Tribunal correctionnel de Bruxelles le 5 juin 2020
Un policier est prévenu pour avoir porté des coups ou causé des blessures à un migrant de nationalité soudanaise de 18 ans, avec circonstance aggravante de préméditation.
Le procureur requiert une peine d’un an de prison qui pourrait bénéficier d’un sursis. Il a argumenté que ces faits, commis à l’encontre d’une personne qui n’a à aucun moment insulté les policiers ou été violente, étaient « pour le moins interpellants« , même si « la fonction de policier est difficile et demande beaucoup de sang-froid« .
La procureur aurait-il donc admis ce type de maltraitance si le jeune homme avait « insulté les policiers ou été violent » ?
Me Alexis Deswaef, qui défend la victime, demande une requalification de ces faits en traitement inhumain, avec la circonstance aggravante étant donné qu’ils ont été perpétrés par un agent représentant la loi. Ceci pourrait alourdir la peine.
Rappelons que le 21 avril dernier, des policiers bruxellois ont emmené des migrants dans une camionnette et les ont relâchés ailleurs près du quai de Willebroeck, non sans avoir fait usage de gaz dans les yeux du jeune homme et détruit son GSM à coups de matraque. Seule une vidéo prise par des témoins a pu mener cette affaire devant la justice.
Me Deswaef estime dans sa plaidoirie que le policier a voulu intimider son client :
« Il [le policier, NDLR] a tenté de faire pression sur lui pour qu’il parte, ce transmigrant qui nous ennuie, et aller le conduire tout près du canal. C’est un peu comme au Moyen-Âge, lorsque le soir venu on conduisait les étrangers hors des portes de la ville. […] Il y avait du mépris pour ce migrant, sinon on n’agit pas comme cela«
Me Sven Mary qui défend le policier suggère au tribunal d’ordonner au policier de suivre une formation en gestion de la violence. À titre subsidiaire, qu’il bénéficie d’un sursis en cas de condamnation à une peine de prison.
« Mon client regrette amèrement. Mais ce n’est pas un robot, ce n’est pas une machine… Il a eu un ‘coup de sang’ comme il l’a dit, mais il a ajouté: ‘j’ai compris tout de suite que j’avais fait une connerie’. »
Quelle peut donc être la raison d’un policier pour avoir un coup de sang lorsqu’il est en service et opère un contrôle dans le cadre des règles Covid-19 ? Est-ce qu’apprendre à gérer sa violence lui apprendrait aussi le respect des personnes interpellées, quelles qu’en soient les raisons ? En quoi être transmigrant occasionne-t-il « un coup de sang » de la part d’un membre des forces de l’ordre ?
- Belga 5.6.2020
- La Libre 6.6.2020