Un arrêt qui vient à point nommé pour jeter une lumière nouvelle sur le dossier de la manifestation du 15 mai et la question du poids à accorder à la parole des policiers…
Dans un arrêt [en Anglais uniquement, NDLR] numéro 1774/11 NEMTSOV contre RUSSIE, rendu le 31 juillet 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré que l’arrestation de l’auteur de discours critiques et provocateurs à la sortie d’une manifestation (autorisée) viole l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Version du requérant : il aurait tenté de sortir de la manifestation pour rejoindre sa voiture mais aurait été arrêté par un cordon de policiers qui empêchait les participants de quitter la manifestation (barrage filtrant bloquant la seule issue).
Version des policiers : il se serait agité et aurait appelé la foule à participer à une seconde manifestation non autorisée, puis résisté à son arrestation.
Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a aucune raison de faire confiance aux témoignages de 2 policiers, repris par les juges nationaux, qui affirment que le requérant s’agitait et résistait (§ 70), contre la version de témoins oculaires et un film des événements.
La cour insiste bien sur le « chilling effect » : son arrestation est arbitraire puisqu’elle n’a rien à voir avec le but invoqué (empêcher un rassemblement illégal), elle n’est qu’une intimidation pour empêcher les manifestations d’opposition (§ 76-78).
La manière dont les juges russes refusent de prendre en compte les témoignages favorables au requérant (sous prétexte qu’ils témoignent à sa demande) et même le film (sous prétexte que le requérant a pu se montrer agité au moment où il n’apparaît pas sur les images, caché par d’autres rangs de manifestants et policiers…), rappelle quelques sinistres arrêt de notre jurisprudence belge… (§ 40-49)
Si les juges croient sur parole les policiers et refusent tout crédit aux témoins favorables au requérant, il devient impossible d’obtenir justice. La Cour en déduit une violation de l’art. 6 §1 !
Extraits choisis :
91. The Court has also noted the ample and coherent evidence presented for the defence (see paragraph 69 above) and the reasons for their dismissal, in particular the assumption that the witnesses who participated in the same public demonstration as the applicant were biased towards him, which the Court finds it hard to justify. By applying this criterion the domestic courts disqualified ab initio any potential eyewitness in this case, irrespective of their individual situations or their attitude towards the applicant. The overall implausibility of the official version, compounded by the lack of any material corroborating the policemen’s account, has been obvious to the Court. In sum, the Court considers that the domestic decisions were not based on an acceptable assessment of the relevant facts.
92. The Court further holds that by dismissing all evidence in the applicant’s favour, the domestic courts placed an extreme and unattainable burden of proof on the applicant, so that his defence could not, in any event, have had even the slightest prospect of success. This ran contrary to the basic requirement that the prosecution has to prove its case and one of the fundamental principles of criminal law, namely, in dubio pro reo (see, mutatis mutandis, Barberà, Messegué and Jabardo v. Spain, 6 December 1988, § 77, Series A no. 146; Lavents v. Latvia, no. 58442/00, § 125, 28 November 2002; and Melich and Beck v. the Czech Republic, no. 35450/04, § 49, 24 July 2008).
93. Lastly, the Court observes that the courts limited the scope of the administrative case to the applicant’s alleged disobedience, having omitted to consider the « lawfulness » of the police order (cf. Makhmudov v. Russia, no. 35082/04, § 82, 26 July 2007). They thus absolved the police from having to justify the interference with the applicant’s right to freedom of assembly and sanctioned the applicant for actions which – had they truly occurred – would have been protected by the Convention (see paragraph 77 above).
94. The foregoing considerations are sufficient to enable the Court to conclude that the administrative proceedings against the applicant, taken as a whole, constituted a violation of his right to a fair hearing under Article 6 § 1 of the Convention.
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