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Mawda Shawri
18 mai 2018, Maisières
2 ans. Tuée par balle
Jeune Kurde irakienne morte sous le tir d’un policier pendant une course-poursuite sur une autoroute. Une seule balle dans la joue a suffi alors qu’elle était assise sur les genoux de sa mère dans le Peugeot Boxer pendant la poursuite entre quatre voitures de police et la fourgonnette portant de fausses plaques qui transportait 26 adultes et 4 enfants, tous migrants que le passeur comptait acheminer vers la France, destination le Royaume-Uni L’enquête a révélé que le flic a tiré alors que la voiture de police roulait à 90 Km/h. Bien que les policiers aient tenté de la soigner sur place, il s’est passé un certain temps avant qu’elle soit acheminée vers l’hôpital. La famille n’a pas été autorisée à l’accompagner dans l’ambulance, et Ako Shawri, sa mère, n’a été prévenue de la mort de sa fille que plusieurs heures plus tard, alors qu’elle était en détention. Le mardi, le couple a pu avoir accès au rapport post mortem confirmant que la mort a résulté d’une seule blessure par balle. Le procès a eu lieu les 23 et 24 novembre 2020, en accord avec les parties prenantes au procès, selon la décision prise par la présidente de la chambre correctionnelle à trois juges du tribunal de Mons. Verdict : le conducteur de la camionnette est condamné à 4 ans de prison ferme ; Victor-Manuel Jacinto Goncalves, le policier qui a tué Mawda avec son arme à feu est condamné à 1 an de prison avec sursis et 400 euros d’amende ; le troisième prévenu est acquitté au bénéfice du doute.
Lire le compte-rendu de l’audience à laquelle a assisté ObsPol.
Lire aussi le compte-rendu de l’audience d’appel à laquelle a assisté ObsPol.
- 05.11.2021 – Culpabilité pour homicide involontaire par défaut de prévoyance confirmée en appel, peine réduite de 12 à 10 mois assortie d’un sursis et 400€ d’amende
- 31.10.2021 – Report de l’audience d’appel
- 30.09-01.10.2021 – Audience d’appel à Mons. Reportée
- 12.02.2021 – Verdict prononcé par le Tribunal correctionnel de Mons
- 23-24.11.2020 : Audience correctionnelle à Mons
- 18.05.2018 : Décès de Mawda
- 16-17.05.2018 : Tir du policier Victor-Manuel Jacinto Goncalves
[Sources : Justice et vérité pour Mawda, Bruxelles Panthère, RTBF, The Guardian, Paris Match, Watch The Borders, La Province, DHnet, ObsPol]
05.11.2021 – Procès Mawda : culpabilité du policier confirmée
C’est déjà ça : la cour d’appel de Mons n’a pas suivi la demande d’acquittement du policier pourtant plaidée un grand travail de préparation à l’appui par son avocat, maître de conférence à L’ULB.
La Cour n’a fait que réduire de 12 à 10 mois la peine d’emprisonnement pour le policier. Les raisons qui l’ont poussée à diminuer une peine que d’aucun.es estiment pourtant minime, de deux mois ne nous est pas connue. Le verdict demeure donc identique : coupable. L’homicide involontaire par défaut de prévoyance a été maintenu. Cette peine est assortie d’un sursis, le policier ne devra pas se rendre à la prison de Mons, qui compte actuellement, soit dit en passant, pour une capacité de 274 places 346 détenus et pour une capacité de 27 places 51 femmes détenues. Outre ces détenu.es s’y trouvent aussi des rats et des punaises de lit… Donc, non le policier n’ira pas en prison et devra s’acquitter de ses 400 euros d’amende. Le reste, le dédommagement des parents pour la perte de leur enfant sera pris en charge par l’État.
La Cour a rappelé que l’usage d’une arme à feu est réservée à des cas extrêmes.
Les reproches adressés par les parties civiles à l’encontre de l’État belge, qui in fine est responsable des faits commis par son agent n’ont pas été pris en compte.
31.10.2021 – Procès Mawda : Verdict reporté en dernière minute, un mépris de plus !
La Cour d’appel de Mons devait rendre son arrêt ce vendredi matin dans le procès Mawda, mais l’audience est finalement reportée au 4 novembre. Le hic ? Les parties civiles n’auraient pas été prévenues, du moins officiellement. Ce matin, l’une de leurs avocates, Me Pétré, a poireauté pendant des heures dans les couloirs du tribunal avec deux interprètes :
« Nous étions là pour 9h et l’huissier nous a expliqué que la Présidente de la Cour d’appel, qui avait travaillé tard la veille pour un procès d’Assises, ne pourrait pas être présente avant 11h. Finalement, à 13h, c’est le Premier Président de la Cour d’appel qui annonce sans un mot d’excuse le report au 4 novembre »
Officieusement, les avocates des parties civiles avaient eu vent de ce report. Mais elles restent perplexes. Selma Benkhelifa, avocate des parents indique :
« Quelques jours plus tôt, j’ai appris que l’audience serait reportée au 4 novembre par un journaliste qui le savait de l’avocat du policier. J’ai donc téléphoné au greffe pour avoir confirmation. Mais on m’a dit que l’audience était maintenue au 29 octobre. Pour en avoir le cœur net, le journaliste s’est renseigné auprès du Parquet et on lui a confirmé le report au 4 novembre.
Une date qui n’arrangeait ni ma collègue ni moi-même. Me Pétré s’est donc rendue directement au greffe jeudi matin, mais on l’a sèchement rabrouée en maintenant que l’audience était bien prévue le 29 octobre.«
Qui a discuté avec qui ? Le greffe ne savait pas que c’était reporté, mais le Parquet et l’avocat du policier le savaient. Or, entre la mise en délibéré et le prononcé, il ne peut y avoir de contacts entre le tribunal et les parties. Ont-ils papoté entre eux ? Ou y a-t-il une autre explication ? C’est en tout cas une nouvelle forme de mépris grave pour les parents de Mawda qui, rappelons-le, sont les victimes« .
Renseignement pris auprès du Premier Président de la Cour d’appel, le Procureur général de Mons Ignacio de la Serna dément : « Nous n’avons pris contact avec aucune des parties, c’est le rôle du greffe. Il a bien averti tout le monde dans les règles de l’art ».
[Source : DHnet]
02.10.2021 – Procès du policier qui a tué Mawda
Cour d’appel de Mons . Jeudi 30 septembre.
En première instance, le policier a été reconnu coupable « d’homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution » et a été condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Mons. Mais le policier n’accepte pas cette peine, il estime qu’il n’a pas commis de faute.
Les avocat.es de la partie civile (les parents) ont présenter leurs très intéressantes plaidoiries après la présentation des « faits » par l’Avocate générale. Celle-ci avait présenté les choses comme établies alors qu’en réalité un certain nombre d’éléments se sont déroulés différemment.
Au cours de la plaidoirie, la juge n’a pas trop apprécié le contexte « politique » qui a été présenté, ni le fait de dire que le procureur avait menti. Il eut fallu selon elle parler de « bruits« . Pourtant en connaissant le dossier c’est un fait ! Le policier semble être très loin de reconnaître ses fautes et reporte sur des événements extérieurs, comme le manque de communication radio par exemple, la décision qu’il a prise. C’est assez choquant !
Les avocat.es insistent sur le fait qu’acquitter un policier qui a tiré dans des conditions illégales et tué un enfant, reviendrait à cautionner ce genre de comportement pour les autres policiers.
Les parents trop épuisés par ces procès et de devoir chaque fois répéter les mêmes faits horribles, ont préféré ne rien dire.
L’avocate générale a entre autre estimé que la version donnée par le policier a toujours été stable au cours de l’enquête et qu’il n’aurait pas su qu’il y avait des migrants dans la camionnette ni une enfant. Cependant la défense des parties civile rétorquera qu’au début il a signifié savoir qu’il y avait une enfant à bord et qu’ensuite son discours s’est modifié.
L’avocate générale a par ailleurs réitéré estimer qu’il y avait d’autres moyens d’arrêter un véhicule, et qu’on ne sait jamais où aboutit la balle lorsque tirée sur un véhicule en mouvement.
Il n’y a donc pas de subsidiarité ni de proportionnalité pour ce tir qui visait à occasionner une crevaison lente.
Il n’est pas un spécialiste du tir, le risque d’une balle perdue était donc bien réel et donc un dommage était bien prévisible. D’autre part il est le seul à avoir utilisé son arme contrairement aux autres policiers. Le risque a été pris délibérément dans des circonstances précises, non imprévisibles, et la prévention reste établie.
Elle précise qu’il faut une sanction qui soit quand même significative vu le caractère « léger » du comportement du policier de sortir son arme, et ce d’autant plus que de par sa fonction il fallait montrer de la maîtrise et du self-control.
Pour elle la sanction d’un an est nécessaire et reste confirmée.
Le policier qui s’exprime ensuite confirme ses déclarations antérieures et dit n’avoir pas vu un enfant, et que s’il a dit l’inverse c’était suite à ce qu’il avait entendu ultérieurement. Il revient sur le manque de communication entre les policiers – il n’avait pas sa radio. À la question de savoir pourquoi il a chambré son arme, il explique qu’ils se trouvaient à proximité de la frontière. Il dit que son véhicule a dépassé la camionnette pour la ralentir et tirer alors que les trois autres véhicules de police étaient restés à l’arrière. Il précise qu’il a hésité, n’ayant jamais fait de tentative de tirer sur le flan d’un pneu avant. Il répond aussi que personne ne lui a demandé de le faire.
Finalement il informe qu’il est dépressif depuis et suit un traitement. Il travaille dans les bureaux car il n’est pas question de travailler sur le terrain. Il sollicite toujours son acquittement.
Les avocat.es des parties civiles précisent que le fait de faire appel du verdict oblige les parents à revivre les événements dramatiques de la nuit fatidique. Ils sont fatigués de toutes ces procédures dont ils ne comprennent d’ailleurs pas les raisons. Eux s’étaient décidés à ne pas faire appel, afin de ne plus devoir entendre toutes les accusations mensongères à leur égard.
L’avocate rappelle que lors de la reconstitution leurs dires ont été vérifiés, notamment en ce qui concerne la place de Mawda dans la camionnette, bien que d’un point de vue du droit, cela ne change rien.
Elle précise également que l’intervention de la voiture de police commence à 2:01 et que le tir a eu lieu à 2:02, soit deux minutes pendant lesquelles le policier a décidé de tirer. Pourtant il sait qu’il y a un enfant dans la camionnette car contrairement à ce qui a été dit précédemment, ses déclarations sont loin d’être constantes et il n’a pas fait de sommation, il a chambré et tiré tout de suite.
Elle rappelle que lors de l’arrêt du véhicule tout le monde sort par la porte latérale et non par une fenêtre arrière, tout le monde est alors maintenu à terre et braqué par les policiers. Pourtant ils s’agit de victimes, de parents, de familles avec enfants, de mineurs non accompagnés.
Les parents sont empêchés de monter dans l’ambulance qui emporte Mawda ensanglantée. Les déclarations policières indiquant :
- qu’il y avait eu une petite fille tombée par l’arrière,
- qu’aucun tir n’avait eu lieu ou entendu,
- que les déclarations du médecin légiste étaient qu’il n’y avait pas de blessure par balles
sont autant de contrevérités données par les policiers. Personne n’a prévenu le Comité P qu’il y avait mort par balles.
Les parents enfermés séparément n’ont été libérés qu’à midi pour revoir le corps de leur enfant. Pour les policiers une cellule psychologique a été mise en place, pas pour les migrant.es ni les enfants, ils n’ont aucunement été informés de leurs droits de victimes.
Toute une série d’éléments sont particulièrement révélateurs de l’indifférence et de la violence à l’égard des victimes, notamment le fait que la maman ait du rester pendant 24 longues heures vêtue de son T-shirt tâché du sang de sa fille avant que des bénévoles ne s’occupent d’elle. Mais comment cela est-il possible ?
Malgré les dysfonctionnements graves dès le début, rien n’est fait pour enquêter. Les MENAs sont même invités à quitter le territoire !
À ce stade la juge interrompt et dit qu’il y a lieu de parler du policier et de recentrer le débat.
La demande des parents par la voix de leurs avocat.es est une qualification qui doit être revue étant donné que le tir est un geste volontaire, ils réclament donc la requalification des faits en « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner« .
La suite des plaidoiries se concentre sur l’illégalité du tir. Référence est faite à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme édictant que les états doivent protéger les individus par leurs agents.
La directive « Medusa » vise principalement à poursuivre les migrant.es et non les passeurs. Ici il n’y a eu aucune arrestation, comment cela se fait-il ? Dans la formation que les États prodiguent il ne doit pas être question que de technique, mais aussi du respect de la vie humaine. Ici il est évident qu’il y a eu méconnaissance de la loi, dont l’article 38 de la loi sur la fonction de police qui précise les conditions nécessaires à l’utilisation de la force. Les agents ne sont pas formés sur la prééminence du droit à la vie qui doit prévaloir sur le risque de fuite, d’autant qu’ici il y a eu mort d’une enfant, ce qui est encore plus grave.
Le policier veut être considéré comme un simple citoyen, mais il est un policier, agent de l’État, qui a commis une faute en usant de son arme à feu lors de cette course-poursuite. L’usage de la force doit être appliqué en tenant compte d’une stricte proportionnalité. L’utilisation d’une arme à feu contre un véhicule tombe sous le coup des articles 37 et 38 de la loi sur la fonction de police et le prévenu n’a pas respecté cette loi. Ici les conditions requises n’étaient pas réunies, donc en sortant son arme il y a eu mise en danger. Il ne s’est même pas informé auprès du dispatching. Aucune application de ce qui est prescrit dans le manuel d’utilisation des armes n’a été faite par le policier, qui, quoiqu’ayant été formé, a quand même agi.
L’état belge ne peut exonérer le policier.
Le troisième avocat des parents se penche sur la requalification des faits en fonction du code criminel qui offre cette possibilité. Il s’agit de coups et blessures sans intention de donner la mort. Lorsque le policier déclare qu’il a décidé de tirer et que « si javais su qu’il y a un enfant je n’aurais pas tiré » cela signifie qu’il a tiré intentionnellement. Il a placé son doigt sur la détente et a visé. On ne pointe jamais quelque chose que l’on n’a pas l’intention de tirer, ici il a dégainé, chambré, posé son doigt sur la détente. Il s’agit bien d’un acte choisi en prenant le risque. Selon la démonstration de l’avocat le déclenchement involontaire est exclu.
Il précise que si le policier était acquitté cela signifierait que les policiers peuvent tirer et n’auront pas de reproche en tant que policiers, perspective effrayante. Il cite aussi un rapport médical daté du 14 août 2021 qui précise que les parents se trouvent toujours dans une situation post-traumatique.
Il requiert, si pas de requalification à titre subsidiaire la confirmation du jugement.
Cour d’appel de Mons . Vendredi 1er octobre.
L’avocat du policier revient sur la conduite dangereuse du chauffeur de la camionnette. « Il s’agit d’arrêter un chauffeur fou. Tous les passagers lui demandent d’arrêter et lui, il accélère. Arrêter ce type de comportement, c’est légitime ». Il revient sur le contexte du tir et s’interroge : « Est-ce qu’on aurait eu ce débat s’il avait atteint le conducteur plutôt que Mawda ? Il [le policier] ne serait pas là aujourd’hui« . On peut ici être surpris d’une telle affirmation : la mort d’un conducteur de camionnette n’aurait-elle pas ému plus que cela et donné suite à une enquête ?
Il déclare aussi que si la Cour le condamne, elle l’enfoncera un peu plus dans la dépression. Au début de sa plaidoirie, l’avocat s’était adressé à la Cour en lui demandant de ne pas se laisser mettre sous pression, ici c’est pourtant exactement ce qu’il fait.
Il tente de démontrer que l’article 38 de la loi sur la fonction de police ne s’applique pas puisqu’il est question de l’usage d’une arme contre quelqu’un, alors qu’ici il était question d’usage contre un pneu. Le policier n’aurait pas eu connaissance de la présence d’un enfant à bord; et qu’ici il n’était pas question de tirer avec une « Kalachnikov« … Tout au long de sa plaidoirie, force est de constater les répétitions, les incohérences, et les accusations ad nominem des avocat.es des parties civiles.
La poursuite porte sur le fait que personne n’a dit au policier de ne pas tirer, que ce n’est pas lui qui décidé, il évoque le manque de formation mais que le policier respecte celle ci qu’il a suivie il y a 8 ans, que la notion de « cas extrême » est difficile à évaluer.
Il demande en conséquence l’acquittement et à titre subsidiaire la suspension du prononcé.
Dans ses répliques l’Avocate générale revient sur certains points qu’elle avait évoqués, notamment la possibilité d’arrêter le véhicule de différentes manières, telles qu’un barrage ou une herse. Par ailleurs le fait que la frontière ait été proche n’est pas recevable puisqu’il existe un accord entre la France et la Belgique qui permet une poursuite au-delà des frontières, donc ici sur le territoire français.
Elle revient aussi sur la connaissance par le policier de la présence d’au moins un enfant à bord.
La loi sur la fonction de police, si elle n’est pas claire pour le policier, c’est d’autant plus grave qu’il prend quand même le risque. La subsidiarité et la proportionnalité ne sont pas réunies.
Elle dénonce également les manquements de la procédure : notamment le fait que le médecin légiste ne se soit pas rendu auprès du corps de l’enfant, que le juge d’instruction ne se soit pas déplacé. Cependant pour elle sous-entendre qu’il y ait eu protection de la police, elle s’y oppose fermement.
Les parent n’ont pas souhaité s’exprimer, ayant déjà tout dit précédemment.
Le policier lui lit un texte qu’il a préparé : « Après le jugement c’était plus fort que moi, je ne pouvais pas accepter d’être le seul responsable de la mort de Mawda. » Il ajoute ne pouvoir jamais oublier cette tragédie et affirme : « J’avais 46 ans, j’étais responsable de ma petite famille. Je n’ai pas du tout l’étoffe d’un cow-boy. » À propos du tir : « J‘ai pensé que j’étais dans de bonne dispositions pour viser le pneu et tirer. Jamais on ne m’a dit de ne pas le faire. J’ai voulu bien faire. »
Ensuite s’adressant aux avocats des partes civiles : « Le combat que vous menez, l’aide aux migrants, est digne. Mais vous vous trompez de cible. Adressez-vous à l’État. C’est à lui que vous devez demander des comptes. » Finalement s’adressant aux parents de Mawda « Je réitère mes plus sincères regrets à la famille de Mawda« .
Les avocats des parents lisent un poème.
La cour d’appel de Mons rendra son arrêt le 29 octobre 2021.
26.02.2021 – Sanctions à géométrie variable…
Il y a les histoires connues et largement médiatisées, et il y en a qui font moins de bruit mais s’alignent sur un fonctionnement récurent : disparition d’images qui pourraient être en faveur d’un inculpé de rébellion ou trouble à l’ordre public, demandes de non-lieu des parquets pour des policiers impliqués dans des violences, durées anormales d’une « enquête » impliquant une plainte contre des forces de l’ordre… Tous ces stratagèmes ne peuvent que jeter le discrédit sur un application des règles de justice qui se devraient d’être équitables.
Ainsi, le parquet de Bruxelles avait requis à l’encontre d’un jeune homme de 22 ans, un an d’emprisonnement pour rébellion. Le jeune homme lui, avait accusé les policiers de violences et avait lui-même déposé plainte à leur encontre. En novembre 20, dans le cadre d’un contrôle « Covid », les policiers auraient usé de violences lors de son arrestation. Toutefois ceux-ci contestent, indiquant que le jeune homme aurait refusé de se faire contrôler (non port de masque). La police a donc estimé devoir le priver de liberté et, pour ce faire, procéder à son arrestation appliquant son maintien et son étranglement. Les blessures que présentait ce jeune homme ensuite seraient le résultat de sa chute lors du menottage. Son avocat pourtant indique que le plaignant aurait été saisi à la gorge par un policier ce qui lui aurait fait peur d’être violenté et l’aurait incité à se soustraire au contrôle. Les policiers l’auraient, à l’abri des regards, frappé au visage à plusieurs reprises, l’un d’entre eux aurait tenté de lui mettre un doigt dans l’œil. Relevons que ce type de récit est très fréquent, un traitement brutal appliqué pour une simple arrestation semble faire partie des pratiques les plus appréciées et appliquées.
Ces deux versions s’opposent totalement comme c’est souvent le cas, des images auraient peut-être pu indiquer avec plus de précision ce qui s’est réellement passé. Mais, ô surprise, les images des caméras de vidéosurveillance en rue n’ont jamais été extraites par la police, et ce malgré la demande de la défense. L’effacement ayant lieu au bout de trente jours, elles n’ont pu être visionnées ! Ici rien de nouveau, rien de surprenant mais qui donne lieu à de sérieux doutes quant au récit des policiers. Eux qui réclament à cor et à cri le port de bodycams, s’accommodent pourtant régulièrement du fait que les images ne soient pas visionnées ou disparaissent à bon escient lorsqu’elles risquent de révéler des faits compromettants. Dans le cas présent le résultat fut qu’il était impossible pour l’accusation comme pour la défense de vérifier les dires des uns et des autres. La chambre des comparutions immédiates de Bruxelles a, le 29 janvier 21, déclaré les poursuites irrecevables. [Source : La Capitale]
Il arrive aussi que des enquêtes interminables aboutissent à … un acquittement des policiers. Il en va de la sorte pour trois policiers de la zone BXL-Capitale-Ixelles qui sont suspectés d’avoir tabassé un homme au commissariat « Amigo« . Cela se passe en janvier 2013, M. NO victime de 51 ans, signale qu’il sort de ce commissariat le crâne fracturé, le nez cassé et les deux tympans percés après avoir été passé à tabac par trois policiers. Il avait été arrêté administrativement suite à une dispute dans un bar, il assure ne pas avoir été blessé en arrivant au commissariat.
Rappelons que l’on n’est pas censé sortir démoli.e d’un commissariat ou d’un poste de police ou de tout autre lieu de détention sous la surveillance d’agents de l’État. Selon la victime, les policiers avaient mis leurs gants et lui ont asséné plusieurs coups pour le « traiter comme en Irak« . Il porte des traces de pieds sur tout le corps et a été frappé aux parties génitales… tout un programme qui peut être qualifié de torture. Mais, une fois de plus, l’enquête a été bâclée. Donc faute de preuves … le procureur a requis l’acquittement non sans avoir précisé la possibilité que la victime eut pu chuter lors de sa détention administrative. Acquittement au bénéfice du doute après 80 mois d’enquête !
Parlant de sanctions à géométrie variable : lorsque ce ne sont pas des acquittements comme dans l’affaire ci-dessus ou des non-lieux requis par le parquet comme dans l’affaire d’Adil, ce sont des peines assez dissemblables qui sont prononcées par les tribunaux.
En ce mois de février 2021 comment ne pas évoquer « l’affaire Mawda« ! Ici aussi il semble que la géométrie variable ait opéré. Que dire du verdict prononcé le 12 février par le tribunal correctionnel de Mons ?
Le conducteur de la camionnette est condamné à 4 ans de prison ferme et le policier qui a tué Mawda avec son arme à feu à 1 an de prison avec sursis. Il n’est pas possible évidemment de dissocier l’ensemble de ce drame de la politique de répression menée à l’égard de personnes en migration. Sans des ordres de poursuivre coûte que coûte des personnes en route vers des destinations qu’elles espèrent meilleures que celles fuies, il est probable que cette course-poursuite par les policiers pour rattraper une camionnette qui transportait des êtres humains et le drame n’auraient pas eu lieu. Mais il a eu lieu. Un policier a estimé qu’il était en droit de faire usage de son arme à feu contre une camionnette en mouvement dans laquelle se trouvaient, et il le savait, des êtres humains, enfants, femmes et hommes entassés.
Bien que le tribunal estime qu' »il apparaît hasardeux de compter sur son habileté ou la chance pour viser le pneu alors que les véhicules roulaient à une vitesse appréciable« , c’est le principe même d’une police armée qui est en question. Le policier, un bouc émissaire comme cela a été évoqué ? un bras armé de l’État pas assez formé ? et qu’en est-il de tout l’appareil étatique à couvert ? Aucune analyse sur la possibilité même d’une telle violence. Viser avec un pistolet, c’est-à-dire , en avoir un à disposition, décider d’en faire usage, le sortir, l’armer et finalement appuyer en direction d’une cible mouvante, tout cela ne peut être considéré comme une norme acceptable. Un tribunal qui plus est, estime que ce bras armé ne mérite qu’une peine avec sursis alors que le jeune chauffeur de la camionnette poursuivie est considéré comme ayant contribué à la mort de l’enfant et lui mérite 4 années d’emprisonnement ferme. Des questions se posent sur les raisonnements qui sous-tendent de telles décisions de justice.
Ceci amène à une observation de la banalisation de la violence exercée par les forces de l’ordre, les nombreux témoignages lors de récentes manifestations en témoignent tout comme un vocabulaire utilisé de plus en plus fréquemment ; celui de « violences illégitimes » des policiers ! Erreur, certains articles de loi évoquent le recours (loi fonction police, articles 37 et 38) à la force afin de poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement, il est alors question de force légitime, pas de violence.
Les discours politiques (Emmanuel Macron) et journalistiques se complaisent dans cette confusion allant même jusqu’à citer erronément des sociologues tels que Max Weber, économiste et sociologue allemand 1864-1920, ce que conteste notamment Catherine Colliot-Thélène, philosophe spécialiste de Max Weber qui déclare que “dire que « l’État a le monopole de la violence légitime” c’est dire une absurdité exactement… Il ne s’agit pas de reprocher au personnel politique, voire aux journalistes, de ne pas connaître cet arrière plan de la définition de Weber mais ce qui est irritant, c’est cette manière d’appeler une autorité scientifique, c’est un grand nom, pour dire une absurdité. »
Nous le constatons, la violence augmente et avec elle la répression et l’intimidation, sa banalisation et sa justification tentent de se faire une place dans l’argumentation des autorités.
[Sources : La Capitale, Mediapart]
12.02.2021 – Prononcé du jugement dans l’affaire Mawda
Tribunal correctionnel de Mons : le jugement est lu par les trois juges en alternance, il fait 50 pages. Verdict :
- Le conducteur de la camionnette est condamné à 4 ans de prison ferme ;
- Victor-Manuel Jacinto Goncalves, le policier qui a tué Mawda avec son arme à feu est condamné à 1 an de prison avec sursis et 400 euros d’amende ;
- Le troisième prévenu est acquitté au bénéfice du doute.
Dès le début la présidente Madame Bastiaans a précisé que le tribunal ne se prononcerait que sur les faits dont il était saisi et non sur la politique menée par la Belgique en matière d’accueil des migrants.
L’entrave méchante à la circulation est à l’origine du drame qui a suivi estime le tribunal. La course-poursuite a duré 60 kilomètres et le tir policier était prévisible par le chauffeur lorsque le policier a sorti son bras avec son arme, ils étaient à la même hauteur :
« Le chauffeur devait donc nécessairement avoir vu l’arme et être au courant du risque de tir. La mort de Mawda est donc en lien causal avec l’entrave méchante à la circulation imputable au chauffeur« .
À la prévention d’entrave à la circulation avec la circonstance aggravante de mort s’ajoute la rébellion armée, la camionnette utilisée constituant une arme par destination :
« Il résulte par ailleurs un ensemble d’éléments de preuves graves ne laissant aucun doute sur le fait que le prévenu était bien le chauffeur. »
Le tribunal a estimé que le rôle du prévenu présenté comme le « passeur » n’est pas prouvé et les éléments dont des témoignages imprécis n’établissent pas à suffisance qu’il est le coauteur des principales préventions, l’entrave méchante et la rébellion.
Pour ce qui concerne le policier, le tribunal estime que sa version a été constante et qu’il n’a pas tenté la dissimulation de son acte de tir. Sa version est vraisemblable et aucun argument sérieux ne vient la contredire de manière décisive. Il s’agit donc d’un tir accidentel causé par une embardée de la voiture de police causée elle-même par une embardée de la camionnette de migrants.
Toutefois il estime qu’il n’y a aucune proportionnalité entre le danger que représentait la camionnette et le risque pris en sortant son arme. Il n’aurait pas dû dans de pareilles circonstances sortir son arme. L’absence de formation, aurait dû l’inciter à d’autant plus de prudence. Pour le tribunal, les conséquences possibles telles que la perte de contrôle de la camionnette ou un éventuel ricochet de la balle étaient prévisibles et sans commune mesure avec l’objectif d’arrêter le véhicule. L’objectif de stopper le véhicule aurait pu être atteint autrement (barrage par exemple).
De plus, la camionnette roulait à une certaine vitesse, et viser le pneu comportait un risque important pour les occupants de la camionnette et le reste des usagers de la route. Tout comme le risque que le projectile soit dévié de sa trajectoire était grand et mettait en péril les occupants et les usagers de la route. Pour la présidente :
« Il apparaît hasardeux de compter sur son habileté ou la chance pour viser le pneu alors que les véhicules roulaient à une vitesse appréciable. »
En conséquence, la faute est établie ainsi que le lien direct. Sans cette faute, il n’y aurait pas eu le décès de la victime.
[Lire l’article en version DE]
25.11.2020 – Procès Mawda : 3ème et dernier jour d’audience
L’audience prévue à 9h, débute à 9h30 (en raison d’un problème technique) par les répliques des parties civiles et du ministère public.
Me Benkhelifa estime que toutes sortes de questions secondaires sont venues parasiter le débat et empêcher de répondre à la seule vraie question, celle de la qualification juridique du tir policier. Le fait d’avoir sorti son arme, de l’avoir chargée et d’avoir tiré détermine le caractère volontaire du tir. Quant à l’intention homicide, tirer sur une camionnette pleine de gens est un dol suffisant que pour parler d’homicide volontaire. Et notre « confort » procédural ne suffit pas pour ne pas retenir la qualification exacte des faits afin d’en terminer avec l’impunité liée aux violences policières.
L’avocate générale conteste le fait que le policier n’avait pas d’autre possibilité que de se servir de son arme. Le recours à l’usage de celle-ci est par ailleurs strictement limité et n’est possible qu’en cas d’absolue nécessité. Elle conteste également avoir choisi une qualification des faits pour tenter d’éviter une cour d’assises et soutient que si elle avait été convaincue, même d’un dol éventuel, ce dossier aurait pris un tout autre cours. Mais dans le cas d’espèce, la version donnée par le policier et corroborée par les experts, aboutit à un tir accidentel
Me Kennes répliquera ensuite pour défendre son client, rappeler que si on retient la première partie d’une de ses déclarations (selon laquelle il dit savoir qu’il y avait des migrants dans la camionnette), il faut aussi retenir la suite de celle-ci (selon laquelle il pensait avoir à faire à des voleurs). Il souligne ensuite que les parties civiles ont formulé des griefs qui ne sont pas imputables à son client (notamment quant aux conditions de l’arrestation), qu’il ne voit pas le lien entre les policiers et le ministère public, donnant ainsi l’impression, au-dehors, que le système s’autoprotège. Il ira même jusqu’à parler de populisme pour qualifier l’intervention de Me Benkhelifa. Enfin, pour lui, la question n’est pas de savoir s’il devait avoir conscience du risque létal de son geste mais bien s’il avait l’intention de donner la mort ou de blesser. Il poursuit sur ce qui est dit aux policiers aujourd’hui lors de leur formation sur l’usage d’une arme à feu pendant une poursuite et de la possibilité de tenter de faire arrêter un véhicule en tirant dans ses pneus. Pour conclure, avant de céder la parole à son client, que « c’est toujours le petit qu’on spotche ».
Le policier s’avance alors, une feuille à la main, et lit un texte dont voici quelques extraits : « Si j’avais le pouvoir de remonter le temps… Je sais qu’il est parfois difficile de pardonner. La mort d’un enfant, c’est insupportable…. Je peux vous jurer : jamais je n’ai voulu ce qui s’est passé, jamais » S’adressant au tribunal : « Je ne sais pas ce que sera votre décision ni ce que sera notre avenir. Mais je sais que toute ma vie, j’ai toujours essayé de faire de mon mieux et d’aimer les gens. Pour faire le métier que je fais, il faut aimer les gens. J’ajouterai qu’il est plus compliqué d’aimer que de se faire aimer ». S’adressant aux parents de Mawda : « Je vous souhaite malgré ce drame de trouver le bonheur en Belgique. Ce pays a accueilli ma famille il y a des années et pour le remercier, j’ai décidé de prendre la nationalité belge. Je réitère mes plus sincères regrets. Merci de m’avoir écouté ». La maman de Mawda quitte la salle, en larmes.
Après une suspension d’audience, celle-ci reprend avec la plaidoirie de Me Discepoli pour le convoyeur. Il demande à plaider d’une seule traite et de faire traduire 2 pages remises aux interprètes et reprenant l’ensemble de son argumentation factuelle et juridique. Il souligne que quand il y a un naufrage, le passeur fait figure de coupable idéal. Il reprochera au ministère public de s’appuyer, pour reconnaître en son client le passeur, sur un témoignage anonyme, ce qui est contraire à l’article 189 du Code d’Instruction Criminelle et signale qu’il pourrait déjà arrêter de plaider. En effet, la condamnation d’une personne ne peut être obtenue de manière exclusive ou à tout le moins déterminante par un témoignage anonyme mais doit être corroborée par d’autreS preuveS (au moins 2). Il retrace pourtant le phénomène de criminalisation du passeur, datant de 1995 (et le passage possible sous la Manche) et introduit par une loi de 1995 dans l’art. 77bis de la loi de 1980. Il rappelle que son client est déjà poursuivi à Liège pour ces faits et qu’à Liège la veille et à Mons aujourd’hui, il est poursuivi avec la circonstance aggravante de mort. Il avait plaidé la jonction des causes en chambre du conseil, sans succès. Trois niveaux de parquet sont de ce fait concernés pour un même dossier (le procureur du roi et l’avocate générale à Mons et le parquet fédéral à Liège) alors qu’il y a manifestement un lien entre les 2 dossiers. Mais qu’il y a toute une série de choses que nous ne connaissons pas (la balise sous la camionnette par exemple relève d’un dossier du nord du pays). Il dira encore qu’aucun témoignage ne vient confirmer le fait que son client aurait donné des ordres au chauffeur. Il relèvera enfin des défauts de procédure pouvant entraîner la nullité des débats…laissant entendre par là qu’il ira jusqu’en cassation s’il le faut…Après avoir encore développé l’un ou l’autre argument (relatifs à des panels photographiques, des témoignages du témoin anonyme divergents à une année d’intervalle, etc), il finira par demander au tribunal une décision d’ACQUITTEMENT, au bénéfice du doute, même si pour lui il n’y a pas de doute. L’audience de la matinée se termine ainsi.
A 13:45, elle reprend avec les plaidoiries des 2 avocats du chauffeur. Me Gillis d’abord plaidera, d’une traite lui aussi, sur les faits et les PV qui sont dans le dossier, soulignant que dans ce dossier il n’y a que des perdants et demandant d’emblée et à toute force l’acquittement de son client pour les préventions A et B. Il l’a rencontré dans sa prison au sud de Londres en février 2019. Dans ce dossier, plus de 15 personnes ont soit dit que le chauffeur était quelqu’un d’autre, soit que ce n’était pas lui ou que le chauffeur a pris la fuite. Il s’attardera ensuite longuement à démonter les charges pesant sur son client, dans une langue qui n’est pas la sienne (ce qui risque de desservir son client).
Après une nouvelle suspension d’audience, Me De Beco plaide. Factuellement, il a été prouvé par la plaidoirie de Me Gillis que leur client n’était pas le chauffeur. Juridiquement, il aurait fallu que la mort de Mawda, pour constituer une circonstance aggravante à l’entrave méchante à la circulation résulte du fait même de celle-ci. Or, c’est le tir du policier qui a entraîné la mort de la petite. Le procureur du roi en prend pour son grade… D’autant que l’avocat rappelle que le dossier des passeurs sera réglé à Liège. Et demande de considérer que pour entrave méchante à la circulation, 2 ans 1/2, cela suffit.
S’ensuivront de nouvelles répliques par rapport aux plaidoiries des avocats de la défense. Avec de nouveau Me Benkhelifa pour les parties civiles qui demande une requalification (la mort de la petite est le fait du tir policier), un dommage par rapport à l’entrave méchante à la circulation (surtout pour l’enfant de 4 ans – le frère de Mawda), regrette que ces faits soient séparés entre Liège et Mons et soulignent que ses clients ne reconnaissent pas ces personnes et que c’est donc au tribunal de dire si elles sont coupables ou pas.
L’avocate générale dira que si les dossiers ont été séparés, c’était pour ne pas se retrouver avec un dossier mammouth dès lors qu’un dossier pour trafic d’êtres humains devait être envisagé et que c’est un hasard si les 2 dossiers trouvent leur épilogue simultanément. Il ressort des devoirs d’enquête que la balise a été posée par les autorités françaises et qu’un seul policier belge en avait connaissance. Elle conclut en disant que cette balise n’a aucune incidence sur les faits. Elle rappelle enfin les éléments sur lesquels elle s’est appuyée pour démontrer que la culpabilité du convoyeur ne provient pas de manière déterminante du témoignage anonyme (ADN, compte Facebook, etc). Par rapport au chauffeur, s’il est vrai qu’aucun des migrants n’a pu donner l’identité de celui-ci, c’est, selon elle, parce qu’ils avaient peur pour la sécurité des familles restées au pays et que leur volonté était de passer en Angleterre. Le témoin anonyme était donc la seule solution pour pouvoir glaner quelques informations un peu plus précises. Enfin, il résulte d’une manière claire que toute fuite était matériellement impossible. Le conducteur et le convoyeur se trouvaient donc bien à bord au moment de l’interpellation. Et l’ADN du premier est retrouvée sur le volant, ce qui démontre qu’il était bien à l’avant de la camionnette et qu’il était le chauffeur de celle-ci. Elle terminera en disant être la première à regretter la longueur de la détention préventive
Le procureur du roi essaiera tant bien que mal de démonter le fait qu’il a été dit que si le tribunal suit le réquisitoire du ministère public, le jugement serait cassé par la cour de cassation, s’appuyant cette fois non plus sur la doctrine mais sur la jurisprudence.
Mes Discepoli, Gillis et De Beco pourront alors de nouveau répliquer brièvement avant que le procès n’arrive tout doucement à son terme.
Et que le mépris du tribunal ne se donne à voir dans toute sa splendeur !
La parole est en effet donnée aux accusés, pour savoir s’ils confirment le fait que leurs conseils aient demandé un acquittement et, à titre subsidiaire, une application clémente de la loi pénale. La parole leur est ensuite, logiquement donnée. Le chauffeur commencera par dire ; « J’ai beaucoup de choses à dire ». Avant que la présidente lui demande de ne pas répéter ce que ses conseils ont déjà dit. Il parlera ensuite 5 bonnes minutes pour expliquer qu’ils ont été traités de manière inhumaine, pourquoi il a quitté son pays avec sa femme enceinte, qu’il a perdu la trace de celle-ci en Turquie fin 2015 et qu’il a continué son voyage, seul. La présidente l’interrompt de nouveau pour lui demander de revenir sur les faits qui lui sont reprochés. Elle décidera même d’une suspension d’audience de 5 minutes, lui refusant de poursuivre 2 ou 3 minutes sur les circonstances de la perte de sa femme. Quand il reviendra à la barre, il dira encore ces quelques phrases : « Je vais essayer d’être bref et de ne pas perdre votre temps. Je suis arrivé en France, désespéré. J’ai rencontré des personnes qui ont promis de chercher mon épouse et de passer en Angleterre. Je devais préparer du riz pour eux. Je voulais vous expliquer comment j’ai atterri dans ce milieu. Je suis coiffeur de profession. Cela fait 12 mois que je coupe les cheveux de mes compagnons de cellule. Je voulais que vous sachiez que je suis quelqu’un qui a beaucoup de rêves. Pour le reste, mes avocats ont tout dit. Je remercie mes avocats et vous aussi Mme la présidente. J’espère que vous me donnerez une chance ».
Le convoyeur aura ensuite ces mots : « Naturellement, je marque mon accord sur ce que mon avocat a plaidé. Je n’ai pas grand-chose à dire non plus. Je veux exprimer mes tristes sentiments par rapport à ce qui s’est passé ce jour-là. Croyez-moi, Mme la présidente, ce soir-là, après ce que nous avons vécu, je n’oublierai jamais cela de ma vie. Je suis tout simplement une personne illégale [sic]. Je n’ai rien à voir avec le trafic d’êtres humains. Et je ne le ferai jamais. »
près avoir reproposé une dernière fois au policier une prise de parole, la présidente annoncera que le jugement sera rendu le VENDREDI 12 FÉVRIER 2021 A 13H.
[Source : Groupe montois de soutien aux sans-papiers]
24.11.2020 – Procès Mawda devant la Cour correctionnelle de Mons
Les 23 et 24 novembre dernier s’est tenu le procès à Mons. ObsPol a pu assister aux audiences. Récit.
La famille de la petite fille kurde est soutenue par de nombreux collectifs qui militent contre les violences policières et le racisme. De nombreuses personnalités ont manifesté leur soutien, en Belgique ainsi David Murgia et Yannick Renier ou encore Thomas Lavachery, comme à l’étranger, parmi lesquels le réalisateur britannique Ken Loach ou encore le bassiste du groupe Pink Floyd, Roger Waters.
Après avoir été repoussé de plusieurs semaines à cause de la crise du coronavirus, le procès « Mawda » s’est ouvert lundi 23 novembre 2020 à Mons.
Seul un nombre très limité de personnes (8 !) a accès à la salle d’audience en raison de la crise Covid, et le théâtre qui montre le procès en streaming n’est accessible qu’aux journalistes. Il est strictement interdit à toute personne du public. La présidente précise que la limitation est faite en raison dues règles Covid et que l’affaire est gérée par le Parquet général, celui-là même qui avait donné des informations erronées lors de la mort de Mawda. La publicité des débats s’en trouve dès lors sérieusement restreinte.
Trois personnes se retrouvent sur le banc des prévenus. Victor-Manuel Jacinto Goncalves, le policier ayant tiré avec son arme de service est poursuivi pour homicide involontaire par défaut de précaution. Le conducteur présumé de la camionnette ainsi que le passeur présumé doivent répondre des chefs d’entrave méchante à la circulation avec circonstance de mort et rébellion armée, détenus depuis plusieurs mois et à qui il n’avait même pas été permis de se présenter correctement au tribunal mais en pantoufles. Ils ont d’ailleurs dénoncé ceci tout comme leurs conditions déplorables de détention ne leur permettant pas de se doucher ou de voir un médecin.
Le policier, libre lui, est défendu par Me Laurent Kennes.
Le chauffeur de la camionnette est défendu par Me Dimitri de Béco (Barreau de Bruxelles) et Me Thomas Gillis (Barreau de Gand) et le convoyeur, considéré comme le passeur, défendu par Me Frank Discepoli (Barreau de Mons).
Le SPF Intérieur est aussi représenté lors du procès au cours duquel il sera aussi posée la question de la formation des policiers dans le cadre des opérations « Médusa« .
Les parties civiles, avaient demandé une requalification en meurtre pour renvoyer ce dossier devant les Assises, mais cette demande n’a pas été suivie par la Chambre du Conseil. Elles sont défendues par Me Selma Benkhelifa (Barreau de Bruxelles), Me Loïca Lambert et Me Olivier Stein.
Les faits en bref
Les faits se déroulent dans la nuit du 16 au 17 mai 2018. Une camionnette transportant 28 migrants file sur l’autoroute E42 en direction de la France à 100 km/h. La camionnette est poursuivie par quatre voitures de police de Namur. Une cinquième voiture de police des autoroutes venue de Mons s’ajoute à la course-poursuite. Il est 2:00 du matin. Deux minutes plus tard, un coup de feu est tiré et blesse mortellement la petite Mawda.
[Écouter aussi l’analyse de l’affaire par Michel Bouffioux, journaliste, et Selma Benkhelifa,dans le Podcast de La Diaspora chuchote]
Le déroulement de l’audience
En première partie ce sont les deux experts qui sont auditionnés.
Le médecin légiste bruxellois qui avait procédé à l’autopsie de la fillette âgée de deux ans, tuée d’un coup de feu. Selon son dernier rapport, l’enfant se trouvait à l’avant de la camionnette, ce qui est contesté par les parents.
L’expert balistique explique qu’un tir par réflexe ou par crispation « est possible« , compte tenu de la pression qui doit être exercée sur la détente. À la suite d’une question des avocats des parties civiles il devient hésitant et précise qu’une arme de ce type avec la force nécessaire à la détente, soit 28 newton (équivalant à 3 kg) et un déplacement de la gâchette de presque un centimètre a pour vocation d’éviter un tir accidentel. « Le tir accidentel est difficile, mais cela reste une possibilité. Un tir par réflexe ou par crispation est plausible. » Donc aucune certitude possible.
Interrogés par la présidente, les deux inculpés irakiens, affirment ne pas s’être trouvés à l’avant de la camionnette. La présidente Marie Sheila Bastiaans a commencé par interroger le plus jeune des Irakiens considéré comme le chauffeur de la camionnette, lequel maintient ses déclarations faites précédemment durant l’enquête. Elle lui a signalé que son ADN avait été retrouvé sur des mégots de cigarette abandonnés sur le plancher de la camionnette. Ces mégots se trouvaient à l’avant alors qu’il a déclaré qu’il se trouvait à l’arrière du véhicule (!). « J’ai fumé ces cigarettes mais je ne sais pas si elles ont été déplacées ou pas« .
Un foulard portant son empreinte génétique a également été retrouvé à l’avant de ce véhicule. « Je ne me souviens plus, il se peut que je portais un foulard. Je sais qu’il faisait chaud et j’ai enlevé mon pull. Cela remonte à deux ans. Je ne sais plus« , a-t-il répondu.
Sur le compte FB de l’autre ressortissant irakien âgé de 27 ans, il y avait une vidéo montrant le trajet de la camionnette. Il ne conteste pas les faits et ajoute que les trafiquants lui ont demandé, depuis l’Allemagne, d’acheter une camionnette et de se rendre vers la jungle de Calais. Il conteste avoir été le convoyeur de cette camionnette lors de la course-poursuite avec la police. Lui aussi déclare qu’il se trouvait à l’arrière de la camionnette. Il dit qu’il a demandé au chauffeur de s’arrêter mais ce dernier ne l’a pas écouté.
Les détails mis en avant par les questions semblent bien vains par rapport au drame.
Vient ensuite l’audition de Monsieur Jacinto Goncalves le policier qui a tiré et tué Mawda.
Il déclare avant son audition qu’il est « policier, mais je suis aussi un homme et un papa avec des sentiments. La mort de Mawda m’a effondré. Je garderai toujours cette image « .
Ensuite il insiste sur le fait qu’il n’aurait pas eu connaissance de la présence d’enfants dans la camionnette et ajoute « Si je l’avais su, je n’aurais jamais sorti mon arme de mon étui « . Ceci confirme par ailleurs le fait qu’il savait bien ce qu’il faisait en sortant son arme.
De plus il admet que » Lors de ma formation à l’académie de police en 2008, il nous était déconseillé de tirer dans les pneus d’un véhicule en mouvement, mais je me suis dit que j’allais essayer, je n’avais pas d’autre choix « .
De quel choix parle-t-il donc ?
Il ajoute : « J’ai tiré une fois par accident « . ce qui semble étonnant par rapport aux déclarations des experts. « Un coup de feu accidentel paraît difficile avec ce genre d’arme car il faut faire déplacer la détente sur une distance de 8,4 mm et une force de 28 Newtons » déclarait l’expert en balistique.
L’avocate générale lui demande s’il a pensé à la possibilité que le pneu éclate suite au tir : « […] Moi mon but était de dégonfler ce pneu pour arrêter la camionnette car elle avait une conduite dangereuse« .
Est-ce uniquement parce qu’elle avait une conduite dangereuse ou la conduite dangereuse était-elle induite par la poursuite des véhicules de police ?
Quand avez-vous appris que vous aviez mortellement touché un enfant, lui demande la présidente ? : « Le lendemain matin, à 7:00. Je suis tombé des nues. Au début, on m’avait dit : « Tu n’es pas en cause, c’est un traumatisme crânien« ». Ce qui signifie qu’il savait qu’il y avait une enfant blessée.
Selon l’avocate Selma Benkhelifa, le policier est contredit par son coéquipier. « Il dit qu’il aurait chambré l’arme dans un second temps alors que son coéquipier dit qu’il a pris la décision de chambrer son arme presque immédiatement« . Quelques secondes après le tir, la camionnette s’est immobilisée sur un parking. À l’ouverture de la porte latérale le papa de Mawda a montré son enfant couvert de sang. « La maman a raconté que les policiers étaient armés et les menaçaient de faire un pas de plus en avant, comme si nous étions des terroristes », dira-t-elle.
« Lors de la course-poursuite, ils étaient tous debout dans la camionnette, ils criaient, ils avaient peur. Quelqu’un a cassé la vitre arrière et a jeté un sac de couchage vers les policiers afin de ralentir leur progression. Un policier a ordonné à ses collègues de ralentir en raison de la présence d’enfants« , explique l’avocate. Le policier tireur se trouvait sur le siège passager. « Il a chargé son arme, l’a sortie et il a tiré. Cela s’est passé extrêmement vite, entre 2:01 et 2:02:37. Contrairement aux policiers de Namur, il n’était pas stressé par une longue course-poursuite. Il savait qu’il y avait des migrants, dont des enfants […]«
La première journée a donc vu se confronter deux versions des faits. D’un côté pour la défense du policier, une présentation des faits qui aurait conduit celui-ci à brandir son arme sans savoir qu’un enfant était à bord et pour tenter d’arrêter la course d’une camionnette devenue dangereuse pour les autres usagers. De l’autre, une version qui a mis en évidence un contexte systémique d’une police instrumentalisée par le pouvoir politique dans laquelle ce policier a pris des libertés avec les règles qui lui ont pourtant été enseignées à l’académie de police, au risque de blesser ou de tuer des innocents.
Au deuxième jour du procès, Shamden Shawi, le papa de Mawda, a souhaité s’exprimer devant la cour. « Deux ans après, je n’ai rien oublié », dit-il. « C’est comme si j’y étais encore. Dans la camionnette, il y avait de nombreuses autres personnes, dont une autre famille avec enfants. Mawda était dans les bras de sa maman et mon autre enfant dans mes bras. Mawda se trouvait derrière le chauffeur. Moi, près de la porte, mon fils près de moi. Mawda s’est toujours trouvée avec sa maman. Nous ne l’avons jamais confiée à quelqu’un d’autre. C’est l’autre famille qui a exhibé ses enfants par la fenêtre à la police, pas nous. »
Et Shamden Shawi décrit ensuite de manière claire et critique la façon dont les policiers les traités une fois la camionnette immobilisée sur le parking de Maisières. « Avec mon épouse, nous sommes sortis les derniers de la camionnette », explique-t-il. « En sortant, j’ai repris Mawda des bras de sa maman. Il y avait une fontaine de sang. J’étais choqué. J’ai crié en demandant une ambulance mais les agents de police n’étaient pas polis avec nous. Ils m’ont repris Mawda et m’ont agressé dans le dos et dans la partie basse de mon corps. J’ai crié « ambulance ! » « ambulance ! », je n’ai pas de mots pour décrire cette situation. Ils nous ont traités de manière inhumaine. Quand l’ambulance est arrivée, ils ne nous ont pas laissé accompagner notre fille. L’ambulance est arrivée très tardivement les policiers m’ont immobilisé à deux, je n’ai pas pu aller dans l’ambulance. »
Il relate ensuite le moment où le policier a tiré en direction de la camionnette. « J’ai vu quand le policier a pris son arme. Il a tiré vers nous sans hésitation et sans perdre de temps. Je l’ai vu tirer une seule fois et ça a touché ma fille. Depuis lors, nous sommes traumatisés. Quand mon fils voit un policier en rue, il pleure. Mon épouse n’est plus normale et moi non plus. »
Et pire encore comme si cela n’avait pas été assez dramatique il rappelle que « Après que Mawda soit partie avec l’ambulance, nous n’avons plus pu la voir. Nous ne l’avons revue qu’après l’autopsie. Elle n’était plus dans un état normal. Ça n’est pas humain ».
La maman de Mawda souhaite elle aussi parler mais il lui faut quelques instants avant de pouvoir le faire car submergée d’émotion. Perhast Amer commence en disant « Ça fait 2 ans 6 mois 2 jours et 8 heures depuis l’incident« . Elle précise clairement que « la police a agressé mon mari après avoir jeté Mawda par terre. C’est totalement inhumain la manière dont la police nous a traités. Mon mari et moi étions couverts de sang, mon mari a crié, tâchant de demander une ambulance en urgence, ils savaient qu’on a tiré. Nous n’avons pas été aidés, ils ont pris Mawda et jetée par terre et à deux ont agressé mon mari. Je voudrais que vous entendiez les occupants de la camionnette sur la manière dont la police nous traitait et leur demander ce qu’ils ont vu même si c‘étaient des trafiquants, ils peuvent témoigner car ils ont tout vu. […] Je voulais aller dans l’ambulance mais une policière m’a tirée par les cheveux et traînée hors de l’ambulance. Comment peut-on être si inhumain? Même si c’étaient des terroristes, ce n’est pas un manière de vous traiter !»
Ensuite, s’adressant en larmes, directement au policier Jacinto Goncalves : « Vous et vos avocats avez déjà suffisamment parlé, M. Jacinto dit qu’il a des sentiments en tant que père. Moi aussi en tant que mère. Ce soir-là, Mawda avait faim. Je lui ai préparé du lait. Ça fait deux ans que je le conserve. Je l’ai toujours avec moi. Le chiffon que vous voyez, elle l’avait toujours avec elle. Je peux toujours la sentir grâce à cet essuie. » La maman montre ensuite une mèche de cheveux ensanglantés de Mawda. « Même s’il n’y avait pas eu d’enfants dans la camionnette, pourquoi avez-vous tiré ? Comment vous sentez-vous si vous ne voyez pas vos enfants pendant une journée ? J’ai du respect pour la police et son travail mais je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. S’ils ont commis des erreurs, il faut que le monde le sache. Idem si j’ai fait quelque chose de mal. Il est impossible qu’il n’ait pas vu les enfants. […] Il savait qu’il y a quelqu’un qui conduit la camionnette, sa vie n’a-t-elle pas de valeur? Il n’est pas normal de traiter les gens comme ça ! Je répète que ma fille a toujours été dans mes bras« .
Mme Godart, avocate générale prend la parole et évoque le contexte :
« Une fois la camionnette des passeurs immobilisée sur un parking, les 27 migrants ont été sévèrement gardés car les policiers pensaient que le coup de feu avait été tiré au départ de la camionnette. L’agent ayant fait feu ne s’était, en effet, pas encore signalé comme étant le tireur. Mawda était morte. »
Dans son réquisitoire, l’avocate générale estime que le policier n’a pas mesuré les conséquences de son tir alors qu’il savait qu’au moins un enfant se trouvait à bord de la camionnette. Elle déplore aussi le fait qu’il n’assume pas ses responsabilités.
Elle rappelle que la police de la route de Namur a voulu contrôler la camionnette car elle arborait de fausses plaques et ses occupants avaient des comportements suspects. « Ils ont pris la fuite et ont été pris en chasse par la police. […] La conduite est dangereuse. Des enfants sont exhibés. Ces informations sont diffusées par radio par la police. Près de Mons, la police de la route locale prend le relais. L’équipe de Jacinto Goncalves la prend en chasse. Le policier derrière le volant demande à la camionnette de ralentir, ce qu’elle fait, au point qu’elle se retrouve momentanément derrière le véhicule de police. […] La voiture du policier tireur se met à sa poursuite par la gauche. C’est alors qu‘il tire un coup de feu qui sera fatal à la petite Mawda bien qu’il avait l’intention de tirer dans un pneu. Le tir a été dévié à cause de manœuvres du policier au volant pour éviter des déports de la camionnette. Un peu plus loin, la camionnette empruntera la sortie de Nimy où elle terminera sa course en percutant un camion. »
27 personnes se trouvaient à bord de la camionnette. « Elles seront scrupuleusement surveillées par la police qui soupçonne que l’une d’entre elles porte l’arme qui a tiré le coup de feu car on ne sait pas encore que l’auteur en est Victor-Manuel Jacinto Goncalves« . Les 27 personnes sont ensuite amenées au commissariat et l’arme de service de M. Jacinto Goncalves. ainsi que ses deux chargeurs sont saisis.
« De manière étonnante, une douille sera retrouvée sur le tableau de bord de la voiture de M. Jacinto Goncalves, alors qu’elle aurait dû être éjectée du côté droit, donc vers l’arrière du véhicule », précise l’avocate générale. « Dans un premier temps, le médecin légiste va conclure à la mort de la fillette suite à un traumatisme crânien, peut-être dû à une chute car Mawda aurait été exhibée comme bélier par la fenêtre de la camionnette. J’ai beau chercher d’où vient cette information, je ne trouve pas. Si un officier de police a diffusé cette information erronée, il est hors de question de penser que la police a essayé volontairement de couvrir un policier et de faire porter le chapeau du drame uniquement par les migrants présents sur place. Suite à ces conclusions, le magistrat de garde demande donc la privation de liberté de l’ensemble des migrants. ».
Vers 18 heures le lendemain, la juge d’instruction apprend que Mawda est décédée suite à un tir balistique. Elle demande immédiatement à ce que l’arme de Victor Jacinto Goncalves soit à nouveau saisie. Car effectivement le lendemain à sa reprise de service M. Jacinto Goncalves, le policier tireur avait pu reprendre possession de son arme.
« Je constate que les directives relatives au dernier hommage aux victimes n’ont pas été respectées », déplore avec énergie Ingrid Godart.
Dans ses déclarations, le policier Jacinto Goncalves affirme que la communication avec les collègues de Namur était impossible. Il affirme ne jamais avoir entendu parler d’enfant et pensait avoir affaire à des migrants. « Or, dans sa première déposition, il évoque le fait qu’un enfant a été brandi par la fenêtre », précise l’avocate générale.
Comme son collègue lui conseille de le faire à un moment de la course-poursuite, Victor-Manuel Jacinto Goncalves sort son bras armé par la fenêtre et il tire. « Il affirme vouloir viser le pneu pour provoquer une crevaison lente même s’il sait que cette manœuvre n’est pas conseillée », rappelle l’avocate générale. « Le tir serait parti accidentellement car il aurait été déséquilibré. Il reconnaît n’avoir reçu aucun ordre de tir mais avoir agi car c’était proportionnel et nécessaire. Il ajoute qu’il n’aurait pas tiré s’il avait su qu’un enfant se trouvait à bord. »
« Le dossier démontre que l’échange d’informations n’a pas été optimal », reconnaît l’avocate générale. Mais le centre de communication affirme avoir rapporté l’intégralité des informations à l’équipe de Victor Jacinto Goncalves, dont la présence de migrants et le fait que des enfants ont été exhibés à plusieurs reprises. Il devait donc connaître la présence d’un enfant au moins. Il l’a d’ailleurs reconnu devant le Comité P lors de sa première audition même s’il l’a nié ce lundi devant le tribunal.
« Le collègue de Jacinto Goncalves lui a, à un moment, demandé de faire comme lui, à savoir sortir son arme par la fenêtre mais sans tirer« , explique l’avocate générale. « À aucun moment, il ne lui a dit de tirer. Or, il l’a fait en voulant viser le pneu. Contrairement à ce qu’il prétend, il n’a pas parlé spontanément de ce tir, c’est son collègue qui l’a fait. Or, c’est un élément essentiel au dossier qui aurait permis de prendre les bonnes décisions immédiatement. »
« Si l’inculpation de Victor-Manuel Jacinto Goncalves a été tardive, c’est uniquement parce que le dossier a nécessité nombre d’actes, d’expertises et de reconstitutions. […] Aucun élément ne permet de démontrer que le tireur était animé de l’intention de tuer ou qu’il avait conscience que son geste allait entraîner un décès. Par contre, la faute constitue un défaut manifeste de prudence et de prévoyance. Sa volonté de vouloir occasionner une crevaison lente n’est pas l’attitude que tout policier normalement constitué aurait adoptée. C’est une pratique proscrite, comme l’ont confirmé tous les policiers interrogés et comme il est censé le savoir. Il devait envisager que la situation allait déraper. C’était inéluctable. »
« […] C’est donc en connaissance de cause qu’il a pris les risques. »
Insistant sur le fait que le policier refuse de s’amender et se réfugie toujours derrière la faute d’autrui, l’avocate générale estime que Victor-Manuel Jacinto Goncalves refuse de reconnaître sa responsabilité dans le drame et manque de compassion et de dignité. Elle demande donc à son encontre une peine d’un an de prison avec sursis.
Quant au Procureur lui, après avoir longuement fait référence à la jurisprudence a réclamé dix ans et sept ans de prison ferme contre ceux qu’il considère comme le chauffeur et le passeur de la camionnette pour entrave méchante à la circulation avec pour conséquence la mort ainsi que la rébellion armée. Il estime que Jagrew D. et Rasol D.A. ont volontairement mis en danger la vie de Mawda et des autres migrants par leur comportement.
Pour M. Henry, c’est la manœuvre vers la gauche de la camionnette, repoussant ainsi la voiture de police, qui a fait en sorte qu’il y a eu coup de feu accidentel.
« C’est l’obstination de Jargew D. encouragée par les propos rageurs de Rasol D.A. qui aura été fatale à Mawda« , a estimé M. Henry. Ce dernier a motivé la peine plus sévère contre Jargew par son état de récidive.
L’avocate générale reconnaît être « parfaitement consciente de la douleur et de la colère qui est la vôtre« , en raison du peu de cas accordé aux 27 migrants qui n’ont pas bénéficié des égards dus aux victimes de la traite des êtres humains ainsi que le refus asséné aux parents de rendre hommage à leur fille avant l’autopsie et ce, malgré des directives claires. Elle a en outre critiqué le magistrat du parquet, qui n’est pas descendu sur place la nuit, « ce qui aurait pu éviter bien des égarements« .
Elle pointe aussi le médecin légiste, qui ne s’est pas rendu à l’hôpital, se limitant à un appel aux urgentistes qui n’ont pas vu la blessure par balles, si bien que ce n’est qu’avec retard que l’on a compris la cause de la mort de Mawda. Elle a assuré qu’elle veillerait à éviter de tels errements à l’avenir. Et de conclure, dans une critique à l’égard du politique, qu’elle craignait que de nombreuses questions soulevées par la famille devant le tribunal ne puissent y trouver des réponses car « elles dépassent de loin le cadre de cette enceinte et de cette procédure. Ce que je déplore et regrette, je vous en assure ».
Ensuite Me Kennes, avocat de M. Jacinto Goncalves commence sa plaidoirie alors que le réquisitoire reproche au policier son attitude lors de l’intervention mais aussi après celle-ci.
L’avocat brosse d’abord un portrait de la personnalité du policier afin de pouvoir nuancer par la suite. « Il a 46 ans au moment des faits, ce n’est pas un guerrier, il n’a jamais tiré sur personne. Il a juste appris à tirer sur des cibles. Il est marié et a un fils. […] Son métier n’est pas d’arrêter des migrants, mais d’arrêter des personnes qui roulent trop vite, qui ont un phare cassé, parfois il intervient sur des trafiquants de drogue ou des personnes qui se cachent dans des camions. […] On dirait presque que c’est devenu une vocation d’arrêter des migrants toute la journée. Ce n’est pas le cas même si c’est arrivé ».
« Le 16 mai 2018, le policier est monté dans une nouvelle voiture de police, très puissante, conduite par son collègue qui a trente ans d’expérience. […] La course se poursuit. Le collègue de l’auteur du tir saisit son arme tout en conduisant et il la montre au chauffeur qui ne s’arrête pas. Il y a du mouvement, la camionnette tente de percuter la voiture de police. […] Mon client ouvre la fenêtre, sort son arme, se penche en dehors de l’auto. […] En un millième de seconde, il réagit. Il charge son arme. Il agit par réflexe plutôt que par mûre réflexion. Il vise le pneu. La crevaison lente ! […] La camionnette donne un coup de volant vers la gauche. Le policier a une partie de son corps dehors, cherche à s’agripper à quelque chose, il relève son corps pour empêcher d’être emporté dehors. Sa main droite agrippe et se crispe. Et c’est plus que 28 newton.«
Démonstration pour la défense qu’il s’agit bien d’un tir involontaire, accidentel, ce qui du même coup sur le plan juridique tend à faire disparaître l’élément intentionnel au moins au moment du tir.
Sur l’intrigante question de l’attitude du policier après le tir, « À 7 heures du matin, il apprend et il n’en revient pas. Depuis, il porte le poids d’une culpabilité humaine, il se sent coupable. Non pas juridiquement, mais émotionnellement […] Il porte le poids d’une migration mal gérée en Belgique et en Europe. Un poids qui le dépasse et qui l’écrase depuis deux ans ».
« Nous parlons tous d’un drame humain, rendre la justice, c’est entendre que Jacinto Goncalves ne comparait pas en tenue de policier, mais en tant qu’être humain, issu de l’immigration portugaise, mari, papa et traumatisé par la mort de Mawda« . Il plaide l’acquittement ou à titre subsidiaire la suspension du prononcé.
Après Me Kennes, Me Ferron a pris la parole au nom de l’État belge, employeur du policier. « L’État interviendra de toute façon pour dédommager les parties civiles si le policier est condamné« , a déclaré l’avocat.
L’audience reprendra le 10 décembre avec les plaidoiries des avocats des deux détenus, poursuivis pour entrave méchante à la circulation, avec la circonstance aggravante de meurtre, et de rébellion armée.
[Source : ObsPol]
06.08.2020 – Affaire Mawda : procès les 23 et 24 novembre 2020
Jeudi 6 août, Mons. Devant le Tribunal une vingtaine de personnes en soutien aux parents présents se sont rassemblées pour assister à la séance introductive du procès de trois hommes impliqués dans la mort de la petite Mawda, dont le policier tireur. Il est poursuivi pour « homicide involontaire« .
Lorsque les soutiens souhaitent se rendre dans la salle d’audience, les policiers les informent que suite à l’ordonnance prise dans le cadre des règles covid par le juge, l’entrée n’est pas permise au public. Un procès public sans public donc. Trois personnes cependant seront admises dans la salle en fait vide, dans laquelle les places prévues tenant compte des distanciations sont nombreuses à être inoccupées.
Lors de la dernière audience à huis clos, la partie civile (les parents), avait demandé de requalifier les faits reprochés au policier en meurtre car ils estiment qu’il y avait bien intention de tuer. Cette demande n’avait cependant pas été suivie par la chambre du conseil. C’est donc un procès en correctionnelle, avec trois juges : Mme Bastians assistée par M. Ruchard et Mme Bossut. Notons la représentation du SPF Intérieur qui sera aussi partie au procès.
La séance introductive met au point les questions d’interprétation, la durée prévue des plaidoiries et débats etc. La juge précise aussi qu’étant donné qu’un des inculpés est en récidive, déjà condamné en 2016, il y aura lieu de prévoir une plaidoirie tenant compte de cette circonstance aggravante.
Le 23 novembre 2020 se tiendront les débats de l’instruction d’audience et l’audition du médecin légiste et de l’expert en balistique en matinée. L’après-midi, ce sera le tour des parties civiles représentées par Me Selma Benkhelifa, qui prendra la parole. L’accusation produira son réquisitoire.
Le 24 novembre ce sera au tour de la défense de plaider. La Cour souhaitant permettre la publicité des débats, il est possible que le lieu du procès soit déplacé (ancien prétoire de la cour d’assises).
11.07.2020 – Le policier tireur qui a tué Mawda ne sera pas accusé de meurtre…
Chambre du conseil de Mons, mercredi 8 juillet 2020
Des universitaires, juristes et professeurs de droit réclament que le tir du policier qui a été fatal à l’enfant soit qualifié de meurtre, ce qui justifierait la tenue d’un procès aux Assises.
Cependant la chambre du conseil de Mons, lors du règlement de procédure, en a décidé autrement. Le policier, auteur du tir qui a tué la petite Mawda, sera renvoyé devant le tribunal correctionnel de Mons pour répondre d’un homicide involontaire. Le conducteur de la camionnette et le passeur de migrants, inculpés d’entrave méchante à la circulation ayant entraîné la mort, ont aussi été renvoyés devant le tribunal.
Le 17 mai 2018, la petite fille âgée de deux ans avait été tuée lors d’une course-poursuite sur l’autoroute entre une voiture de police et une camionnette transportant une vingtaine de migrants qui souhaitaient rejoindre le Royaume-Uni. Un policier avait ouvert le feu depuis la voiture de police en mouvement contre la camionnette en mouvement.
Les parents de l’enfant ont demandé à la chambre du conseil de requalifier les faits en meurtre. Mais ils n’ont pas été suivis par la chambre. « Nous sommes déçus car nous sommes convaincus qu’il y a eu un tir volontaire« , a déclaré Me Selma Benkhelifa avocate des parents. Lors de l’audience à huis clos, elle avait tenté de convaincre la chambre. « Nous soutenons que c’est un homicide volontaire parce que, en tirant sur la camionnette, le policier a fait un geste potentiellement mortel, disproportionné par rapport à la fuite« .
Me Laurent Kennes, avocat du policier, avait une lecture différente du dossier. Pour lui, le policier n’a jamais eu l’intention de tuer : son but était de viser les pneus de la camionnette. L’absence de formation du policier en matière de course-poursuite sera débattue lors du procès qui devrait avoir lieu assez rapidement car le chauffeur de la camionnette et le passeur sont encore en détention préventive.
[Source : Belga]
12.05.2020 – Il y a déjà deux ans : Mawda tuée par un tir policier
À quelques jours du triste anniversaire de la mort de Mawda le 17 mai 2018, tuée par un policier sur l’E42, lors d’une course poursuite de la camionnette de migrants dans laquelle elle se trouvait avec ses parents, nous souhaitons la commémorer afin que l’oubli ne s’installe pas sur cet terrible drame !
Rappelons que le Comité P avait rédigé un rapport de plus de 50 pages, dans lequel il s’était principalement focalisé sur les problèmes techniques de communication entre les policiers. Ce faisant des questions cruciales ne semblaient pas avoir été prises en compte.
A l’époque Selma Benkhelifa, l’avocate des parents de Mawda indiquait au magasine Le Vif que, « Le ton du rapport est très choquant. C’est un rapport uniquement technique dans lequel la mort de la petite Mawda passe pour un détail. On parle de problèmes de communication, de la manière dont la police devrait mieux collaborer inter-équipes. Le langage utilisé est presque incompréhensible pour le commun des mortels. Le prénom de Mawda n’est même pas cité, il n’y apparaît pas non plus les termes ‘petite fille’, ‘arme’, ou ‘mort. On ne lit que ‘incident de tir’. A la lecture du rapport, en faisant abstraction de la date du 17 mai, on ne peut même pas savoir qu’une petite fille est morte ce jour-là! ». […] Ce qui aurait été intéressant, c’est que la Comité P se soit posé la question de savoir ce qui a mené à un drame pareil. Mais il ne répond à aucune de ces questions : ‘Comment un policier a-t-il pu croire légitime de sortir son arme contre une camionnette dans laquelle se trouvaient des migrants? »
Plusieurs reconstitutions ont eu lieu depuis et le 18 décembre 2019 le policier auteur du coup de feu qui a tué Mawda a été inculpé. Le Procureur Général de Mons Ignacio de la Serna a indiqué que « Le policier a été inculpé du chef d’homicide involontaire, article 418 du code pénal, c’est-à-dire qu’il lui est reproché d’avoir involontairement causé la mort de la petite Mawda« . Le juge d’instruction a attendu la reconstitution et les rapports balistiques avant de décider de cette inculpation.
L’enquête est toujours en cours, nous ne pouvons qu’espérer que la clarté soit faite sur ce drame et la mort inacceptable de cette jeune enfant.
Carte Blanche du Comité Mawda : “On ne tue pas les petites filles d’une balle dans la tête. Jamais.”
L’affaire de la mort de la petite Mawda dans la nuit du mercredi 16 au jeudi 17 mai 2018, sur une autoroute belge, près de Mons, revient au tribunal ce vendredi 26 juin. La chambre du conseil de Mons devra décider du renvoi devant le tribunal correctionnel du policier et de deux migrants soupçonnés d’être le passeur et le chauffeur de la camionnette.
Le procureur veut le renvoi du policier pour homicide involontaire et des deux migrants pour rébellion armée et entrave méchante à la circulation.
Rappelons qu’aucun migrant n’avait une arme. Seul le policier a tiré. En utilisant son arme, il savait qu’il pouvait tuer quelqu’un et il a effectivement tué Mawda, une petite fille de 2 ans, touchée en pleine tête.
Cette affaire pose de nombreuses questions sur le fonctionnement de notre société.
Qu’est-ce qui dysfonctionne dans la formation des policiers pour qu’il ait cru légitime de tirer sur une camionnette de migrants qui fuyaient ?
Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un policier pour que l’arrestation lui semble tellement vitale que la mise en danger de vies humaines soit nécessaire à ses yeux ?
La même question doit se poser pour Mehdi, pour Adil, pour Sabrina et Ouassim. Ils s’enfuyaient, certes, mais est-il nécessaire de les en empêcher à tout prix. Au prix de leur vie ?
L’école de police n’apprend-t-elle pas aux futurs agents qu’une vie humaine prime sur une arrestation ? Que rien ne justifie la mise en danger ou l’atteinte à l’intégrité physique ?
Doit-on encore rappeler qu’on ne tue pas les gens !
Mais au-delà de la formation des policiers et de l’organisation du corps de police comme institution prônant la violence, nous devons nous poser des questions sur l’organisation de l’impunité. Le pouvoir judiciaire sait cette violence, il la voit et il ferme les yeux.
Pourquoi la justice toujours prompte à condamner est-elle aussi indulgente quand il s’agit de policiers ?
Tous ceux et celles qui ont déjà été confrontés à la justice ont vu la sévérité avec laquelle sont condamnés de petits délinquants – surtout s’ils sont étrangers et sans-papiers. A l’opposé de cette sévérité, les juges et les procureurs sont compréhensifs et indulgents dès qu’il s’agit de policiers. Ils excusent la violence, tolèrent le racisme, justifient l’illégalité.
Il faut que cela cesse. La violence policière n’est pas légitime. Elle est intolérable. Rien ne l’excuse. Mawda n’aurait pas dû mourir, parce que le policier n’aurait pas dû tirer. Même si le chauffeur s’enfuyait, même si le passeur passait, même si… aucune excuse n’est audible.
On ne tue pas les petites filles d’une balle dans la tête. Jamais.
Un non lieu ou une suspension du prononcé pour le policier serait une véritable provocation. On ne tire pas en pointant son arme vers le chauffeur de la camionnette sans intention de tuer, la qualification d’homicide involontaire est absolument inappropriée, si cette qualification était retenue par la chambre du conseil de Mons, cela pourrait être interprété comme un permis de tuer implicite. Même le comité P rappelle que l’on ne tire pas sur une “cible en mouvement”. Il est temps de mettre fin à l’impunité !!!
Organisations signataires
Comité Mawda, vérité et justice – Bruxelles Panthères – Bamko-cran asbl, B2000 asbl, Campagne stop répression, Comité des Travailleurs·ses Migrants·tes avec et sans papiers de la CSC Bruxelles, Collectif féministe Kahina, Collectif Solidarity is not a crime, Ecran d’éveil asbl, Éditions du Souffle, European Observatory of Democracy and Peace (EODP), Groupe montois de Soutien aux Sans-Papiers, Hôtel Flambeau, JOC Bruxelles, La Vieille Chéchette, café bouquinerie coopératif de St Gilles – Le Village du Monde, MARCHE DES MIGRANT-E-S, Nouvelle voie anti-coloniale, Observatoire des violences policières en Belgique (ObsPol) – Parti des indigènes de la République (PIR) – Le Poisson Sans Bicyclette ASBL, café féministe – Prisoner’s news – Réseau Ades – SOS Migrants – SLAMEKE, Théâtre des Rues
UNITED STAGES , le secteur culturel s’engage pour la justice sociale et migratoire :
Le 140 , Alterbrussels, Alternatives Théâtrales, L’Ancre Charleroi, l’Atelier 210, Arts et Publics, l’Association des Centres culturels de la Communauté française (ACC asbl), les Baladins du miroir, la Balsamine, la Bellone, Bewogen, le Boson, le BRASS, Les Brigittines, le Centre culturel Action-Sud, L’Entrela’ – Centre culturel d’Evere, le Centre Culturel de Thuin Haute Sambre, Choux de Bruxelles Artist Collectives, la Cité miroir de Liège, la Compagnie le Corridor, La Concertation, Culture & Démocratie, l’Escale du Nord, Francofaune, Globe Aroma, le Kaaitheater, De Kriekelaar vzw, le KVS, la Maison de la création, Maison de la Culture de Tournai, La Maison des Cultures de Saint-Gilles, la Maison du Livre, Le Magic Land Théâtre, Mars – Mons Arts de la Scène, Met-x Movingmusic, les Midis de la Poésie, Passa Porta, PointCulture, RAB/BKO, les Riches Claires, le Rideau de Bruxelles, le Senghor – Centre Culturel d’Etterbeek, le Théâtre des 4 mains, Centro Galego de Bruxelas ASBL La Tentation, le Théâtre des Martyrs, le Théâtre La montagne magique, le Théâtre Océan Nord, le Théâtre Varia, le Théâtre de la Vie, l’Union des artistes du spectacle et La Vénerie Centre culturel de Watermael-Boitsfort.
Signataires individuels :
Ana Navarro, Citoyenne – Céline De Vos – Code Rouge, artiste – Coline Geisen, militante – Eva Maria Jimenez, permanente CSC en charge des travailleurs migrants et sans-papier – Freddy Bouchez, Marche des Migrant-e-s de la région du Centre – Guillermo Kozlowski, philosophe – Jean-Pierre Griez, réalisateur – Julie Jaroszewski, artiste et militante – Joy Slam, Artiste – Luis Martinez Andrade, sociologue mexicain – Luk Vervaet, prisoner’s news – Manu Scordia, dessinateur – Maryam Kolly, sociologue Université Saint Louis – Marie aurore d’ Awans, comédienne – Milena Sardella, citoyenne – Nordine Saidi, militant décolonial et membre de Bruxelles Panthères – Rachid ID YASSINE, Sociologue – Soraya El kahlaoui, sociologue – Kamar Takkal, citoyenne du monde – Véronique Dockx, citoyenne et avocate – Yacob Mahi, théologien, islamologue, docteur en histoire et sciences des religions, acteur associatif, Bruxelles.
[Source : ODP News, image : Justice pour Mawda]