Cinq militants No Border avaient cité la Zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles devant le Tribunal de première instance. Les faits concernés par la citation sont leur arrestation préventive et abusives, dans le cadre de la semaine du camp No Border en septembre 2010, semaine au cours de laquelle 500 arrestations « préventives » ont été effectuées.
Les arrestations dénoncées dans la plainte sont celles qui ont eu lieu le 29 septembre 2010, jour de l’euro-manifestation organisée par les syndicats européens.
Trois des cinq plaignants ont été arrêtés dans la station de métro Ribaucourt parmi un groupe d’une trentaine de « clowns » en chemin vers le point de départ de la manifestation. Le juge a estimé que cette arrestation était bien illégale. En effet il rappelle le principe que « l’on doit arrêter les gens pour ce qu’ils font, non pour ce qu’ils sont ». Or, il n’y avait ni perturbation de la tranquillité publique, actuelle ou potentielle lors de l’arrestation, ni infraction. En l’occurrence il s’agissait bien d’une contravention à la loi belge ainsi qu’à l’art. 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (1).
Les deux autres plaignants ont été arrêtés lors de la manifestation à laquelle ils participaient de manière pacifique. Le juge estime que « le contexte général était instable », et qu’étant donné la présence de personne cagoulées il n’a pas été possible pour les policiers de faire le tri. Il ne considère pas ces arrestations comme disproportionnées.
En revanche, sur les conditions de l’arrestation et de la détention, le juge estime que le maintien des menottes pendant le transfert ne se justifiait pas sous la simple allusion vague que les personnes avaient un « profil peu collaborant ». De même, il précise que la prise générale de photos n’est pas justifiée. En effet, l’éventuel mélange de « profils » de manifestants ne permet pas de les traiter indistinctement. C’est en vain que les policiers invoquent que les photos étaient destinées uniquement à l’identification, puisque les plaignants étaient en possession de leur carte d’identité. Ici également le juge rappelle le principe que « la prise de photos de personnes soumises à une brève privation de liberté […] ne peut se produire qu’en cas de nécessité pour l’identification ou à des fins judiciaires et ne peut donc jamais être entreprise systématiquement ». Quant à la durée même de l’arrestation il précise que le fait qu’elle puisse durer 12 heures maximum, ne signifie pas qu’elle puisse être maintenue si longtemps sans nécessité. Mais dans le cas présent il ne la caractérise pas comme une faute dans le contexte d’alors.
Le tribunal condamne la zone de police à indemniser les plaignants pour le préjudice moral subi. Les plaignants, bien que la citation n’ait pas été entreprise dans un esprit de lucre, estiment malgré tout que les montants accordés sont insuffisants pour pour une privation illégale de liberté.
On constate à l’occasion de cette affaire le gouffre qui s’est progressivement creusé entre la pratique sur le terrain par les policiers et les principes de loi. À cet égard ce jugement est intéressant en ce qu’il rappelle des principes fondamentaux et devrait contribuer à une prise de conscience, afin que les policiers soient mieux contrôlés. Sans surveillance de leurs actions, sans sanctions lorsqu’elles outrepassent leurs droits et deviennent illégitimes, les forces de l’ordre ne peuvent que poursuivre dans cette voie.
C’est là également une des revendications portées lors de la manifestation du 15 mars dans les rues de Bruxelles à l’occasion de la journée internationale des violences policières.
- ObsPol