23 mars 2023, Seneffe
42 ans. Père de 2 enfants de 4 et 12 ans. Abattu par balles après une course poursuite : décédé
À ce stade, voici ce que l’on sait avant enquête approfondie :
- La police a mis les petits plats dans les grands pour le poursuivre et l’arrêter, au moins 3 voitures
- « Il roulait à 20-30km/h et il avait mis son clignoteur » d’après sa belle-sœur Maureen, qui a assisté à une partie de la poursuite
- Imed connaissait bien sa cité : il a tourné dans cette impasse, pourquoi sinon parce qu’il savait que c’était le moment de se rendre ?
- Ouafah et son amie, si elles n’ont pas assisté aux tirs, sont arrivées au coin de l’impasse juste au moment où Imed s’écroulait mort de la voiture. Elles ont toutes deux entendu la rafale de détonations, mais pas de sommations.
- Les coups de feu ont commencé très peu de temps après qu’Imed se soit engagé dans l’impasse, l’action n’aura duré que 3-4 secondes.
- Les policiers ont tiré plusieurs balles (cinq impacts de balles sur la voiture) sur Imed, et non sur les pneus, alors que sa voiture était arrêtée : ils n’essayaient donc pas de stopper le véhicule, qui ne pouvait fuir puisque des combis bloquaient l’entrée de l’impasse.
- Une tentative de porter secours à Imed a été repoussée par la police.
- Les policiers mettront près de 10 minutes à tenter de ranimer Imed, après avoir mis en place le périmètre de sécurité
- Arrivés sur les lieux, les services de secours n’ont pas réussi à réanimer Imed, qui a succombé à ses blessures.
- Sa passagère n’aurait pas été blessée, bien qu’un témoin affirme le contraire. Elle aurait confirmé qu’il n’y avait aucune arme dans la voiture, et que la voiture était arrêtée au moment des tirs. Un témoignage crucial ? Doit-on redouter des pressions policières sur un témoin particulièrement vulnérable ?
- Imed avait déjà eu maille à partir dans le passé, il avait payé sa dette. Il avait aussi des problèmes d’alcool, qu’il essayait de résoudre en recherchant une aide psychiatrique. Ça ne faisait pas de lui une cible.
- Imed était bien connu. Pourquoi la police le pourchassait-elle ? Pourquoi ne pas aller le chercher chez lui ? Pourquoi déclencher cette mortelle poursuite ? Pourquoi tirer alors qu’Imed ne représentait pas une menace, l’impasse étant bloquée, la voiture arrêtée ? Pourquoi 5 tirs ?
Beaucoup de questions pour une affaire qui dérange par ses remugles racistes, le silence et la prise de distance tant de la police que des politiques.
C’est bon de se sentir comprises et soutenues par nos élu.e.s…
Pour commémorer cet événement tragique, la famille d’Imed organisera une marche blanche symbolique.
Ouafah, la soeur d’Imed
“Ce sera une marche dans le calme, sans violence qui aura comme objectif de garder en mémoire mon frère et faire en sorte que ce genre d’événement n’arrive plus. Imad avait 43 ans. C’était un homme courageux respectueux et toujours prêt à aider son prochain. C’était un papa merveilleux, aimant protecteur, toujours là pour ces enfants sa compagne et sa famille c’était notre pilier.
Mon frère a été traumatisé par l’assassinat d’une de nos sœurs il y a quelques années et par la mort de notre mère survenue il y a peu. Il avait eu en son temps quelques ennuis avec la justice pour des faits de stupéfiants mais ce n’était pas un homme dangereux, ni même violent. Ce jour-là, je pressentais un malheur arriver lorsqu’on m’a prévenu que des sirènes tournaient dans le quartier. J’ai vu qu’il s’agissait de mon frère car j’ai reconnu son véhicule. Je l’ai suivi et ai entendu quatre coups de feu. Lorsque je suis arrivée sur place j’ai vu mon frère s’écrouler sur le sol. Tué d’une balle dans la tête et la poitrine. C’est un moment que je ne souhaite à personne. Il n’y a pas eu de sommation et il a été abattu comme un chien.
Cette situation ressemble fort à ce qui est arrivé récemment à Oupeye ou encore en France avec le jeune Mahel. Pour moi, les policiers avaient d’autres solutions que d’abattre mon frère comme un chien s’ils voulaient l’interpeller. D’après la dame qui se trouvait dans la voiture avec lui au moment du drame, Imad se rendait dans la rue des tulipes pour se rendre, certainement pas pour en découdre avec les policiers. Il avait stoppé son véhicule lorsque les policiers ont fait feu. Il n’avait plus son permis et n’avait pas voulu se souscrire à un contrôle mais il n’aurait jamais fait de mal à personne.
À ce jour nous ne savons toujours rien, nous sommes tenus à l’écart de tout. Notre avocat n’a pas accès au dossier tant que l’enquête est toujours en cours. Et nous rien car nous ne sommes rien à leurs yeux. Cela nous tenait énormément à cœur d’organiser une marche en souvenir d’Imad, nous allons être forts et ne rien lâcher pour rendre justice à notre frère que nous aimions tant.”
Selma Benkhelifa, avocate de la famille
”Comme dans d’autres dossiers, la question qui se pose concerne l’usage d’une arme à feu dans le cadre d’une course-poursuite. Quand est-ce qu’un policier peut sortir une arme ? La question qui sera au cœur des débats concerne la proportionnalité et l’usage de la force. De proportionnalité, dans ce dossier, il n’est pas question selon moi.
Imad se trouvait dans un clos, une voie sans issue. Sa camionnette était engagée dans un demi-tour. Selon certains témoins, elle était à l’arrêt. Si ce n’était pas le cas, elle roulait en tout cas à très faible vitesse. Si le policier s’est senti en danger, il avait la possibilité de s’écarter. Le seul cas dans lequel on peut faire usage d’une arme à feu, c’est un cas de légitime défense. Ce n’était pas le cas ici. Les tirs étaient destinés à tuer.
Ce qui est aussi dénoncé aujourd’hui, c’est l’opacité dont la justice fait preuve à l’égard des familles. Elle ne répond à rien, ne donne même pas les éléments qui sont connus et qui ne font plus l’objet d’enquête. C’est extrêmement difficile pour les proches et cela crée inévitablement une perte de confiance. »
Le 23 septembre 2023, près de 200 personnes ont marché à Seneffe depuis la place Penne d’Agenais rue de l’Yser, la rue Plasman, l’avenue des Tulipe jusqu’au Clos des lilas, où l’embuscade policière a permis l’exécution d’Imad.