Août 2013, Bruxelles
Intimidé, brutalisé, fouillé, arrếté, détenu
G. : « Il n’y a rien à discuter, tu vas voir ce que tu vas voir !«
Renversement des rôles dans cette nouvelle affaire de violences policières illégitimes : à l’origine d’une infraction routière, les agents ne vont pas apprécier qu’on le leur rappelle et se montrer brutaux envers G., le piéton qu’ils ont failli renverser. Leurs divers collègues successivement rencontrés se révéleront quant à eux tantôt indifférents, tantôt solidaires des agresseurs impliqués, voire plus chargés encore en testostérone ! Récit d’une découverte pénible de l’abus de pouvoir légal…
« Ce matin d’août de bonne heure, je m’apprêtais à m’engager comme piéton sur un passage clouté lorsqu’une voiture de police a surgi par ma gauche, me coupant littéralement le passage et manquant de me rouler sur le pied. Ne pouvant s’engager immédiatement dans l’avenue, la voiture est restée à moitié à l’arrêt sur le passage en me barrant l’accès au passage pour piétons.
S’agissant manifestement d’une conduite dangereuse et ne respectant pas une règle élémentaire de priorité aux piétons, je me permets d’attirer l’attention des occupants du véhicule en donnant une légère tape du bout des doigts sur le bord du toit du véhicule, de façon à ce que le signal puisse être entendu dans l’habitacle.
Immédiatement, 2 agents en uniforme sortent du véhicule. La passagère, manifestement en service, me fait remarquer de façon directe que je n’ai pas à faire cela. Je lui réponds d’un ton neutre tandis que le conducteur continue à se diriger vers moi. Il m’interrompt brutalement en me sommant de lui présenter ma carte d’identité. En voyant que je n’interromps pas immédiatement ma phrase et continue à m’adresser à sa collègue, il m’ordonne à nouveau sur un ton autoritaire de lui sortir ma carte d’identité faisant mine de m’avertir.
Je lui demande, calmement, si l’on peut savoir la raison d’une attitude aussi autoritaire. Faisant alors mine d’insinuer que je refuse d’obéir à son injonction, il s’approche de moi, m’agrippe et me dit quelque chose comme « Bon ; insubordination, tu veux faire le malin, on t’embarque ! » .
Dès le moment où je le préviens qu’il n’y a aucune raison de porter la main sur moi ainsi, alors que j’ai déjà sorti mon portefeuille de ma poche pour m’exécuter, il perd patience et se montre ouvertement agressif, m’ordonne de ne pas discuter et de m’exécuter, tout en continuant à me bousculer et me pousser dans la voiture. Il ne s’agit vraisemblablement pas d’un contrôle d’identité, il s’agit d’une agression pure et simple.
Victime manifeste d’un cas où l’usage de la force n’est absolument pas nécessaire, je lui demande sans complaisance s’il croit sincèrement que je vais me laisser ceinturer sans aucune explication valable ?
La suite est connue : l’agent tente alors de me plaquer contre la voiture à l’aide d’une clé au bras musclée et agrémentée d’une formule du genre « Il n’y a rien à discuter ! » et « Tu vas voir ce que tu vas voir ! » . Au vu de plus d’une dizaine de témoins attablés à la terrasse du café en face et qui confirmeront ces déclarations, je me débats légitimement afin de résister à une situation aussi absurde que brutale.
Sans que je puisse expliquer comment ni pourquoi, deux policiers en civil (distinctement reconnaissables à leur brassard rouge), ont alors soudain surgi de nulle part, probablement de la terrasse de l’établissement en face, pour prêter main forte à l’agent et ils se trouvent finalement – selon les divers témoins – à 4 pour me ceinturer et me menotter : je ressens une douleur certaine, épaule et omoplate totalement pris en tenaille, je sens un craquement du coté de mes vertèbres cervicales. Ma chemise est notamment déchirée à hauteur de l’épaule. S’ensuivent les menottes serrées excessivement de manière à blesser sans raison, la brutalité (divers effets de clés de bras avec plaquage contre le véhicule).
Finalement menotté, je suis jeté dans la voiture de police, main sur la tête de rigueur. En atterrissant dans la voiture j’ai droit à une vive douleur d’écrasement de mes poignets au contact du dossier. Les policiers me conduisent toutes sirènes hurlantes au commissariat.
Le conducteur, responsable de la situation, se fait un plaisir de m’expliquer que, comme j’ai résisté lors du « contrôle » je vais être écroué pour la journée. Je remarque rapidement que je ne suis plus en possession de mon GSM. J’insiste à 2 ou 3 reprises que je dois récupérer mon GSM, qui contient un répertoire important de contacts et de nombreuses informations importantes pour moi. Rien n’y fait, mes droits sont ignorés et ma demande reste sans réponse. On ne me demande pas non plus, à aucun moment, le numéro utile pour simplement appeler ou vérifier si quelqu’un décroche.
Une fois au commissariat, je suis conduit dans ce qui ressemble à un bureau, où on me fait m’asseoir sur une chaise et patienter sous la surveillance de la policière. La situation est alors la même, on m’annonce que je vais être écroué pour avoir résisté lors de mon interpellation et avoir troublé l’ordre public. A aucun moment on ne m’explique la raison précise de cette arrestation musclée et de cette escalade de brutalité. Après quelques instants un autre agent, apparaît qui me fait immédiatement me rasseoir de force sur une chaise d’un geste brusque sur l’épaule en me criant » Assis !« . Je me relève immédiatement en reculant la chaise du pied en lui faisant remarquer que c’est aux chiens qu’on donne des ordres de cette manière.
Il prend donc l’initiative de m’empoigner par la trachée qu’il ne manque pas de serrer suffisamment pour me couper la voix, de me faire traverser tout en force la moitié de la pièce à reculons en me vociférant des mots d’une rare violence pour enfin me plaquer, toujours menotté, dos contre un bureau dont le rebord me taillade les lombaires. Il s’amuse encore un peu à me dominer et m’intimider, à me faire parler ainsi quelques instants alors que pratiquement aucun son ne sort de ma bouche et que je vire au rouge. Après quoi on m’explique simplement que si je me « calme » , on me promet de desserrer très bientôt ces douloureuses menottes trop serrées. Les collègues, assermentés comme il se doit, confirmeront la scène.
On m’explique ensuite que je vais être transféré au commissariat du centre pour y être écroué, sans raison déclarée. Demande réitérée d’avoir des nouvelles de mon GSM. Négatif. Les deux agents à l’origine de l’interpellation et moi-même reprenons la route.
Au cours du trajet, l’agent au volant fait toujours autant preuve de vitesse et de jeux de sirènes inutiles, en continuant à m’agresser verbalement sur un ton pour le moins condescendant, tandis que la passagère lui fait remarquer qu’il pourrait rouler moins vite. Une fois sur place, l’agent conducteur se fait à nouveau un malin plaisir à me balader de droite à gauche par le bras comme au bout d’une laisse et s’assure que mes poignets continuent d’enfler dans les menottes. Une petite torture dont il semble visiblement se délecter.
A l’intérieur du commissariat, on m’invite à signer un document dans lequel je reconnais être privé de liberté et un autre dans lequel je mentionne être bien en possession de mon ordinateur portable mais je précise clairement que mon GSM est toujours manquant, et que je n’en ai toujours aucune nouvelle. Ce ne sont déjà plus les mêmes policiers et ils sont encore moins au courant que les précédents de ce qu’a pu devenir le plus important de mes effets.
Après avoir subi un interrogatoire et une fouille complets, mes effets sont confisqués et stockés dans un sac en plastique. Un autre agent prend des copies détaillées de toutes mes empreintes palmaires et digitales. Une photo de face et deux profils sont tirées pour alimenter leurs fichiers. Je suis vraisemblablement dès lors fiché, sans pouvoir dire ou refuser quoique ce soit, je n’ai rien à dire et aucun conseil ne m’est présenté. Je dois à présent encore me déshabiller pour raison de sécurité pour éviter « tout risque » en cellule.
Je suis ensuite conduit au cachot « 11 » pour séquestration, mes affaires restent à la porte. La porte se referme et on me souhaite « une bonne après-midi« . Je séjourne, défroqué et à moitié-nu dans un lugubre cachot pendant plusieurs dizaine de minutes. Finalement, vers midi, deux autres policiers viennent pour m’en faire sortir. Je récupère mes affaires et je suis reconduit plus loin à l’extérieur par encore un autre agent. Ce dernier me fait remarquer que je n’ai pas le profil de leurs clients habituels. Je n’ai aucune information, aucun nom de personne de contact, aucune indication quant à la suite de la procédure. Tout est apparemment fait pour que je puisse recevoir le moins d’informations possible.
Les ecchymoses et différentes lésions issues de cette rébellion alléguée sont constatées par un médecin urgentiste directement après ma levée d’écrou : éraflures, contusions, érythème, ecchymoses. J’ai également fait constater aux différents intervenants l’état de ma chemise, déchirée au niveau de l’omoplate. Je souffre également depuis d’une vertèbre cervicale déplacée qui m’empêche d’effectuer des mouvements totalement naturels, constaté également.
Je retourne ensuite au premier commissariat afin d’obtenir de plus amples informations quant à la suite à réserver à cet événement. On me dit à l’accueil d’attendre quelques instants. Quelques minutes plus tard, apparaît sur le seuil de la porte une personne d’âge mûr en civil se déclarant être le commissaire faisant fonction. Il ne décline aucun élément d’identité. Il m’explique que la procédure va suivre son cours et que je dois attendre la production du PV, en me précisant qu’une enquête est en cours et que cela peut prendre jusqu’à 2 semaines.
Il me précise également que si je pense qu’il y a abus, je peux escalader l’affaire au comité P, compétent pour ce type de plaintes. Je ne suis pas informé faire l’objet d’une recherche, de troubler ou de pouvoir troubler l’ordre public d’une quelconque manière, avérée ou non. Je ne suis pas informé non plus de menacer le maintien de la sécurité publique. Je repars donc sans aucune information tangible. Sans les témoins présents sur les lieux, je n’aurais aucun élément me permettant d’attester la survenance même des faits.
En conséquence, je demande réparation du préjudice subi, la restitution sans délai de mon GSM, la communication immédiate du PV des événements, l’identité et grade des différents agents ayant participé à cette arrestation, ainsi qu’une communication rigoureusement exacte de leurs motifs. Je demande également qu’un avocat pro deo soit nommé pour prendre le relais juridique quant à ce dossier. »
Violences physiques
Coups de pieds, coups de poings, gifles | |
Pieds/genoux sur la nuque, le thorax ou le visage | |
Coups à terre ou alors que la victime est maîtrisé.e | |
Coups sur les oreilles | |
X | Étranglement |
X | Clés aux bras douloureuses |
Doigts retournés | |
Usage de matraques | |
Morsures de chiens | |
Usage de spray lacrymogène | |
Tirage par les cheveux | |
Arrosage | |
X | Serrage douloureux des colsons ou des menottes |
Tirage par les colsons ou des menottes | |
Usage de gants | |
X | Agressivité, manque de respect, insultes |
X | Appel à faire cesser les souffrances restés sans effet |
Violences psychologiques
Accusation de trouble à l’ordre public | |
Accusation de rébellion | |
Accusation de menace à agent | |
Accusation d’injure à agent | |
Refus de soins ou de médicaments | |
Propos sexistes | |
Propos homophobes | |
Propos racistes | |
Violences de la part de collègues policiers | |
X | Passivité des collègues policiers |
X | Défaut ou refus d’identification des policiers |
X | Contrôle d’identité à titre vexatoire ou d’intimidation |
Intimidation ou arrestation des témoins | |
Obstacle à la prise d’images | |
X | Refus de prévenir ou de téléphoner |
Refus d’administrer un éthylotest | |
X | Refus de serrer la ceinture pendant le transport |
Refus d’acter une plainte | |
Mensonges, dissimulations, disparition de preuves | |
Déshabillage devant témoins de l’autre sexe | |
Flexions à nu devant témoins | |
Absence de signature du Registre des effets personnels lors de la détention | |
Pression pour signer des documents | |
X | Confiscation, détérioration, destruction des effets personnels |
Privations pendant la détention (eau, nourriture) | |
Conditions sanitaires inappropriées pendant la détention (température, hygiène, lumière) | |
Complaisance des médecins | |
Absence de procès-verbal |
- Témoignage ObsPol