En mars 2018 la Loi sur la Fonction de Police a crée la possibilité pour les policiers de porter une caméra portative dite « bodycam » et de ce fait filmer certaines interventions.
Youpi, l’est content l’État : l’utilisation de ces caméras répondra à des objectifs officiels nombreux et variés, notamment :
Enregistrer les conditions de déroulement d’une intervention du point de vue du policier ;
Rechercher crimes et délits;
Améliorer le rendre-compte des interventions à l’égard des autorités administratives et judiciaires (le rendre-compte et la justification étant des grands principes du Community Policing) ;
Apaiser les relations entre les intervenants policiers et leurs interlocuteurices selon le principe de la désescalade, en informant préalablement ces derniers de l’enregistrement de leurs faits, gestes, propos… ;
Garantir les droits fondamentaux de la citoyennerie ainsi que la transparence de l’intervention policière (si, si 🙂
Accroitre la sécurité des fonctionnaires de police, la caméra constituant ainsi un « bouclier » pour le membre du personnel ;
Réduire le nombre de faits de violence, ainsi que le nombre de plaintes non fondées à l’encontre de la police et lutter ainsi contre le « police bashing « . C’est vrai quoi, stop au harcèlement de nos pauvres flics par les victimes à la fin !
Augmenter la qualité et étayer les constatations d’infractions en augmentant le recours aux images (annexer des images aux PV) ;
Renforcer le professionnalisme des interventions policières (un pis-aller en attendant qu’on leur impose d’exercer leur professionnalisme entre eux au poulailler)
Il semblerait qu’un grand nombre d’interventions s’apaisent lorsque la police annonce aux citoyen.e.s qu’une bodycam enregistre celle-ci.1
Rappelons que :
- Les policiers sont tenus d’informer la personne filmée que la bodycam est activée et
- Une fois activée, l’intervention doit être filmée dans son intégralité afin de limiter les risques de contestation par la suite.
- La loi prévoit également que les images doivent être conservées pendant au moins 30 jours. Elles ne peuvent donc pas être simplement effacées ! Bizarre cette tendance qu’elles ont à disparaitre aussi souvent…
Le pré-enregistrement, késako ?
Du coté technique, une possibilité de pré-enregistrement était prévue. L’image ainsi que le son sont enregistrés dès l’appui sur le bouton.
L’organe de contrôle de l’information policière2 formule en 2020 que la base juridique sur laquelle reposait l’enregistrement du son n’était pas suffisante, l’enregistrement est donc considéré comme illégal.
La situation lorsqu’une tierce personne ne participant pas à l’échange enregistre la conversation à distance (par ex. un.e collègue) est effectivement problématique. Le pré-enregistrement permet en effet d’entendre la conversation « privée » entre membres du personnel de police, ce qui ne les protégerait pas suffisamment selon eux.
En conséquence la fonction de pré-enregistrement a été désactivée dans un grand nombre de cas et un nouveau cadre législatif est entré en vigueur en novembre 2023.3
Suite à cette modification les policier.ère.s ne peuvent enregistrer que les conversations auxquelles iels participent elleux-mêmes. Il est cependant nécessaire que l’utilisation se fasse en répondant aux conditions légales, dont l’une est que l’enregistrement doit avoir lieu pendant la « durée de l’intervention », le temps précédant l’intervention n’est donc pas prévu.
Cette disposition ne clarifie pas la situation de pré-enregistrement qui est maintenue et s’applique toujours pour les 30 secondes qui précèdent l’intervention réelle.
Notons au passage que le matériel en commande et en production est toujours équipé de ce pré-enregistrement illégal…
Et qu’en est-il d’une demande éventuelle d’un.e citoyen.ne d’activer la bodycam ?
Si un.e citoyen.ne demande l’activation de la bodycam, le policier doit s’y conformer pour autant que cela n’interfère pas avec la mission de la police.4
Il n’est pas inutile de préciser une nouvelle fois que les citoyen.es sont autorisé.e.s à utiliser leur smartphone ou une autre caméra pour filmer des interventions policières à condition que :
- cela ne perturbe pas l’intervention,
- les ordres de la police soient respectés
- les images ne soient pas publiées si des policiers y sont reconnaissables.
1 – https://etaamb.openjustice.be/fr/loi-du-19-octobre-2023_n2023047049.html
2 – Source : https://www.teamjustitie.be/fr/2024/01/20/20-01-la-nouvelle-legislation-sur-les-bodycams-en-vigueur-des-aujourdhui/
3 – https://www.police.be/5325/questions/bodycams/bodycams-pourquoi-et-comment
4 – https://www.organedecontrole.be/files/CON19008_Avis_dOffice_COC_Bodycam_F.PDF