sûres » dans les pays pas sûrs, externalisation des frontières, criminalisation des ONG etc.
De nouveaux concepts, de nouvelles procédures émergent aussi de ces textes, telle la « fiction de non-entrée » sur le territoire européen qui permet de balayer la poussière humaine sous le tapis sans éternuer, le lien fait entre migration et criminalité via l’interconnexion des base de données (Réglement Eurodac), ou encore, cerise sur le gâteau rassis, le « mécanisme de solidarité » prévu par le Réglement Situations de crise et Force majeure) pour rendre l’aide aux personnes en migration ENCORE plus difficile si c’est possible…
Derrière ces textes souffle un air malsain de racisme, de xénophobie et de rejet de l’autre, aux relents méphitiques pulsés par l’extrême droite qui perce dans la plupart des États de notre Vieille Europe, des miasmes que les politiquement corrects respirent à plein poumons et exhalent sans dégout, car « il faut bien faire quelque chose face à la crise migratoire, non ?‘ »
Second temps – 25 avril 2024, Parlement fédéral belge
Un projet de loi Frontex de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden devait être soumis au vote des parlementaires fédéraux. Ce texte donne le cadre légal au déploiement de Frontex sur le territoire belge, pour assister la Police Fédérale dans la gestion des frontières, et la Police Aéronautique en tant qu’escorte des personnes visées par une mesure de retour forcé.
- l’agence Frontex a fait l’objet de très nombreuses accusations et enquêtes lors de refoulements (push backs illégaux) notamment en mer Égée ou encore en Europe de l’Est,
- de nombreuses ONG ont pointé la responsabilité de l’agence Frontex dans des actes relevant de traitements inhumains par le passé, notamment en ayant séparé des enfants de leur mère lors d’une expulsion de Grèce.
- les agents de Frontex collaborent activement avec les soi-disant garde-côtes libyens, qui sont impliqués dans des crimes contre l’humanité, notamment des actes de torture et de traite des êtres humains,
- Fabrice Leggeri, ancien directeur de Frontex, et aujourd’hui candidat du Front National aux élections en France, a lui-même reconnu l’incompatibilité des missions de l’agence avec le respect des droits humains.
Si ce projet de loi était voté, les agents de Frontex pourront être déployés dans les aéroports, les ports maritimes, dans la gare de Bruxelles-Midi au terminal Eurostar pour y assurer les contrôles frontaliers, procéder à des privations de liberté sur le territoire belge – dans la rue, à la sortie des centres d’accueil, dans les transports en commun, à la gare ou au commissariat – s‘ils estiment que cela entre dans le champ des « missions à exécuter sur le territoire belge ». Cette disposition leur permettrait, le cas échéant, d’agir seuls dans l’attente d’une force de police belge.
Troisième temps – 2 mai 2024, Parlement fédéral belge
Devant le tollé soulevé par la société civile et la campagne de mailing organisée par #AbolishFrontex, le vote prévu le 25 avril a été reporté au 30 avril, puis au 2 mai, ce qui laisse plus de temps aux partis pour s’entendre sur des négos nauséabondes et peaufiner leur justifications.
Soyons nombreux.ses à agir pour empêcher définitivement ce texte d’être adopté et forcer parlementaires et partis politiques à ne pas baisser la tête devant l’extrême droite et la bien-pensance généralisée qui relègue les personnes en migration au rang de problèmes à résoudre, de « crise » qui appelle une réponses sécuritaire !
Rendez-vous ici pour écrire à nos élu.e.s et les mettre en face de leurs responsabilités : https://abolishfrontex.be
Car non, il n’y pas de crise migratoire, il n’y a que des personnes, des êtres aussi précieux à notre humanité que nous-mêmes et qui cherchent un avenir moins sombre ailleurs. Et il n’y a qu’une solution à cette non-crise :
Non à l’Europe Frontex, Non à l’Europe Apartheid !
No Borders, No Nations, Stop Deportations et Freedom for All !