« Présente à une manifestation autorisée contre les violences à l’égard des femmes j’étais en compagnie de plusieurs connaissances de nationalité italienne et belge témoins de ce qui m’est arrivé. En fin de manifestation je quitte les lieux afin de me rendre dans un établissement pour boire un café. C’est alors que je suis arrêtée par la police. Vêtue de noir je portais également une pochette bordeaux et un sac fourre-tout de l’événement Mirabal.
Je portais sous le bras droit une pancarte en carton sur laquelle était écrit “Love does not kill”). Les forces de l’ordre m’ont interpelée, arguant que j’étais en train de manifester et que je n’avais pas le droit de le faire. Ils ont indiqué que je portais une revendication politique que je n’avais pas le droit d’afficher ; alors que je ne faisais que porter le carton sous le bras. Je leur ai signalé qu’il était normal que je porte encore des effets personnels puisque je quittais la manifestation mais que je ne manifestais plus. J’ai demandé la base légale pour me stopper dans la rue pour une telle raison, ils ont précisé que c’était en raison d’une manifestation non autorisée.
J’ai immédiatement recherché sur le site officiel de la Police Belge la définition et le documents concernant la thématique des manifestations . En lisant la définition de manifestation “On entend par manifestation toute activité rassemblant un plus grand nombre de personnes (participants ou spectateurs). Il peut s’agir de soirée, de brocante, carnaval, rallye touristique…” j’ai donc fait remarquer que ce n’était pas le cas comme raison de mon arrestation. J’ai ensuite voulu savoir pour quelle raison je n’avais pas le droit de garder le carton sous le bras. La seule réponse fut à nouveau que je n’avais pas le droit de manifester.
J’ai répondu que je pensais qu’en Belgique, on pouvait s’exprimer librement et que j’en étais tout à fait sûre. Ils m’ont répondu que « ce sont les lois en vigueur en Belgique » et m’ont dit que je recevrais un procès-verbal pour cette infraction et que sur mon « beau téléphone, vouspouvez lire tout ce que vous voulez, mais que nous le disions et nous savons ce que nous faisons » et que moi, une « mademoiselle, une jeune femme« , j’étais manifestement mal informée.
Ils m’ont gardée là, à côté de leur camionnette et séparée des amies qui m’accompagnaient. Pendant ce temps, de nombreuses personnes, voyant mon malaise, ma difficulté et l’injustice de la scène, s’arrêtent, écoutent, certaines essaient de me parler, d’autres prennent des photos ou des vidéos.
Mes amies m’ont rapporté que lorsqu’elles ont demandé à la police de s’approcher de moi, celle-ci a refusé, les encerclant en ne nous laissant pas communiquer et en m’isolant.
Bouleversée, d’autant plus que je sortais d’une manifestation contre les violence à l’égard des femmes, j’ai commencé à pleurer et ai demandé quelles étaient les conséquences de cette situation. Les policiers m’ont demandé de leur remettre ma carte d’identité, en cherchant mon portefeuille dans ma pochette, je ne l’ai pas trouvé. Entre-temps, les policiers ont commencé à me crier dessus en demandant « Vous êtes illégale en Belgique? Vous êtes régulière? » et “C’est sûr que vous n’êtes pas enregistrée auprès de la municipalité« , en soulignant que « votreaccent est juste définissable« , ce qui montrait clairement qu’ils avaient compris que j’étais italienne. Là, ils ont aussi dressé un autre procès-verbal parce que je n’avais pas de carte d’identité sur moi.
Je leur ai expliqué que j’avais probablement perdu mon portefeuille au cours de la manifestation et leur ai présenté mon abonnement STIB. Les policiers m’ont encore tourmentée précisant que ce n’était pas une méthode d’identification. Ils ont vérifié dans leur banque de données et ont pu établir que non seulement j’étais régulière en Belgique, mais également enregistrée dans une commune bruxelloise.
Ensuite, ils m’ont dressé un autre procès-verbal pour outrage, du fait uniquement que je m’étais permise de demander des informations sur mes droits et avais présenté une version différente de la leur.
Au long de l’entretien ils m’ont humiliée disant que je ne comprenais pas le Français, ce qui est totalement faux et que le problème était mon origine italienne.
Enfin, il m’ont permis de partir après près d’une demi-heure en me remettant les PVs de ces trois infractions pour lesquelles je recevrai, selon eux, « une forte amende et éventuellement une citation à comparaître devant le juge« .
Comme je n’avais rien fait, je suis restée paisible et en larmes. J’étais tellement incrédule que j’arrivais pas à y croire. Après m’être quelque peu remise et mangé je me suis rendue au commissariat central pour porter plainte pour abus de pouvoir de la part des forces de l’ordre et signaler la perte du portefeuille.
Lorsque je suis arrivée, un policier m’a demandé d’écrire ce qui s’était passé en quelques mots-phrases sur les ordinateurs à l’entrée. J’ai écrit que j’avais perdu mon portefeuille, que j’avais été victime de harcèlement et d’une procédure verbale injuste. Le policier à côté de moi n’a pas hésité à dire que ce que j’avais écrit était impossible. J’ai rapporté que c’était ce qui s’était passé. J’ai demandé de parler à une policière femme, car tous les policiers présents sur les lieux étaient des hommes et je ne voulais pas avoir affaire à l’un d’entre eux craignant me trouver dans le commissariat auquel appartenaient les policiers en cause.
J’ai donc relaté les faits tels qu’ils s’étaient déroulés tout en craignant que les policiers incriminés étaient là et entendent ce que je disais étant donné que tout le monde pouvait entendre.
Au début la policière semblait disposée à enregistrer la plainte, cependant dès que j’ai évoqué la police, elle a commencé à me regarder avec un air dégoûté et a appelé deux de ses collègues qui se sont approchés. J’ai demandé à pouvoir porter plainte pour abus de pouvoir et procès-verbaux injustes en vue d’une action disciplinaire suite à un comportement policier abusif, et déclarer la perte de mon portefeuille.
La policière m’a dit qu’elle n’était pas présente et qu’elle ne savait pas ce qui s’était passé et qu’elle ne pouvait donc pas écrire “ces choses” que j’étais en train de déclarer. La suite de l’entretien était fort floue, la policière d’un ton violent, a insisté pour me demander quels articles du Code pénal belge les policiers incriminés auraient violés. J’ai effectué une recherche rapide et elle a poursuivi en déclarant qu’étant donné qu’il n’y avait pas de blessure il n’y avait pas d’abus et que les policiers avaient le droit de faire ce qu’ils ont fait.
J’ai dit mon étonnement sur ses dires selon lesquels sans blessures une plainte ne pourrait pas être déposée, sur le fait que la plaignante doive elle-même confirmer les articles de loi et que si la policière n’était pas présente au moment des faits elle ne pouvait pas réceptionner une plainte.
Elle a confirmé, en ajoutant que les collègues étaient d’accord et que surtout j’avais “le visage d’une manifestante” et que donc “les actes de la police étaient corrects” et qu’”il y avait une supposition”.
À ma demande d’obtenir un écrit de ce refus de prise de plainte elle m’a rétorqué qu’elle “ne pouvait pas m’expliquer en italien qu’il n’y avait pas d’inculpation pour ce genre de choses” en ajoutant que “vous allez de toute façon perdre le débat et il est donc inutile de continuer” et s’est contentée de prendre note de ma déclaration de perte de portefeuille.
Ultérieurement je me suis rendue au commissariat de ma commune pour signaler que j’ai retrouvé mon portefeuille et le refus de prise de plainte où il m’a été dit que je devais toujours me conformer aux constats faits par la police et que pour les abus je pouvais m’adresser aux services ad hoc, et une fiche m’a été remise. C’était la première fois que je recevais une information correcte concernant mes droits de porter plainte contre les services de police. »