12 janvier 2023, Bruxelles
46 ans. Retrouvée morte en cellule
Interpellée en état d’ébriété (selon la police) dans le quartier du Châtelain, Sourour, salariée dans l’associatif, mère d’un enfant de 19 ans, est embarquée et placée en cellule de dégrisement du complexe de la « garde zonale » de la police Bruxelles-Capitale-Ixelles (« RAC », rue Royale), où elle est retrouvée sans vie vers 7 heures.
Sourour se serait pendue avec son pull, aux dires de la police…
Selon le bourgmestre, Philippe Close (PS), interrogé en séance du conseil, la police aurait été appelée très tôt par le propriétaire d’un véhicule immatriculée en Allemagne et garé en double file : le couple s’apprête à partir en vacances et mais a découvert une inconnue à l’intérieur. Il tente de la faire sortir mais la communication est difficile, et elle refuse de sortir. La patrouille de police envoyée sur place aurait demandé à plusieurs reprises, en vain, à Sourour de quitter les lieux.
Un témoin direct qui observait la scène depuis sa fenêtre raconte avoir « vu deux camionnettes de police et cinq policiers. Ils ont réussi à la faire sortir de la voiture et ils l’ont menottées. Elle avait l’air désorientée mais n’a opposé aucune résistance. Je n’ai pas trouvé que les policiers étaient agressifs lorsqu’ils lui ont passé les menottes. Elle non plus ne l’était pas. Après, elle a été embarquée dans l’une des deux camionnettes. Ils sont restés encore sur place plus de 15 minutes avant de démarrer ».
Selon le rapport administratif, elle aurait tenu des propos incohérents. Elle aurait été arrêtée administrativement à 6:32 pour trouble à l’ordre public et emmenée en cellule de dégrisement. Pourtant, aucune mention pourtant de son état d’ébriété dans le rapport.
La cellule est filmée en permanence par une caméra, et les policiers doivent en principe la surveiller très régulièrement. Lorsqu’elle y pénètre, elle reçoit une couverture et une bouteille d’eau. Les images à l’intérieur de la cellule ont été visionnées par le comité P et la magistrate en charge du dossier (jusqu’ici, ni la famille ni leurs conseils n’y ont encore eu accès).
Deux heures se déroulent, entre 6:32 lorsque Sourour est placée en cellule et 8:34 lorsque la police fait le constat de son décès. La trouvant inconsciente plus d’une heure après son décès, la police aurait immédiatement pratiqué les pressions thoraciques et utilisé un défibrillateur dans l’attente de l’arrivée des services de secours.
Selma Benkhelifa après avoir pu observer une partie des vidéos surveillances déclare que « L’hypothèse du suicide est rejetée car il semblerait qu’elle ait appelé au secours. Qu’elle se soit mis exprès devant la caméra pour appeler au secours. »
Le bourgmestre indique que d’après les images saisies des caméras de surveillance, aucun tiers ne serait intervenu dans la mort de Sourour. Il précise qu’à la suite des deux décès précédents, une procédure de passage toutes les heures en journée et toutes les deux heures la nuit a été mise en place au centre de détention.
« Ma sœur n’était pas quelqu’un de suicidaire. […] Elle avait un fils de 19 ans avec qui elle vivait et qui était tout pour elle. Elle ne l’aurait jamais abandonné » confie sa sœur.
La famille dit vouloir que « toute la lumière soit faite sur les circonstances du décès de Sourour. On veut savoir pourquoi il n’y a eu aucune surveillance de notre sœur lorsqu’elle était en cellule. On ira jusqu’au bout« .
Selon l’avocate de la famille Selma Benkhelifa :
« Elle avait certainement bu. Mais pourquoi est-ce qu’elle a été arrêtée? Il est clair qu’en Belgique plein de gens boivent. On voit plein de gens qui ont bu dans la rue et qui ne sont pas arrêtés pour autant. Donc on ne sait pas exactement les raisons qui ont poussé la police à l’arrêter […] La cellule du commissariat est effectivement équipée de caméras. Elles ont été saisies et montreront ce qui s’est réellement passé. On espère qu’il n’y aura pas de dysfonctionnement ou autre problème technique qui empêcheront leur visualisation.
[…] Ma cliente a fait l’objet d’une arrestation administrative puis envoyée en cellule de dégrisement. La procédure veut qu’on transfère quelqu’un dans cette cellule pour un temps limité si l’on considère que la personne interpellée est un danger pour elle-même. Mais avant cela, elle aurait dû être vue par un médecin. Pourtant, je ne vois aucune trace d’un quelconque “vu et soigné*” dans le dossier. […] On n’est pas envoyé en dégrisement pour être puni, mais pour être surveillé et protégé. Sauf que Sourour n’est pas ressortie vivante. Ce n’est pas la première fois que cela arrive dans ce commissariat. C’est plus qu’interpellant, c’est anormal. Certaines informations évoquent un potentiel problème psychologique puisque Sourour était, je cite, “très agitée” au moment de son interpellation. Si c’est l’impression des policiers au moment de l’arrêter, je ne comprends vraiment pas pourquoi on n’a pas daigné contacter un médecin.”
* Comme l’exige la procédure, ce document établi par un médecin doit notamment être produit lorsque « la personne le demande, quand son état le requiert, soit que la personne présente des signes visibles (ivresse, inconscience, blessures…), soit que la personne n’en présente pas, mais qu’il y a des éléments qui vous font douter de son état de santé (prise de drogue), soit lorsque le parquet l’ordonne dans le cadre d’un dossier judiciaire ».
Le porte-parole du Parquet de Bruxelles indique :
« Des devoirs d’enquête ont été ordonnés, un médecin légiste est descendu sur les lieux et une autopsie a été réalisée. Mais selon les premiers éléments il s’agirait d’un suicide […] Parmi d’autres devoirs d’enquête, le comité P a analysé les images des caméras du complexe cellulaire. Sur base des premières constatations et du rapport provisoire d’autopsie, il semblerait qu’il n’y ait pas eu d’intervention de tiers. […] Une analyse toxicologique a également été ordonnée. »
Curieux, alors que Sourour avait des hématomes au visage…
Le fils de Sourour, 19 ans, lui rend hommage :
« Il me tient à cœur de placer des mots autres que tous ceux qui sont diffusés dans les médias sur le décès de ma maman. Ma mère était une personne extraordinaire et elle aimait la vie plus que quiconque. Elle était généreuse et pétillante. Toutes les personnes qui la connaissaient de près ou de loin pourraient confirmer mes dires : elle embellissait la journée de chaque personne qui la croisait. Je voudrais aussi témoigner que c’était une mère exemplaire pour moi. Mais aussi pour bien d’autres enfants qu’elle croisait ou côtoyait. C’était aussi une fille et une sœur aimée. […] Un décès dans un commissariat est anormal, impossible et impardonnable. La police a pour seul travail de nous protéger, une chose pareille ne peut pas jamais arriver. »
Trois mois après le décès de Sorour, silence radio côté Justice.
Me Nardone, avocat de la famille, déclare à 7/7 le 21 avril :
« Rien ne nous permet jusqu’à présent de vérifier que le parquet mène bien une enquête indépendante. Nous pouvons lui poser des questions, même solliciter qu’il réalise des devoirs, mais nous restons sans réponse. On est dans l’incompréhension la plus totale. Il existe bien sûr le secret de l’information judiciaire et nous ne le remettons pas en question, mais ce principe ne veut pas dire qu’on tient totalement à l’écart la famille de la victime. C’est important d’avoir une relation de confiance avec l’autorité qui mène l’enquête. »
Me Benkhelifa, autre avocate de la famille :
« Une instruction permettrait de contrôler, via la chambre du conseil, le bon déroulement de l’enquête. C’est important également parce que c’est la chambre du conseil, donc un juge indépendant, qui établit, in fine, s’il y a des charges suffisantes pour renvoyer le dossier en correctionnelle ou pas. Dans le cas d’une information judiciaire, c’est le parquet qui décide seul de citer les suspects devant le tribunal correctionnel ou de classer sans suite »
C’est quelques heures après le décès de Sourour que sa famille sera informée. Sa mère :
« On a frappé à ma porte. J’ai ouvert. Et trois personnes du bureau d’assistance aux victimes m’ont expliqué que ma fille s’était étranglée avec son pull dans une cellule de commissariat. Je n’en n’ai pas cru mes oreilles. Sourour avait un fils de 19 ans qui est tout pour elle et qu’elle n’aurait jamais abandonné. »