Querelle des chiffres (900 personnes selon la police, plutôt 2000 selon ObsPol), mais unanimité sur les motivations : tout le monde déteste la police, et tout le monde en a marre de la répression d'État !
Journée internationale contre les violences policières, vers 18:00. À l’appel de nombreux collectifs, associations et comités Justice, une foule nombreuse, diverse et bigarrée s’est assemblée place du Congrès à Bruxelles devant la colonne où des pancartes, des bannières, un micro et des enceintes avaient été apportées par les organisateurs et attendaient qu’on s’en saisissent.
À l’arrivée sur la place, on sentait comme une vibration de joie sereine de se retrouver si nombreux.ses (pour une fois !) pour faire entendre nos voix, une jubilation intérieure encore amplifiée par la beauté du soleil couchant qui venait à point nommé de percer la grisaille de la journée.
Un sentiment de bienveillance aussi, jusque dans l’attention portée aux jeûneur.euses du ramadan, venu.e.s marcher aussi malgré le supplément d’effort requis.
Premières prises de parole avant le départ :
- Samira, la tante de Sabrina (Collectif Ouassim et Sabrina),
- Soumaya, la sœur de Sourour, qui dit sa colère face à la douleur des familles, à la liste des victimes qui s’allonge, à la fatigue de devoir répéter le message de plus en plus souvent, à la police de plus en plus armée, à l’incompréhension de politiques qui nous ressemblent de moins en moins, à la formation des flics qui ne suffit plus, à l’impunité dont ils jouissent toujours, et réaffirme notre volonté à tous de résister,
- Saskia Simon, de la Ligue des Droizuzu, qui vient vanter la constitution de partie civile de son employeur dans les affaires Ilyes et Mohamed Amine
Le cortège s’ébranle ensuite lentement, on sent l’enthousiasme de la foule dans ses chants, ses cris, son envie de posséder la rue, de la marquer de son passage. Les flics sont omniprésents, mais on sent qu’ils ont reçu l’ordre de rester bien sages…
Prochain arrêt : le commissariat près de la gare du Nord, où Ibrahima a « trouvé la mort » (?). Sa petite sœur Aïcha prend la parole pour exhorter tout le monde à être présent.e le 10 mai, jour de l’audience du tribunal correctionnel dans l’affaire du meurtre de son frère, et demande une minute de silence pour toutes les victimes de violences flicardes. « Pas de justice, pas de paix !«
Quelques centaines de mètres et dizaines de noms de victimes de flics plus loin, nouvel arrêt du cortège devant le Center de crises national, une ancienne occupation fédérale, ouverte dans le cadre de la Saga de la Honte où des centaines de demandeur.ses d’asile avaient été mis illégalement à la rue par l’État belge, pour écouter la parole de :
- deux camarades du collectif Getting the Voice out, qui présentent leur action, évoquent l’invisibilisation des violences policières dans les centres fermés et la vulnérabilité des personnes enfermées dans ces prisons, décrivent la brutalité des techniques employées par les flics durant les tentatives d’expulsion, relaient quelques exemple de témoignages édifiants reçus, nous rappellent les circonstances du meurtre de Sémira Adamu, et appellent au soutien d’un détenu qui subit en ce moment sa troisième tentative d’expulsion vers Djubouti alors que sa plainte pour violences policières devait être examinée par l'(in)Justice. « Les frontières tuent, la police tue, Liberté pour toustes ! ». En écho monte « No border, no nation, stop deportation!« . Et feu à toutes les prisons !
- Henriette, du Comité des Femmes sans-papiers, qui exprime son ras-le-bol de devoir rappeler qu’on vit dans un état de droit qui ne respecte en rien les droits humains, de devoir demander la régularisation, de revendiquer le droit de travailler, de se former, le droit aux soins, à un toit, à la justice contre les violences vécues au quotidien etc. Marre d’avoir peur de se rendre au commissariat et de se retrouver en centre fermé. Elle évoque le cas de sa camarade du Comité, une membre du Comité, Aïcha Toure, emprisonnée depuis plus d’un mois au centre fermé d’Holsbeek. « On est dans nos droits de vivre ici ! […] Une seule solution : la régularisation !«
Nouvel arrêt Place De Brouckère, nouvelles prises de parole, et nouveau flot d’émotions, tristesse, accablement, colère, empathie :
- Nadine, la mère de Domenico, qui peine à lire la lettre de sa petite fille à son père « parti très loin dans les étoiles« . On la comprend, la foule la soutient, la porte.
- Ouafah, la soeur d’Imed, flingué il y a un an déjà à Seneffe, un « deuil impossible » pour sa famille et ses proches. Elle rappelle que depuis tout jeune son frère subissait « le harcèlement de la police comme beaucoup de jeunes perçus comme non-belges et victimes du racisme de la police« , et évoque les détails sordides de son exécution en règle « d’une balle dans la tête et d’une balle dans le cœur : pour moi c’était pas pour le blesser, c’était pour le tuer. Flics racistes ! Flics assassins !« . Avec une pudeur infinie elle raconte être perdue depuis dans des questionnements sans fin, sa douleur de ne pas être considérée comme une victime, l’absence de toute considération de la police qui n’a même pas daigné lui apprendre la mort de son frère (c’est par les médias que la nouvelle lui est tombée dessus) ni autoriser la marche blanche que la famille désirait organiser, et sa peur de croiser de nouveau l’assassin d’Imed, toujours en service…. « Justice pour Imed ! Justice pour tous ! »
Le cortège reprend sa marche vers le terrain de basket « Mehdi Bouda » sous les huées de la foule pour le bourgmestre Philippe Close qui a refusé une proposition de l’orga concernant le parcours : « Police, assassins ! PS, complices ! »
Sur la place, un cercle compacte se forme autour d’Ayoub, le frère de Mehdi, qui, après avoir remercié tout le monde du soutien apporté, souligne que 3 ans auparavant la foule était bien moindre, signe de la naissance d’un
« mouvement qui fait vivre le nom de nos proches qu’on a perdus, que ce soit Mehdi, Ibrahima, Adil, Domenico, Imed, Lamine, toutes ces personnes qui sont victimes de violences policières. Pour moi c’est symbolique d’être ici aujourd’hui, parce que c’est une place où moi et mon frère on venait énormément jouer au basket. Mon petit frère, c’était un enfant, il avait 17 ans quand il a été percuté par une voiture de policiers qui roulaient à 98 Km/h sans sirène, à contresens, et malgré ça ils ont trouvé le moyen de fuir leurs responsabilités, de déshumaniser mon petit frère, c’est pour ça qu’on continue à combattre.
Cette année c’est une année importante pour moi et ma famille, parce que c’est cette année qu’on a enfin une audience, après bientôt 5 ans… Dans ce pays quand on demande des réponses à nos questions, on n’en a pas, on nous répond qu’y a une enquête qui est en cours, et quand l’enquête se clôture, on arrive en chambre du conseil et généralement ça se termine en non-lieu… […] »
Puis Ayoub, comme toujours, prend de la hauteur :
« Dans un deuxième temps, j’aimerai vraiment montrer de l’empathie, parce que mon petit frère est mort il avait 17 ans, mes parents ont perdu un enfant, moi j’ai perdu un petit frère, et en ce moment un peu partout dans le monde y a plein de parents qui perdent leur enfant. Récemment en Palestine ces 4 derniers mois y a 14 000 parents qui ont pleuré leur enfant. Au Congo aussi y a des parents qui pleurent leur enfant, au Soudan, donc je vous invite vraiment à être solidaires, on est solidaires au niveau des violences policières, mais qu’on soit tous solidaires, qu’il y ait cette humanité qui naisse de ce mouvement-ci, c’est important de soulever cette question de l’union de toutes ces luttes.
Justice pour Mehdi, justice pour tous, soyez là le 28 mars, soyez là pour la famille d’Ibrahima, soutenez-nous, continuez à faire vivre ce mouvement, même si nous les familles on n’y arrive pas tout le temps, de voir ça ça nous nourrit, ça nous donne envie de continuer, c’est ce qui fait qu’on va y arriver ! Justice pour tous ! Merci à tous ! Merci pour votre force ! Merci énormément !«
L’action se conclue sur le récap des prochaines dates importantes :
- Ce soir à partir de 22:00 : Soirée de soutien à l’Illégal pour les familles des victimes
- Demain 16 mars à Paris : Manif contre les violences policières à l’appel du Réseau Entraide, Justice et Vérité
- 21 mars – Journée pour l’élimination des discriminations raciales
- 23 mars – Rassemblement à Seneffe en mémoire d’Imed
- 26 mars à 12:30 : Rassemblement au Palais de Justice de Bruxelles pour l’audience de la chambre du conseil dans l’affaire du meurtre de Mehdi
- 10 mai à 08:30 : Rassemblement au Palais de Justice de Bruxelles pour l’audience dans le procès du meurtre d’Ibrahima
SOUTIEN :
- Comité des Femmes sans-papiers : BE55 973385100744 // communication : Libérez AÏCHA TOURE – Couvrir les frais scolarité et soutenir ses enfants, coûts du dossier du recours contre son enfermement
- Famille d’Imed : BE65 5230 8110 3896 // communication : Justice pour Imed
- Famille d’Adil : BE65 5230 8110 3896 // communication : Justice pour Adil
- ObsPol
- Bruxelles dévie
Images : Karim / sniper
AUDIO
01 - Avant le départ du cortège, place du Congrès
02 - En face du commissariat de la Gare du Nord, où Ibrahima a été tué
00:00:00 – Aicha, la soeur d’Ibrahima
00:00:36 – Minute de silence
00:02:12 – « Pas de justice pas de paix !«
03 - Ancienne occupation fédérale, ouverte dans le cadre de la Saga de la Honte
00:00:43 – Getting the Voice out
00:06:46 – Henriette, Comité des Femmes Sans-Papiers
04 - Place De Brouckère
05 - Place Mehdi Bouda
00:01:25 – Ayoub, le frère de Mehdi
00:05:03 – Conclusion : les prochaines importantes