« 2 policiers qui était assis à coté de moi, il m’ont mis des coup de poing et des gifles a plusieurs reprises«
Le 11 janvier 2013 à 18:30, Moad rentre chez lui. Il trottine à une rue de sa maison, entre Beekkant et Osseghem, lorsqu’une voiture de police noire allume les sirènes derrière lui :
« Je croyais qu’ils cherchaient quelqu’un, arrivé à mon niveau, 5 policiers se sont précipité sur moi, ils m’ont insulté de tous les noms. « Fils de pute », « Sale Arabe » etc. J’ai paniqué en voyant les policiers avec leurs matraques. Un policier m’a frappé avec sa matraque sur l’épaule et je suis tombé par terre. J’ai eu deux coups de matraque, un sur l’épaule, un sur les côtes. En me mettant par terre une policière m’a serré les menottes pendant que les autres policiers me frappaient par terre. Y avait un policier qui me donnait des shots sur mon visage. […]
Ils m’ont promis que j’allai passer un mauvais quart d’heure, en me fouillant ils me donnaient des coups et des gifles. En mettant dans la voiture deux policiers qui étaient assis à coté de moi, ils m’ont mis des coups de poing et des gifles à plusieurs reprises. Arrivé à Comte de Flandres, il se sont arrêtés devant un local et il m’ont dit que c’était trop gentil là-bas, alors ils m’ont emmené derrière la Commune, en sortant de la voiture ils m’ont cogné contre le capot de la voiture […] »
Alors qu’il est mineur, il est mis en cellule dans la cave du commissariat. C’est via des amis que le fils aîné de la famille sera mis au courant de l’arrestation de son frère. C’est lui qui se rend le premier au commissariat et prévient sa mère. Malgré son insistance, la police refuse qu’elle voie ou récupère son fils. Ils affirment que Moad aurait refusé de donner ou montrer sa carte d’identité, ils l’accusent de rébellion et outrage.
Les policiers affirment qu’ils n’ont pas utilisé leur matraque, qu’ils l’ont « simplement poussé avec la force nécessaire contre le mur« …Sans rire ?
Ses parents le reprendront au commissariat en soirée le visage tuméfié et éraflé, l’oreille écorchée, une empreinte de semelle sur l’arrière du crâne…
Suite au choc de l’histoire racontée par leur fils, les parents décident de ne rien lâcher. Ils ont aussi eu le bon réflexe d’aller immédiatement faire constater les blessures par un médecin avec photos et certificat. Ils ont ensuite pris un avocat pour défendre les intérêts de Moad et porter plainte contre les agents. Face à la version de la police, les parents doutent de l’objectivité de l’enquête interne et de l’honnêteté de la version des policiers.
Lorsqu’ils sont reçus par la bourgmestre, accompagnés de leur avocat Me Lurquin, ils réaliseront qu’il manque 12 minutes sur la vidéo du commissariat. « La scène où il dit avoir eu le visage écrasé sur la porte du sas interne a disparu et le trajet jusqu’à la cellule, qui doit durer 40 secondes, dure 12 minutes selon le minutage qui passe de 18h29 à 18h42. On nous dit que c’est un problème d’horodateur sur l’enregistrement… Un peu court ! » .
Par ailleurs, on leur dira que l’enquête interne est terminée et qu’aucun policier ne sera incriminé. Moad n’a même pas été entendu.
Aïcha Daoudi, la maman, a du changer son fils d’école. « Il était devenu une bête de foire. Tout le monde lui posait des questions sur l’affaire« , et dit que son fils continue de faire des cauchemars toutes les nuits.
Commence alors une longue bataille judiciaire et politique dans laquelle la famille n’a jamais faibli. Elle durera jusqu’en juin 2015. Malgré le fait que le Parquet demande le non lieu, le tribunal suit les avocat.e.s de la famille et renvoie les 5 policiers devant le tribunal correctionnel.
C’est une première victoire pour la famille. Même si personne n’est condamné, la justice reconnaît qu’il y a un problème. Le 1er décembre 2016 débute le procès. Le président (la juge Anne Gruwez) a mis en cause la victime, a multiplié les devoirs d’enquête, allant jusqu’à vérifier les alibis de Moad, ses appels téléphoniques etc. Le procureur a requis l’acquittement, les avocats de la défense ont sévèrement attaqué l’adolescent, et Moad a essayé d’obtenir gain de cause, estimant avoir été victime de violences policières.
La chambre des mises en accusation a décidé le renvoi des policiers devant le tribunal, malgré les réquisitions de non-lieu du parquet de Bruxelles. Décision sera rendue le 19 décembre : l’un des cinq policiers a été condamné à trois mois de prison avec sursis. Il devra également indemniser l’adolescent et sa famille. Ses quatre collègues sont acquittés.