Une contre-expertise pointe la responsabilité de l’inspecteur qui a fait barrage au scooter d'Adil et causé sa mort
[Nous reproduisons ici un communiqué du Comité zone-midi contre les violences policières après la publication par Blast, la RTBF et Le Soir des conclusions du nouveau rapport]
« Breaking News : la thèse d’un accident remise en cause par une seconde expertise automobile ! Le parquet avait pourtant de façon complètement prématurée plaidé le non-lieu, alors que l’ensemble des devoirs complémentaires n’avaient pas encore été réalisés, blanchissant la police préventivement en passant par-dessus le droit de la famille d’Adil à un procès équitable.
En mai dernier, c’était un rapport administratif qui venait révéler les propos du policier qui a tué Adil et qui consistait à la fois en un aveu du crime et en une incitation au meurtre raciste (« J’en ai sorti un de la rue »). Aujourd’hui, c’est un second rapport d’expertise automobile qui vient défaire la mythomanie policière. Nous résumons ici les principaux enseignements de ce rapport :
- Les déclarations des policiers selon lesquelles la mobylette n’était pas éclairée et donc difficilement visible tombent. Le deuxième expert indique, lui, qu’il n’en est rien. Pour ce faire, il se base sur l’exploitation des caméras de surveillance, images qui font l’objet d’un procès-verbal de la police judiciaire fédérale qui n’a pas été consulté par le premier expert. « Nous constatons que les images en question démontrent que le cyclomoteur était éclairé tout au long de la course-poursuite. […] Nous notons (également) que le cyclomoteur était éclairé quelques courts instants avant d’être percuté par le véhicule de police banalisé« . Le deuxième expert ajoute : « Il se pose inévitablement la question de savoir pourquoi ce procès-verbal a été écarté par monsieur l’expert judiciaire Van Lierde. Serait-ce un simple oubli ? Serait-ce des suites d’une sous-évaluation de l’importance de ce document ? Ou serait-ce parce que les enregistrements vidéo démontrent que le cyclomoteur était correctement éclairé ?«
Deuxièmement élément : selon les procès-verbaux de la police, Adil Charrot aurait plié sa plaque alors qu’il tentait d’échapper au contrôle. « Les policiers restent cependant en défaut de décrire comment Adil Charrot aurait concrètement procédé« , indique le deuxième expert. Troisièmement élément : le deuxième expert insiste également sur une omission qu’il estime troublante dans le chef du premier expert. Celle de la présence de casses-vitesse sur la chaussée en amont (186 mètres) et en aval (117 mètres) du lieu de la collision. Or, en visionnant les images de caméra de surveillance, l’on remarque qu’Adil Charrot passait entre lesdits casses-vitesse pour les franchir. Il se situait donc au milieu de la chaussée et était donc, selon la deuxième expertise, encore davantage visible pour un conducteur arrivant en sens inverse. Quatrième et point capital : « Lorsque le cyclomoteur d’Adil Charrot est arrivé à hauteur du véhicule du policier, ce dernier s’est déporté vers sa gauche, réalisant ainsi son objectif, à savoir faire barrage à la progression du deux-roues […] occasionnant une collision aux conséquences tragiques pour Adil Charrot ». Sur ce point encore, le deuxième expert insiste sur une nième omission : la première déclaration du policier qui a tué Adil (« On a essayé de faire barrage au niveau de l’école Erasme, il nous est rentré dedans ») ne se retrouve pas non plus dans la première expertise. Or, d’après l’expert, « Cette affirmation est (pourtant) particulièrement explicite et non équivoque, en ce sens qu’elle décrit une action et non pas une quelconque intention. […] » Cinquièmement, le second expert ajoute que « La présence d’une pastille de bridage dans le pot d’échappement démontre à elle seule l’impossibilité technique de dépasser les 45 km/h ». Ici, le deuxième expert indique que cette vitesse élevée (64 km/h) ne peut être objectivée. Et cela parce que le premier expert n’a procédé à aucune investigation technique du véhicule accidenté, ne le passant notamment pas sur des rouleaux. Ce qui est très important puisque le mobile de la course poursuite est justement la vitesse trop élevée.Ces premiers éléments du second rapport viennent une nouvelle fois fragiliser la version policière, prise pour argent comptant, sans analyses, ni contre-expertises, ni devoirs d’enquêtes complémentaires par le parquet dans sa mission de contre-insurrection préventive.Ceci montre une nouvelle fois, s’il fallait encore le démontrer, le rôle du parquet dans le blanchiment des crimes policiers. Plus que jamais, il nous faut agir de façon à soutenir les capacités d’interventions juridiques des familles.Le premier jugement rendu dans le cadre de l’affaire Ouassim et Sabrina condamne fermement et de façon extrêmement argumentée la technique du « barrage » (parechocage). Il nous faut continuer le pas gagné de façon à renforcer la jurisprudence qui pourra conduire à l’interdiction de la technique du parechocage et à la requalification des mises à mort par ce moyen en « homicide volontaire ». En plus du soutien politique aux familles dans leur combat judiciaire, nous devons ensemble construire une campagne d’interpellations citoyennes de l’ensemble des Conseils de Police des différentes zones de la capitale. »