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INFORMATION
En ces temps particuliers de confinement, le Comité P a mis en place un espace dédié aux plaintes contre la police dans le cadre des mesures contre le covid-19 et les amendes qui en découlent.
17.01.2023 – Les réactions s’enchaînent à la suite d’un troisième décès dans un commissariat…
Ce dimanche 15 janvier, les collègues de Sourour ont organisé un rassemblement et invité tous ceux et celles qui appréciaient la victime à venir lui rendre hommage devant le lieu du décès. Plus d’une centaine de personnes sont venues. Vive émotion et profonde incompréhension parmi les proches, qui appellent à rester mobilisé·es pour de prochains évènements, à suivre sur la page FB de l’asbl PAC.
Sarah de Liamchine, présidente de l’association PAC (présence et actions culturelles) où travaillait Sourour :
« C’est un traumatisme important pour le PAC, d’autant que nous sommes souvent mobilisés dans des dossiers liés aux violences et à la police. C’est déjà très compliqué quand il s’agit de cas concernant des inconnus, mais quand il s’agit d’une collègue, c’est un traumatisme. Une cellule d’écoute et d’aide psychologique a été mise en place au sein de l’association. Certains collègues ont, aujourd’hui, peur d’être interpellés par la police, surtout s’ils sont d’origine étrangère. Il faut se poser des questions à ce propos. Ce n’est pas normal que la police suscite la peur alors qu’elle est là pour aider et protéger. Sourour aurait dû être protégée, mais cette mission n’a pas été remplie par la police. C’est le troisième décès d’une personne d’origine maghrébine dans cette cellule. Quand ça arrive une fois, on peut croire à un incident. Quand cela arrive trois fois, ce sont des dysfonctionnements. Sourourn’est pas un simple fait divers, ce n’est pas un cas, c’est une personne. Morte trop tôt. Pour le moment, nous essayons d’être surtout là pour le fils de Sourour, qui n’a plus de parents. C’est un jeune meurtri, mais il reste digne. Ce qu’il souhaite aujourd’hui, c’est comprendre ce qui est arrivé à sa maman. »
L’ambassade de Tunisie à Bruxelles a publié le 17 janvier un communiqué :
« L’ambassade porte à la connaissance des ressortissants tunisiens en Blegique, que tout le nécessaire est entrepris, en coordination avec le Consulat de Tunisie à Bruxelles et les auorités belges, ainsi qu’avec la famille de la défunte, pour connaîter les circonstances exactes de la mort, dans un centre de détention de la police de Bruxelles, d’une ressortissante tunisienne, survenue jeudi 12 janvier 2023. »
Bruno Bauwens, conseiller communal PTB :
Nous exigeons, tant au niveau communal qu’au niveau fédéral, qu’un audit de la part du Comité P soit réalisé pour ce commissariat. La demande est faite au sein du conseil communal, mais elle sera également faite en commission Intérieur de la Chambre, au niveau fédéral. Nous voulons également joindre la Ligue des Droits Humains et l’Institut fédéral des droits humains à cet audit. C’est le troisième décès suspect dans cet établissement policier, c’est inacceptable. Nous voulons que toute la vérité soit entendue à propos de cette mort, et ne pas rester avec des questions sans réponses comme c’est le cas pour les décès précédents. »
Le bourgmestre Philippe Close (PS), interrogé en séance du conseil a indiqué que chaque année 9000 personnes faisant l’objet d’une arrestation administrative ou judiciaire connaissent le même centre de détention de la police locale situé à la « Cité administrative », entre le dispatching de la police fédérale et les locaux de la police de zone. Un audit du commissariat serait souhaitable selon lui. Le bourgmestre a encore précisé qu’à la suite des deux décès précédents, une procédure de passage toutes les heures en journée et toutes les deux heures la nuit a été mise en place au centre de détention.
C’est effectivement la 3ème fois en deux ans qu’on découvre un cadavre dans une cellule du RAC, sous la responsabilité de la police locale bruxelloise :
- Le 19 janvier 2021, Ilyes Abbedou, sans-papier algérien de 29 ans, est arrêté pour le vol présumé d’une veste. Placé en cellule le soir à la rue Royale, on le retrouve mort le lendemain après-midi. Autopsie : mort plus de 9 heures avant que la police ne le constate officiellement. Quid des caméras de surveillance censées être contrôlées en permanence pour que l’alerte puisse être donnée au moindre souci ? Le médecin légiste affirme qu’aucune trace de violence n’a été décelée et que la mort est intervenue sans intervention d’un tiers. À ce jour, aucune explication.
- Le 13 décembre 2021, Mohamed Amine Berkane , un autre sans-papier algérien de 26 ans, est arrêté place de la Bourse pour le vol présumé d’un GSM et amené dans le même bâtiment du RAC. Un médecin l’examine avant qu’il soit écroué et délivre un « Vu et soigné ». Mort annoncée le lendemain vers 15:00, après intervention du SMUR. Autopsie : pas d’intervention d’un tiers dans le décès.
- Le 12 janvier 2023, c’est au tour de Sourour A., 46 ans et mère d’un jeune de 19 ans, arrêtée pour « trouble à l’ordre public » et encagée au RAC. Autopsie : pas d’intervention d’un tiers dans le décès. Cause du décès ? Suicide par pull interposé…
Les trois dossiers font toujours l’objet d’enquêtes judiciaires. Jusqu’à la prochaine découverte macabre ? À ObsPol, ce RAC produisait déjà des remugles nauséabonds, aux côtés d’autres commissariats bruxellois de sinistre (et maintes fois vérifiées) réputation. Mais alors que la plupart de ces commissariats ne doivent leur réputation qu’aux coups, insultes et brimades des flics et des geôliers, le RAC a une place plus détestable encore dans nos archives : 3 occurences, 3 morts…
Alors, attendra-t-on le décès suivant pour mener à bien l' »audit » souhaité par le Bourgmestre ? Ne serait-il pas opportun d’étendre cet « audit » à tous les commissariats bruxellois ?
20.04.2022 – La confidentialité d’une conversation entre un.e suspect.e et son avocat.e réaffirmée par l’Organe de contrôle
Le non-respect de cette confidentialité, voire l’écoute, sont clairement une violation des droits de la défense pourtant pratiquée par certains commissariats de police.
Illégalité dans les commissariat, écoutes et enregistrements organisés
Dans son récent rapport (approuvé en mars 2022), le COC, Organe de contrôle de l’information policière, institution parlementaire fédérale autonome en charge de la surveillance de la gestion de l’information policière, et est l’autorité de protection des données pour la police intégrée, l’unité d’information des passagers et l’inspection générale de la police fédérale et de la police locale, préconise que chaque entité de police devra être dotée dans les cinq ans, d’un local distinct permettant d’assurer la confidentialité de la concertation entre le ou la suspect.e et son avocat.e, en effet il est apparu que dans un grand nombre de cas celle-ci peut actuellement être surveillée illégalement.
Le COC, institution parlementaire autonome, a effectué un contrôle de l’utilisation au sein de la police intégrée, des systèmes d’enregistrement ou d’écoute tels que des caméras ou autres systèmes audiovisuels, utilisés par la police, des concertations confidentielles qui avaient lieu au bureau de police entre le ou la suspect.e et l’avocat.e.
Ceci avait été mis à jour début 2021 lorsqu’un avocat et son client se sont rendu compte qu’une conversation qu’ils avaient eue juste avant une audition dans un commissariat de la zone de police d’Erpe-Mere/Lede en Flandre orientale, avait été écoutée par les enquêteurs. Le client avait déposé plainte auprès du COC.
Les salles de concertation confidentielle équipées de systèmes de surveillance
L’enquête du COC a permis de constater qu’au moins 60 salles de concertation confidentielle, qui sont dans 40 % des cas les mêmes salles où se font les auditions des suspect.e.s par la police, étaient équipées d’un système de surveillance par caméra et que 29 pouvaient pratiquer l’écoute en temps réel ou l’enregistrement.
Elle a aussi montré une méconnaissance des aspects juridiques de cette matière. « Les entités de police ne tiennent pas compte de la distinction fondamentale entre la surveillance au moyen d’un système automatisé (caméra/système audiovisuel) et la surveillance purement sensorielle » (visuelle, derrière une paroi vitrée).
« La surveillance de sécurité doit être considérée comme une violation du droit fondamental à la concertation confidentielle« , souligne l’Organe de contrôle, et « le fait que la surveillance par caméra pendant la concertation confidentielle soit exercée ou non en temps réel ou que les images soient accessibles uniquement de manière rétroactive et restreinte n’y change rien« .
[…] « Une surveillance de sécurité permanente mise en place de manière structurelle constitue une violation du droit fondamental. Le risque que des nouvelles technologies (intelligence artificielle) soient dans ce contexte utilisées n’est certainement pas illusoire« , met en garde l’instance de contrôle.
Parmi ses recommandations, l’organe réclame une réglementation pour que la concertation confidentielle ait lieu exclusivement dans un local distinct, utilisé uniquement à cette finalité, avec un délai de 5 ans pour que toutes les entités de police satisfassent à cette exigence.
Une surveillance visuelle par caméra ne peut être décidée par la police que dans des cas très exceptionnels (risques pour l’intégrité physique) en présence de circonstances dangereuses graves et particulières avérées, mais en aucun cas la conversation ne peut être enregistrée.
La question qui pourrait se poser : les agissements pratiqués impunément dans les commissariats ne seraient-ils le fruit que d’une prétendue méconnaissance de la loi ? Assurent-ils la légalité et la protection à laquelle tout.e.s citoyen.ne s’attend ou les mettent iels en danger ?
Si ObsPol salue cette décision bienvenue, nous déplorons l’absence de mesures plus concrètes qui permettraient d’éviter que ne se reproduise ces entorses intolérables : pourquoi ne pas imposer un panneau de bonnes dimensions sur la porte même du local, qui indiquerait à la fois que le local est sous surveillance, les droits de la défense en la matière et comment mettre hors circuit les systèmes de captation ? Un simple « bouton bien visible permettant de l’activer et de le désactiver » nous paraît un peu court, surtout si l’on pense au contexte stressant dans lequel ces entretiens ont lieu, qui ne permettent pas toujours d’avoir la tête suffisamment froide pour penser à ce genre d’infimes détails…
Pourquoi également ne pas recommander que la défense puisse, si elle constate l’existence d’un système de flicage dans le local où on la conduit, exiger qu’un autre local lui soit proposé si la onfidentialité de ses échanges ne lui paraît pas assurée ?
Il suffit de se rappeler les débats (et les exemples concrets) à propos des bodycams, et plus encore des caméras dans les commissariats, pour voir les limites de ces recommandations : si la police est seule responsable des images (si elle décide seule du déclenchement du système, de l’arrêt, du stockage, de la conservation des images et de leur production en justice), quelles garanties effectives pour le citoyen ? Il est tellement facile de désactiver le petit témoin rouge d’une caméra ou de prétendre qu’elle malfonctionne, d’altérer le « footage« .
Ici plus encore qu’ailleurs, la défiance envers la police devrait s’imposer, la police étant la partie adverse de la défense, et non un organe neutre de l’État, il est nécessaire que des mesures strictes de séparation des rôles soient mises en place. Que la police visionne ou filme des auditions peut être légitime voire nécessaire (encore une fois à condition qu’elle ne soit pas en contrôle total des images). Qu’elle le fasse lors de concertations confidentielles entre un.e avocat.e et son.sa cliente est une atteinte criante aux droits de la défense.
[Sources : COC, Belga, Le Soir]
02.02.2022 – Retour sur 2021 une année … comme les autres, pas de progrès dans l’air !
L’année 2021 écoulée fut une année parsemée de plusieurs événements liés à des problématiques de violences commises par les forces de l’ordre. L’un des principaux fut le verdict concernant le policier qui a tué Mawda, effectivement le Tribunal de Mons a bien confirmé la culpabilité du policier. Violence extrême que le tir vers des personnes. D’autre types d’interrogations se sont également fait jour suite à des décès dans des lieux d’enfermement que sont les commissariats de police.
Mais évoquons d’abord ce jugement très intéressant confirmant que les journalistes ne devraient pas être arrêtés dans l’exercice de leur fonction et que l’usage de menottes semble être très fréquemment abusif.
Arrestation illégale pourtant le Comité P n’y trouvait rien à redire…
Le 20 juin 2018, lors d’un blocage par des activistes du chantier de la construction d’une aile pour l’enfermement d’enfants au 127bis, une équipe de journalistes de la RTBF se trouvait sur les lieux. Vers midi la police décide de mettre fin à l’occupation en évacuant les manifestant.es. C’est à ce moment que la police locale procède à l’arrestation administrative de deux journalistes et trois techniciens, alors qu’ils s’apprêtaient à partir. Les cinq personnes sont menottées, emmenées au commissariat de Steenokkerzeel où elles resteront un peu plus d’une heure.
Suite à cette arrestation les journalistes ont déposé une plainte auprès du Comité P pour arrestation illégale. Cependant, la réponse de celui-ci fut qu’il n’y avait rien de problématique à cette arrestation. Les deux journalistes et la RTBF avaient alors décidé de poursuivre l’État belge ainsi que la zone de police Kampenhout-Steenokkerzeel-Zemst (KASTZE) au civil, en réparation du dommage causé.
Le Tribunal de première instance de Bruxelles a eu une lecture différente des événements non problématiques selon le Comité P. Il a rappelé dans son jugement du 23 décembre 2021, qu’une arrestation administrative est soumise à différentes conditions cumulatives :
- la commission d’une infraction pénale,
- sa gravité pour la tranquillité ou la sécurité publiques
- et l’absolue nécessité de la privation de liberté.
Le non-respect des modalités de visite d’un centre (ici les alentours du 127bis), n’est pas constitutif d’une infraction pénale et ne pouvait dès lors, en soi, justifier légalement l’arrestation des journalistes. De plus cette arrestation entraîne « une violation manifeste du droit fondamental à la liberté d’expression des journalistes », conclut la décision.
Quant à l’usage des menottes, le tribunal rappelle que le recours à la contrainte physique « doit être nécessaire et reposer sur des éléments concrets et objectifs ». Or, tout s’était déroulé dans le calme et les journalistes avaient directement obtempéré. Le tribunal conclut que la police locale a procédé à une arrestation illégale, et que l’arrestation administrative de journalistes dans l’exercice de leur mission « constitue une ingérence dans leur liberté fondamentale ».
Cet intéressant verdict pointe aussi le fait que certaines considérations du Comité P sont interpellantes : après tout, ne devrait-on pas s’attendre à ce que ce soit le lieu où l’application stricte et correcte de la loi et des règlements par les forces de l’ordre devraient soient rappelés ?
Non, un policier ne peut pas faire n’importe quoi de son arme
Un autre jugement de cette année qui peut être considéré comme relativement satisfaisant est la reconnaissance de la culpabilité du policier qui a tué Mawda de son arme de service.
Bien que le policier avait plaidé l’acquittement suite à sa condamnation en première instance, la Cour d’appel de Mons a considéré qu’ici il y avait bien faute commise par le policier qui n’a pas tenu compte des circonstances extrêmement risquées pour le tir sur une camionnette transportant des personnes dont des enfants, ce qu’il ne pouvait ignorer.
Décès dans les commissariats
D’autres événements dramatiques sont venus ponctuer le début et la fin de l’année écoulée et suscitent une série d’interrogations. Nous pensons ici au décès de deux personnes d’origine algérienne dans les locaux de police peu de temps après leur arrestation.
Il s’agit d’un jeune de 26 ans Mohamed Amine Berkane, dont le corps sans vie a été découvert en décembre 2021 dans une cellule de la zone de police Bruxelles-Capitale Ixelles rue Royale. En fait le même lieu où un autre ressortissant algérien avait été trouvé mort dans des circonstances analogues en janvier 2021. llyes Abbedou, âgé d’une trentaine d’années avait été découvert également décédé dans un cachot après avoir été interpellé la veille.
L’ami de Mohamed Amine Berkane, présent au moment de faits relate : « Nous avons été arrêtés au niveau de la station de Rogier à 22;35. Nous étions en train de monter dans un bus en direction de la Gare du Nord jusqu’au moment où des policiers nous ont attrapés en nous empêchant de nous présenter dans le bus. Très vite, nous avons violemment été plaqués sur un grillage situé à côté de l’arrêt de bus. À ce moment-là, les policiers ont commencé à lyncher Mohamed Amine en lui assénant des coups d’une violence inouïe au niveau du visage ainsi qu’au niveau des côtes ».
Il dira encore. « Oui, il se droguait, il buvait, il consommait toutes sortes de substances, mais quand ils l’ont arrêté, ils l’ont emmené sur ses deux pieds. […] Au commissariat, les policiers savent où sont les caméras. Ils nous frappent quand ils savent qu’ils ne seront pas filmés ».
Du racisme au sein de la police
Ceci nous amène au rapport de l’ONU du 21 mai 2021 dans lequel il est clairement fait part de la préoccupation du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies (CERD) à l’égard d’accusations de violences racistes commises par la police ainsi que du profilage racial pratiqué en Belgique.
« Le comité est préoccupé du fait que le profilage racial par la police continue d’être un problème persistant dans l’État et qu’il n’existe aucune loi interdisant explicitement le profilage racial », et pointe également une formulation trop vague des motifs pouvant donner lieu à un contrôle policier dans la loi sur la fonction de police (« motifs raisonnables« ) et le manque de données sur les personnes visées par des contrôles. Il adresse une série de recommandations à la Belgique.
Parmi celles-ci:
- l’interdiction explicite du profilage racial,
- l’adoption d’un plan d’actions contre ce phénomène,
- la mise en place d’un système indépendant de traitement des plaintes ou encore d’utiliser des formulaires précisant les raisons d’un contrôle et les voies de recours disponibles. (ce que nous nommons le « récépissé »).
Au chapitre de la « violence policière à caractère raciste », le comité se dit préoccupé par les allégations de décès en détention ou à la suite d’une intervention policière ainsi que de mauvais traitements infligés à des personnes issues de minorités ethniques, des migrants ou des demandeurs d’asile.
llustration ? Rappelons les exactions qui ont eu lieu le 24 janvier 2021 aux Casernes d’Etterbeek (Bruxelles), à l’encontre de très jeunes manifestant.es. Une manifestation contre « la justice de classe et la justice raciste » avait eu lieu dans le centre de Bruxelles. Au cœur des revendications: « La mort d’Ibrahima, d’Adil, de Mehdi, de Lamine, de Mawda et des autres ». À cette occasion les forces de polices avaient procédé à plusieurs centaines d’arrestations.
Événement autorisé en dernière minute, le dispositif policier déployé y était particulièrement impressionnant. D’après les observations, pas moins de 12 pelotons, des fourgons de police, des canons à eau ainsi que la police montée. Pour environ 150 manifestant.es…
Une enquête de Michel Bouffioux révèle les conditions subies dans les casernes d’Etterbeek. 232 personnes arrêtées, dont 86 mineur.es d’âge. Plus de personnes interpellées que de manifestant.es ! Certaines plaquées au mur, menottées sans ménagement, alors qu’elles n’avaient même pas manifesté ; alors que certaines ne faisaient rien d’autre que de se promener, que d’autres encore voulaient prendre leur train à la gare Centrale. Lors de leur passage par les cellules des casernes, plusieurs détenus – lesquels étaient souvent très jeunes – ont été violentés, passés à tabac et insultés par des policiers.
Épinglons ici un fait rare, que ces violences aient aussi indigné des policiers. « Nous dénonçons ces actes – que nous jugeons inadmissibles – afin qu’ils ne se reproduisent plus à l’avenir », a déclaré le responsable police de la CGSP, Eddy Quaino.
En janvier 2022, malgré ces dénonciations en interne, des plaintes d’une dizaine de parents, des alertes au Comité P, rien n’avance. « Il y a un blocage au niveau judiciaire« , selon l’avocate Selma Benkhelifa. Pourtant victimes et témoins ont reconnu les policiers violents, tout est consolidé par la plainte de dix policiers, c’est assez rare. Les avocats ne comptent pas en rester là.
Violences cachées à l’ombre des locaux aéroportuaires
Un aspect encore plus sombre et caché des violences commises par des policiers concerne les sévices infligés aux personnes en migration et en particulier à l’aéroport de Bruxelles-national. Nombre de témoignages nous parviennent, décrivant les mises à nu, les intimidations et les brutalités commises ainsi que des propos ouvertement racistes et insultants.
Les personnes vulnérables à qui ces traitements sont administrés ne sont que très rarement en mesure de les dénoncer et encore moins de porter plainte. Pourtant, là aussi, il semble qu’il s’agisse de pratiques récurrentes jamais remises en question.
Un témoignage parmi d’autres à ce sujet, est très révélateur et lève un voile sur le traitement inacceptable infligé dans les locaux policiers de l’aéroport. Lors d’une demande d’asile à Bruxelles-national en octobre 2021 cette personne a vu sa demande rejetée. Elle fut enfermée au centre de transit Caricole (à côté de l’aéroport) et une expulsion organisée. Lors de sa deuxième tentative elle fut obligée de se déshabiller totalement au commissariat. Ce monsieur en fait un malaise et reste inconscient pendant une heure [sans soins, NDLR]. Bien que fort imparfaite, nous reprenons la traduction de son témoignage à partir du perse.
« Bonjour, j’ai été emmené à l’aéroport aujourd’hui [22 octobre 2021] pour être envoyé à la police. A l’aéroport, j’ai eu une crise d’épilepsie due au stress […], je me sens toujours mal […] J’ai été renvoyé au centre. Ils ont fait une inspection [fouille, NDLR] terrible. Ils ont mis en cause l’être et l’humanité, aujourd’hui j’ai vu le déclin de l’humanité en Europe à l’égard d’une personne opprimée« .
Nous devons le constater, le système tel qu’il fonctionne actuellement ne semble pas faire des progrès du point de vue des comportements de certain.es policier.ères, de leur hiérarchie, des bourgmestres qui poursuivent les éloges de leurs forces de l’ordre ni même des pouvoirs judiciaires qui persévèrent dans leur tendance aux non-lieux.
En guise de conclusion, et même si la période des vœux est largement passée, toute l’équipe de l’Observatoire des violences policières en Belgique (et ailleurs) vous souhaite une belle année pleine de luttes, de fraternité, de manifestations chaleureuses et toujours plus nécessaires, d’unité et de succès salués par une police bienveillante, bien intentionnée, bien encadrée et… toujours filmée !
22.11.2021 – Avis de l’organe de contrôle de l’information policière sur les images de policiers en intervention prises par des citoyens et le respect de la vie privée et des données des policiers
Extraits choisis des conclusions du « COC » :
93. À travers le présent avis d’initiative, l’Organe de contrôle tente de répondre en fonction de la jurisprudence nationale et internationale (limitée) à la question de savoir si le fonctionnaire de police peut être filmé ou photographié de manière licite pendant une intervention dans un lieu public et, dans l’affirmative, si les images ou photos peuvent être diffusées, ainsi qu’à la question de savoir quelle attitude les fonctionnaires de police ou services de police concernés pourraient ou devraient adopter. La complexité des notions de « vie privée » et de « données à caractère personnel », d’une part, et des finalités journalistiques en tant qu’aspect de la liberté d’expression, d’autre part, ne simplifie pas la réponse à cette question centrale.
94. Un rapide tour d’horizon de la situation dans quelques autres pays européens nous apprend que le fait de filmer des personnes se trouvant dans un lieu public est en soi autorisé. La thèse qui est posée est que toute personne qui se trouve dans un lieu public doit accepter l’éventualité qu’elle puisse être filmée ou photographiée. Pour ce qui est de filmer la police, la justification de l’admissibilité du fait de filmer ou de photographier une intervention policière semble reposer sur la nécessité de disposer d’un contrôle social sur l’instrumentalisation du monopole de la contrainte et de la violence
dont disposent les autorités par le truchement de la police. À cet égard, le fonctionnaire de police, du fait qu’il sert l’intérêt public, est plutôt considéré comme une personne publique qui doit donc tolérer le contrôle exercé par la personne qui filme ou photographie l’intervention policière. Dans les pays analysés [Pays-Bas, France, Danemark, Allemagne, Espagne, NDLR], ce contrôle semble se limiter en l’occurrence au fait de filmer ou de photographier le fonctionnaire de police pendant l’exercice de la mission policière. Par contre, cela ne signifie pas que les images ou photos puissent être diffusées. La jurisprudence belge et européenne ne répond pas d’emblée à cette question. […]100. Bien qu’il n’existe pas de disposition interdisant expressis verbis de filmer des agents de police pendant l’exercice de leur mission policière, le fait de filmer illicitement le fonctionnaire de police peut constituer une infraction au RGPD et à la LPD et donc être sanctionné sur le plan pénal comme le prévoit l’article 222 de la LPD. Le fait qu’il n’est « pas interdit » de filmer des personnes (en l’occurrence des fonctionnaires de police) ne signifie pas que ce soit automatiquement autorisé.
101. La qualification de rébellion ne semble toutefois pas s’appliquer à l’utilisation d’un smartphone, d’un appareil photo ou d’une caméra, et encore moins au simple fait de filmer le fonctionnaire de police. Il n’est question de harcèlement que lorsque la personne qui filme a l’intention d’affecter gravement la tranquillité du fonctionnaire de police et est donc susceptible de porter atteinte à sa vie privée. Cette clause pénale semble donc plutôt s’appliquer lorsque les images du fonctionnaire de police sont diffusées avec l’intention d’offenser le fonctionnaire de police ou de lui nuire.
102. Si le fonctionnaire de police est filmé dans des circonstances qui font que cet acte est illicite, les images ou photos peuvent être saisies en vertu de l’article 35 du Code d’instruction criminelle, lu conjointement avec l’article 39 bis du même code, pour être utilisées pour prouver l’infraction. L’Organe de contrôle insiste toutefois sur l’impact profond sur la vie privée d’une saisie, et a fortiori de la lecture du support numérique. Pour cette raison, l’Organe de contrôle propose une application graduelle de cet acte d’information (invasif) et recommande de faire intervenir le magistrat compétent.
103. […] Quoi qu’il en soit, le fonctionnaire de police jouit en tout état de cause de la protection de ses données à caractère personnel, même si ce droit doit être mis en balance avec d’autres droits fondamentaux en présence lors de l’intervention policière.
104. La jurisprudence abordée plus haut, le législateur européen et le législateur national s’accordent en tout cas sur le fait que les droits fondamentaux pertinents ne sont pas absolus et doivent être mis en balance sans que l’un ne pèse ab initio plus lourd que l’autre. Cette évaluation peut toutefois être établie par le législateur et/ou laissée à l’appréciation du juge.
Dans l’intérêt de la sécurité juridique, l’Organe de contrôle est d’avis qu’une initiative législative s’impose pour répondre au moins aux questions suivantes :
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Est-il interdit ou permis de filmer ou de photographier des fonctionnaires de police dans le domaine public ?
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Est-il en principe permis ou interdit de filmer ou de photographier des fonctionnaires de police pendant une intervention ?
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En supposant qu’il soit permis de filmer des fonctionnaires de police (pendant uneintervention), existe-t-il des circonstances dans lesquelles la police peut obliger la personne à arrêter de filmer, et si oui, lesquelles ?
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En supposant qu’il soit permis de filmer des fonctionnaires de police (pendant une intervention), la diffusion des images ou photos est-elle licite et, si oui, dans quels cas et dans quelles circonstances ?
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En supposant qu’il ne soit pas permis de filmer des fonctionnaires de police (pendant une intervention), à quels moyens faut-il recourir et quelle procédure faut-il suivre pour recueillir des preuves et les conserver ?
[Source : Organe de contrôle de l’information policière]
15.11.2021 – Négligence, défaut de prévoyance, non-assistance à personnes en danger sont des infractions pénales !
En octobre 2021, la chambre du conseil du Hainaut (B) a décidé de renvoyer quatre policières devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger. Cela fait suite au décès de Simon Bachelart, un Français de 26 ans qui avait passé une nuit en détention, le 16 juillet 2016. Cet homme avait été interpellé dans la nuit sur le site du festival de Dour. Il était sous l’emprise de drogue. Emmené en cellule il a fait plusieurs crises qui cependant n’ont pas incité les policières à appeler un médecin ou une ambulance. Il est mort des suites d’une overdose.
Un nouvelle fois dans ce type de situation on constate qu’une série de policiers.ères se contentent de placer une personne en cellule et puis l’oublient, ou feignent de l’oublier ou ignorent les appels à l’aide. Pourtant cela contrevient entièrement au rôle qui est le leur et devient une attitude infractionnelle.
Nous pensons ici également au drame qui s’est déroulé en janvier 2021 dans une cellule du Commissariat de police de Bruxelles. Un ressortissant algérien d’une trentaine d’années y était décédé après avoir arrêté par la police. L’ambassade d’Algérie avait demandé des explication au Ministère des Affaires étrangères, d’autant plus qu’il s’agissait du deuxième ressortissant Algérien qui décédait dans le cadre d’une intervention de la police belge en quelques mois.
Il y avait aussi en janvier 2021 le cas de Ibrahima interpellé par la police et emmené au commissariat de Bruxelles-Nord où il a perdu connaissance. Il a été transporté à l’hôpital mais est décédé…
Les résultats des enquêtes ne nous sont pas connus, nous ignorons si elles sont abouties mais nous ne pouvons que constater la récurrence de ces drames.
Dans le cas des policières renvoyées devant le tribunal correctionnel, des éclaircissements seront peut-être données sur les raisons qui semblent donner un tel sentiment de détachement, pour ne pas dire plus, des policiers vis-à-vis des personnes qu’iels arrêtent.
Et les violences commises par des agents de police ne se limitent pas là, toute une série d’atrocités se déroulent à l’ombre des centres fermés. Dans ceux-ci ou lors des expulsions, les violences n’émeuvent pas. Qu’en est-il de tous les membres du personnel entourant les policières et policiers qui commettent ces actes flirtant avec la torture ? Qu’en est-il du personnel des centres fermés qui récupèrent ces personnes en très inquiétant état ? Qu’en est-il des personnes qualifiées d’assistant.es sociales-aux qui participent à la préparation de ces expulsions violentes ?
Non-assistance à personne en danger? Au fil de l’Histoire les citoyen.nes des États ayant commandité et perpétré des atrocités sont régulièrement interrogé.es « Vous saviez et n’avez rien fait ?« . Une petite citation de Martin Niemöller (1892–1984) nous semble à propos :
« Quand les nazis sont venus chercher les communistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas communiste.
Quand ils ont enfermé les sociaux-démocrates, je n’ai rien dit, je n’étais pas social-démocrate.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, je n’ai rien dit, je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus me chercher, il ne restait plus personne pour protester. »
[Sources : Belga, RTL Info, Dzairdaily, Getting the Voice out, Visa Algérie]
05.11.2021 – Procès Mawda : culpabilité du policier confirmée
C’est déjà ça : la cour d’appel de Mons n’a pas suivi la demande d’acquittement du policier pourtant plaidée un grand travail de préparation à l’appui par son avocat, maître de conférence à L’ULB.
La Cour n’a fait que réduire de 12 à 10 mois la peine d’emprisonnement pour le policier. Les raisons qui l’ont poussée à diminuer une peine que d’aucun.es estiment pourtant minime, de deux mois ne nous est pas connue. Le verdict demeure donc identique : coupable. L’homicide involontaire par défaut de prévoyance a été maintenu. Cette peine est assortie d’un sursis, le policier ne devra pas se rendre à la prison de Mons, qui compte actuellement, soit dit en passant, pour une capacité de 274 places 346 détenus et pour une capacité de 27 places 51 femmes détenues. Outre ces détenu.es s’y trouvent aussi des rats et des punaises de lit… Donc, non le policier n’ira pas en prison et devra s’acquitter de ses 400 euros d’amende. Le reste, le dédommagement des parents pour la perte de leur enfant sera pris en charge par l’État.
La Cour a rappelé que l’usage d’une arme à feu est réservée à des cas extrêmes.
Les reproches adressés par les parties civiles à l’encontre de l’État belge, qui in fine est responsable des faits commis par son agent n’ont pas été pris en compte.
31.10.2021 – Procès Mawda : Verdict reporté en dernière minute, un mépris de plus !
La Cour d’appel de Mons devait rendre son arrêt ce vendredi matin dans le procès Mawda, mais l’audience est finalement reportée au 4 novembre. Le hic ? Les parties civiles n’auraient pas été prévenues, du moins officiellement. Ce matin, l’une de leurs avocates, Me Pétré, a poireauté pendant des heures dans les couloirs du tribunal avec deux interprètes :
« Nous étions là pour 9h et l’huissier nous a expliqué que la Présidente de la Cour d’appel, qui avait travaillé tard la veille pour un procès d’Assises, ne pourrait pas être présente avant 11h. Finalement, à 13h, c’est le Premier Président de la Cour d’appel qui annonce sans un mot d’excuse le report au 4 novembre »
Officieusement, les avocates des parties civiles avaient eu vent de ce report. Mais elles restent perplexes. Selma Benkhelifa, avocate des parents indique :
« Quelques jours plus tôt, j’ai appris que l’audience serait reportée au 4 novembre par un journaliste qui le savait de l’avocat du policier. J’ai donc téléphoné au greffe pour avoir confirmation. Mais on m’a dit que l’audience était maintenue au 29 octobre. Pour en avoir le cœur net, le journaliste s’est renseigné auprès du Parquet et on lui a confirmé le report au 4 novembre.
Une date qui n’arrangeait ni ma collègue ni moi-même. Me Pétré s’est donc rendue directement au greffe jeudi matin, mais on l’a sèchement rabrouée en maintenant que l’audience était bien prévue le 29 octobre.«
Qui a discuté avec qui ? Le greffe ne savait pas que c’était reporté, mais le Parquet et l’avocat du policier le savaient. Or, entre la mise en délibéré et le prononcé, il ne peut y avoir de contacts entre le tribunal et les parties. Ont-ils papoté entre eux ? Ou y a-t-il une autre explication ? C’est en tout cas une nouvelle forme de mépris grave pour les parents de Mawda qui, rappelons-le, sont les victimes« .
Renseignement pris auprès du Premier Président de la Cour d’appel, le Procureur général de Mons Ignacio de la Serna dément : « Nous n’avons pris contact avec aucune des parties, c’est le rôle du greffe. Il a bien averti tout le monde dans les règles de l’art ».
[Source : DHnet]
02.10.2021 – Procès du policier qui a tué Mawda
Cour d’appel de Mons . Jeudi 30 septembre.
En première instance, le policier a été reconnu coupable « d’homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution » et a été condamné à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Mons. Mais le policier n’accepte pas cette peine, il estime qu’il n’a pas commis de faute.
Les avocat.es de la partie civile (les parents) ont présenter leurs très intéressantes plaidoiries après la présentation des « faits » par l’Avocate générale. Celle-ci avait présenté les choses comme établies alors qu’en réalité un certain nombre d’éléments se sont déroulés différemment.
Au cours de la plaidoirie, la juge n’a pas trop apprécié le contexte « politique » qui a été présenté, ni le fait de dire que le procureur avait menti. Il eut fallu selon elle parler de « bruits« . Pourtant en connaissant le dossier c’est un fait ! Le policier semble être très loin de reconnaître ses fautes et reporte sur des événements extérieurs, comme le manque de communication radio par exemple, la décision qu’il a prise. C’est assez choquant !
Les avocat.es insistent sur le fait qu’acquitter un policier qui a tiré dans des conditions illégales et tué un enfant, reviendrait à cautionner ce genre de comportement pour les autres policiers.
Les parents trop épuisés par ces procès et de devoir chaque fois répéter les mêmes faits horribles, ont préféré ne rien dire.
L’avocate générale a entre autre estimé que la version donnée par le policier a toujours été stable au cours de l’enquête et qu’il n’aurait pas su qu’il y avait des migrants dans la camionnette ni une enfant. Cependant la défense des parties civile rétorquera qu’au début il a signifié savoir qu’il y avait une enfant à bord et qu’ensuite son discours s’est modifié.
L’avocate générale a par ailleurs réitéré estimer qu’il y avait d’autres moyens d’arrêter un véhicule, et qu’on ne sait jamais où aboutit la balle lorsque tirée sur un véhicule en mouvement.
Il n’y a donc pas de subsidiarité ni de proportionnalité pour ce tir qui visait à occasionner une crevaison lente.
Il n’est pas un spécialiste du tir, le risque d’une balle perdue était donc bien réel et donc un dommage était bien prévisible. D’autre part il est le seul à avoir utilisé son arme contrairement aux autres policiers. Le risque a été pris délibérément dans des circonstances précises, non imprévisibles, et la prévention reste établie.
Elle précise qu’il faut une sanction qui soit quand même significative vu le caractère « léger » du comportement du policier de sortir son arme, et ce d’autant plus que de par sa fonction il fallait montrer de la maîtrise et du self-control.
Pour elle la sanction d’un an est nécessaire et reste confirmée.
Le policier qui s’exprime ensuite confirme ses déclarations antérieures et dit n’avoir pas vu un enfant, et que s’il a dit l’inverse c’était suite à ce qu’il avait entendu ultérieurement. Il revient sur le manque de communication entre les policiers – il n’avait pas sa radio. À la question de savoir pourquoi il a chambré son arme, il explique qu’ils se trouvaient à proximité de la frontière. Il dit que son véhicule a dépassé la camionnette pour la ralentir et tirer alors que les trois autres véhicules de police étaient restés à l’arrière. Il précise qu’il a hésité, n’ayant jamais fait de tentative de tirer sur le flan d’un pneu avant. Il répond aussi que personne ne lui a demandé de le faire.
Finalement il informe qu’il est dépressif depuis et suit un traitement. Il travaille dans les bureaux car il n’est pas question de travailler sur le terrain. Il sollicite toujours son acquittement.
Les avocat.es des parties civiles précisent que le fait de faire appel du verdict oblige les parents à revivre les événements dramatiques de la nuit fatidique. Ils sont fatigués de toutes ces procédures dont ils ne comprennent d’ailleurs pas les raisons. Eux s’étaient décidés à ne pas faire appel, afin de ne plus devoir entendre toutes les accusations mensongères à leur égard.
L’avocate rappelle que lors de la reconstitution leurs dires ont été vérifiés, notamment en ce qui concerne la place de Mawda dans la camionnette, bien que d’un point de vue du droit, cela ne change rien.
Elle précise également que l’intervention de la voiture de police commence à 2:01 et que le tir a eu lieu à 2:02, soit deux minutes pendant lesquelles le policier a décidé de tirer. Pourtant il sait qu’il y a un enfant dans la camionnette car contrairement à ce qui a été dit précédemment, ses déclarations sont loin d’être constantes et il n’a pas fait de sommation, il a chambré et tiré tout de suite.
Elle rappelle que lors de l’arrêt du véhicule tout le monde sort par la porte latérale et non par une fenêtre arrière, tout le monde est alors maintenu à terre et braqué par les policiers. Pourtant ils s’agit de victimes, de parents, de familles avec enfants, de mineurs non accompagnés.
Les parents sont empêchés de monter dans l’ambulance qui emporte Mawda ensanglantée. Les déclarations policières indiquant :
- qu’il y avait eu une petite fille tombée par l’arrière,
- qu’aucun tir n’avait eu lieu ou entendu,
- que les déclarations du médecin légiste étaient qu’il n’y avait pas de blessure par balles
sont autant de contrevérités données par les policiers. Personne n’a prévenu le Comité P qu’il y avait mort par balles.
Les parents enfermés séparément n’ont été libérés qu’à midi pour revoir le corps de leur enfant. Pour les policiers une cellule psychologique a été mise en place, pas pour les migrant.es ni les enfants, ils n’ont aucunement été informés de leurs droits de victimes.
Toute une série d’éléments sont particulièrement révélateurs de l’indifférence et de la violence à l’égard des victimes, notamment le fait que la maman ait du rester pendant 24 longues heures vêtue de son T-shirt tâché du sang de sa fille avant que des bénévoles ne s’occupent d’elle. Mais comment cela est-il possible ?
Malgré les dysfonctionnements graves dès le début, rien n’est fait pour enquêter. Les MENAs sont même invités à quitter le territoire !
À ce stade la juge interrompt et dit qu’il y a lieu de parler du policier et de recentrer le débat.
La demande des parents par la voix de leurs avocat.es est une qualification qui doit être revue étant donné que le tir est un geste volontaire, ils réclament donc la requalification des faits en « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner« .
La suite des plaidoiries se concentre sur l’illégalité du tir. Référence est faite à l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme édictant que les états doivent protéger les individus par leurs agents.
La directive « Medusa » vise principalement à poursuivre les migrant.es et non les passeurs. Ici il n’y a eu aucune arrestation, comment cela se fait-il ? Dans la formation que les États prodiguent il ne doit pas être question que de technique, mais aussi du respect de la vie humaine. Ici il est évident qu’il y a eu méconnaissance de la loi, dont l’article 38 de la loi sur la fonction de police qui précise les conditions nécessaires à l’utilisation de la force. Les agents ne sont pas formés sur la prééminence du droit à la vie qui doit prévaloir sur le risque de fuite, d’autant qu’ici il y a eu mort d’une enfant, ce qui est encore plus grave.
Le policier veut être considéré comme un simple citoyen, mais il est un policier, agent de l’État, qui a commis une faute en usant de son arme à feu lors de cette course-poursuite. L’usage de la force doit être appliqué en tenant compte d’une stricte proportionnalité. L’utilisation d’une arme à feu contre un véhicule tombe sous le coup des articles 37 et 38 de la loi sur la fonction de police et le prévenu n’a pas respecté cette loi. Ici les conditions requises n’étaient pas réunies, donc en sortant son arme il y a eu mise en danger. Il ne s’est même pas informé auprès du dispatching. Aucune application de ce qui est prescrit dans le manuel d’utilisation des armes n’a été faite par le policier, qui, quoiqu’ayant été formé, a quand même agi.
L’état belge ne peut exonérer le policier.
Le troisième avocat des parents se penche sur la requalification des faits en fonction du code criminel qui offre cette possibilité. Il s’agit de coups et blessures sans intention de donner la mort. Lorsque le policier déclare qu’il a décidé de tirer et que « si javais su qu’il y a un enfant je n’aurais pas tiré » cela signifie qu’il a tiré intentionnellement. Il a placé son doigt sur la détente et a visé. On ne pointe jamais quelque chose que l’on n’a pas l’intention de tirer, ici il a dégainé, chambré, posé son doigt sur la détente. Il s’agit bien d’un acte choisi en prenant le risque. Selon la démonstration de l’avocat le déclenchement involontaire est exclu.
Il précise que si le policier était acquitté cela signifierait que les policiers peuvent tirer et n’auront pas de reproche en tant que policiers, perspective effrayante. Il cite aussi un rapport médical daté du 14 août 2021 qui précise que les parents se trouvent toujours dans une situation post-traumatique.
Il requiert, si pas de requalification à titre subsidiaire la confirmation du jugement.
Cour d’appel de Mons . Vendredi 1er octobre.
L’avocat du policier revient sur la conduite dangereuse du chauffeur de la camionnette. « Il s’agit d’arrêter un chauffeur fou. Tous les passagers lui demandent d’arrêter et lui, il accélère. Arrêter ce type de comportement, c’est légitime ». Il revient sur le contexte du tir et s’interroge : « Est-ce qu’on aurait eu ce débat s’il avait atteint le conducteur plutôt que Mawda ? Il [le policier] ne serait pas là aujourd’hui« . On peut ici être surpris d’une telle affirmation : la mort d’un conducteur de camionnette n’aurait-elle pas ému plus que cela et donné suite à une enquête ?
Il déclare aussi que si la Cour le condamne, elle l’enfoncera un peu plus dans la dépression. Au début de sa plaidoirie, l’avocat s’était adressé à la Cour en lui demandant de ne pas se laisser mettre sous pression, ici c’est pourtant exactement ce qu’il fait.
Il tente de démontrer que l’article 38 de la loi sur la fonction de police ne s’applique pas puisqu’il est question de l’usage d’une arme contre quelqu’un, alors qu’ici il était question d’usage contre un pneu. Le policier n’aurait pas eu connaissance de la présence d’un enfant à bord; et qu’ici il n’était pas question de tirer avec une « Kalachnikov« … Tout au long de sa plaidoirie, force est de constater les répétitions, les incohérences, et les accusations ad nominem des avocat.es des parties civiles.
La poursuite porte sur le fait que personne n’a dit au policier de ne pas tirer, que ce n’est pas lui qui décidé, il évoque le manque de formation mais que le policier respecte celle ci qu’il a suivie il y a 8 ans, que la notion de « cas extrême » est difficile à évaluer.
Il demande en conséquence l’acquittement et à titre subsidiaire la suspension du prononcé.
Dans ses répliques l’Avocate générale revient sur certains points qu’elle avait évoqués, notamment la possibilité d’arrêter le véhicule de différentes manières, telles qu’un barrage ou une herse. Par ailleurs le fait que la frontière ait été proche n’est pas recevable puisqu’il existe un accord entre la France et la Belgique qui permet une poursuite au-delà des frontières, donc ici sur le territoire français.
Elle revient aussi sur la connaissance par le policier de la présence d’au moins un enfant à bord.
La loi sur la fonction de police, si elle n’est pas claire pour le policier, c’est d’autant plus grave qu’il prend quand même le risque. La subsidiarité et la proportionnalité ne sont pas réunies.
Elle dénonce également les manquements de la procédure : notamment le fait que le médecin légiste ne se soit pas rendu auprès du corps de l’enfant, que le juge d’instruction ne se soit pas déplacé. Cependant pour elle sous-entendre qu’il y ait eu protection de la police, elle s’y oppose fermement.
Les parent n’ont pas souhaité s’exprimer, ayant déjà tout dit précédemment.
Le policier lui lit un texte qu’il a préparé : « Après le jugement c’était plus fort que moi, je ne pouvais pas accepter d’être le seul responsable de la mort de Mawda. » Il ajoute ne pouvoir jamais oublier cette tragédie et affirme : « J’avais 46 ans, j’étais responsable de ma petite famille. Je n’ai pas du tout l’étoffe d’un cow-boy. » À propos du tir : « J‘ai pensé que j’étais dans de bonne dispositions pour viser le pneu et tirer. Jamais on ne m’a dit de ne pas le faire. J’ai voulu bien faire. »
Ensuite s’adressant aux avocats des partes civiles : « Le combat que vous menez, l’aide aux migrants, est digne. Mais vous vous trompez de cible. Adressez-vous à l’État. C’est à lui que vous devez demander des comptes. » Finalement s’adressant aux parents de Mawda « Je réitère mes plus sincères regrets à la famille de Mawda« .
Les avocats des parents lisent un poème.
La cour d’appel de Mons rendra son arrêt le 29 octobre 2021.
13.09.2021 – Interrogatoires biaisés : quand la police – et les procureurs ne fonctionnent pas pour connaître et entendre des faits mais travaillent dans des directions précises afin de monter un dossier dans une direction prévue
Il serait intéressant de savoir qui leur indique cette direction… Les situations vécues par des victimes de ces interrogatoires biaisés sont diverses, reprenons ci-dessous des cas relatés, fait exceptionnel, par des personnes migrantes accusées de trafic d’êtres humains et participation à une organisation de malfaiteurs et hébergeuse.
Les situations vécues par des victimes de ces interrogatoires biaisés sont diverses. Reprenons ci-dessous des cas relatés, fait exceptionnel, par des personnes migrantes accusées de trafic d’êtres humains et de participation à une organisation de malfaiteurs et hébergeuse.
Dans la situation évoquée le but est clair : trouver des individus et les accuser afin de prouver que l’on travaille de manière efficace, même s’il s’agit éventuellement de « petits poissons« , de faire de l’intimidation ? de montrer au grand public que les choses sont bien gérées dans la répressions? ou encore ?
Les extraits ci-dessous proviennent du livre « Welcome, témoignages de 7 inculpés pour « trafic d’êtres humains« . Nous remercions d’avoir pu en publier des passages et recommandons vivement sa lecture.
A. : » On ne savait rien de rien, ni moi ni les autres personnes accusées qui étaient dans cette prison«
« On avait une avocate commise d’office qui ne venait que la veille de notre convocation au tribunal. On est restés toute une période sans rien savoir. Lors d’un interrogatoire, un policier m’a dit qu’ils avaient vu que mon téléphone avait été enregistré à Bruxelles en juin 20xx ; j’ai répondu que c’était impossible, car j n’étais encore jamais allé à Bruxelles en juin. Il y a des preuves de ça, je lui ai demandé pourquoi il ne revenait pas là-dessus, pourquoi il ne les utilisait pas, pourquoi il les négligeait. Je leur demandais d’utiliser les preuves sur mon téléphone, sur Messenger, mes retraits et consultations de mon compte avec ma carte bancaire en juillet en Italie puis à Paris… Je leur parlais de ces preuves, ces détails, ces conversations qui montrent qu’il y a une erreur, une injustice : le policier ne voulait rien entendre de tout ça. Il prenait note de ce que je disais mais il ne réagissait pas : il a noté « Messenger« , mais il ne faisait rien.
Pendant cet interrogatoire j’ai demandé pourquoi l’avocate n’était pas là, il a répondu « On n’a pas envoyé la convocation à ton avocate, on a envoyé ta convocation à l’ancien avocat » alors que j’avais changé d’avocat quatre mois avant et été plusieurs fois au tribunal avec ma nouvelle avocate. Je ne comprenais rien. […] « Si tu attends ton avocate, sans faire l’interrogatoire tout de suite, ton dossier restera ouvert pendant encore deux mois et tu les passeras en prison. » Et il a ajouté « De toute façon, si l’avocate était là, elle ne ferait qu’écouter et ne dirait rien. » J’ai demandé que cette menace de passer deux mois supplémentaires en prison si je n’acceptais pas de passer l’interrogatoire sans avocat soit notée dans le rapport. Je ne sais pas si le policier l’a fait. Mais j’ai demandé à ce que ce soit noté. Il y avait deux policiers : un qui posait les questions et un qui écrivait. Celui qui posait les questions jouait avec son téléphone. Il était sur Facebook. Quand je répondais aux questions, il rigolait. Je lui ai demandé pourquoi il rigolait, il m’a répondu qu’il s’en foutait de ce que je disais. […]
On est allés au tribunal mais ils reportaient l’audience. Du coup on retournait en prison. On était inquiets parce qu’on savait qu’il y avait beaucoup de racisme lié aux décisions du tribunal de Dendermonde, leurs jugements sont souvent bizarres. […] On ne savait pas très bien ce qu’on faisait là. Il n’y avait pas d’assistante sociale, personne qui aurait pu nous aider à faire un rapport ou nous accompagner, nous donner une aide. J’ai demandé les règles juridiques à la prison, en arabe, ils m’ont passé une version en néerlandais que je ne comprenais pas, je ne pouvais pas me renseigner. On savait seulement qu’il y avait une injustice contre nous. On avait l’impression que c’était le destin, que c’était arbitraire. »
Z. – « J’ai vraiment eu le sentiment que ce n’était qu’une formalité pour elle, parce que sa décision était prise«
« On arrive, on me place dans un cachot. Dans la zone de police de Dendermonde, il faut laisser ses affaires à l’extérieur […] Je me dis « C’est bon, j’ai compris là, ça a un lien avec le parc [le parc Maximilien à Bruxelles, lieu de rencontre de migrants de passage, NDLR], c’est quasi sûr et certain. » Je suis mise au cachot le temps que l’avocat arrive. J’ai droit à un entretien de quinze minutes derrière un miroir. Encore une fois, traduction foireuse, parce que la personne qui était prévue pour traduire le faisait du néerlandais vers l’arabe, mais pas pour le français [la victime est francophone, NDLR], c’était chaotique ! Je comprends avec mon avocate que ça concerne l’aide apportée à des gens en séjour irrégulier. Nous avions beaucoup de mal à communiquer, j’ai donc demandé si elle parlait anglais, elle m’a dit oui, nous avons donc continué l’entretien en anglais ! […] Pour démontrer à quel point je ramais sur ce sujet, l’avocat a demandé une pause d’un quart d’heure, pour m’expliquer en quoi dans la loi belge, aider une personne en séjour illégal est interdit. À ce moment on n’est pas encore sur l’aspect « trafic d’êtres humains« , mais la police m’explique que je ne peux pas aider quand c’est en lien avec une traversée de frontière. J’étais dans une considération humaine : il a besoin d’aide, point barre quoi. […] C’était un peu ridicule parce que les policiers ont vraiment joué à ce truc du « bon flic versus mauvais flic » avec l’un qui est assez gentil et l’autre qui gueulait. C’était un peu gros comme une maison leur tentative de déstabiliser.
Il m’est aussi reproché durant cet interrogatoire de ne pas être une bénévole, parce qu’ils disent qu’une bénévole, c’est juste quelqu’un qui donne du pain et qui rentre chez elle. Moi il y a une implication et cette implication prouve, selon la police, que je ne suis pas bénévole. Et tout ça se dit en me criant dessus ! Mon avocate me rassure en me disant que c’est pour me déstabiliser. Et ainsi de suite. […] Qu’est ce qui est en train de se passer, c’esst quoi ce truc? J’ai laissé mon fils à la maison ! Plein, plein de questions… On donne à la personne désignée comme étant mon avocat l’autorisation de partir. Puis dès qu’il part et qu’on me fait signer ces documents, je me rends compte qu’on me ramène chez la juge, contrairement à ce qui venait d’être annoncé. […] Une juge d’instruction est censé te poser des questions, te confronter à certains éléments. Elle a décidé que ce serait l’avocate qui était dans le couloir et qui ne connaissait absolument rien de la situation, parce qu’elle avait déjà tout décidé d’avance. J’ai vraiment eu le sentiment que ce n’était qu’une formalité pour elle, parce que sa décision était prise, et qu’elle s’en fichait probablement de tout ce que l’on allait amener comme arguments. »
M. – « À chaque fois que je répondais, « Non, tu mens ; tais-toi, arrête de parler »«
« Je suis monté dans la voiture de police, on a tous été mis en garde à vue, ils ont pris nos empreintes. Ils avaient arrêté aussi les gens qui étaient à l’intérieur. Ils nous on séparés et nous ont laissé longtemps dans des cellules. Je ne comprenais rien, il ne répondaient pas aux questions. Finalement il y en a un qui m’a dit que j’étais accusé d’être un passeur, de faire du trafic d’humains et association de malfaiteurs et encore d’autres accusations énormes. […] Le policier a fait son interrogatoire, j’avais peur, je ne comprenais pas pourquoi on m’accusait de ça, on m’a dit que je saurai plus tard. […] Puis il a eu un autre interrogatoire avec une femme. Plus tard on m’a dit que c’était la procureure [de Dendermonde, NDLR]. C’était très particulier, elle me posait une question et quand je répondais elle me disait « Tu mens« . À chaque fois que je répondais, « Non, tu mens ; tais-toi, arrête de parler« , des mots très violents. Elle m’accusait d’avoir été passeur ici durant un période où j’étais à Paris. Elle demandait de prouver que j’étais à Paris, je ne pouvais rien prouver évidemment, je travaillais au noir. […] Je me suis mis à pleurer. Elle m’a dit « Pas besoin de pleurer, ça ne changera rien à l’accusation« . Pendant ce temps mon avocat ne disait rien, il n’a pas prononcé un mot. […] À la fin elle (la procureure) m’a dit que j’étais un individu dangereux pour la société, qu’il fallait que je sois incarcéré à la prison de Dendermonde et que j’allais y passer cinq jours [en réalité la détention préventive fut bien plus longue, NDLR]. Je me suis tourné vers mon avocat et je lui ai dit « Mais je suis innocent, je n’ai rien fait, dites quelque chose, je vais passer cinq jour en prison alors que je n’ai rien fait, vous devez me défendre« . Il a dit : « Désolé je ne peux rien faire, je ne peux rien dire, je ne connais pas ton affaire, je n’ai pas lu ton dossier.«
Ces édifiants témoignages semblent indiquer que les interrogatoires n’étaient pas destinés à prendre connaissance de faits et d’explications des personnes suspectées, mais bien à remplir des dossiers ficelés d’avance et permettant ainsi un semblant de suivi des protocoles.
Il est apparu dans la suite donnée à ces poursuites, et notamment au cours des audiences au tribunal, qu’une énorme confusion et un flou organisé sous-tendait l’ensemble des accusations. Des dossiers inexacts, des dates erronées, des erreurs grossières de traduction etc.
N’oublions pas que le droit occidental dans sa grande majorité présume innocent jusqu’à preuve du contraire toute personne suspectée d’infraction. Un interrogatoire devant servir ne peut se transformer en lieu de manque de respect, d’absence des droits et règles élémentaires ni évidemment de menaces. Pour mémoire, quelques indications sur vos droits lors de l’interrogatoire.
[Sources : Welcome, Solidarity is not a crime, IntoLaw]
16.07.2021 – Du refus par la police dans certains commissariats d’acter une plainte
L’incident relaté par la presse concerne une plainte qu’un agent immobilier de Forest souhaitait déposer suite à une tentative de vol chez lui par des individus se présentant comme des policiers, revêtus de l’uniforme de la fonction, affirmant qu’ils avaient un mandat de perquisition. Ceux-ci ont ensuite saisi des ordinateurs et des smartphones puis ont quitté les lieux.
La victime spoliée s’est ensuite rendue à quatre reprises à la police pour déposer plainte, sans succès, les policiers de Forest le renvoyant tantôt vers un commissariat d’Anderlecht, tantôt lui demandant de revenir un autre jour.
Ce type de refus dans des cas de violence policière est également très courant et pourtant il s’agit d’une infraction passible de sanctions disciplinaires.
Dans le cas présent une enquête disciplinaire a été ordonnée par le chef de corps de la police de Forest. La plainte a finalement été actée le 1er juillet, la zone de police Bruxelles-Midi a indiqué qu’elle ouvrait une enquête disciplinaire pour faire la lumière sur les éventuels dysfonctionnements de la police.
Rappelons à cette occasion que la loi est extrêmement claire et ne laisse pas le choix aux policiers : ils sont obligés de dresser procès-verbal pour une plainte relative à des faits qui peuvent être qualifiés d’infractionnels. Ils doivent ensuite communiquer le PV de la plainte et leurs constatations éventuelles au parquet. L’article 29 du code d’instruction criminelle édicte :
« Tout fonctionnaire ou officier public qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquerra la connaissance d’un crime ou d’un délit, sera tenu d’en donner avis sur-le-champ au procureur du Roi ».
Aucune dérogation n’est prévue s’il y a une infraction puisque l’article 40 de la loi sur la fonction de police est tout à fait clair :
« Les plaintes et dénonciations faites à tout fonctionnaire de police […], de même que les renseignements obtenus et les constatations faites au sujet d’infractions font l’objet de procès-verbaux qui sont transmis à l’autorité judiciaire ».
[Sources : SudInfo, L’avenir du 07.07.2021]
15.07.2021 – Me Alexis Deswaef acquitté par le tribunal correctionnel
Me Alexis Deswaef s’est retrouvé au tribunal le 15 juin dernier suite à une citation directe émanant du commissaire divisionnaire de la police de Bruxelles-Capitale/Ixelles Pierre Vandersmissen du chef de harcèlement et d’outrage. En fait P. Vandersmissen avait déjà déposé une plainte en 2016 auprès du parquet, cependant celle-ci fut classée sans suite. Raison pour laquelle il a tenu bon et décidé de citer Me Deswaef directement devant le tribunal.
Le tristement célèbre P. Vandersmissen estime qu’en raison d’une série de déclarations de Me Deswaef entre 2008 et 2016 il a été victime de « harcèlement » et « d’outrage ». Cette fois le ministère public estime la prévention de « harcèlement » établie– mais pas celle « d’outrage ». Il note, aussi que seules « 7 des 34 pièces » versées au dossier par la partie civile concernent en réalité Me Deswaef, le restant relevant de l’expression d’autres détracteurs du commissaire. Il s’agirait entre autres de Me Benkhelifa, déjà blanchie de son côté après avoir accusé en 2013, dans une carte blanche, le commissaire de « brute ». Au cours de sa plaidoirie, la défense a rappelé cet incident.
C’est surtout un tweet de Me Deswaef en légende d’une vidéo1 montrant le commissaire recevoir une tape amicale de la part d’un hooligan lors du rassemblement du 27 mars 2016 (quelques jours avant l’arrestation du 2 avril) qui n’est pas passé chez le policier. « Le Commissaire Vandersmissen a l’air comme un poisson dans l’eau parmi tous ces fachos racistes… »
P. Vandersmissen ne souhaite pas donner l’impression de s’acharner sur son adversaire : il ne demande qu’un euro symbolique en guise de réparation et de main tendue à Me Deswaef.
Cette « main tendue » est jugée hypocrite par les avocats du prévenu. « Le commissaire Vandersmissen poursuit Me Deswaef pour le museler », rétorque Me Christophe Marchant qui estime par ailleurs qu’il s’agit d’un délit de presse et donc des assises, donc le juge serait ici non-compétent.
Le bâtonnier Buyle, deuxième défenseur, prend pour cible le commissaire. « C’est un procès odieusement méchant par un fonctionnaire procédurier lâché par sa hiérarchie » 2 et l’accuse ensuite d’avoir menti :
- Quand il affirme avoir déposé sa plainte auprès de la zone de police Montgomery alors qu’elle l’a été dans le commissariat de la rue Marché aux Charbons où Pierre Vandersmissen travaille ;
- Quand il déclare résider sur son lieu de travail alors qu’il habite en Brabant wallon.
La défense accuse aussi le policier d’avoir « truqué » sa citation : il accuse Me Deswaef d’avoir tenu des propos en réalité proférés par d’autres quand il n’en invente pas carrément. « Ce que cherche la partie civile, c’est de réduire au silence un avocat », conclut la défense.
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu son verdict le 15 juillet et acquitté Me Alexis Deswaef. Se rangeant aux arguments de la défense, il s’est déclaré incompétent pour les propos tenus dans les médias et sur les réseaux sociaux, qui relèvent selon lui du droit de la presse, compétence exclusive de la Cour d’assises. Le tribunal a également considéré que les propos « outrageux« , n’ayant pas fait l’objet d’une publication, ne pouvaient constituer un délit de presse, et étaient donc protégés par la liberté d’expression.
[Sources : La Libre Belgique, RTBF, Belga, Ligue des droits humains]
05.07.2021 – Arrestation illégale d’activistes d’Extinction Rebellion en 2019 : la zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles condamnée
La zone de police de Bruxelles-Capitale/Ixelles a été condamnée au civil par le Tribunal de première instance de Bruxelles pour l’arrestation illégale le 28 novembre 2019, de 22 membres d’Extinction Rebellion (XR). Le jugement a été prononcé lundi : la zone devra indemniser les 12 plaignants à hauteur de 250 euros chacun et régler les frais de justice.
Les activistes arrêtés préventivement au moment où ils se préparaient à afficher des posters contre le Black Friday, avaient passé la nuit en prison. Douze d’entre eux avaient décidé d’attaquer au civil la zone de police de Bruxelles, considérant que leur arrestation était arbitraire.
Le tribunal leur a donné raison, confirme Me Margaux Nocent, qui défendait les activistes. Une arrestation administrative ne peut être opérée avant qu’une infraction soit commise que lorsqu’il y a “nécessité absolue d’empêcher la commission de faits qui nuisent gravement à l’ordre public”. Si le tribunal a jugé que la campagne d’affichage prévue par les militantes et militants constituait bien une infraction, celle-ci ne justifiait pas leur arrestation.
Par ailleurs, le tribunal a considéré que les fouilles à nu, le refus d’appeler une personne de confiance et les menottes aux poignets n’étaient pas justifiées au vu de la situation.
« J’ai eu affaire à des personnes choquées après leur arrestation, [certaines] n’osaient plus prendre part à des actions par la suite », selon leur avocate.
[Sources : Secours Rouge, 7sur7]
Une jeune fille violemment percutée par un cheval de la police #Bruxelles #StopDictatureSanitaire #ReveillezVous pic.twitter.com/slzp1cSpos
— Lili Adresan🌺 (@AdresanSoso) April 1, 2021
20.05.2021 – Les Boums 1 et 2 du bois de la Cambre à Bruxelles : un spectacle équivoque offert par les forces de l’ordre
Beaucoup a été écrit, dit et diffusé sur les deux « Boums » du Bois de la Cambre à Bruxelles qui ont eu lieu les 1er avril et 1er mai 2021. Le comportement des forces de l’ordre a été largement commenté et il n’est pas interdit de penser que c’était délibéré de la part des autorités.
Pourtant, le fait souvent répété que ces événements n’étaient pas autorisés, voire interdits ne peut légitimer n’importe quoi. En effet, à la vue des personnes rassemblées dans un bois, sur les pelouses, en petits groupes, papotant et profitant du grand air, il est vraiment compliqué de percevoir une réaction proportionnée de la part de forces de l’ordre qui décident de « vider le bois« .
Effectivement, et ce n’est pas à nier, certain.es policiers.ères ont été pris.es pour cible par quelques personnes présentes ce jour-là. Effectivement, et ce n’est pas à cautionner, certain.es officier.ères bien que casqué.es et en tenue de combat ont été blessé.es. Toutefois cela ne suppose pas la mise en œuvre de tout l’arsenal répressif. Le dispositif était déjà présent bien avant les événements et la déferlante policière armée de ses bonbonnes de gaz envoyées à bout portant sans sommation, la charge équestre, les courses à toute vitesse des véhicules de canons à eau à travers la foule, l’usage à fond des canons à eau, tout cela pour « disperser la foule » ? Peut-on raisonnablement estimer un tel déploiement comme proportionné ?
Et que dire des comportements policiers en marge dans les rues voisines, armés de leur chien qu’ils laissent mordre une personne à terre procédant à des arrestations musclées ?
Il est toujours utile de rappeler que l’usage de la force, doit être soumis à 4 conditions : la poursuite d’un objectif légitime, la nécessité, la proportionnalité, et l’avertissement. Les personnes présentes jugeront de l’application de la loi.
Commentant les événements, le bourgmestre de Bruxelles Philippe Close indique que « C’est pour que les gens se disloquent1. Il y a eu des préavis, comme nous l’avons dit. Et puis à un moment donné, moi je ne peux pas non plus laisser la police se faire caillasser pendant des heures […] Mais la police, elle fait son job et elle a tout à fait ma confiance.«
Un témoignage nous donne une image de l’intérieur (extraits)2 :
« Pendant l’heure qui suit, ce fut des poursuites incessantes. Les chevaux, les chiens, les lacrymogènes, les boucliers… un remake du 1er avril. Nous essayons de calmer les choses, de comprendre cette violence. Il n’y a rien à comprendre. C’est un choix politique.
Des amis, des pères, des mères, se font gazer ou frapper. Des adultes pacifiques. PACIFIQUES. Des jeunes sont blessés. Des policiers nous disent: « On est désolés, ce sont pas des gars de chez nous », en parlant de leurs collègues. »
Notons encore qu’il y a eu lors de la Boum du 1er mai à Bruxelles, 132 arrestations, pour entre 1000 et 2000 participants. À titre de comparaison uniquement, lors de la manifestation du 1er mai à Paris, entre 106.000 et 170.000 participants : 54 gardes à vue, 21 présentations à un magistrat, 13 rappels à la loi, 9 classés sans suite et 6 prolongés3…
Côté violences policières, le Comité P a reçu six plaintes pour des violences policières autour de l’événement la Boum, plus précisément quatre plaintes pour la soirée du 1er avril et deux plaintes pour celle du 2 avril, auxquelles s’ajoutent 16 plaintes pour la Boum 2 du 1er mai4.
Le régime dit sanitaire que nous connaissons depuis des mois a permis de mettre en place toute une série de restrictions de mouvement, l’un d’eux strictement appliqué par les autorités étant l’interdiction de manifestation. Quelques lieux seulement restent « autorisés » à Bruxelles notamment, les rassemblements doivent se faire dans le respect desdites règles. Ceci ne devrait néanmoins pas donner lieu à la répression violente comme elle est exercée depuis plusieurs mois déjà.
Citons en conclusion : « Il n’y a d’autre recours contre la violence sauvage, que la force démocratique ; une force démocratique qu’on doit simplement mieux concevoir, mieux partager, qui doit être plus équitable et moins arbitraire que la violence sauvage.» (Gabriel Martinez-Gros, professeur d’histoire médiévale à l’université Paris Nanterre).
02.05.2021 – Surtout ne pas dénoncer les brebis galeuses ou autres pommes pourries sans risquer de se retrouver au ban des accusés secrets aux forces de l’ordre…
ObsPol a depuis le début de son fonctionnement reçu à plusieurs occasions, certes rares mais intéressants, des témoignages de la part de fonctionnaires de police qui rapportaient des vécus particulièrement pénibles au sein même de leur environnement de travail. Que ce soient des actes de la part de collègues ou de membres de leur hiérarchie, des faits de harcèlement moraux ou autres, des vexations, mensonges à des fins de mise de côté ou en raison de jalousies confuses et souvent clairement sexistes et racistes. Le problème étant intérieur au « milieu du travail » pourrait-on dire, il est effectivement extrêmement compliqué d’en mesurer l’ampleur.
Combien de fois avons-nous relevé et avons-nous été choqué.e.s par la non intervention de « collègues » lorsque des policiers et policières ont perpétré des actes violents, psychologiquement ou physiquement à l’encontre de citoyen.nes victimes à leur merci ? Les exemples ne manquent pas où l’on observe un.e voire deux policier.ères commettre des agissements inutilement violents et illégaux et interdits par la déontologie et la loi sur la fonction de police, et tout en étant présent.es, les collègues ne réagissent pas. Pire iels couvrent et font para-vue et ensuite protègent leurs collègues-complices. Ensuite lorsque quelques cas se forgent un chemin vers l’information publique, il est question de « brebis galeuses« , de « pommes pourries« , mais en réalité, on sait bien qu’une pomme pourrie contamine l’ensemble du panier !
Récemment, et c’est fort estimable vu l’omerta imposée aux fonctionnaires des forces de l’ordre, un homme n’y tenant plus s’est publiquement exprimé. Il s’agit de M. Eric Claessens. Il avait suivi une grève de la faim interrompue depuis, pour protester contre sa possible révocation de la police. Il est policier bruxellois et relate un événement révélateur de la situation et de la manière de gérer les « pommes pourries » :
« On tombe sur un individu éméché qui urine sur la façade de l’Ancienne Belgique. On l’interpelle, on lui met les menottes. Tout va bien. L’individu est emmené à l’abri des regards dans la station de métro d’à côté, où la police dispose d’un local ». Là, à l’abri des regards, l’individu est roué de coups par des policiers n’ayant pas participé à l’arrestation !«
Il décide alors de prévenir son supérieur hiérarchique, et là, stupeur ! « Ce qui se fait en bas reste en bas. Tu fermes ta gueule sinon tu vas avoir des problèmes. » 1
En France aussi cette manière de museler les membres des forces de l’ordre qui souhaitent dénoncer ce qui leur paraît inacceptable ne fait pas recette. Ainsi deux policiers du syndicat policier (apolitique) VIGI sont la cible de leur haute hiérarchie. Le premier avait critiqué, entre autres, certaines violences commises par des policiers ainsi que certaines combines dont l’enquête sur un commissaire divisionnaire pour violences policières par un service de contrôle interne dirigé par sa propre compagne… Après plusieurs suspensions, il a quitté la police nationale. Le second, Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat minoritaire de policiers VIGI, était révoqué de la police nationale suite à des critiques concernant l’ancien Directeur Général de la police nationale. Le DGPN actuel estimait que les dénonciations faites « jetaient un discrédit » sur la police nationale et l’a révoqué.2
Non seulement les « pommes pourries » demeurent en fonction mais restent aussi généralement sans sanction ; c’est tout dire sur la mentalité qui règne au sein de la police! Il ne faut surtout pas salir sa réputation mais en fait elle-même est loin d’être irréprochable.
Il est fréquent également que ce genre d’individu harceleur, raciste et épouvantable non seulement reste en place, mais bénéficie d’une promotion ou d’un déplacement qu’iel souhaite. Ces fonctionnaires de police poursuivent ainsi impunément et à l’aise leurs activités hautement litigieuses. Personne n’y prend garde, aucune instance, aucun comité, aucun.e politicien.ne, … Par ailleurs dans le cas présent Eric Claessens précise des détails qui font froid dans le dos :
« Le mec qui m’a donné l’ordre illégal de patrouiller la nuit sans arme à Jumet, c’est le même qui a été soupçonné de coalition de fonctionnaires dans l’affaire Mawda1. Les mecs qui m’ont envoyé 13 mois à Jumet […] ce sont les mêmes qui ont caché pendant deux ans à la justice que M. Chovanec était mort. […] « 2
28.04.2021 – Bruxelles: Arrestations de 62 manifestants pour la régularisation des sans-papiers
Depuis plus d’un mois, des personnes sans papiers se réunissent deux fois par semaine pour des occupations politiques à différents endroits de Bruxelles. Une centaine de personnes ont manifesté, au carrefour entre la rue de la Loi et l’avenue des Arts pour des critères objectifs et permanents pour une politique de régularisation des personnes vivant sans papiers sur le territoire belge.
Les manifestants ont été encerclés par les forces de l’ordre sous prétexte qu’ils avaient empietés sur le carrefour. 62 manifestants ont été arrêtés.
Un rassemblement solidaire s’est tenu devant le commissariat de la rue Royale.
[Source : Secours Rouge]
23.04.2021 – La crise sanitaire et ses répercussions sur le terrain de la répression
Depuis le début de la crise sanitaire et des restrictions mises en place par le gouvernement ainsi que les sanctions prévues telles que 250 € pour non-port du masque, plus de 200.000 PV ont été dressés par les forces de l’ordre dont 20.000 contraventions ont été portées devant les tribunaux.
Ces règles et les sanctions lourdes qui les accompagnent ont donné lieu à des réactions parfois excessives de fuite en panique de devoir subir des amendes exorbitantes.
Nous pensons à Adil, jeune homme de 19 ans qui, le 10 avril 2020 avait fui, sur son scooter, une patrouille de police qui voulait le contrôler à Anderlecht. Il a ensuite percuté de plein fouet une voiture de police qui arrivait en renfort, et est décédé des suites de ses blessures.
Pourtant le 12 janvier 2021 le tribunal de police de Bruxelles déclare que les poursuites pour non-port du masque sont inconstitutionnelles : un juge a acquitté un homme cité devant l’instance pour ne pas avoir porté son masque dans l’espace public en août 2020. La mesure est jugée inconstitutionnelle.
Nous pensons aux événements qui semblent avoir dégénérés au domicile d’une famille à Waterloo lors d’une interpellation en décembre 2020 pour non-respect des restrictions sanitaires. La famille a dénoncé cette violence présumée exercée par les policiers. Il s’agissait ici d’après la famille d’une soirée des enfants qui avaient invité d’autres adolescents. Le nombre exact est contesté mais il semble qu’ils étaient 4 ; les résultats de l’intervention ont été catastrophiques et extrêmement violents et certainement traumatisants pour les jeunes présents. Voir aussi notre rubrique Vos témoignages.
Nous pensons aussi à ce jeune homme âgé de 21 ans, qui est décédé le 10 avril 21 soir après avoir chuté de la fenêtre d’un hôtel dans le centre d’Anvers. Il tentait d’échapper à un contrôle de la police pour une lockdown party.
D’autres événements déplorables suite aux mesures d’interdiction de rassemblement ont été nombreux, un des summum pourrait être comme ceux qui se sont produits en provoquant des scènes de chaos au Bois de la Cambre le 1er avril 21. Des forces de l’ordre à pied et à cheval ont été mobilisés pour disperser la foule. La police a de plus utilisé le canon à eau et eu recours au soutien de drones et de l’hélicoptère. Les suite traumatisantes pour les personnes surprises par de telles violences seront certainement de longue durée.
Constatons aussi que suite à la plainte introduite par la Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten le 31 mars 2021, l’État belge été condamné à adopter une loi pour encadrer ces mesures. En effet le juge des référés du tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré que les mesures Covid actuelles ne disposent pas d’une base légale suffisante.
Le répression sous couvert de mesures somme toutes ne disposant pas des élémentaires mesures légales que l’on pourrait attendre dans l’atteinte à la liberté et la répression sans merci qui s’en suit.
[Sources : Le Soir 13-14 mars 2021, Sud Presse, Belga]
21.04.2021 – Michel Bouffioux publie une enquête choc sur les « Casernes de la honte, chronique d’une journée de violences policières à Bruxelles »
Le 24 janvier 2021 aux Casernes d’Etterbeek (Bruxelles), de très jeunes manifestant.es. ont été victimes d’un énième épisode de défoulement policier. Une manifestation contre « la justice de classe et la justice raciste » a eu lieu dans le centre de Bruxelles.
Au cœur des revendications: « La mort d’Ibrahima, d’Adil, de Mehdi, de Lamine, de Mawda et des autres ». A cette occasion les forces de polices ont procédé à plusieurs centaines d’arrestations.
Événement autorisé en dernière minute, le dispositif policier déployé y était particulièrement impressionnant. D’après les observations, pas moins de 12 pelotons, des fourgons de police, des canons à eau ainsi que la police montée. Pour environ 150 manifestant.es…
L’enquête de Michel Bouffioux nous révèle les conditions subies dans les casernes d’Etterbeek. 232 personnes arrêtées, dont 86 mineur.es d’âge. Plus de personnes interpellées que de manifestant.es ! Certaines plaquées au mur, menottées sans ménagement, alors qu’elles n’avaient même pas manifesté ; alors que certaines ne faisaient rien d’autre que de se promener, que d’autres encore voulaient prendre leur train à la gare Centrale. Lors de leur passage par les cellules des casernes, plusieurs détenus – lesquels étaient souvent très jeunes – ont été passés à tabac et insultés par des policiers. [Lire également les témoignages de S., N., R., K., N. et I.]
Épinglons ici un fait rare, que ces violences aient aussi indigné des policiers. « Nous dénonçons ces actes – que nous jugeons inadmissibles – afin qu’ils ne se reproduisent plus à l’avenir », a déclaré le responsable police de la CGSP, Eddy Quaino.
[Mise à jour : janvier 2022] Malgré ces dénonciations en interne, des plaintes d’une dizaine de parents, des alertes au Comité P rien n’avance. Selon l’avocate Selma Benkhelifa, « Il y a un blocage au niveau judiciaire. » Pourtant victimes et témoins ont reconnu les policiers violents, tout est consolidé par la plainte de dix policiers, c’est assez rare. Les avocats ne comptent pas en rester là.
[Source : Paris Match]
26.02.2021 – Sanctions à géométrie variable…
Il y a les histoires connues et largement médiatisées, et il y en a qui font moins de bruit mais s’alignent sur un fonctionnement récurent : disparition d’images qui pourraient être en faveur d’un inculpé de rébellion ou trouble à l’ordre public, demandes de non-lieu des parquets pour des policiers impliqués dans des violences, durées anormales d’une « enquête » impliquant une plainte contre des forces de l’ordre… Tous ces stratagèmes ne peuvent que jeter le discrédit sur un application des règles de justice qui se devraient d’être équitables.
Ainsi, le parquet de Bruxelles avait requis à l’encontre d’un jeune homme de 22 ans, un an d’emprisonnement pour rébellion. Le jeune homme lui, avait accusé les policiers de violences et avait lui-même déposé plainte à leur encontre. En novembre 20, dans le cadre d’un contrôle « Covid », les policiers auraient usé de violences lors de son arrestation. Toutefois ceux-ci contestent, indiquant que le jeune homme aurait refusé de se faire contrôler (non port de masque). La police a donc estimé devoir le priver de liberté et, pour ce faire, procéder à son arrestation appliquant son maintien et son étranglement. Les blessures que présentait ce jeune homme ensuite seraient le résultat de sa chute lors du menottage. Son avocat pourtant indique que le plaignant aurait été saisi à la gorge par un policier ce qui lui aurait fait peur d’être violenté et l’aurait incité à se soustraire au contrôle. Les policiers l’auraient, à l’abri des regards, frappé au visage à plusieurs reprises, l’un d’entre eux aurait tenté de lui mettre un doigt dans l’œil. Relevons que ce type de récit est très fréquent, un traitement brutal appliqué pour une simple arrestation semble faire partie des pratiques les plus appréciées et appliquées.
Ces deux versions s’opposent totalement comme c’est souvent le cas, des images auraient peut-être pu indiquer avec plus de précision ce qui s’est réellement passé. Mais, ô surprise, les images des caméras de vidéosurveillance en rue n’ont jamais été extraites par la police, et ce malgré la demande de la défense. L’effacement ayant lieu au bout de trente jours, elles n’ont pu être visionnées ! Ici rien de nouveau, rien de surprenant mais qui donne lieu à de sérieux doutes quant au récit des policiers. Eux qui réclament à cor et à cri le port de bodycams, s’accommodent pourtant régulièrement du fait que les images ne soient pas visionnées ou disparaissent à bon escient lorsqu’elles risquent de révéler des faits compromettants. Dans le cas présent le résultat fut qu’il était impossible pour l’accusation comme pour la défense de vérifier les dires des uns et des autres. La chambre des comparutions immédiates de Bruxelles a, le 29 janvier 21, déclaré les poursuites irrecevables. [Source : La Capitale]
Il arrive aussi que des enquêtes interminables aboutissent à … un acquittement des policiers. Il en va de la sorte pour trois policiers de la zone BXL-Capitale-Ixelles qui sont suspectés d’avoir tabassé un homme au commissariat « Amigo« . Cela se passe en janvier 2013, M. NO victime de 51 ans, signale qu’il sort de ce commissariat le crâne fracturé, le nez cassé et les deux tympans percés après avoir été passé à tabac par trois policiers. Il avait été arrêté administrativement suite à une dispute dans un bar, il assure ne pas avoir été blessé en arrivant au commissariat.
Rappelons que l’on n’est pas censé sortir démoli.e d’un commissariat ou d’un poste de police ou de tout autre lieu de détention sous la surveillance d’agents de l’État. Selon la victime, les policiers avaient mis leurs gants et lui ont asséné plusieurs coups pour le « traiter comme en Irak« . Il porte des traces de pieds sur tout le corps et a été frappé aux parties génitales… tout un programme qui peut être qualifié de torture. Mais, une fois de plus, l’enquête a été bâclée. Donc faute de preuves … le procureur a requis l’acquittement non sans avoir précisé la possibilité que la victime eut pu chuter lors de sa détention administrative. Acquittement au bénéfice du doute après 80 mois d’enquête !
Parlant de sanctions à géométrie variable : lorsque ce ne sont pas des acquittements comme dans l’affaire ci-dessus ou des non-lieux requis par le parquet comme dans l’affaire d’Adil, ce sont des peines assez dissemblables qui sont prononcées par les tribunaux.
En ce mois de février 2021 comment ne pas évoquer « l’affaire Mawda« ! Ici aussi il semble que la géométrie variable ait opéré. Que dire du verdict prononcé le 12 février par le tribunal correctionnel de Mons ?
Le conducteur de la camionnette est condamné à 4 ans de prison ferme et le policier qui a tué Mawda avec son arme à feu à 1 an de prison avec sursis. Il n’est pas possible évidemment de dissocier l’ensemble de ce drame de la politique de répression menée à l’égard de personnes en migration. Sans des ordres de poursuivre coûte que coûte des personnes en route vers des destinations qu’elles espèrent meilleures que celles fuies, il est probable que cette course-poursuite par les policiers pour rattraper une camionnette qui transportait des êtres humains et le drame n’auraient pas eu lieu. Mais il a eu lieu. Un policier a estimé qu’il était en droit de faire usage de son arme à feu contre une camionnette en mouvement dans laquelle se trouvaient, et il le savait, des êtres humains, enfants, femmes et hommes entassés.
Bien que le tribunal estime qu' »il apparaît hasardeux de compter sur son habileté ou la chance pour viser le pneu alors que les véhicules roulaient à une vitesse appréciable« , c’est le principe même d’une police armée qui est en question. Le policier, un bouc émissaire comme cela a été évoqué ? un bras armé de l’État pas assez formé ? et qu’en est-il de tout l’appareil étatique à couvert ? Aucune analyse sur la possibilité même d’une telle violence. Viser avec un pistolet, c’est-à-dire , en avoir un à disposition, décider d’en faire usage, le sortir, l’armer et finalement appuyer en direction d’une cible mouvante, tout cela ne peut être considéré comme une norme acceptable. Un tribunal qui plus est, estime que ce bras armé ne mérite qu’une peine avec sursis alors que le jeune chauffeur de la camionnette poursuivie est considéré comme ayant contribué à la mort de l’enfant et lui mérite 4 années d’emprisonnement ferme. Des questions se posent sur les raisonnements qui sous-tendent de telles décisions de justice.
Ceci amène à une observation de la banalisation de la violence exercée par les forces de l’ordre, les nombreux témoignages lors de récentes manifestations en témoignent tout comme un vocabulaire utilisé de plus en plus fréquemment ; celui de « violences illégitimes » des policiers ! Erreur, certains articles de loi évoquent le recours (loi fonction police, articles 37 et 38) à la force afin de poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement, il est alors question de force légitime, pas de violence.
Les discours politiques (Emmanuel Macron) et journalistiques se complaisent dans cette confusion allant même jusqu’à citer erronément des sociologues tels que Max Weber, économiste et sociologue allemand 1864-1920, ce que conteste notamment Catherine Colliot-Thélène, philosophe spécialiste de Max Weber qui déclare que “dire que « l’État a le monopole de la violence légitime” c’est dire une absurdité exactement… Il ne s’agit pas de reprocher au personnel politique, voire aux journalistes, de ne pas connaître cet arrière plan de la définition de Weber mais ce qui est irritant, c’est cette manière d’appeler une autorité scientifique, c’est un grand nom, pour dire une absurdité. »
Nous le constatons, la violence augmente et avec elle la répression et l’intimidation, sa banalisation et sa justification tentent de se faire une place dans l’argumentation des autorités.
[Sources : La Capitale, Mediapart]
12.02.2021 – Prononcé du jugement dans l’affaire Mawda
Tribunal correctionnel de Mons : le jugement est lu par les trois juges en alternance, il fait 50 pages. Verdict :
- Le conducteur de la camionnette est condamné à 4 ans de prison ferme ;
- Victor-Manuel Jacinto Goncalves, le policier qui a tué Mawda avec son arme à feu est condamné à 1 an de prison avec sursis et 400 euros d’amende ;
- Le troisième prévenu est acquitté au bénéfice du doute.
Dès le début la présidente Madame Bastiaans a précisé que le tribunal ne se prononcerait que sur les faits dont il était saisi et non sur la politique menée par la Belgique en matière d’accueil des migrants.
L’entrave méchante à la circulation est à l’origine du drame qui a suivi estime le tribunal. La course-poursuite a duré 60 kilomètres et le tir policier était prévisible par le chauffeur lorsque le policier a sorti son bras avec son arme, ils étaient à la même hauteur :
« Le chauffeur devait donc nécessairement avoir vu l’arme et être au courant du risque de tir. La mort de Mawda est donc en lien causal avec l’entrave méchante à la circulation imputable au chauffeur« .
À la prévention d’entrave à la circulation avec la circonstance aggravante de mort s’ajoute la rébellion armée, la camionnette utilisée constituant une arme par destination :
« Il résulte par ailleurs un ensemble d’éléments de preuves graves ne laissant aucun doute sur le fait que le prévenu était bien le chauffeur. »
Le tribunal a estimé que le rôle du prévenu présenté comme le « passeur » n’est pas prouvé et les éléments dont des témoignages imprécis n’établissent pas à suffisance qu’il est le coauteur des principales préventions, l’entrave méchante et la rébellion.
Pour ce qui concerne le policier, le tribunal estime que sa version a été constante et qu’il n’a pas tenté la dissimulation de son acte de tir. Sa version est vraisemblable et aucun argument sérieux ne vient la contredire de manière décisive. Il s’agit donc d’un tir accidentel causé par une embardée de la voiture de police causée elle-même par une embardée de la camionnette de migrants.
Toutefois il estime qu’il n’y a aucune proportionnalité entre le danger que représentait la camionnette et le risque pris en sortant son arme. Il n’aurait pas dû dans de pareilles circonstances sortir son arme. L’absence de formation, aurait dû l’inciter à d’autant plus de prudence. Pour le tribunal, les conséquences possibles telles que la perte de contrôle de la camionnette ou un éventuel ricochet de la balle étaient prévisibles et sans commune mesure avec l’objectif d’arrêter le véhicule. L’objectif de stopper le véhicule aurait pu être atteint autrement (barrage par exemple).
De plus, la camionnette roulait à une certaine vitesse, et viser le pneu comportait un risque important pour les occupants de la camionnette et le reste des usagers de la route. Tout comme le risque que le projectile soit dévié de sa trajectoire était grand et mettait en péril les occupants et les usagers de la route. Pour la présidente :
« Il apparaît hasardeux de compter sur son habileté ou la chance pour viser le pneu alors que les véhicules roulaient à une vitesse appréciable. »
En conséquence, la faute est établie ainsi que le lien direct. Sans cette faute, il n’y aurait pas eu le décès de la victime.
[Lire l’article en version DE]
11.02.2021 – Rétablir la confiance entre la police et la population : des recommandations françaises applicables à la Belgique ?
Dans un avis publié en février, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, une institution française de promotion et de protection des droits de l’Homme créée en 1947 et assimilée à une Autorité administrative indépendante, formule 23 recommandations, dont notre gouvernement serait bien avisé de s’inspirer, si l’on en juge par le climat actuel de défiance envers les forces de l’ordre.
Qu’on en juge :
Recommandation n° 1 :
Réorienter les politiques publiques de sécurité, en remettant en cause l’évaluation chiffrée de la performance policière et en redéfinissant les missions attribuées par les acteurs politiques à la police, dès lors qu’elles influencent dans une grande mesure le répertoire d’actions mobilisé sur le terrain et, de ce fait, les relations entretenues avec la population.
Recommandation n° 2 :
Réécrire l’article du code de déontologie de la police et de la gendarmerie relatif au cadre général de leur action, en accordant une place privilégiée à la « protection des personnes et des biens » et en rappelant que la police a pour raison d’être la garantie des libertés et des droits fondamentaux.
[NDLR : Dans le Royaume, le Code de déontologie des services de police édicte dans son article 3 un ensemble de principes et de règles de comportement dont l’application sur le terrain semble loin dêtre systématique… Quid d’un petit rappel régulier de cet article 3 aux forces de l’ordre ?]
Recommandation n° 3 :
Rétablir une authentique police de proximité, adossée à une doctrine d’intervention fondée sur la construction d’une relation privilégiée avec la population, se substituant à la réponse uniquement réactive et punitive trop souvent constatée à l’heure actuelle face aux incivilités.
Recommandation n° 4 :
Évaluer régulièrement la qualité de la relation entre population et habitants, au sein des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, à partir d’indicateurs précis et participatifs évaluant la satisfaction des usagers, qui doivent être tout autant pris en compte en termes de carrière, d’avancement et d’évaluation de l’activité policière que les indicateurs traditionnels (taux d’élucidation d’affaires, taux de présence policière sur la voie publique, etc.) ; les rendre pleinement accessibles à toutes les personnes en situation de handicap, ainsi que les démarches dématérialisées ; veiller à une répartition égale sur tout le territoire des commissariats et gendarmeries, en mettant en place, au besoin, des permanences régulières en mairie quand les locaux sont trop éloignés.
Recommandation n° 5 :
Étendre le dispositif d’officier de liaison LGBT de la préfecture de police de Paris à d’autres agglomérations et aux victimes de handiphobie, de racisme ou de xénophobie.
Recommandation n° 6 :
Sur les contrôles d’identité :
- Remettre aux personnes contrôlées un récépissé papier nominatif, précisant l’heure, le lieu et les motifs du contrôle. Afin d’éviter la constitution d’un fichier nominatif, le carnet à souche du policier ou gendarme devra reproduire toutes les indications du récépissé, sauf l’identité de la personne contrôlée ;
- Mettre en place un dispositif de suivi des contrôles, pour permettre aux hiérarchies de prendre connaissance des conditions de leur mise en œuvre (quels agents ? pour quels motifs ?) ;
- Engager une réflexion de fond sur l’encadrement légal et la pratique des contrôles d’identité afin de lutter contre leur banalisation, notamment en précisant les motifs légaux pouvant justifier un contrôle.
[NDLR : ne devrait-on pas suivre cette recommandation en Belgique, au vu de la multiplication des contrôles d’identité à répétition sur les jeunes dans les quartiers, les contrôles pratiqués à titre d’intidimidation dans les manifestations, et des exactions de la brigade UNEUS…]
Recommandation n° 7 :
Engager une réflexion sur le pouvoir de verbalisation exercé par les policiers et les gendarmes dans certains quartiers et à l’égard de certaines catégories de personnes.
Recommandation n° 8 :
Pour les modalités du maintien de l’ordre en manifestation :
- Privilégier les stratégies de désescalade dans l’encadrement des manifestations ;
- Instaurer un dialogue effectif entre forces de l’ordre et manifestants ;
- Le cas échéant, s’assurer de l’intelligibilité des sommations ;
- Mobiliser exclusivement des unités spécialisées dans le maintien de l’ordre ;
- Interdire certaines pratiques, telles que les nasses, les « contrôles délocalisés », et harmoniser les techniques d’intervention entre police et gendarmerie en favorisant les moins « vulnérantes » ;
- Cesser les « gardes à vue préventives » en amont des manifestations.
Recommandation n° 9 :
Inclure dans la formation initiale des personnels de police et de gendarmerie des enseignements axés sur la pratique :
- de sciences humaines et sociales afin d’encourager une réflexion des policiers sur la nature de leurs missions ;
- en communication (respect de l’autre, techniques de médiation, de gestion des tensions, de gestion du stress d’autrui…) ;
- sur le fonctionnement de la justice (alternatives à la détention, principes d’application et de personnalisation des peines dans un objectif de réinsertion et de prévention de la récidive) ;
- d’éthique, qui favoriserait un retour critique des agents sur leur pratique.
Recommandation n° 11 :
Développer et garantir la formation continue des personnels de police et de gendarmerie, tant pour maintenir leur aptitude à l’utilisation des armes et des gestes techniques que pour les sensibiliser aux difficultés éprouvées par les victimes et certaines catégories de la population dans leurs rapports avec la police.
Recommandation n° 12 :
Renforcer l’encadrement des jeunes recrues affectées dans des quartiers sensibles.
Recommandation n° 14 :
Mettre en place une plateforme unique de signalements des manquements à la déontologie, commune au DDD, à l’IGPN et l’IGGN ; Informer les victimes ou témoins des suites de leur signalement et de l’état d’avancement de la procédure.
[NDLR : En Belgique, une telle plateforme est encore à créer, qui éviterait de choisir entre l’AIG, le Comité P, Unia, le commissariat, le Procureur etc.]
Recommandation n° 15 :
Accorder au DDD une compétence privilégiée pour donner suite aux signalements des victimes ou témoins d’atteinte aux personnes – sans préjudice du droit des inspections de s’en saisir parallèlement si elles l’estiment opportun.
[NDLR : Encore faudrait-il créer un tel Défenseur des Droits en Belgique, doté de réelles prérogatives dont le droit d’agir…]
Recommandation n° 16 :
Renforcer les échanges entre le DDD et les services d’inspection de la police et de la gendarmerie, notamment à travers des rencontres régulières, des détachements de personnels, ou des initiatives communes.
Recommandation n° 17 :
Accorder au DDD le pouvoir d’enjoindre à l’autorité compétente d’engager des poursuites disciplinaires ; Soumettre cette autorité à l’obligation de motiver de manière circonstanciée, au terme de la procédure, les refus de prononcer une sanction disciplinaire, le cas échéant contre l’avis du conseil de discipline.
Pour les enquêtes judiciaires relatives à des policiers ou des gendarmes, créer un corps d’inspection ad hoc, composé d’officiers de police judiciaire spécialement dédiés à ces enquêtes, dotés d’un statut particulier, ne relevant pas du ministère de l’Intérieur mais du ministère de la Justice ; À défaut d’un tel service d’enquête, a minima renforcer les garanties d’indépendance et d’impartialité de l’IGPN et de l’IGGN :
- substituer au contrôle des directions générales de la police et de la gendarmerie un rattachement des services d’inspection directement au ministre de l’Intérieur;
- créer un organe collégial ouvert à des personnalités extérieures (notamment des magistrats, des avocats, et des représentants de la société civile), chargé de la supervision des enquêtes, et compétent pour décider des suites à donner aux enquêtes judiciaires (et administratives).
[NDLR : Cette dernière recommandation nous paraît particulièrement pertinente, le Comité P, s’il n’est pas composé uniquement de policiers, a plusieurs fois été pointé du doigt à l’occasion de Rapports Universels Périodiques successifs…]
Recommandation n° 19 :
Accorder le statut de lanceur d’alerte aux policiers et aux gendarmes qui témoignent de dysfonctionnements graves, sans les soumettre à l’exigence de transmettre préalablement le signalement à leur hiérarchie.
[NDLR : Ici encore, des progrès à faire en Belgique. Nombreux sont les témoignages indirects de policier.ère.s dégoûté.e.s du comportement de certain.e.s de leurs collègues, voire de leur hiérarchie, qui n’osent s’engager plus par peur des représailles…]
Recommandation n° 20 :
Tant pour les enquêtes administratives et les sanctions disciplinaires que pour les enquêtes judiciaires et les décisions de justice, prévoir plus de transparence à tous les niveaux de la chaîne (inspections, DDD, ministre, justice), avec des indicateurs harmonisés permettant de suivre statistiquement et individuellement le traitement et l’issue administrative et/ou judiciaire des signalements, à partir d’une publication au moins annuelle dans le respect de l’anonymat des agents.
[NDLR : En Belgique, la principale source de statistiques officielles disponibles sont celles du Comité P, filtrées par la procédure établie et les décisions collégiales auxquelles participent des policiers en détachement. D’où l’existence d’ObsPol, lancé pour réunir des statistiques de terrain à mettre en regard des statistiques officielles]
Recommandation n° 21 :
Revoir les modalités d’affichage du RIO afin de le rendre parfaitement visible des citoyens.
[NDLR : Et si le fameux article 3 du Code de Déontologie des services de police était affiché au-dessus de chaque guichet ?
Recommandation n° 22 :
Équiper les agents de police et de gendarmerie de caméras-piétons fonctionnelles et prévoir un enregistrement systématique des interventions.
Recommandation n° 23 :
Garantir la liberté d’informer à l’égard des interventions des forces de l’ordre, en rappelant notamment à ces derniers qu’ils ne peuvent s’opposer à l’enregistrement de leur image lorsqu’ils effectuent une mission.
[Source : CNCDH]
31.01.2021 – Janvier 2021 commence fort : 330 personnes arrêtées à Bruxelles le 24, et 245 le 17, pour deux manifestations rassemblant moins de personnes !
Ces dernières semaines la presse, des organisations et les citoyens se sont fait largement écho de plusieurs événements particulièrement inquiétants concernant la répression exercée à l’encontre de personnes souhaitant manifester leur soutien aux familles endeuillées et ou marquer leur exigence de justice et respect. La dénonciation des brutalités policières et du racisme exhibé par un grand nombre de membres des forces de l’ordre ne semble pas plaire aux autorités. Serait-ce la raison pour laquelle un déploiement imposant avait été mis en place lors des dernières manifestations en novembre 2020 et janvier 2021 ? Des centaines de forces de l’ordre venues des quatre coins du pays, nombre plus nombreux d’ailleurs que les participant.es aux rassemblements, drones, gaz lacrymogènes et même armes dites non létales!
Impressionner, interpeller, nasser, arrêter, maintenir en cellules dégueulasses bondées en refusant l’accès aux toilettes par exemple paraît actuellement un mode de fonctionnement tout à fait illégal mais pratiqué sans vergogne à l’encontre de personnes ayant eu le infortune de se trouver soit dans une manifestation, soit à ses alentours. Adultes femmes, hommes enfants et jeunes tous embarqués grossièrement après avoir été privés de liberté et menottés parfois assis à même le sol pendant de longues périodes.
Ainsi en deux semaine presque 600 personnes ont été arrêtées parmi lesquelles un grand nombre de mineur.es, c’est-à-dire des enfants en termes simples. En une journée 86 par la police de Bruxelles-Ixelles et 5 Bruxelles-Nord. Les témoignages précisent que les parents n’ont pas été prévenus ce qui est pourtant essentiel et légalement requis. Il en va de même du manque d’information des raisons de l’arrestation, le commode « trouble à l’ordre public » ou plus récent « infraction aux règles covid » reste non seulement inadmissible mais témoigne d’une volonté manifeste des forces de l’ordre de s’acquitter coûte que coûte d’un grand nombre d’arrestations.
Et que dire des traitements abjects, brutaux et racistes que les policiers et policières se plaisent à exercer à l’écart des yeux ? Fermer une cellule pour s’acharner à plusieurs sur une personne arrêtée, mais où sommes-nous ? Dans un camp d’entraînement aux techniques de répression de la population ? Surtout celle qui oserait encore tenter s’exprimer contre l’ordre et le système en place ?
Voici quelques uns des témoignages recueillis :
Y. – « Ils sont arrivés à toute allure face à lui, ils ont freiné mais la collision a été violente, il a été projeté sur un fourgon »
« Avec mon ami nous avons été témoins de la percussion d’un jeune homme par une voiture de police sur la rue de l’infante Isabelle vers 15 :20. Ils sont arrivés à toute allure face à lui, ils ont freiné mais la collision a été violente, il a été projeté sur un fourgon.. Au moins une personne s’est dirigée vers lui pour l’aider, une autre s’est avancée vers la voiture de police, les policiers sont sortis en levant leur matraques, on leur criait de s’arrêter. Le jeune homme s’est relevé, marchant difficilement et s’enfuyant en panique, aidé par des amis. Au vu de l’impact, on était étonnée de le voir se relever si rapidement. Juste après le cordon policier se resserrait et donc on a été repoussée au niveau de la gare centrale. On est revenu par après sur les lieux et on a identifié une voiture qui pourrait être à l’origine de l’impact, sans qu’on puisse être sûr. »
S. – « Je suis sortie de là choquée, gelée, en tremblant et prête à m’effondrer »
« Je me suis retrouvée dans la nasse de policiers après la manifestation à laquelle j’ai assisté, je souhaitais reprendre mon train afin de retourner sur X.; mais je n’ai jamais pu, la nasse est devenue de plus en plus étroite, j’étais clairement face aux policiers. Certains policiers en civil circulaient dans la foule très jeune, calme, ambiance bon enfant, des jeunes qui chantent avec leur musique, des jeunes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive (beaucoup n’avaient rien à voir avec la manifestation !). J’observe l’évacuation des journalistes mais aussi l’arrestation aléatoire de jeunes garçons par la police en civil puis je vois une flic avec des colsons, j’ai compris : nous allons être arrêtés !
La foule se réduit mais les effectifs policiers augmentent, mon tour arrive, on exige ma carte d’identité et que j’enlève mon masque pour qu’on me prenne en photo ! Je demande pourquoi je suis arrêtée, on me dit « Vous participez à une manifestation interdite », je réponds non j’ai participé à une manifestation tolérée pendant 45 minutes, ici je souhaitais reprendre mon train, le policier m’a répondu « Ah ! dommage pour vous, vous étiez là au mauvais moment » ! Ensuite j’ai été placardée contre un combi et on m’a passé les colsons ! On m’a dit « Tu vas à terre avec les autres », j’ai refusé, ils m’ont mise à terre de force.
Ensuite, avec d’autres filles nous avons été mises dans des mini-cars de police et là je me rends compte que j’ai trois ados de 17 ans autour de moi, deux d’entre elles semblaient paniquées, une devait prendre son train pour X., la seconde l’accompagnait; la troisième était à coté de moi et tout comme moi souhaitait rentrer chez elle après la manifestation. Nous démarrons, […] on finit par savoir que nous allons à la caserne d’Etterbeeck, un policier à côté de moi dit à sa collègue : « Petite pioche aujourd’hui, on n’a pas dû courir des masses ! » Ils ouvrent les portes, on attend, on a froid, une fille veut aller aux toilettes, on lui dit non ! Elle insiste en disant que si elle n’y va pas, elle va faire pipi sur elle et donc sur le siège. Un policier lui répond « Tu peux le faire, le siège sera nettoyé ! »
Dix-quinze minutes plus tard, on entre dans la caserne, on nous met dans une cellule pouvant accueillir 17 personnes, nous étions bien 30 avec énormément de mineurs donc une de DOUZE ANS!!!
On entend des cris, des mecs qui se font frapper dessus, on en voit au sol se faire piétiner puis tirer comme un sac dans des cellules! Certaines filles filment, l’une d’entre elles s’est fait menacer de se le faire confisquer si elle filmait à nouveau .
Certaines filles ont pu aller aux toilettes, pas d’autres, je n’ai pas pu me retenir, je me suis fait pipi sur moi !
Vers 20:15 on […] me fouille au corps puis là je me retourne car j’entends un jeune crier de douleur, je le vois avec quatre policiers sur lui en train de le frapper le piétiner, et lui mettre les bras dans le dos afin de lui remettre des colsons ! Le garçon criait « Pitié arrêtez, j’ai mal ! » Les larmes me montent aux yeux, je regarde le policier qui avait mes affaires en mains qui dit « Ça chauffe« , je lui demande « Vous cautionnez ça ? », il me dit non mais que c’est ainsi, on ne dénonce pas les collègues! Je reste sans voix, on me fait signer un papier sans me proposer de le lire, j’étais tellement sous le coup de l’émotion que je n’ai même pas lu le papier qu’ils m’ont fait signer.
Je leur demande si on peut avoir quelque chose de chaud pour nous réchauffer, on me donne de l’eau glacée. Je rejoins une partie des filles dans une autre cellule, nous avons été séparées en deux groupes : dans la cellule d’à côte des filles veulent aller aux toilettes, des policiers sont devant, ils nient les appels de ces filles puis l’un d’entre eux répond que les toilettes seraient bouchées et que du coup c’était non.
Deux filles avaient filmé ce qu’ils se passaient, les policiers ont eu accès aux contenus et les ont effacés et sont allés jusqu’à vérifier si rien n’avait été publié sur les réseaux. […]
Je suis sortie de là choquée, gelée, en tremblant et prête à m’effondrer, j’ai essayé de rire un max et d’échanger avec les filles en cellule mais j’ai eu peur de demander quoi que ce soit au policier, peur de leurs réponses, peur de ce qu’ils pouvaient me faire, j’ai eu plusieurs fois envies de me révolter face à ce que j’ai vu entendu mais je me sentais paralysée face à la peur qui s’est emparée de moi, peur de me prendre des coups, de ne pas sortir, ils avaient le contrôle sur nous et le savaient ! Je suis sortie vers 21:00, les garçons bien plus tard, je sais que certains sont sortis après minuit… Ce jour je ne sais toujours pas pourquoi j’ai été arrêtée ni si je vais avoir une amende, je ne sais rien. »
K. – « Depuis ce jour, j’ai la boule au ventre »
« Ce dimanche 24 j’ai participé à la manif contre la justice raciste et de classe (qui commençait à 14:00. À 14 :20, j’y étais avec ma sœur et mon amie. La manif avait fini avec la pression de la police à 14 :45, ils ont demandé que l’on quitte la place. Avec ma sœur et mon amie, nous trouvons injuste de devoir gentiment partir sans demander notre reste. Alors nous sommes restées un peu plus loin car d’autres personnes refusaient de partir. Nous étions toujours à distance afin de respecter les mesures sanitaires mais aussi pour ne pas être mêlées à certains vandales, nous n’avons eu aucun geste agressif.
A 16:00 nous avons été encerclés à la Gare centrale par la police, ils ne laissaient partir personne.
Avec ma sœur on décide de prévenir notre mère de ce qu’il se passe afin qu’elle puisse nous aider à réagir et au cas où elle n’aurait plus de nouvelles de nous, car bien optimiste que je suis, ça sentait quand même bien la merde.
Le reste du groupe encerclé, nous avons tous été un.e par un.e fouillé.e.s et ensuite menotté.e.s sans nous dire pourquoi. Ce serait pour vérifier si nous avions bien participé à la manif, a dit un policier (car pour nous sauver nous avions tenter de leur dire que nous n’y étions pas, ce qui n’a rien changé…), que nous étions en arrestation administrative que nous n’aurions rien dans notre casier judiciaire (que c’est rassurant…) et les mains attachées (avec des colsons) car nous pourrions être des personnes agressives.
La seule chose que nous avons fait est d’avoir participé à une manifestation qui était calme, pacifique et respectueuse des directives sanitaires.
Nous avons été mises dans un fourgon avec une vingtaine d’autres jeunes, tous dans l’incompréhension de cette situation aberrante. Nous nous sommes quand même forcés à rire de ce qui nous arrivait car c’était ce qu’il nous restait, rire ensemble afin de montrer aux policiers que ça ne nous atteignait en rien. Alors qu’au fond nous avions tous peur.
J’étais à côté de mon amie, ma sœur à côté d’une fille du même âge que nous. Les mains attachées j’ai réussi à appeler ma mère en cachette, je lui ai dit que nous avons été embarquées et que nous allions être conduits à la caserne d’Etterbeek, qu’on ne sait pas quand on sera libérées puis j’ai coupé. J’ai pris quelques photos du fourgon.
Arrivé là bas vers 17:00, nous avons été parqués dans des cellules non mixtes et laissés là sans rien nous dire (nous avons toujours les mains attachées) je prends des photos de la cellule et je remarque qu’il n’y aucune caméra. Soulagée que je n’allais pas être repérée mais horrifiée de savoir qu’il pourrait nous arriver n’importe quoi sans aucune preuve vidéo. […]
La policière me dit qu’on va directement passer à la fouille. On refouille donc mes affaires mais cette fois-ci on me les prend (sac, gsm, plus rien dans les poches) et elles sont mises dans un sac plastique, je demande pourquoi alors que j’ai déjà été fouillée, elle disait que c’était pour ne pas qu’on utilise nos affaires personnelles comme arme entre nous ou contre eux.
On prend en photo ma carte d’identité et on me dit que l’on va prendre aussi mon visage, je leur demande pourquoi ? Il me dit que c’est pour voir sur les photos si j’ai participé à la manif, je ne réponds rien et me laisse prendre en photo. Je signe un papier attestant que mes affaires sont scellées dans un sac. Elle me donne ensuite une bouteille d’eau et une gaufre.
Je sors du bureau et je remarque qu’on dépasse la cellule où j’étais, j’ai envie de crier à ma sœur et mon amie que tout va bien qu’on me conduit dans une autre cellule, mais rien ne sors, je suis paralysé par la peur qu’on m’engueule et que pour me punir que l’on me sépare d’elles, j’essaie alors de les apercevoir derrière le grillage on leurs montrant avec ma main vers où je vais même si je ne suis pas sûre qu’elles m’ont vue. […]
Je papote avec certaines et je réalise que beaucoup n’avaient rien avoir avec la manif, certaines étaient allées avec leurs groupes de danse à la gare centrale pour tourner un clip. J’étais abasourdie. À leur place j’aurai pété un câble […].
Nous entendions les garçons faire du bruit et taper contre les portes de leurs cellules. Un moment ce n’est plus du bruit qu’on entend mais des cris, alors on s’approche toutes des portes pour essayer de voir tant bien que mal à travers les grillages ce qu’il se passait en face. On voyait des policiers en armures entrer dans leur cellule et repartir avec un garçon traîné au sol, des policiers étaient restés dedans et ils avaient éteint la lumière pendant un temps puis ils sortaient. Aujourd’hui, on sait qu’ils étaient en train d’en tabasser certains.
Avec les filles nous demandions à la policière devant la porte ce qu’on attendait, car on nous avait dit qu’on allait être interrogées et savoir quand nous allions être relâchées. Elle disait qu’elle ne savait pas, qu’il fallait demander au chef, elle ne nous regardait même pas, alors on lui demande où est ce chef, elle nous répond : « Je ne sais pas. » On se regarde et comprend qu’elle se fout bien de nous. […]
Une fille et ma sœur demandent si nous allons recevoir une attestation qui prouve que nous avons été détenus, le policier dit non, qu’ils ont encodées nos donnés mais que nous n’allions rien avoir comme preuve et que si nous continuons à nous plaindre on y passerait la nuit. […]
On sort de la caserne, il est 21:00, on a à peine le temps de dire au revoir à une fille que toutes les autres sont parties, fuir loin cet endroit. Depuis ce jour, j’ai la boule au ventre. J’ai peur d’être reconnue par la police et de ne pas être considérée. C’est choquant de comprendre que la police est intervenue de cette façon, juste parce que nous manifestions. Vouloir dénoncer une justice qui n’est pas la même pour tous, serait-il devenu un crime qui justifierait d’être insultée, menottée, embarquée, enfermée, par les forces de l’ordre ? »
R. – « Des policièr.es accélérèrent le pas pour m’arrêter sans justificatif, me fouiller et prendre mon identité »
« Je n’ai pas été arrêté, mais, alors que je suis resté seul et à bonne distance de la manifestation durant toute sa durée, et à bonne distance de la police après la dispersion du rassemblement, plusieurs policier.es se sont déployées vers moi et d’autres personnes, qui elles aussi, observaient, souvent seules et à distance les arrestations en cours au mont des Arts (environ 3 ou 4 jeunes personnes arrêtés, entourées de 3 policiers en civil minimum, de plus de 5 autres policier.es en uniforme, une rangée de CRS faisant un arc de cercle autours d’eux, et 4 chevaux montés faisant barrages entre les jeunes et d’autres possibles observateur.trices).
Lorsque plusieurs policiers se sont dispersés par petits groupes dans ma direction, je décidai de descendre vers la Bourse en marchant. Des policièr.es accélérèrent le pas pour m’arrêter sans justificatif, me fouiller et prendre mon identité. J’ai vu qu’une autre personne à coté de moi subissait le même traitement. Lorsque j’ai paniqué face à leur arrivée j’ai eu comme seul réponse « Ça va, arrête ton cinéma, et retourne-toi contre le mur ».
Mon identité fut prise et on me souhaita une « Bonne journée Monsieur » sans répondre à mes « Pourquoi ?« . J’ai demandé « C’est nouveau ce genre de contrôle ? Ça va être comme ça de plus en plus ? » une policière me répondit « Oui, c’est comme ça maintenant » avant de me laisser partir. Cela pour affirmer que des personnes isolées qui observaient le travail des policiers depuis 50m de distance, 1 heure après la dispersion du rassemblement, se sont vues à moitié coursées, fouillées et contrôlées sans raison donnée. »
E. – « Les enfants ont été fouillés, collés au mur »
« J’étais au rassemblement contre la justice de classe dimanche et j’ai été témoin d’arrestations vers 15h derrière l’église. […] Quand je suis repartie je suis allée vers le centre en passant par la rue Magdalena. Arrivée au croisement de la rue des Éperonniers, j’ai entendu du bruit, je me suis retournée et j’ai vu trois jeunes (je dirais dans les 15 ans) se faire arrêter alors qu’ils étaient dans la file de la friterie qui est là. Je ne sais pas ce qu’ils s’est passé juste avant, je n’ai pas fait attention à la file en passant devant 5 secondes avant l’arrestation mais tout était calme. Les enfants ont été fouillés, collés au mur. Ils sont restés super calmes. Ils ont été colçonnés assez vite les mains dans le dos. Ensuite les flics les ont déplacés assez violemment vers la camionnette et ils sont restés contre la camionnette assez longtemps. Une personne filmait à ce moment-là et plusieurs personnes s’étaient arrêtées pour regarder malgré les menaces d’un flic qui disait de pas filmer et de pas rester, qu’ils pouvaient nous arrêter aussi. Les jeunes ont été embarqués quand il n’y a plus eu personne autour des camions parce qu’un autre mec était en train de se faire arrêter et que tout le monde était concentré sur lui.
Les 3 combis étaient vraiment stationnés pour empêcher de voir ce qui se passait entre. »
N. – « J’étais à côté d’une inconnue plus jeune et encore plus apeurée que moi, elle était au bord des larmes »
« J’étais à la manif ce dimanche 24 janvier et je me suis retrouvé dans la nasse des policiers à Gare centrale puis j’ai été relâché après que les flics aient pris une photo de ma carte d’identité et de mon visage. La police parle de 232 arrestations, est-ce que je suis compté dedans ? Cela veut donc dire que j’aurai une amende ?
On était à la manif avec des amis et on est restés après, mais on n’a jamais été en position de provocation ni de confrontation avec la police. On est restés chaque fois à l’écart et on bougeait un peu plus loin chaque fois que la police demandait, on se voulait observateur des événements. Puis sans qu’on comprenne vraiment comment, à coup de mouvement de foules créés par des brigades de la police, on est plein à s’être fait encercler par les flics. Ils bloquaient chaque rue, on demandait calmement comment partir mais ils ne voulaient pas nous laisser passer.
Ils étaient stressés comme jamais, comme si ça allait partir en vrille alors qu’ils étaient clairement en surnombre pour que quoi que ce soit n’arrive. Au final on était une centaine dans la nasse – pas du tout covid – à ne pas savoir ce qu’il se passait, pendant 1 heure. Aucun policier ne pouvait nous dire ce qui allait nous arriver. J’étais terrorisé.
J’avais peur que certains dans la nasse fassent une connerie et qu’on paye tous le prix… ou que la police nous charge sans qu’on sache pourquoi. J’étais à côté d’une inconnue plus jeune et encore plus apeurée que moi, elle était au bord des larmes, elle passait par là sans rien à voir avec la manif et ne comprenait pas pourquoi elle aussi s’est retrouvé dans la nasse. À certains moments des policiers venaient chercher des personnes dans la nasse sans motif apparent (la personne n’avait pas montré de signe de violence/provocation auparavant). Après une heure on nous a relâchés un par un, j’ai pu quitter les lieux après avoir fait une photo de ma carte d’identité et de mon visage. On m’a dit de déguerpir et puis c’est tout. Un de mes amis qui a demandé à 3 policiers différents ce qui allait nous arriver, à eu droit à 3 réponses différentes : 1) « Vous allez recevoir une amende pour être resté alors qu’on vous avait demandé de quitter les lieux » 2) « Vous allez recevoir une amende pour non-respect des mesures covid » 3) « Je ne sais pas monsieur« …
Je ressors de cette expérience totalement terrifié par la police et avec plein d’interrogations. Est-ce que mes amis et moi allons avoir une amende ? Pourquoi certaines personnes se sont retrouvées au cachot et pas moi et qu’ont-elles fait de plus que moi ? »
28.01.2021 – Filmer la police est un droit : deux policiers jugés coupables de vol d’usage
Cinq longues années après les faits, le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu son verdict : les deux policiers qui avaient saisi la caméra de l’équipe de reporters de ZinTV en octobre 2015 ont été jugés coupables de vol d’usage.
La juge a reconnu que la caméra a bien été soustraite des mains des reporters, même si les faits se sont déroulés sans violence. Selon le tribunal, il était évident que les deux journalistes n’avaient pas consenti à ce que leur caméra soit confisquée, et l’inspecteur ainsi que l’inspecteur en chef le savaient, car les journalistes avaient clairement exprimé leur mécontentement. La juge a condamné avec des mots fermes l’acte illégal que constitue la saisie de cette caméra. Elle a rappelé qu’il n’est en général pas interdit de filmer la police en action mais surtout qu’en aucune circonstance, des policiers ne peuvent saisir une caméra ou en effacer le contenu.
Le tribunal a retenu comme facteur aggravant le fait que les personnes qui ont commis ces faits soient des policiers. Il est donc prouvé pour le tribunal que la caméra a été manipulée par les policiers avec l’intention de vérifier ce qui a été filmé mais il subsiste par contre un doute pour la juge sur le fait que les images aient été endommagées ou effacées de manière intentionnelle par l’inspecteur en chef qui était également jugé pour. Compte tenu de l’absence d’antécédents judiciaires des deux policiers, du délai raisonnable qui est dépassé après 5 ans de procédure, que ces policiers aient dû subir une enquête en interne et que le fait d’être confrontés au tribunal est une peine en soi, la juge leur a accordé le bénéfice de la suspension du prononcé de la condamnation.
Comme l’ont souligné ZinTV et ObsPol à maintes reprises, depuis quelques années, nous assistons à une intensification et un élargissement de la répression à l’égard des mouvements sociaux. Si les violences policières ont toujours touché les quartiers populaires, les témoignages qui font état d’abus, de discriminations et de brutalités de la part des forces de l’ordre se multiplient. Il est donc plus que nécessaire de rappeler que filmer l’action policière est un droit fondamental. Or sur le terrain les policier.e.s maintiennent souvent la confusion, ou tentent de dissuader les citoyen.ne.s de filmer leurs actions. Ces intimidations mettent en danger le droit d’informer et la liberté d’expression. Par ailleurs, ces images sont essentielles pour apporter la preuve d’une infraction commise par les fonctionnaires de police et pour alerter l’opinion publique sur la réalité de la violence exercée par l’État chaque jour.
Nous invitons donc, sur base de ce jugement toute personne qui photographie ou filme les actions (ou dérives) de la police à ne pas se laisser intimider par d’éventuelles menaces injustement proférées. Il s’agit là d’un droit inaltérable et la police agit illégalement lorsqu’elle s’y oppose, saisit la caméra ou pire encore quand elle force la suppression de données sur un support tel qu’une caméra, un appareil photo, un smartphone, etc. Le fait d’être photographié ou filmé durant une intervention ne devrait pas constituer une gêne pour des agents de police n’ayant rien à se reprocher.
[Source :ZinTV]
24.01.2021 – Un exercice pratique grandeur nature pour plus de répression programmée ?
Une manifestation « Stop à la Justice de classe, stop à la Justice raciste » organisée par la gauche radicale et anti-raciste devait se tenir afin de dénoncer le double standard appliqué par la Justice entre, d’un côté, la condamnation de syndicalistes à une peine de prison avec sursis pour avoir bloqué une route dans le cadre d’une grève générale pour défendre les droits des travailleuses et travailleurs et de l’autre, l’impunité à l’égard de policiers dans notamment les affaires Mawda, ou encore la demande le non-lieu de la plainte contre le policier qui a percuté mortellement le jeune Adil, 19 ans et aussi dans le cadre des récents décès lors de détentions policières comme pour Ibrahima ou encore Ilyes. Interdite au départ elle avait été maintenue et tolérée en tant que rassemblement de 45 minutes.
Sur place les quelque 150 manifestant.e.s ont pu observer, comme les autres personnes passant par là, un déploiement policier hors norme. Probablement en vue de dissuader de se rendre au point de rassemblement, les policier étaient très nombreux se permettant de demander sans autre raison, où les passant.es comptaient se rendre en précisant que le rassemblement n’était pas autorisé, mensonge policier évident.
On estime à 400 les policiers de tout le pays mobilisés pour encadrer ce rassemblement, alors qu’à quelque centaines de mètres un autre rassemblement « climat » ne semblait pas inquiéter plus que ça…
Le rassemblement s’est déroulé dans le calme et s’est dispersé après 45 minutes comme convenu… c’est ensuite que la répression s’est abattue sur les gens!
Nous avons reçu et entendu un grand nombre de témoignages les uns plus inquiétants que les autres, se recoupant dans l’effroi et la souffrance endurés. Il est particulièrement remarquable que près de 90 mineurs d’âge (sur les deux zones), soit des enfants, ont été traités avec brutalité, injustice et inhibition caractérisée en totale illégalité.
150 participants et 250 arrestations, si ce n’est pas de l’intimidation et de la menace pour effrayer toute contestation, de quoi s’agit-il donc? Un exercice pratique pour s’habituer sur le terrain à réprimer, tabasser, arrêter, … ?
Une fois encore, si vous avez été victime ou témoin de brutalités policières, si vous avez été arrêté.e arbitrairement : témoignez ! C’est la seule façon de prouver la répression des mouvements citoyens et de démontrer que les abus de la police font aussi partie d’une stratégie politique !
18.12.2020 – Dans un arrêt récent, la CEDH juge que les fouilles à nu injustifiées constituent une violation de l’article 3
Dans un arrêt Roth c. Allemagne 6780/18 du 22 octobre 2020, la Cour européenne des droits de l’homme a examiné la requête de Peter Roth, ressortissant allemand né en 1960 et purgeant une peine à la prison de Straubing. Il alléguait que des fouilles à corps aléatoires avaient été pratiquées dans la prison où il était détenu et que les tribunaux avaient refusé de lui accorder des dommages et intérêts pour préjudice moral.
À la prison de Straubing, un détenu sur cinq, choisi au hasard, faisait auparavant systématiquement l’objet d’une fouille à corps avant ou après chaque parloir. Les détenus qui y étaient soumis devaient se déshabiller entièrement et se pencher pour subir une inspection anale. En novembre 2016, la Cour constitutionnelle fédérale déclara que cette pratique était inconstitutionnelle.
M. Roth engagea plusieurs actions devant les juridictions pénales pour se plaindre des fouilles à corps qui lui avaient été imposées. En 2016 et 2017, les tribunaux jugèrent que certaines de ces fouilles étaient illégales. Toutefois, lorsque le requérant sollicita l’aide judiciaire pour engager une action en responsabilité administrative, les tribunaux estimèrent que les décisions déclarant illégales les fouilles contestées constituaient une réparation suffisante et qu’il n’y avait donc pas lieu de lui accorder des indemnités. En conséquence, ils jugèrent qu’une action en responsabilité administrative n’avait pas suffisamment de chances d’aboutir et rejetèrent la demande d’aide judiciaire formée par le requérant.
M. Roth alléguait que les fouilles à corps répétées qu’il avait dû subir avaient emporté violation de ses droits découlant en particulier des articles 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l’homme.
Verdict :
- Violation de l’article 3
- Violation de l’article 13 combiné avec l’article 3
- Satisfaction équitable : 12 000 € pour préjudice moral, ainsi que 770,53 € pour frais et dépens.
Une jurisprudence qui pourrait s’avérer utile dans les affaires en cours relatives aux violences exercées à l’égard de manifestant.e.s, souvent soumis.e.s au même traitement…
[Source : Résumé publié dans le communiqué de presse de la CEDH]
27.11.2020 – Manifestation Adil à Anderlecht : « Nous n’avions pas marché 100 mètres quand est arrivée vers nous une ligne de policiers anti-émeutes, une auto-pompe, des chiens et une section de policiers en civil et cagoulés«
Plusieurs témoignages ont été portés à notre connaissance dans le cadre du rassemblement ce 27 novembre 2020 à Anderlecht (Bruxelles). Ce rassemblement s’est organisé suite à l’information que le Parquet de Bruxelles requiert un non-lieu pour les policiers impliqués dans la mort du jeune Adil, fauché par une voiture de police en avril dernier (2020).
Force est de constater qu’au lieu de privilégier le dialogue et la prévention, une fois de plus, les forces de l’ordre ont fait étalage de leur sur-puissance. En effet, quelques instant après que la marche ait démarré, les manifestant.e.s qui n’avaient parcouru qu’une centaine de mètres voient s’interposer devant eux une rangée de policiers « harnachés, casqués, et brandissant boucliers et matraques, immédiatement suivis par une autopompe« , comme en témoigne Marc De Koker, coprésident du conseil de prévention de l’arrondissement de Bruxelles, et directeur de l’association d’aide en milieu ouvert AMO Rythme dans la Libre du 2 décembre 20201 :
« Je m’attendais à voir arriver un peu de police mais je ne m’attendais pas à en voir autant. Nous n’avions pas marché 100 mètres quand est arrivée vers nous une ligne de policiers anti-émeutes, une auto-pompe, des chiens et une section de policiers en civil et cagoulés » raconte un.e manifestant.e. « Nous avons arrêté de marcher, mis les mains en l’air et nous nous sommes agenouillé.e.s à terre.«
Quelques minutes plus tard, un deuxième cordon de Robocobs se met en place derrière les manifestant.e.s pris au piège.
« Nous étions donc nassé.e.s entre deux ligne et deux auto-pompes, et les deux lignes se rapprochaient pour nous serrer en étaux. Il y avait un nombre impressionnant de policiers« .
À ce moment des policiers cagoulés entrent dans la nasse pour extraire des gens de force, brutalement. Qui ordonne donc ce comportement agressif et intimidant, clairement destiné à faire peur ?
» Je les ai vus le [manifestant, ndlr] traîner par terre, s’agenouiller sur lui et lui faire des clefs de bras et de jambes« .
Un autre témoignage indique :
« On leur a demandé de nous laisser partir en promettant de se disperser. Ils n’ont rien voulu entendre et ont commencé à arrêter les gens un à un. Plusieurs personnes ont été violentées gratuitement lors de ces arrestations.«
Certain.e.s ont été emmené.e.s aux casernes d’Etterbeek, d’autres au commissariat à Anderlecht. Les policiers s’y en donnent à cœur joie !
« J’ai été amenée au commissariat de Démosthène. Là, deux policières m’ont prise à part dans une pièce et m’ont ordonné de me déshabiller complètement (sous-vêtements compris) et de faire des génuflexion » […] » Ensuite j’ai pu me rhabiller avec une seule couche.[…] Elles m’ont aussi confisqué mes lunettes. Je leur ai dit que j’étais ultra myope, quasi aveugle sans lunettes et que ça m’angoissait de ne pas pouvoir les avoir avec moi.«
Mais rien n’y fait et le traitement gratuitement humiliant se poursuit lorsque, n’étant pas en mesure de lire le document à signer en raison de sa myopie, c’est le policier qui a lu le papier ! Même lors de son transfert en bus vers un autre lieu de privation de liberté, les lunettes de cette personne ne lui sont pas remises !.
« Je sais que trois autres filles ont été enfermées de façon similaire. Au moins une d’entre elles a subi une fouille à nu également.«
Pourtant il semble qu’ici une simple fouille de sécurité aurait pu suffire. Quel plaisir trouver à bafouer le droits au respect et à humilier les personnes en les mettant à nu ?
Certaines personnes arrêtées ne participaient même pas au rassemblement (comme déjà constaté lors du nassage de la manifestation des personnels de Santé en lutte le mois dernier…), l’une d’elles aurait présenté des traces de strangulation. Le transport vers les casernes ne s’est pas non plus déroulé correctement sans incident, certain.e.s rapportent des violences dans le bus par des policiers et policières ayant pris la précaution de retirer leur matricule.
Vers 20:30, les personnes ayant été privées de liberté sont ramenées en bus vers la gare du Midi. Une expression citoyenne de plus réprimée dans la démonstration de force et truffée de violences policières.
[Source : Témoignages ObsPol]
25.11.2020 – Procès Mawda : 3ème et dernier jour d’audience
L’audience prévue à 9h, débute à 9h30 (en raison d’un problème technique) par les répliques des parties civiles et du ministère public.
Me Benkhelifa estime que toutes sortes de questions secondaires sont venues parasiter le débat et empêcher de répondre à la seule vraie question, celle de la qualification juridique du tir policier. Le fait d’avoir sorti son arme, de l’avoir chargée et d’avoir tiré détermine le caractère volontaire du tir. Quant à l’intention homicide, tirer sur une camionnette pleine de gens est un dol suffisant que pour parler d’homicide volontaire. Et notre « confort » procédural ne suffit pas pour ne pas retenir la qualification exacte des faits afin d’en terminer avec l’impunité liée aux violences policières.
L’avocate générale conteste le fait que le policier n’avait pas d’autre possibilité que de se servir de son arme. Le recours à l’usage de celle-ci est par ailleurs strictement limité et n’est possible qu’en cas d’absolue nécessité. Elle conteste également avoir choisi une qualification des faits pour tenter d’éviter une cour d’assises et soutient que si elle avait été convaincue, même d’un dol éventuel, ce dossier aurait pris un tout autre cours. Mais dans le cas d’espèce, la version donnée par le policier et corroborée par les experts, aboutit à un tir accidentel
Me Kennes répliquera ensuite pour défendre son client, rappeler que si on retient la première partie d’une de ses déclarations (selon laquelle il dit savoir qu’il y avait des migrants dans la camionnette), il faut aussi retenir la suite de celle-ci (selon laquelle il pensait avoir à faire à des voleurs). Il souligne ensuite que les parties civiles ont formulé des griefs qui ne sont pas imputables à son client (notamment quant aux conditions de l’arrestation), qu’il ne voit pas le lien entre les policiers et le ministère public, donnant ainsi l’impression, au-dehors, que le système s’autoprotège. Il ira même jusqu’à parler de populisme pour qualifier l’intervention de Me Benkhelifa. Enfin, pour lui, la question n’est pas de savoir s’il devait avoir conscience du risque létal de son geste mais bien s’il avait l’intention de donner la mort ou de blesser. Il poursuit sur ce qui est dit aux policiers aujourd’hui lors de leur formation sur l’usage d’une arme à feu pendant une poursuite et de la possibilité de tenter de faire arrêter un véhicule en tirant dans ses pneus. Pour conclure, avant de céder la parole à son client, que « c’est toujours le petit qu’on spotche ».
Le policier s’avance alors, une feuille à la main, et lit un texte dont voici quelques extraits : « Si j’avais le pouvoir de remonter le temps… Je sais qu’il est parfois difficile de pardonner. La mort d’un enfant, c’est insupportable…. Je peux vous jurer : jamais je n’ai voulu ce qui s’est passé, jamais » S’adressant au tribunal : « Je ne sais pas ce que sera votre décision ni ce que sera notre avenir. Mais je sais que toute ma vie, j’ai toujours essayé de faire de mon mieux et d’aimer les gens. Pour faire le métier que je fais, il faut aimer les gens. J’ajouterai qu’il est plus compliqué d’aimer que de se faire aimer ». S’adressant aux parents de Mawda : « Je vous souhaite malgré ce drame de trouver le bonheur en Belgique. Ce pays a accueilli ma famille il y a des années et pour le remercier, j’ai décidé de prendre la nationalité belge. Je réitère mes plus sincères regrets. Merci de m’avoir écouté ». La maman de Mawda quitte la salle, en larmes.
Après une suspension d’audience, celle-ci reprend avec la plaidoirie de Me Discepoli pour le convoyeur. Il demande à plaider d’une seule traite et de faire traduire 2 pages remises aux interprètes et reprenant l’ensemble de son argumentation factuelle et juridique. Il souligne que quand il y a un naufrage, le passeur fait figure de coupable idéal. Il reprochera au ministère public de s’appuyer, pour reconnaître en son client le passeur, sur un témoignage anonyme, ce qui est contraire à l’article 189 du Code d’Instruction Criminelle et signale qu’il pourrait déjà arrêter de plaider. En effet, la condamnation d’une personne ne peut être obtenue de manière exclusive ou à tout le moins déterminante par un témoignage anonyme mais doit être corroborée par d’autreS preuveS (au moins 2). Il retrace pourtant le phénomène de criminalisation du passeur, datant de 1995 (et le passage possible sous la Manche) et introduit par une loi de 1995 dans l’art. 77bis de la loi de 1980. Il rappelle que son client est déjà poursuivi à Liège pour ces faits et qu’à Liège la veille et à Mons aujourd’hui, il est poursuivi avec la circonstance aggravante de mort. Il avait plaidé la jonction des causes en chambre du conseil, sans succès. Trois niveaux de parquet sont de ce fait concernés pour un même dossier (le procureur du roi et l’avocate générale à Mons et le parquet fédéral à Liège) alors qu’il y a manifestement un lien entre les 2 dossiers. Mais qu’il y a toute une série de choses que nous ne connaissons pas (la balise sous la camionnette par exemple relève d’un dossier du nord du pays). Il dira encore qu’aucun témoignage ne vient confirmer le fait que son client aurait donné des ordres au chauffeur. Il relèvera enfin des défauts de procédure pouvant entraîner la nullité des débats…laissant entendre par là qu’il ira jusqu’en cassation s’il le faut…Après avoir encore développé l’un ou l’autre argument (relatifs à des panels photographiques, des témoignages du témoin anonyme divergents à une année d’intervalle, etc), il finira par demander au tribunal une décision d’ACQUITTEMENT, au bénéfice du doute, même si pour lui il n’y a pas de doute. L’audience de la matinée se termine ainsi.
A 13:45, elle reprend avec les plaidoiries des 2 avocats du chauffeur. Me Gillis d’abord plaidera, d’une traite lui aussi, sur les faits et les PV qui sont dans le dossier, soulignant que dans ce dossier il n’y a que des perdants et demandant d’emblée et à toute force l’acquittement de son client pour les préventions A et B. Il l’a rencontré dans sa prison au sud de Londres en février 2019. Dans ce dossier, plus de 15 personnes ont soit dit que le chauffeur était quelqu’un d’autre, soit que ce n’était pas lui ou que le chauffeur a pris la fuite. Il s’attardera ensuite longuement à démonter les charges pesant sur son client, dans une langue qui n’est pas la sienne (ce qui risque de desservir son client).
Après une nouvelle suspension d’audience, Me De Beco plaide. Factuellement, il a été prouvé par la plaidoirie de Me Gillis que leur client n’était pas le chauffeur. Juridiquement, il aurait fallu que la mort de Mawda, pour constituer une circonstance aggravante à l’entrave méchante à la circulation résulte du fait même de celle-ci. Or, c’est le tir du policier qui a entraîné la mort de la petite. Le procureur du roi en prend pour son grade… D’autant que l’avocat rappelle que le dossier des passeurs sera réglé à Liège. Et demande de considérer que pour entrave méchante à la circulation, 2 ans 1/2, cela suffit.
S’ensuivront de nouvelles répliques par rapport aux plaidoiries des avocats de la défense. Avec de nouveau Me Benkhelifa pour les parties civiles qui demande une requalification (la mort de la petite est le fait du tir policier), un dommage par rapport à l’entrave méchante à la circulation (surtout pour l’enfant de 4 ans – le frère de Mawda), regrette que ces faits soient séparés entre Liège et Mons et soulignent que ses clients ne reconnaissent pas ces personnes et que c’est donc au tribunal de dire si elles sont coupables ou pas.
L’avocate générale dira que si les dossiers ont été séparés, c’était pour ne pas se retrouver avec un dossier mammouth dès lors qu’un dossier pour trafic d’êtres humains devait être envisagé et que c’est un hasard si les 2 dossiers trouvent leur épilogue simultanément. Il ressort des devoirs d’enquête que la balise a été posée par les autorités françaises et qu’un seul policier belge en avait connaissance. Elle conclut en disant que cette balise n’a aucune incidence sur les faits. Elle rappelle enfin les éléments sur lesquels elle s’est appuyée pour démontrer que la culpabilité du convoyeur ne provient pas de manière déterminante du témoignage anonyme (ADN, compte Facebook, etc). Par rapport au chauffeur, s’il est vrai qu’aucun des migrants n’a pu donner l’identité de celui-ci, c’est, selon elle, parce qu’ils avaient peur pour la sécurité des familles restées au pays et que leur volonté était de passer en Angleterre. Le témoin anonyme était donc la seule solution pour pouvoir glaner quelques informations un peu plus précises. Enfin, il résulte d’une manière claire que toute fuite était matériellement impossible. Le conducteur et le convoyeur se trouvaient donc bien à bord au moment de l’interpellation. Et l’ADN du premier est retrouvée sur le volant, ce qui démontre qu’il était bien à l’avant de la camionnette et qu’il était le chauffeur de celle-ci. Elle terminera en disant être la première à regretter la longueur de la détention préventive
Le procureur du roi essaiera tant bien que mal de démonter le fait qu’il a été dit que si le tribunal suit le réquisitoire du ministère public, le jugement serait cassé par la cour de cassation, s’appuyant cette fois non plus sur la doctrine mais sur la jurisprudence.
Mes Discepoli, Gillis et De Beco pourront alors de nouveau répliquer brièvement avant que le procès n’arrive tout doucement à son terme.
Et que le mépris du tribunal ne se donne à voir dans toute sa splendeur !
La parole est en effet donnée aux accusés, pour savoir s’ils confirment le fait que leurs conseils aient demandé un acquittement et, à titre subsidiaire, une application clémente de la loi pénale. La parole leur est ensuite, logiquement donnée. Le chauffeur commencera par dire ; « J’ai beaucoup de choses à dire ». Avant que la présidente lui demande de ne pas répéter ce que ses conseils ont déjà dit. Il parlera ensuite 5 bonnes minutes pour expliquer qu’ils ont été traités de manière inhumaine, pourquoi il a quitté son pays avec sa femme enceinte, qu’il a perdu la trace de celle-ci en Turquie fin 2015 et qu’il a continué son voyage, seul. La présidente l’interrompt de nouveau pour lui demander de revenir sur les faits qui lui sont reprochés. Elle décidera même d’une suspension d’audience de 5 minutes, lui refusant de poursuivre 2 ou 3 minutes sur les circonstances de la perte de sa femme. Quand il reviendra à la barre, il dira encore ces quelques phrases : « Je vais essayer d’être bref et de ne pas perdre votre temps. Je suis arrivé en France, désespéré. J’ai rencontré des personnes qui ont promis de chercher mon épouse et de passer en Angleterre. Je devais préparer du riz pour eux. Je voulais vous expliquer comment j’ai atterri dans ce milieu. Je suis coiffeur de profession. Cela fait 12 mois que je coupe les cheveux de mes compagnons de cellule. Je voulais que vous sachiez que je suis quelqu’un qui a beaucoup de rêves. Pour le reste, mes avocats ont tout dit. Je remercie mes avocats et vous aussi Mme la présidente. J’espère que vous me donnerez une chance ».
Le convoyeur aura ensuite ces mots : « Naturellement, je marque mon accord sur ce que mon avocat a plaidé. Je n’ai pas grand-chose à dire non plus. Je veux exprimer mes tristes sentiments par rapport à ce qui s’est passé ce jour-là. Croyez-moi, Mme la présidente, ce soir-là, après ce que nous avons vécu, je n’oublierai jamais cela de ma vie. Je suis tout simplement une personne illégale [sic]. Je n’ai rien à voir avec le trafic d’êtres humains. Et je ne le ferai jamais. »
près avoir reproposé une dernière fois au policier une prise de parole, la présidente annoncera que le jugement sera rendu le VENDREDI 12 FÉVRIER 2021 A 13H.
[Source : Groupe montois de soutien aux sans-papiers]
24.11.2020 – Procès Mawda devant la Cour correctionnelle de Mons
Les 23 et 24 novembre dernier s’est tenu le procès à Mons. ObsPol a pu assister aux audiences. Récit.
La famille de la petite fille kurde est soutenue par de nombreux collectifs qui militent contre les violences policières et le racisme. De nombreuses personnalités ont manifesté leur soutien, en Belgique ainsi David Murgia et Yannick Renier ou encore Thomas Lavachery, comme à l’étranger, parmi lesquels le réalisateur britannique Ken Loach ou encore le bassiste du groupe Pink Floyd, Roger Waters.
Après avoir été repoussé de plusieurs semaines à cause de la crise du coronavirus, le procès « Mawda » s’est ouvert lundi 23 novembre 2020 à Mons.
Seul un nombre très limité de personnes (8 !) a accès à la salle d’audience en raison de la crise Covid, et le théâtre qui montre le procès en streaming n’est accessible qu’aux journalistes. Il est strictement interdit à toute personne du public. La présidente précise que la limitation est faite en raison dues règles Covid et que l’affaire est gérée par le Parquet général, celui-là même qui avait donné des informations erronées lors de la mort de Mawda. La publicité des débats s’en trouve dès lors sérieusement restreinte.
Trois personnes se retrouvent sur le banc des prévenus. Victor-Manuel Jacinto Goncalves, le policier ayant tiré avec son arme de service est poursuivi pour homicide involontaire par défaut de précaution. Le conducteur présumé de la camionnette ainsi que le passeur présumé doivent répondre des chefs d’entrave méchante à la circulation avec circonstance de mort et rébellion armée, détenus depuis plusieurs mois et à qui il n’avait même pas été permis de se présenter correctement au tribunal mais en pantoufles. Ils ont d’ailleurs dénoncé ceci tout comme leurs conditions déplorables de détention ne leur permettant pas de se doucher ou de voir un médecin.
Le policier, libre lui, est défendu par Me Laurent Kennes.
Le chauffeur de la camionnette est défendu par Me Dimitri de Béco (Barreau de Bruxelles) et Me Thomas Gillis (Barreau de Gand) et le convoyeur, considéré comme le passeur, défendu par Me Frank Discepoli (Barreau de Mons).
Le SPF Intérieur est aussi représenté lors du procès au cours duquel il sera aussi posée la question de la formation des policiers dans le cadre des opérations « Médusa« .
Les parties civiles, avaient demandé une requalification en meurtre pour renvoyer ce dossier devant les Assises, mais cette demande n’a pas été suivie par la Chambre du Conseil. Elles sont défendues par Me Selma Benkhelifa (Barreau de Bruxelles), Me Loïca Lambert et Me Olivier Stein.
Les faits en bref
Les faits se déroulent dans la nuit du 16 au 17 mai 2018. Une camionnette transportant 28 migrants file sur l’autoroute E42 en direction de la France à 100 km/h. La camionnette est poursuivie par quatre voitures de police de Namur. Une cinquième voiture de police des autoroutes venue de Mons s’ajoute à la course-poursuite. Il est 2:00 du matin. Deux minutes plus tard, un coup de feu est tiré et blesse mortellement la petite Mawda.
[Écouter aussi l’analyse de l’affaire par Michel Bouffioux, journaliste, et Selma Benkhelifa,dans le Podcast de La Diaspora chuchote]
Le déroulement de l’audience
En première partie ce sont les deux experts qui sont auditionnés.
Le médecin légiste bruxellois qui avait procédé à l’autopsie de la fillette âgée de deux ans, tuée d’un coup de feu. Selon son dernier rapport, l’enfant se trouvait à l’avant de la camionnette, ce qui est contesté par les parents.
L’expert balistique explique qu’un tir par réflexe ou par crispation « est possible« , compte tenu de la pression qui doit être exercée sur la détente. À la suite d’une question des avocats des parties civiles il devient hésitant et précise qu’une arme de ce type avec la force nécessaire à la détente, soit 28 newton (équivalant à 3 kg) et un déplacement de la gâchette de presque un centimètre a pour vocation d’éviter un tir accidentel. « Le tir accidentel est difficile, mais cela reste une possibilité. Un tir par réflexe ou par crispation est plausible. » Donc aucune certitude possible.
Interrogés par la présidente, les deux inculpés irakiens, affirment ne pas s’être trouvés à l’avant de la camionnette. La présidente Marie Sheila Bastiaans a commencé par interroger le plus jeune des Irakiens considéré comme le chauffeur de la camionnette, lequel maintient ses déclarations faites précédemment durant l’enquête. Elle lui a signalé que son ADN avait été retrouvé sur des mégots de cigarette abandonnés sur le plancher de la camionnette. Ces mégots se trouvaient à l’avant alors qu’il a déclaré qu’il se trouvait à l’arrière du véhicule (!). « J’ai fumé ces cigarettes mais je ne sais pas si elles ont été déplacées ou pas« .
Un foulard portant son empreinte génétique a également été retrouvé à l’avant de ce véhicule. « Je ne me souviens plus, il se peut que je portais un foulard. Je sais qu’il faisait chaud et j’ai enlevé mon pull. Cela remonte à deux ans. Je ne sais plus« , a-t-il répondu.
Sur le compte FB de l’autre ressortissant irakien âgé de 27 ans, il y avait une vidéo montrant le trajet de la camionnette. Il ne conteste pas les faits et ajoute que les trafiquants lui ont demandé, depuis l’Allemagne, d’acheter une camionnette et de se rendre vers la jungle de Calais. Il conteste avoir été le convoyeur de cette camionnette lors de la course-poursuite avec la police. Lui aussi déclare qu’il se trouvait à l’arrière de la camionnette. Il dit qu’il a demandé au chauffeur de s’arrêter mais ce dernier ne l’a pas écouté.
Les détails mis en avant par les questions semblent bien vains par rapport au drame.
Vient ensuite l’audition de Monsieur Jacinto Goncalves le policier qui a tiré et tué Mawda.
Il déclare avant son audition qu’il est « policier, mais je suis aussi un homme et un papa avec des sentiments. La mort de Mawda m’a effondré. Je garderai toujours cette image « .
Ensuite il insiste sur le fait qu’il n’aurait pas eu connaissance de la présence d’enfants dans la camionnette et ajoute « Si je l’avais su, je n’aurais jamais sorti mon arme de mon étui « . Ceci confirme par ailleurs le fait qu’il savait bien ce qu’il faisait en sortant son arme.
De plus il admet que » Lors de ma formation à l’académie de police en 2008, il nous était déconseillé de tirer dans les pneus d’un véhicule en mouvement, mais je me suis dit que j’allais essayer, je n’avais pas d’autre choix « .
De quel choix parle-t-il donc ?
Il ajoute : « J’ai tiré une fois par accident « . ce qui semble étonnant par rapport aux déclarations des experts. « Un coup de feu accidentel paraît difficile avec ce genre d’arme car il faut faire déplacer la détente sur une distance de 8,4 mm et une force de 28 Newtons » déclarait l’expert en balistique.
L’avocate générale lui demande s’il a pensé à la possibilité que le pneu éclate suite au tir : « […] Moi mon but était de dégonfler ce pneu pour arrêter la camionnette car elle avait une conduite dangereuse« .
Est-ce uniquement parce qu’elle avait une conduite dangereuse ou la conduite dangereuse était-elle induite par la poursuite des véhicules de police ?
Quand avez-vous appris que vous aviez mortellement touché un enfant, lui demande la présidente ? : « Le lendemain matin, à 7:00. Je suis tombé des nues. Au début, on m’avait dit : « Tu n’es pas en cause, c’est un traumatisme crânien« ». Ce qui signifie qu’il savait qu’il y avait une enfant blessée.
Selon l’avocate Selma Benkhelifa, le policier est contredit par son coéquipier. « Il dit qu’il aurait chambré l’arme dans un second temps alors que son coéquipier dit qu’il a pris la décision de chambrer son arme presque immédiatement« . Quelques secondes après le tir, la camionnette s’est immobilisée sur un parking. À l’ouverture de la porte latérale le papa de Mawda a montré son enfant couvert de sang. « La maman a raconté que les policiers étaient armés et les menaçaient de faire un pas de plus en avant, comme si nous étions des terroristes », dira-t-elle.
« Lors de la course-poursuite, ils étaient tous debout dans la camionnette, ils criaient, ils avaient peur. Quelqu’un a cassé la vitre arrière et a jeté un sac de couchage vers les policiers afin de ralentir leur progression. Un policier a ordonné à ses collègues de ralentir en raison de la présence d’enfants« , explique l’avocate. Le policier tireur se trouvait sur le siège passager. « Il a chargé son arme, l’a sortie et il a tiré. Cela s’est passé extrêmement vite, entre 2:01 et 2:02:37. Contrairement aux policiers de Namur, il n’était pas stressé par une longue course-poursuite. Il savait qu’il y avait des migrants, dont des enfants […]«
La première journée a donc vu se confronter deux versions des faits. D’un côté pour la défense du policier, une présentation des faits qui aurait conduit celui-ci à brandir son arme sans savoir qu’un enfant était à bord et pour tenter d’arrêter la course d’une camionnette devenue dangereuse pour les autres usagers. De l’autre, une version qui a mis en évidence un contexte systémique d’une police instrumentalisée par le pouvoir politique dans laquelle ce policier a pris des libertés avec les règles qui lui ont pourtant été enseignées à l’académie de police, au risque de blesser ou de tuer des innocents.
Au deuxième jour du procès, Shamden Shawi, le papa de Mawda, a souhaité s’exprimer devant la cour. « Deux ans après, je n’ai rien oublié », dit-il. « C’est comme si j’y étais encore. Dans la camionnette, il y avait de nombreuses autres personnes, dont une autre famille avec enfants. Mawda était dans les bras de sa maman et mon autre enfant dans mes bras. Mawda se trouvait derrière le chauffeur. Moi, près de la porte, mon fils près de moi. Mawda s’est toujours trouvée avec sa maman. Nous ne l’avons jamais confiée à quelqu’un d’autre. C’est l’autre famille qui a exhibé ses enfants par la fenêtre à la police, pas nous. »
Et Shamden Shawi décrit ensuite de manière claire et critique la façon dont les policiers les traités une fois la camionnette immobilisée sur le parking de Maisières. « Avec mon épouse, nous sommes sortis les derniers de la camionnette », explique-t-il. « En sortant, j’ai repris Mawda des bras de sa maman. Il y avait une fontaine de sang. J’étais choqué. J’ai crié en demandant une ambulance mais les agents de police n’étaient pas polis avec nous. Ils m’ont repris Mawda et m’ont agressé dans le dos et dans la partie basse de mon corps. J’ai crié « ambulance ! » « ambulance ! », je n’ai pas de mots pour décrire cette situation. Ils nous ont traités de manière inhumaine. Quand l’ambulance est arrivée, ils ne nous ont pas laissé accompagner notre fille. L’ambulance est arrivée très tardivement les policiers m’ont immobilisé à deux, je n’ai pas pu aller dans l’ambulance. »
Il relate ensuite le moment où le policier a tiré en direction de la camionnette. « J’ai vu quand le policier a pris son arme. Il a tiré vers nous sans hésitation et sans perdre de temps. Je l’ai vu tirer une seule fois et ça a touché ma fille. Depuis lors, nous sommes traumatisés. Quand mon fils voit un policier en rue, il pleure. Mon épouse n’est plus normale et moi non plus. »
Et pire encore comme si cela n’avait pas été assez dramatique il rappelle que « Après que Mawda soit partie avec l’ambulance, nous n’avons plus pu la voir. Nous ne l’avons revue qu’après l’autopsie. Elle n’était plus dans un état normal. Ça n’est pas humain ».
La maman de Mawda souhaite elle aussi parler mais il lui faut quelques instants avant de pouvoir le faire car submergée d’émotion. Perhast Amer commence en disant « Ça fait 2 ans 6 mois 2 jours et 8 heures depuis l’incident« . Elle précise clairement que « la police a agressé mon mari après avoir jeté Mawda par terre. C’est totalement inhumain la manière dont la police nous a traités. Mon mari et moi étions couverts de sang, mon mari a crié, tâchant de demander une ambulance en urgence, ils savaient qu’on a tiré. Nous n’avons pas été aidés, ils ont pris Mawda et jetée par terre et à deux ont agressé mon mari. Je voudrais que vous entendiez les occupants de la camionnette sur la manière dont la police nous traitait et leur demander ce qu’ils ont vu même si c‘étaient des trafiquants, ils peuvent témoigner car ils ont tout vu. […] Je voulais aller dans l’ambulance mais une policière m’a tirée par les cheveux et traînée hors de l’ambulance. Comment peut-on être si inhumain? Même si c’étaient des terroristes, ce n’est pas un manière de vous traiter !»
Ensuite, s’adressant en larmes, directement au policier Jacinto Goncalves : « Vous et vos avocats avez déjà suffisamment parlé, M. Jacinto dit qu’il a des sentiments en tant que père. Moi aussi en tant que mère. Ce soir-là, Mawda avait faim. Je lui ai préparé du lait. Ça fait deux ans que je le conserve. Je l’ai toujours avec moi. Le chiffon que vous voyez, elle l’avait toujours avec elle. Je peux toujours la sentir grâce à cet essuie. » La maman montre ensuite une mèche de cheveux ensanglantés de Mawda. « Même s’il n’y avait pas eu d’enfants dans la camionnette, pourquoi avez-vous tiré ? Comment vous sentez-vous si vous ne voyez pas vos enfants pendant une journée ? J’ai du respect pour la police et son travail mais je ne souhaite à personne de vivre ce que j’ai vécu. S’ils ont commis des erreurs, il faut que le monde le sache. Idem si j’ai fait quelque chose de mal. Il est impossible qu’il n’ait pas vu les enfants. […] Il savait qu’il y a quelqu’un qui conduit la camionnette, sa vie n’a-t-elle pas de valeur? Il n’est pas normal de traiter les gens comme ça ! Je répète que ma fille a toujours été dans mes bras« .
Mme Godart, avocate générale prend la parole et évoque le contexte :
« Une fois la camionnette des passeurs immobilisée sur un parking, les 27 migrants ont été sévèrement gardés car les policiers pensaient que le coup de feu avait été tiré au départ de la camionnette. L’agent ayant fait feu ne s’était, en effet, pas encore signalé comme étant le tireur. Mawda était morte. »
Dans son réquisitoire, l’avocate générale estime que le policier n’a pas mesuré les conséquences de son tir alors qu’il savait qu’au moins un enfant se trouvait à bord de la camionnette. Elle déplore aussi le fait qu’il n’assume pas ses responsabilités.
Elle rappelle que la police de la route de Namur a voulu contrôler la camionnette car elle arborait de fausses plaques et ses occupants avaient des comportements suspects. « Ils ont pris la fuite et ont été pris en chasse par la police. […] La conduite est dangereuse. Des enfants sont exhibés. Ces informations sont diffusées par radio par la police. Près de Mons, la police de la route locale prend le relais. L’équipe de Jacinto Goncalves la prend en chasse. Le policier derrière le volant demande à la camionnette de ralentir, ce qu’elle fait, au point qu’elle se retrouve momentanément derrière le véhicule de police. […] La voiture du policier tireur se met à sa poursuite par la gauche. C’est alors qu‘il tire un coup de feu qui sera fatal à la petite Mawda bien qu’il avait l’intention de tirer dans un pneu. Le tir a été dévié à cause de manœuvres du policier au volant pour éviter des déports de la camionnette. Un peu plus loin, la camionnette empruntera la sortie de Nimy où elle terminera sa course en percutant un camion. »
27 personnes se trouvaient à bord de la camionnette. « Elles seront scrupuleusement surveillées par la police qui soupçonne que l’une d’entre elles porte l’arme qui a tiré le coup de feu car on ne sait pas encore que l’auteur en est Victor-Manuel Jacinto Goncalves« . Les 27 personnes sont ensuite amenées au commissariat et l’arme de service de M. Jacinto Goncalves. ainsi que ses deux chargeurs sont saisis.
« De manière étonnante, une douille sera retrouvée sur le tableau de bord de la voiture de M. Jacinto Goncalves, alors qu’elle aurait dû être éjectée du côté droit, donc vers l’arrière du véhicule », précise l’avocate générale. « Dans un premier temps, le médecin légiste va conclure à la mort de la fillette suite à un traumatisme crânien, peut-être dû à une chute car Mawda aurait été exhibée comme bélier par la fenêtre de la camionnette. J’ai beau chercher d’où vient cette information, je ne trouve pas. Si un officier de police a diffusé cette information erronée, il est hors de question de penser que la police a essayé volontairement de couvrir un policier et de faire porter le chapeau du drame uniquement par les migrants présents sur place. Suite à ces conclusions, le magistrat de garde demande donc la privation de liberté de l’ensemble des migrants. ».
Vers 18 heures le lendemain, la juge d’instruction apprend que Mawda est décédée suite à un tir balistique. Elle demande immédiatement à ce que l’arme de Victor Jacinto Goncalves soit à nouveau saisie. Car effectivement le lendemain à sa reprise de service M. Jacinto Goncalves, le policier tireur avait pu reprendre possession de son arme.
« Je constate que les directives relatives au dernier hommage aux victimes n’ont pas été respectées », déplore avec énergie Ingrid Godart.
Dans ses déclarations, le policier Jacinto Goncalves affirme que la communication avec les collègues de Namur était impossible. Il affirme ne jamais avoir entendu parler d’enfant et pensait avoir affaire à des migrants. « Or, dans sa première déposition, il évoque le fait qu’un enfant a été brandi par la fenêtre », précise l’avocate générale.
Comme son collègue lui conseille de le faire à un moment de la course-poursuite, Victor-Manuel Jacinto Goncalves sort son bras armé par la fenêtre et il tire. « Il affirme vouloir viser le pneu pour provoquer une crevaison lente même s’il sait que cette manœuvre n’est pas conseillée », rappelle l’avocate générale. « Le tir serait parti accidentellement car il aurait été déséquilibré. Il reconnaît n’avoir reçu aucun ordre de tir mais avoir agi car c’était proportionnel et nécessaire. Il ajoute qu’il n’aurait pas tiré s’il avait su qu’un enfant se trouvait à bord. »
« Le dossier démontre que l’échange d’informations n’a pas été optimal », reconnaît l’avocate générale. Mais le centre de communication affirme avoir rapporté l’intégralité des informations à l’équipe de Victor Jacinto Goncalves, dont la présence de migrants et le fait que des enfants ont été exhibés à plusieurs reprises. Il devait donc connaître la présence d’un enfant au moins. Il l’a d’ailleurs reconnu devant le Comité P lors de sa première audition même s’il l’a nié ce lundi devant le tribunal.
« Le collègue de Jacinto Goncalves lui a, à un moment, demandé de faire comme lui, à savoir sortir son arme par la fenêtre mais sans tirer« , explique l’avocate générale. « À aucun moment, il ne lui a dit de tirer. Or, il l’a fait en voulant viser le pneu. Contrairement à ce qu’il prétend, il n’a pas parlé spontanément de ce tir, c’est son collègue qui l’a fait. Or, c’est un élément essentiel au dossier qui aurait permis de prendre les bonnes décisions immédiatement. »
« Si l’inculpation de Victor-Manuel Jacinto Goncalves a été tardive, c’est uniquement parce que le dossier a nécessité nombre d’actes, d’expertises et de reconstitutions. […] Aucun élément ne permet de démontrer que le tireur était animé de l’intention de tuer ou qu’il avait conscience que son geste allait entraîner un décès. Par contre, la faute constitue un défaut manifeste de prudence et de prévoyance. Sa volonté de vouloir occasionner une crevaison lente n’est pas l’attitude que tout policier normalement constitué aurait adoptée. C’est une pratique proscrite, comme l’ont confirmé tous les policiers interrogés et comme il est censé le savoir. Il devait envisager que la situation allait déraper. C’était inéluctable. »
« […] C’est donc en connaissance de cause qu’il a pris les risques. »
Insistant sur le fait que le policier refuse de s’amender et se réfugie toujours derrière la faute d’autrui, l’avocate générale estime que Victor-Manuel Jacinto Goncalves refuse de reconnaître sa responsabilité dans le drame et manque de compassion et de dignité. Elle demande donc à son encontre une peine d’un an de prison avec sursis.
Quant au Procureur lui, après avoir longuement fait référence à la jurisprudence a réclamé dix ans et sept ans de prison ferme contre ceux qu’il considère comme le chauffeur et le passeur de la camionnette pour entrave méchante à la circulation avec pour conséquence la mort ainsi que la rébellion armée. Il estime que Jagrew D. et Rasol D.A. ont volontairement mis en danger la vie de Mawda et des autres migrants par leur comportement.
Pour M. Henry, c’est la manœuvre vers la gauche de la camionnette, repoussant ainsi la voiture de police, qui a fait en sorte qu’il y a eu coup de feu accidentel.
« C’est l’obstination de Jargew D. encouragée par les propos rageurs de Rasol D.A. qui aura été fatale à Mawda« , a estimé M. Henry. Ce dernier a motivé la peine plus sévère contre Jargew par son état de récidive.
L’avocate générale reconnaît être « parfaitement consciente de la douleur et de la colère qui est la vôtre« , en raison du peu de cas accordé aux 27 migrants qui n’ont pas bénéficié des égards dus aux victimes de la traite des êtres humains ainsi que le refus asséné aux parents de rendre hommage à leur fille avant l’autopsie et ce, malgré des directives claires. Elle a en outre critiqué le magistrat du parquet, qui n’est pas descendu sur place la nuit, « ce qui aurait pu éviter bien des égarements« .
Elle pointe aussi le médecin légiste, qui ne s’est pas rendu à l’hôpital, se limitant à un appel aux urgentistes qui n’ont pas vu la blessure par balles, si bien que ce n’est qu’avec retard que l’on a compris la cause de la mort de Mawda. Elle a assuré qu’elle veillerait à éviter de tels errements à l’avenir. Et de conclure, dans une critique à l’égard du politique, qu’elle craignait que de nombreuses questions soulevées par la famille devant le tribunal ne puissent y trouver des réponses car « elles dépassent de loin le cadre de cette enceinte et de cette procédure. Ce que je déplore et regrette, je vous en assure ».
Ensuite Me Kennes, avocat de M. Jacinto Goncalves commence sa plaidoirie alors que le réquisitoire reproche au policier son attitude lors de l’intervention mais aussi après celle-ci.
L’avocat brosse d’abord un portrait de la personnalité du policier afin de pouvoir nuancer par la suite. « Il a 46 ans au moment des faits, ce n’est pas un guerrier, il n’a jamais tiré sur personne. Il a juste appris à tirer sur des cibles. Il est marié et a un fils. […] Son métier n’est pas d’arrêter des migrants, mais d’arrêter des personnes qui roulent trop vite, qui ont un phare cassé, parfois il intervient sur des trafiquants de drogue ou des personnes qui se cachent dans des camions. […] On dirait presque que c’est devenu une vocation d’arrêter des migrants toute la journée. Ce n’est pas le cas même si c’est arrivé ».
« Le 16 mai 2018, le policier est monté dans une nouvelle voiture de police, très puissante, conduite par son collègue qui a trente ans d’expérience. […] La course se poursuit. Le collègue de l’auteur du tir saisit son arme tout en conduisant et il la montre au chauffeur qui ne s’arrête pas. Il y a du mouvement, la camionnette tente de percuter la voiture de police. […] Mon client ouvre la fenêtre, sort son arme, se penche en dehors de l’auto. […] En un millième de seconde, il réagit. Il charge son arme. Il agit par réflexe plutôt que par mûre réflexion. Il vise le pneu. La crevaison lente ! […] La camionnette donne un coup de volant vers la gauche. Le policier a une partie de son corps dehors, cherche à s’agripper à quelque chose, il relève son corps pour empêcher d’être emporté dehors. Sa main droite agrippe et se crispe. Et c’est plus que 28 newton.«
Démonstration pour la défense qu’il s’agit bien d’un tir involontaire, accidentel, ce qui du même coup sur le plan juridique tend à faire disparaître l’élément intentionnel au moins au moment du tir.
Sur l’intrigante question de l’attitude du policier après le tir, « À 7 heures du matin, il apprend et il n’en revient pas. Depuis, il porte le poids d’une culpabilité humaine, il se sent coupable. Non pas juridiquement, mais émotionnellement […] Il porte le poids d’une migration mal gérée en Belgique et en Europe. Un poids qui le dépasse et qui l’écrase depuis deux ans ».
« Nous parlons tous d’un drame humain, rendre la justice, c’est entendre que Jacinto Goncalves ne comparait pas en tenue de policier, mais en tant qu’être humain, issu de l’immigration portugaise, mari, papa et traumatisé par la mort de Mawda« . Il plaide l’acquittement ou à titre subsidiaire la suspension du prononcé.
Après Me Kennes, Me Ferron a pris la parole au nom de l’État belge, employeur du policier. « L’État interviendra de toute façon pour dédommager les parties civiles si le policier est condamné« , a déclaré l’avocat.
L’audience reprendra le 10 décembre avec les plaidoiries des avocats des deux détenus, poursuivis pour entrave méchante à la circulation, avec la circonstance aggravante de meurtre, et de rébellion armée.
[Source : ObsPol]
14.11.2020 – Interpellations agitées de la police à Ixelles dans le cadre d’un contrôle du respect des règles dites « COVID »
Deux informations se suivent, l’une fait plus de bruit que l’autre.
Des vidéos visibles sur le site de la rtbf.be montrent deux scènes de rue (nous ignorons la chronologie des images diffusées), sur l’une on voit un policiers courir derrière un individu, le jeter face à terre, le menotter, appuyer de son genou sur son dos ou cou, un autre, une fois l’individu menotté, le tirer par les cheveux pour le faire se relever et l’emmener à l’arrière de la voiture de police. Quatre policiers sont en vue sur cette vidéo, l’interpellé est seul.
L’autre vidéo montre un groupe de jeunes personnes littéralement se bagarrer avec des policiers. Olivier Slosse, porte-parole de la zone de police Bruxelles-capitale-Ixelles informe « Un collègue a été blessé à la tête et un autre à la main. Les trois agents sont en incapacité de travail pour une semaine.«
Nous apprenons également que le ministre de la Justice, V. Van Quickenborne (Open Vld) déclare dans l’émission De Zevende Dag (Eén) qu’il a demandé au parquet de s’expliquer sur les remise en liberté de trois personnes arrêtées.
Il est courant d’entendre certain.e.s se lamenter que des personnes soient remises en liberté, ce qui pourtant n’augure d’aucune manière de la suite qui peut être donnée au dossier. Ici le parquet de Bruxelles informe d’ailleurs que « l’enquête est en cours et sera poursuivie en priorité afin de faire la lumière sur l’ensemble des circonstances ayant mené aux faits. (…) Dans l’attente de celle-ci les suspects arrêtés ont été relâchés ». Le parquet indique que la version de la police et celle des suspects ne sont pas concordantes. Les récits sont effectivement différents selon les uns il s’agit d’attaque, pour les autres la police serait en cause et les coups portés aux policiers l’auraient été en légitime défense, selon notamment Me Miller, avocat.
Quoiqu’il en soit il est étonnant que ce soit un ministre de la Justice en charge de la gestion des établissements pénitentiaires, de l’information aux justiciables, de l’élaboration de la politique criminelle, l’administration des cultes, etc. qui s’exprime de telle manière dans une émission de télévision.1 Interpellant qu’il semble ignorer qu’en Belgique il y a ce qu’on appelle la séparation des pouvoirs. Ainsi l’avait d’ailleurs rappelé en février 2018 autour du procès de Salah Abdeslam l’avocat Sven Mary « Il est temps de rappeler au ministre (Jambon) les principes de la séparation des pouvoirs. (…) J’estime qu’il met sous pression le pouvoir judiciaire, avec des moyens directs ou indirects. J’en viens à me dire si on respecte encore bien la séparation des pouvoirs en Belgique. »
C’est l’une des questions que l’on peut se poser avec cette réaction précipitée d’un ministre sur une affaire à laquelle il n’a pas assisté et qui est en cours d’enquête!
[Source : RTBF]
13.11.2020 – Déploiement de force à Bruxelles près de la place Sainte-Catherine pour un contrôle du port du masque
[Images : ObsPol]
04.11.2020 – L’Uneus et la police zone-Midi
[Nous reproduisons ici un article pertinent publié par le Secours Rouge su IndyMedia]
Les derniers exploits de l’Uneus ont mis une nouvelle fois en avant cette brigade faisant partie de la zone de police Midi. Un point est utile pour connaître la nature exacte de cette brigade et de cette zone.
1. Comment fonctionne une zone de police ?
Comme tout service public, une zone de police est l’interaction : d’une administration au sens large (les fonctionnaires) ; d’instances politiques, législatives et exécutives ; de moyens financiers. Les instances politiques sont toujours de deux ordres : législatif et exécutif. Le législatif contrôle l’exécutif, auquel certaines compétences peuvent être déléguées (en matière de personnel par exemple), mais garde la main sur les aspects budgétaires. L’exécutif met en œuvre et est le seul habilité à donner des injonctions à l’administration, en particulier envers le chef de corps de la zone.
Le législatif d’une zone de police est le conseil de police. Il est composé de conseillers communaux des communes de la zone en proportion de la taille de la population. La zone Midi regroupe les communes d’Anderlecht, Forest et Saint Gilles. Anderlecht y est majoritaire. Forest et Saint Gilles ont le même nombre de conseillers. Formellement, ces conseillers sont élus parmi leurs pairs au terme d’un scrutin un peu compliqué (chaque conseiller dispose de plusieurs suffrages). En pratique, les partis forment alliance pour modifier un tout petit peu l’équilibre strictement proportionnel.
Contrairement à ce qui se passe dans les conseils communaux, il n’y a pas de majorité politique fixe au conseil de police, puisqu’il est possible qu’un parti soit dans la majorité dans une commune et dans l’opposition dans une autre. À noter : les majorités des trois communes sont identiques, PS-ECOLO ou ECOLO-PS (à l’exception du CDH qui est embarqué avec le PS à Anderlecht).
Dans la pratique, les séances du conseil de police sont essentiellement consacrées à des attributions de marchés publics, dont certains consistent en des adhésions à des centrales d’achat fédérales. Il peut y avoir des interpellations des conseillers sur des sujets généraux. Comme dans les conseils communaux, il peut y avoir des interpellations du public, qui sont cadrées par un règlement. Les aspects liés au personnel (nominations, retraites,…) se tiennent à huis-clos. Le chef de corps participe aux réunions du conseil et est invité par le président à répondre le cas échéant. Le secrétariat est assuré par un fonctionnaire de police.
Le conseil de police se réunit à une fréquence similaire à celle d’un conseil communal (tous les mois/toutes les six semaines). Les conseillers communaux (2018 – 2024) du Conseil de Police sont :
- Pour Anderlecht (14) : Sunny MOHAMMAD AAMIR NAEEM (PS-CdH-Spa) ; Safouane AKREMI (PS-CdH-Spa) ; Sofia BENNANI (PS-CdH-Spa) ; André CRESPIN (PTB) ; Isabelle DE CONINCK (ECOLO) ; Amin EL BOUJDAINI (MR) ; Abdurrahman KAYA (PS-CdH-Spa) ; Alain KESTEMONT (DEFi) ; Mohammed KHAZRI (PS-CdH-Spa) ; Lofti MOSTEFA (PS-CdH-Spa) ; Sofia SEDDOUK (ECOLO) ; Achille VANDYCK (MR) ; Gaëtan VAN GOIDSENHOVEN (MR) ; Julie VAN LIERDE (ECOLO).
- Pour Forest (6) : Catherine BEAUTHIER (ECOLO) ; Alexander BILLIET (open-VLD) ; Séverine DE LAVELEYE (ECOLO) ; Caroline DUPONT (PS) ; Nadia EL YOUSFI (PS) ; Dominique GOLDBERG (DEFi).
- Pour Saint-Gilles (6) : Saïd AHRUIL (PS) ; Victoria de VIGNERAL (Indépendante) ; Francesco IAMMARINO (ECOLO) ; Fabrice MPORANA (ECOLO) ; Yasmina NEKHOUL (PS) ; Suzanne RYVERS (GROEN).
L’exécutif d’une zone de police est le collège de police. Il est composé des bourgmestres des communes. Dans la zone Midi, la présidence du collège de police est tournante (ce n’est pas le cas par exemple dans la zone Bruxelles-Ville-Ixelles puisque Bruxelles est cinq fois plus grand qu’Ixelles). Les réunions du collège ne sont pas publiques. Elles ont lieu toutes les deux semaines. Le chef de corps et le Secrétaire de zone y participent également. Les aspects disciplinaires y occupent une place très importante. Dans le cas de gros événements (sportifs ou grosses affaires criminelles), certains points concrets sont abordés.
L’administration est constituée par le personnel de police, en ce compris sa propre administration (finances, personnel, logistique,…) sous la direction du chef de corps. En principe, les administrations sont assez autonomes par rapport au politique. Dans le cas de la police, ça tourne carrément à la roue libre. Il y a plusieurs facteurs qui expliquent cela. Il y a d’abord la dilution liée au fait qu’il y a plusieurs communes (dans une commune, le bourgmestre et les échevins travaillent plus directement avec leur administration). Il y a ensuite le fait qu’il s’agisse de questions de sécurité ; donc, le politique n’a pas trop envie de se retrouver avec des “problèmes” qui lui serait collés en raison de mesures qu’il aurait prise ; à titre d’exemple, Yvan Mayeur a eu énormément de problèmes à partir du moment où il a fait installer des caméras de surveillance dans les commissariats suite à certaines bavures retentissantes. Il y a enfin le manque d’intérêt.
Les finances des zones de police sont alimentées par des dotations communales (une dotation est une forme de subside mais qui ne doit pas être justifié). Ces dotations sont de gros postes dans les budgets communaux, en général après celles aux CPAS et loin derrière les frais de personnel. Dans le cas de Forest, 50 % du budget communal était engagé pour la rémunération du personnel, 17 % pour le CPAS et 13 % pour la zone Midi. Différence notable entre CPAS et zone : la négociation de la dotation au CPAS fait l’objet d’une discussion politique lors de la discussion du budget. La Commune doit toujours équilibrer le budget puis le compte (après clôture de l’exercice) du CPAS. Sur le principe, c’est la même chose avec les zones de police. En pratique, la gestion budgétaire est un foutoir sans nom, on y approuve les comptes des années après et le budget est un gros exercice de vogelpik.
L’essentiel du personnel d’intervention est alloué à Anderlecht. Les brigades de modèle “koban” (cf ci-dessous) telle Uneus sont des unités financées (en partie) directement par les communes, de façon à avoir « leur » personnel sur place. Il y a un esprit de corps assez fort. En gros, ils font un peu ce qu’ils veulent. Il y a des masses de policiers qui viennent de province, notamment pour bénéficier d’avantages financiers, et qui ne connaissent absolument pas les endroits où ils travaillent.
2. Une vieille et vaste pétaudière
La zone de police Bruxelles Midi est l’une des plus importante du pays (951 policiers). Elle a sur les bras la gestion des quartiers populaires, d’une politique de gentrification, la lutte contre le radicalisme islamique, des grands événements (Forest National), une gare internationale, deux stades de football dont un de première importance (avec les holligans du O-Side en prime), deux prisons, etc.
La zone de police Midi a une vieille histoire de panier de crabes dysfonctionnant. En avril 2016, son chef de corps Alphonse Peeters, a été muté à l’Office d’information policière. Il s’agissait d’une mise à l’écart « d’une manière honorable » en raison de son incompétence à gérer la zone de police, tant au niveau financier, avec une dette colossale, qu’au niveau du personnel. Exemple de l’incompétence d’Alphonse Peeters : lorsque la police de la zone a été mise en grosse difficulté lors de la manifestation nationale de novembre 2014 (120 000 manifestants, des affrontements entre la gare du midi et la porte de Hal, avec des dizaines de manifestants et de policiers blessés et une dizaine de voiture incendiées), Alphonse Peeters n’était pas sur le front mais bien en train de manger au restaurant pendant tout l’après-midi. La charge de la dette s’élevait, en décembre 2013, à près de 1,8 million d’euros. Trois ans plus tard, elle atteignait presque les 3 millions d’euros.
Patrick Evenepoel fait fonction de chef de corps de la zone de police Midi depuis le départ d’Alphonse Peeters mais les choses ne vont pas en s’améliorant. Selon un rapport de l’Inspection Générale de Police publié rendu en août 2018, la zone de police Bruxelles-Midi serait toujours confrontée à de nombreux dysfonctionnements : conflits interpersonnels, faiblesses du pouvoir central, problème de management, démotivation des agents et d’absence de stratégie…
En septembre 2019, un nouveau rapport de l’Inspection Générale de Police dénonce l’absence de structure forte, les difficultés à atteindre les objectifs, le manque de concertation et la démotivation des agents. Le taux d’absentéisme au sein de la police de Bruxelles Midi est énorme, en avril, on parlait déjà d’un peu moins ou d’un peu plus – selon les jours – de 200 malades parmi les 951 membres du personnel ! Le rapport de septembre 2019 expose que les brigades type Uneus ne font l’objet d’aucune évaluation autre que statistique, et que de nombreux postes de commissaires sont attribués sans que les compétences ne soient rencontrées, ce qui oblige les cadres moyens à assumer une charge de travail pour laquelle ils ne sont pas formés.
Stratégiquement, le rapport souligne que le caractère zonal de la police est plutôt secondaire pour les bourgmestres qui consacrent leurs moyens à des missions sur le territoire de la commune plutôt que de tenir compte d’une approche globale. Forest et Saint-Gilles tendraient à décentraliser une série de services à leur profit. Résultat : la zone de police Midi fonctionne nettement en faveur des deux plus petites communes, alors qu’Anderlecht rassemble quasiment 50 % de l’ensemble de la population de la zone.
3. Le combat des chefs
Patrick Evenepoel faisait fonction de chef de corps de la zone de police Midi depuis avril 2016. Depuis que son prédécesseur, Alphonse Peeters, a pris la direction de Bruxelles Prévention et Sécurité. Au terme d’un examen validé par un jury présidé par le président du collège de Police, Eric Tomas (PS), bourgmestre d’Anderlecht (depuis remplacé par Fabrice Cumps), ce même Patrick Evenepoel, commissaire divisionnaire et chef de corps faisant fonction depuis trois ans et demi, arrive en tête, suivi, à la deuxième place, de Jurgen De Landsheer.
Patrick Evenepoel (58 ans) était notamment le candidat de Piqué et a une réputation de tout-répressif. C’est un policier issu du rang. Il a gravi un à un les échelons de la hiérarchie policière anderlechtoise. Simple agent en 1983, il devient sept ans plus tard commissaire adjoint, puis commissaire de police en 1996. En 2000, il devient le commissaire en chef de la police d’Anderlecht.
Jurgen De Landsheer (43 ans) a une réputation de partisan d’une police de proximité. Après sa formation à la Gendarmerie à la fin des années nonante, De Landsheer commence sa carrière au sein de la Brigade d’Anderlecht. Suite à la réforme de la police, il est rattaché à la Zone de Police Midi en tant que responsable du Quartier Midi dont le territoire comprend la Gare du Midi et ses alentours. Quelques années plus tard, Jurgen De Landsheer sera nommé à la tête du Service Intervention de la Division Saint-Gilles-Forest.
En 2008, il devient officier de liaison au Ministère de la Justice où lui seront principalement confiés les dossiers suivants : les nouvelles prisons, le transport de détenus et la médiation lors d’actions syndicales au sein des établissements pénitentiaires. Jurgen De Landsheer occupait son deuxième mandat de Chef de Corps de la Zone de Police Grammont/Lierde avant d’intégrer la Zone de Police Midi.
Selon la procédure, il revient ensuite au conseil de police de désigner formellement le nouveau chef de corps par un vote à bulletin secret. Alors qu’en règle générale, les conseillers suivent l’avis du jury, ce ne sera pas le cas ici. Le 24 septembre 2019, c’est Jurgen De Landsheer qui recueillera la majorité des voix (17 sur 29). Plutôt inhabituel, et un affront pour Charles Piqué. Un certain nombre de conseillers était mécontent du travail de Patrick Evenepoel. C’est à ce moment que place l’incident tragi-comique de Patrick Evenepoel et de ses sbires sortant en crise de rage de la séance et détruisant la barrière du parking de la Maison communale d’Anderlecht en tirant dessus avec une arme de service…
De Landsheer est donc désigné. Encore faut-il motiver la décision, et c’est in fine au ministre de l’Intérieur de la valider. Pour ce faire, le conseil de police fait appel à deux avocats qui rédigent un avis juridique. Celui-ci servira de base à la motivation adoptée le 21 octobre et envoyée ensuite au ministre de l’Intérieur. Problème : la décision du conseil de police de présenter De Lansheer comme chef de corps est annulée le 28 novembre par le ministre, qui juge la motivation insuffisante. Conséquence : le conseil de police doit produire une nouvelle motivation. Et la nomination est reportée à plusieurs mois, et en attendant, Patrick Evenepoel reste faisant fonction.
Au mois de septembre, un rapport de l’Inspection générale de police fuitait dans la presse … le jour-même où le nouveau chef de corps devait être désigné. Le document faisait état de problèmes de management, de conflits interpersonnels, et d’absence de structure forte. Il y a des querelles interpersonnelles à la direction de la zone mais aussi entre les trois bourgmestres (Eric Tomas puis Fabrice Cumps (PS) pour Anderlecht ; Charles Picqué (PS) pour Saint-Gilles et Stéphane Roberti (Ecolo) pour Forest) qui ne partagent pas la même ligne quant à la remise en question du travail zonal, au profit d’une décentralisation larvée. Les tensions existent également entre le politique et la zone.
La candidature de Jurgen De Landsheer à la tête de la zone de la police Midi (Anderlecht, Forest, Saint-Gilles) a une nouvelle fois été recalée début juin par le ministre de l’Intérieur, Pieter De Crem. L’affaire connait une fin définitive le 22 juin 2020 avec la validation finale de la nomination de Jurgen De Landsheer.
4. La fondation de l’Uneus
La commune de Saint-Gilles est à l’initiative, en juillet 2012, d’un “koban”. Un kōban (交番, « intersection-garde« ) est un petit poste de police de proximité au Japon où il en existe plus de 6.000. Le concept s’est exporté. Une petite brigade de police de proximité visant à assurer prévention et sécurité dans la zone de Midi a été créée dans le cadre du dispositif UNEUS (pour Union pour un environnement urbain sécurisé). C’est un projet pilote de la commune de Saint-Gilles, une créature de Piqué.
L’Uneus se compose de 30 policiers opérant 7/7 en trois équipes de 8 inspecteurs et un inspecteur principal chargé de l’encadrement. La commune de Saint-Gilles a financé l’engagement de 8 inspecteurs supplémentaires, et un glissement interne permet de compléter l’effectif. Les inspecteurs du service d’intervention et de la BAC travaillent aussi dans le cadre d’UNEUS (même s’ils ne sont pas dans la brigade).
Le volet policier d’Uneus rassemble : la commune, la zone de police Midi, le directeur-coordinateur-administratif Dirco de Bruxelles, la police fédérale et le parquet de Bruxelles. Son objectif, tel que défini dans la convention de partenariat : « Œuvrer activement et de manière solidaire à une amélioration de la qualité de vie et au maintien d’un cadre de vie harmonieux et sûr à long terme dans les périmètres d’action définis (couvrant initialement la gare du Midi, la place Bethléem, le square Jacques Franck et le parvis de Saint-Gilles). » Pour y parvenir, le bourgmestre socialiste Charles Picqué dégage une somme annuelle de 400.000 euros de dotation supplémentaire en faveur de la zone de police Midi. En 2015, le projet reçoit le prix « David Yansenne » (décerné par Rudy Vervoort, ministre-président de la Région), qui vise à récompenser les « projets remarquables en matière de prévention et de sécurité« . Plus largement, le projet Uneus se présente comme un projet « intégral et intégré » réunissant différents partenaires impliqués dans la gestion des politiques urbaines : services prévention, environnement, jeunesse et cohésion sociale de la commune, secteur associatif.
Uneus est un projet pilote mais pas un cas unique. Forest a créé son koban Silva (Forêt en latin, avec une vingtaine de policiers) et Anderlecht a un moment suivi avec le koban Virtus (Vaillance en latin, pour le quartier de la place de la Vaillance – ce sont deux agents de ce koban qui ont tué le jeune Adil). Les policiers des kobans peuvent être détachés dans d’autres communes (par exemple, suite aux incident de Peterbos en août 2018, un détachement spécial a été formé de trois inspecteurs de police détachés du service d’intervention, trois inspecteurs de police détachés du koban Virtus et un inspecteur de police détaché du koban forestois Silva.
Les policiers d’Uneus ont été recrutés sur une base volontaire et en fonction de leur expérience. Leur travail de proximité exige théoriquement une connaissance pointue des quartiers dans lesquels ils opèrent, la finalité étant de créer une relation de confiance avec les habitants et de collaborer avec différents acteurs dans l’esprit du « community policing« , reposant sur l’implication des institutions et services locaux. Mais loin de se comporter en police de proximité, le koban Uneus va se comporter en armée d’occupation, d’autant que ces policiers sont souvent des provinciaux attirés à Bruxelles par des primes, étrangers à la commune et à sa poplation.
Le commissaire de la brigade Uneus est Filip Bombaert. Son supérieur est le commissaire Gabriele Evangelisti , chef de corps de la division Saint-Gilles à la zone de police Midi.
5. Les exploits de l’Uneus
Depuis la fondation de l’Uneus, les jeunes du quartier, notamment du square Jacques Franck, subissent des violences et des humiliations. Les témoignages d’une vingtaine d’entre eux ont été compilés dans le rapport du délégué général des Droits de l’enfant sorti l’automne 2018. Dents et bras cassés, gifles, insultes racistes ou homophobes, contrôles d’identité abusifs, arrestations arbitraires, usage disproportionné de la force sur des jeunes déjà menottés, étranglements ou étouffements… À ces témoignages s’ajoutent ceux des parents : perquisitions sauvages, maman plaquée au sol alors qu’elle ne faisait que « demander ce qui se passait« , menaces, notamment lorsque des citoyens évoquent la possibilité de porter plainte, humiliations de parents devant leurs enfants etc.
Le Collectif des Madre fait une première interpellation citoyenne en mars 2018. Picqué, méprisant, réfute les faits. Les incriminations sont ensuite relayées par Écolo (alors dans l’opposition), mais aussi par la Ligue des droits de l’homme et le DGDE, qui se saisit du dossier et remet à la commune son rapport. Plusieurs mois plus tard, Picqué fournit un rapport d’une trentaine de pages en réponse au DGDE (rapport est également transmis au procureur du Roi de Bruxelles et au Comité P) : « À défaut d’éléments tangibles et en l’absence du moindre dépôt de plaintes, j’en arrive à la conclusion que ces témoignages sont non fondés. Les policiers du ‘Koban Uneus’ gardent donc toute ma confiance« .
Faute de plainte, le Comité P a classé l’affaire. Une plainte, il y en a pourtant au moins eu une celle d’un éducateur de l’AMO Itinéraires, John. Arrêté juste parce qu’il filmait une intervention policière. On l’a attrapé par le cou, on lui a pris son téléphone, ses images. Il a porté plainte au Comité P. Cela a été balayé. On l’a accusé d’incitation à l’émeute, mais l’accusation est tombée quand ils ont vu qu’il était soutenu par l’institution, qu’il avait un avocat…
Le 25 avril, l’Uneus fait encore parler d’elle. Une de ses patrouille arrête, insulte, humilie et frappe le fils d’une conseillère communale de Saint-Gilles présidente des logements sociaux de la commune (le Foyer du Sud) et ancienne membre du Conseil de police de la zone midi, Catherine François. Celle-ci, faisant face à l’omerta à l’intérieur du PS et de la commune lorsqu’elle veut s’en plaindre, poste sur Facebook une attaque directe et publique contre le policier qui a maltraité son fils : « Le confinement donne aux flics un pouvoir sans limite et libère les pulsions nazies de certains policiers de la Zone Midi qui insultent, humilient, frappent et violent nos jeunes en toute impunité. » Le 5 mai, des policiers et une commissaire d’Uneus provoquent ouvertement les jeunes du square Jacques Franck (confisquant leur ballon de foot) ce qui déclenche un début d’émeute où un policier tirera au flash-ball sur un père de famille.
Une 4ème interpellation citoyenne au Conseil communal a eu lieu le 26 juin 2020 alors qu’un rassemblement se tient devant l’Hôtel de ville de Saint-Gilles. Face à elle, Piqué fait pour la première fois un semblant de marche arrière et fait valoir que les récépissés de contrôles d’identité, les bodycams sur les policiers et les formations spécifiques, demandés par les citoyens, figurent dans l’accord de majorité et que leur mise en œuvre a été retardée par la nomination du chef de corps. Il met en avant le prétendu travail de prévention avec la jeunesse et le programme « de proximité » existant et a précisé qu’un budget de 75.000 euros visait à faire évaluer en 2020 ces dispositifs de sécurité par un centre de criminologie ou une université. C’est la première fois qu’il est question d’une évaluation.
[Source : Le Secours Rouge]
02.11.2020 – Affaire CDP VANDERSMISSEN : Requête auprès du Conseil d’État refusée !
Une vidéo prise lors de la manifestation du collectif “La Santé en Lutte” le 13 septembre 2020 montre le commissaire divisionnaire Pierre VANDERSMISSEN courir sur les rails de tram poursuivre une personne, aidé par un autre policier, et suivi d’un photographe tenant une bonbonne de gaz à bout de bras et en faire usage en direction du manifestant interpellé. Le CDP VANDERSMISSEN fait stopper l’utilisation du gaz en s’adressant au photographe qui dissimule la bonbonne derrière sa jambe.
Suite à cette diffusion, par LN24, hé oui, comme souvent il faut des images pour déclencher des réactions, suite à cela donc le commissaire divisionnaire P. Vanderesmissen été mis à l’écart temporaire de ses fonctions habituelles. Il a été affecté à la DGO/MANAGEMENT en qualité de chargé de missions auprès de la Direction Surveillance Palais (de Justice ndlr). Cette mise à l’écart jusqu’au terme de l’enquête administrative.
Le CDP VANDERSMISSEN cependant n’a pas accepté cette mise à l’écart et a introduit auprès du Conseil d’Etat une requête en extrême urgence.
Pourtant le chef de corps précise qu’il a pris cette décision étant donné que « Malgré la gravité de ce comportement, je n’ai été avisé à aucun moment de ces faits par le CDP Vandersmissen […].
Toutefois pour le commissaire, ceci représente une atteinte à son honneur et à sa réputation. Il a donc demandé de suspendre son affectation à la direction de surveillance du Palais et l’annulation de cette décision.
Le Conseil d’État estime cependant qu’aucune considération émise ne remet en cause la manière dont le commissaire Vandersmissen avait jusqu’alors exercé ses fonctions, de telle sorte que si l’acte attaqué devait s’avérer illégal lors de l’examen de son recours en annulation, rien n’indique qu’il ne pourra, en reprenant ses fonctions, récupérer le prestige et la confiance dont il affirme bénéficier au moment de l’adoption de l’acte attaqué. (extrait de la décision du Conseil d’État).
S’agissant de son honneur et de sa réputation à l’extérieur de la police, les articles de presse dont fait état le requérant ne corroborent pas sa thèse selon laquelle l’acte attaqué serait perçu comme donnant raison à ceux qui l’ont critiqué par le passé sur la manière dont il exerce ses fonctions de maintien de l’ordre. Il ressort en effet de la plupart de ces articles que l’acte attaqué est mis en relation avec le fait précis de l’utilisation par un particulier non policier d’une arme prohibée, et non, d’une manière générale, avec la manière dont il exerce ses fonctions et qui serait remise en cause par l’acte attaqué. (extrait de la décision du Conseil d’État).
Ainsi, la demande est rejetée.
[Source : Conseil d’État, section du contentieux administratif, siégeant en référé, arrêt 248.549 du 12 octobre 2020]
26.09.2020 – Le Comité P rapporte sur les plaintes enregistrées au cours du confinement : 197 plaintes en trois mois
Dans le cadre de la crise sanitaire déclenchée par la pandémie du virus de la Covid-19, une série de mesures strictes ont été décidées par les autorités du pays. On retiendra évidemment la plus contraignante, soit le confinement imposé à toutes et tous avec quelques exceptions notamment pour les soignant.e.s.
Chargées non seulement de faire appliquer la loi mais de sanctionner tout.e contrevenant.e à ces mesures, les forces de l’ordre se sont mises à l’ouvrage. C’est ainsi que vendredi 10 avril 2020, la police bruxelloise a poursuivi avec plusieurs véhicules, un jeune homme de 19 ans sur son scooter parce qu’il circulait et tentait de s’enfuir ! Adil C. a ainsi été tué. A-t-on idée de justifier du bien-fondé de cette course-poursuite, du fait qu’il aurait dû être à la maison aux yeux des policiers ? Les versions, contestées par des proches, des policiers ont été relatées dans la presse, camionnette ou pas camionnette, vitesse etc. Mais en réalité ces détails scabreux n’ont aucun intérêt : un jeune est mort ! Et pourquoi ? S’il avait été sur un scooter à Paliseul par exemple, la police locale l’aurait-elle poursuivi ? Il est probable que non, mais à Anderlecht, « quartiers difficiles » obligent, l’application très démesurée des mesures préconisées a tué.
De manière générale les citoyen.ne.s ont été traité.e.s de manière fort variable d’une région à l’autre, d’un quartier à l’autre, d’une ville à l’autre, voire d’une origine à l’autre.
Le rapport du comité P concernant l’action de la police intégrée dans la gestion de la crise du coronavirus nous apprend que près de 200 plaintes ont été enregistrées dans ce contexte non sans préciser que la police a été intensément engagée et que finalement ce nombre de plaintes n’est pas très élevé (« relativement faible« ). A chacun son point de vue.
Au cours de la période du 16 mars au 18 juin 2020, 197 plaintes ont été enregistrées concernant l’action des services de police.
Les types de faits les plus fréquemment évoqués :
- 62 cas concernent un langage agressif, menaçant ou intimidant, vexant, impoli ou irrespectueux,
- 33 cas concernent l’exécution de la tâche de manière incorrecte, imprécise, peu soignée, non pertinente,
- 27 cas concernent une attitude partiale, non neutre ou traitement inégal,
- 22 cas concernent le fait d’acter excessivement, excès de zèle
- 20 cas de manquements concernant le non-respect des procédures
- 18 cas concernant le comportement verbal ou autre,
- 15 cas de coups et blessures volontaires,
- 14 cas d’attitude agressive, menaçante ou intimidante,
- 13 cas de non-respect de légalité, subsidiarité ou proportionnalité lors de l’usage de la force ou de la contrainte,
- 3 cas de fouille à nu.
Ce sont donc les cas concernant la communication entre le policier et le citoyen, qui sont le plus nombreux (80 cas) suivis des faits qui concernent l’exécution des taches et utilisation des compétences (75 cas).
L’orientation que le Comité P a donné à ces plaintes :
- 84 cas de transmission pour une enquête autonome au service de police concerné,
- 46 cas ont été contestés,
- 22 cas ont été confiées aux autorités judiciaires
- 13 plaintes seront traitées par le Comité P lui-même.
Dans l’énumération des raisons des plaintes on constate que la violence verbale au-delà d’une violence physique est considérée par les victimes comme une atteinte telle qu’elles se donnent la peine de porter plainte.
Rappelons ici que le Code de déontologie de la fonction de police prévoit que :
« les membres du personnel font preuve de retenue dans leurs actes et leurs propos et proscrivent les excès de langage, les familiarités et les gestes déplacés. Ils traitent chacun avec politesse, tact et courtoisie, veillent à conserver le contrôle de soi et prohibent tout comportement hostile, agressif, provoquant, méprisant ou humiliant. » (art.41)
[Source : Comité P]
18.09.2020 – Mons : une étudiante violentée par la police au point de perdre connaissance et de se retrouver l’humérus droit fracturé
Les histoires de violences exercées par la police se répètent, sont relatées quelque temps dans la presse, ont droit au mieux à « une enquête » si elles ont été publiées, et puis bien souvent disparaissent dans la nature …
Que deviennent toutes les victimes de ces violences? Comment surmontent-elles les traumatismes tant physiques que psychologiques subis ? Qui s’en soucie ?
Il est de notoriété publique que les enquêtes menées par les forces de l’ordre elles-mêmes aboutissent très fréquemment à des explications plus ou moins tarabiscotées de leur part. Les victimes qui bien souvent ignorent comment et à qui s’adresser pour porter plainte et obtenir ne serait-ce que la reconnaissance du dommage subi, se retrouvent souvent seules face à une frustration qui peut persister longtemps.
Nous nous posons une nouvelle fois cette question dans le contexte d’une violence récemment dénoncée par la victime Salomé, étudiante, énième « incident » relaté dans la presse.
Trois jeunes femmes entre 23 et 25 ans terminent une soirée à Mons, l’une d’entre elles soutient l’autre un peu enivrée qu’elle souhaite emmener manger quelque chose. La jeune femme fait des gestes car elle ne souhaite pas partir. C’est à ce moment que des policiers qui auraient cru qu’il s’agissait d’une dispute interviennent. Ils plaquent les deux jeunes femmes à terre sans raison et leur placent les colsons. Salomé, intervient pour s’enquérir de leur situation. Elle précise dans son témoignage n’avoir été ni ivre ni avoir à aucun moment insulté les policiers, ni essayé de se battre. Elle a juste le temps de dire « Vous n’avez pas le droit… » avant de subir une clé de bras de la part d’un policier derrière elle.
Tombée à terre elle signale une douleur tellement intense qu’elle a perdu connaissance. En reprenant connaissance, les policiers auraient été en train de lui asséner des coups de pieds. Ce n’est que parce que Salomé hurlait de douleur ne sentant plus sa main, que les policiers lui auraient retiré les menottes dans le véhicule. Mais le calvaire ne s’arrête pas puisque Salomé est emmenée au commissariat, placée sur une chaise, fouillée à nu et placée en cellule. Narguée ensuite par des agent.e.s qui l’auraient touchée au bras douloureux en rigolant, d’autres exerçant des intimidations, la menaçant de casier judiciaire. Plus tard elle constate le manque des 60 euros qu’elle avait dans son porte-feuille.
Elle subit ensuite un sort de douleur à l’hôpital où elle est traitée sans ménagement et apprend qu’elle devrait probablement subir une opération. Il s’avère plus tard que son humérus fracturé est inopérable. La zone de police montoise précise que ce ne seraient pas des policiers de leur zone qui ont procédé à l’arrestation mais une équipe d’arrestation de la police fédérale venue en renfort.
La police fédérale de Bruxelles dont question, donne comme justification que Salomé aurait commencé à les insulter et à vouloir les frapper. Salomé a porté plainte et le parquet de Mons a réagi en précisant qu’elle aurait tenté de s’interposer.
Et nous voilà au point habituel des suites données à des témoignages et plaintes de victimes, la parole des policiers, toujours prompts à trouver les accusations justifiant leurs actes, et les victimes face à elles-mêmes. Mais leur parole vaut-elle plus que celle des citoyen.ne.s ? Non ! Dans son arrêt NEMTSOV vs Russie du 31 juillet 2014 (numéro 1774/11), la Cour européenne des Droits de l’Homme a jugé que :
« Certains juges belges, qui ont trop souvent tendance à croire les policiers sur parole et à mettre en doute la version des citoyens, […] La Belgique n’est pas à l’abri d’une condamnation similaire dans le futur…«
Une enquête pour faire la lumière serait en cours : mais de quel côté la lumière va-t-elle briller ?
[Sources : La Capitale 29 et 30 septembre 2020, RTBF]
18.09.2020 – Participer à une manifestation pour réclamer un refinancement du système de santé vous expose au risque de vous faire nasser, arrêter, tabasser et/ou gazer par les forces de l’ordre
Le contexte de la violence dans les rues de Bruxelles dimanche 13 septembre 2020 est la grande manifestation de la Santé à l’appel du Collectif La santé en lutte. Ce rassemblement tant du personnel soignant que de collectifs et de groupes de soutien comptait donc une grande variété de personnes, jeunes, moins jeunes, enfants, bébés, valides, moins valides, habitués de manifestations ou non : 7000 personnes se sont rassemblées pour exprimer leurs revendications malgré les difficultés pour obtenir l’accord du bourgmestre de Bruxelles : « On a alors l’impression que la seule chose qui reste confinée, c’est la liberté d’expression. On peut être 10.000 à Walibi mais on ne peut manifester en respectant les distanciations physiques« , déplore Karim Brikci, organisateur, tandis que On a alors l’impression que la seule chose qui reste confinée, c’est la liberté d’expression. On peut être 10.000 à Walibi mais on ne peut manifester en respectant les distanciations physiques, » déplore Karim Brikci, organisateur. Daniel Van de Calck, « Monsieur Manifs » à Polbru, réfute toute mauvaise foi : « Ce n’est pas que nous ne voulions pas, mais on ne pouvait pas laisser les gens marcher au regard de l’arrêté ministériel en vigueur« . « Depuis le matin j’étais en dialogue permanent avec la police. Et tout d’un coup, on ne me prévient plus » dit encore Karim.
Malgré un déploiement policier impressionnant, casqué, bouclier et matraque au poing, la foule était restée calme, voire résignée devant l’interdiction de se déplacer. Soudain, lorsqu’une grande partie des manifestant.e.s s’apprêtaient à quitter les lieux, une escouade de policiers en tenue de combat, dirigés par un chef vociférant pour les faire avancer au galop déboule, provoquant outre l’effarement un vent de panique parmi les personnes sur leur chemin.
31.08.2020 – Racisme flicard sur FB
Le site d’info Apache a pu accéder à un groupe FB privé, Thin Blue Line Belgium, regroupant des flics retraités et d’autres en activité, qui se proclame « NPO providing financial assistance to injured police officers and the families of fallen police officers. » Les journalistes ont pu lire des posts racistes et prônant la violence contre les migrants, ces « ordures« , ces « rats, » ces « vermines » qu’il convient de traiter de manière très spéciale, comme par exemple quand il.elles sont arrêtées à les pousser « se tapent la tête contre la carrosserie » de la voiture ou les prendre par la gorge. Bref, « faire régner la justice soi-même« .
Les publications sont généralement très commentées par les membres du groupe, écrit Apache. Certains commentaires ne se limitent pas à un langage offensant, choquant ou dérangeant, il n’est ainsi pas rare que les jeunes issus de l’immigration soient déshumanisés de façon claire et répétée. Apache note que les autres utilisateurs réagissent peu au langage raciste et aux appels à la violence, et que le modérateur du group n’est pas non plus très actif.
La police fédérale annonce un enquête pour identifier les membres du groupe : « Être un simple membre d’un groupe Facebook ne viole pas notre code d’éthique. Si des membres de la police fédérale ont fait des déclarations racistes, nous ouvrirons une enquête disciplinaire. La base est notre code de déontologie, qui est valable 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, également sur les médias sociaux. »
Eveline Vandevelde, coordinatrice de la campagne Pas Normal ! Stop au profilage ethnique ! d’Amnesty International évoque aussi un autre groupe FB, PZA, et déclare que « la nuit dernière, les administrateurs du groupe Facebook fermé Thin blue line ont signalé qu’il avait été supprimé. Mais il est important que ces groupes fassent l’objet d’une enquête indépendante et que des mesures appropriées soient prises contre les comportements et les déclarations qui violent autant l’éthique policière que la loi.«
Alors, le racisme chez les flics, mythe ou réalité ? Combien de groupes FB privés va-t-on encore découvrir, maintenant que la presse semble s’intéresser au phénomène sous la pression des événéments ? Combien d’autres groupes vont-ils basculer en mode privé, combien d’autres vont-ils s’exporter sur d’autres réseaux sociaux pour continuer à se marrer, ou sur des messageries cryptées type Signal, Telegram, Waht’s App ou autres ? Que fait la police ?
[Sources : Apache, Le Soir, Amnesty International, Stop Ethnic Profiling, RTL]
19.08.2020 – Carte blanche du MRAX signée par 30 associations : Non au délit de faciès – ni à Blankenberge, ni ailleurs
Le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX) publie un billet d’opinion largement partagée :
Nous avons assisté consternés à l’interview d’un commissaire de police de Blankenberge annonçant que ses services arrêteraient certains jeunes dès la sortie des trains en fonction de critères pour le moins discutables : » Nous regardons qui quitte le train. Si nous constatons qu’il y a des jeunes avec le même profil que les « amoks » de samedi, nous les arrêterons ». Que devons-nous comprendre de ces propos ? Que le comportement délictueux d’une personne se lit sur ses caractéristiques physiques, sur le lieu de son domicile, et/ou sur la manière dont il s’habille ou se coiffe ?
[Lire la suite : La Libre]
19.08.2020 – Décès d’un passager après une arrestation policière à l’aéroport de Charleroi: l’enquête toujours en cours
Jozef Chovanec est décédé en février 2018 à l’hôpital après plusieurs jours de coma. Selon sa famille, il aurait subi des violences policières lors de son interpellation, le 23 février 2018, sur le tarmac de l’aéroport de Charleroi.
On lui avait refusé l’embarquement dans un avion en direction de Bratislava parce qu’il « se montrait turbulent« . Profondément perturbé par son enfermement après sêtre rebellé, les caméras de surveillance le montraient se frappant violemment la tête contre les murs. Il a subi un arrêt cardiaque, sombré dans un coma avant de perdre la vie.
Une enquête avait été ouverte. Les proches de la victime s’étaient constitués partie civile devant un juge d’instruction de Charleroi. Selon Het Laatse Nieuws, la victime aurait subi des violences policières et le comportement de certains des policiers intervenus auprès de la victime poserait problème.
« Sur les photos, on voit une policière mimer un salut hitlérien et d’autres policiers rire. Un des policiers se trouvait appuyé sur la victime pendant plusieurs minutes« , a détaillé Ann Van de Steen, avocate des proches, qui réclame par ailleurs la désignation d’un nouveau juge d’instruction.
Deux ans après les faits, les proches de la victime se plaignent de la lenteur des investigations. D’après le parquet, la crise sanitaire du coronavirus a retardé certains devoirs complémentaires. « Les proches de la victime ont sollicité, à deux reprises, des devoirs complémentaires concernant l’audition de plusieurs personnes et une expertise médico-légale. La dernière requête remonte au mois de février dernier. Mais avec la crise du covid-19, il y a eu un retard. Tous les policiers impliqués dans l’intervention policière ont été auditionnés« , dixit le parquet de Charleroi.
Plusieurs interrogations s’imposent à la lecture des faits révélés par la presse :
- Pour quelle raison un passager, certes remuant mais dont le billet d’avion est dans sa poche, se voit-il emmené par la police et placé seul dans une cellule ? Ceci correspond-il à une démarche normale et réglementaire des forces de l’ordre qui enferment des passagers, même remuants, sans lui permettre d’en informer la famille ? Visiblement sans lui indiquer la durée de sont enfermement ? Sans visite d’un médecin qui pourrait juger de l’état de santé de la personne ?
- Si une personne se blesse, même de manière volontaire en se frappant la tête contre une porte (ou un mur), la chose évidente à faire ne serait-elle pas de faire appel à un médecin pour vérifier l’état de santé de la personne ? Est-elle sous l’effet de drogues ? Si tel était le cas, cette personne ne devrait-elle pas être emmenée d’urgence à l’hôpital pour vérifier de quoi il s’agit ? Le fait d’être remuant à l’embarquement d’un avion serait donc dans notre pays une raison suffisante de ne pas porter assistance à personne en danger ?
- Donc cette personne étant blessée doit, d’après les estimations des forces de l’ordre, être entravée, mais pas n’importe comment ! Admettons-qu’ils craignent pour leur personne, à deux, entraver un homme devrait pouvoir se faire sans trop de heurts et dans le respect humain le plus élémentaire. Rappelons que cette personne est blessée, peu importe l’origine de ses blessures. Ici ils s’y mettent à plusieurs, s’acharnent sur une personne en position vulnérable, seule, maîtrisée puisque entravée ; cela ne pose aucun problème à l’ensemble des forces de l’ordre présentes.
- Est-il réglementaire et prévu que six personnes s’acharnent (nous répétons) sur une personne entravée ? L’une se complaît à considérer le passager blessé comme un matelas pneumatique à vider de son air en s’y appuyant 16 minutes, apprenons-nous. Les « collègues » (ce terme nous est particulièrement problématique lorsqu’utilisé par les forces de police, étant donné l’omerta et la protection qu’elles se permettent entre eux-elles), non seulement n’agissent pas en protégeant la personne blessée entravée dans une position dangereuse, au contraire elles se ruent également vers cet être entre temps recouvert d’une couverture. Il n’est plus un être humains, il est un paquet, une couverture se jette souvent sur les morts…
- Peu importe pour les policiers, qui poursuivent « l’intervention » en rigolant, c’est si drôle effectivement de se trouver à six autour d’un corps inerte. Tellement drôle qu’on se permet d’agrémenter la scène d’un salut hitlérien… Rappelons ce que ce geste signifie. Il ne s’agit pas d’une farce, il s’agit d’un le salut fasciste exécuté par le bras et la main droite tendus !
- Heureusement, la hiérarchie veille : la porte-parole de la police fédérale ose en toute quiétude nous tranquilliser en nous informant que la police « a pris connaissance de ces images dans la presse« , (sic, on ne s’étonne plus que l’enquête piétine…). « Bien entendu, une enquête disciplinaire aura lieu en interne pour déterminer ce qui s’est passé. » Mieux vaut tard que jamais ? Et pour nous calmer de façon définitive, deux ans plus tard « cette collègue ne sera plus en service. » Les syndicats nous informent eux qu’il s’agirait d’une « jeune collègue« . C’est vrai que cela fait toute la différence, et nous voilà rassuré.e.s !
Si nous nous permettons ci-dessus de poser et questionner de cette façon c’est parce que nous sommes outrés, dégoûté.e.s, choqué.e..s et plus de ce qui heureusement pour une fois sort dans le sphère publique. Il y eut aussi Jonathan Jacob à Anvers, ne l’oublions pas… Où en est l’enquête ? Que dire de ces agissements incontrôlés, non « enquêtés« , et pourquoi ne seraient-ce que ces « enquêtes » devraient-elles rester « internes » ? Le fait de torturer serait donc acceptable quand exécuté par les forces de l’ordre ?
L‘article 53 de la Convention de Vienne1 précise :
Est nul tout traité qui, au moment de sa conclusion, est en conflit avec une norme impérative du droit international général […] aucune dérogation n’est permise et elle ne peut être modifiée que par une nouvelle norme du droit international général ayant le même caractère.
Ainsi, « la conséquence la plus manifeste en est que les États ne peuvent déroger à ce principe par le biais de traités internationaux, de coutumes locales ou spéciales ou même de règles coutumières générales qui n’ont pas la même valeur normative. […] Clairement, la valeur de jus cogens de l’interdiction de la torture rend compte de l’idée que celle-ci est désormais l’une des normes les plus fondamentales de la communauté internationale […] En outre, il s’agit là d’une valeur absolue que nul ne peut transgresser« , selon Olivier de Schutter (International Human Rights Law. Cases, materials, commentary, 2ème éd., Cambridge, Cambridge University Press, 2014, pp. 71 et s.)
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques précise que l’État a dans le cadre des disposition légales internationales, une obligation positive d’adopter des mesures propres à mettre en œuvre la réalisation du droit garanti par la combinaison des articles 3 et 1er de la Convention européenne des droits de l’Homme. Cette obligation vise à protéger l’intégrité physique des personnes privées de liberté – qu’elles soient placées en rétention administrative, en garde à vue ou détenues en priso, dès lors qu’elles se trouvent en situation de vulnérabilité.
Dans l’affaire Josef Chovanec, l’État belge a-t-il répondu à ses obligations ?
Le ministre De Crem ne devra pas se contenter de dénoncer « une violence disproportionnée« , il lui faut agir, et vite !
Aux USA, une énorme partie de la population et de la presse se sont offusqués de la mort de George Floyd, l’Europe a suivi, des manifestations importantes et des voix de révolte se sont fait entendre. En sera-t-il de même ici en Belgique face à une situation somme toute fort similaire ?
[Sources : Belga, Het Laatse Nieuws, Sudinfo, Metro, La Libre Belgique, RTBF]
06.08.2020 – Affaire Mawda : procès les 23 et 24 novembre 2020
Jeudi 6 août, Mons. Devant le Tribunal une vingtaine de personnes en soutien aux parents présents se sont rassemblées pour assister à la séance introductive du procès de trois hommes impliqués dans la mort de la petite Mawda, dont le policier tireur. Il est poursuivi pour « homicide involontaire« .
Lorsque les soutiens souhaitent se rendre dans la salle d’audience, les policiers les informent que suite à l’ordonnance prise dans le cadre des règles covid par le juge, l’entrée n’est pas permise au public. Un procès public sans public donc. Trois personnes cependant seront admises dans la salle en fait vide, dans laquelle les places prévues tenant compte des distanciations sont nombreuses à être inoccupées.
Lors de la dernière audience à huis clos, la partie civile (les parents), avait demandé de requalifier les faits reprochés au policier en meurtre car ils estiment qu’il y avait bien intention de tuer. Cette demande n’avait cependant pas été suivie par la chambre du conseil. C’est donc un procès en correctionnelle, avec trois juges : Mme Bastians assistée par M. Ruchard et Mme Bossut. Notons la représentation du SPF Intérieur qui sera aussi partie au procès.
La séance introductive met au point les questions d’interprétation, la durée prévue des plaidoiries et débats etc. La juge précise aussi qu’étant donné qu’un des inculpés est en récidive, déjà condamné en 2016, il y aura lieu de prévoir une plaidoirie tenant compte de cette circonstance aggravante.
Le 23 novembre 2020 se tiendront les débats de l’instruction d’audience et l’audition du médecin légiste et de l’expert en balistique en matinée. L’après-midi, ce sera le tour des parties civiles représentées par Me Selma Benkhelifa, qui prendra la parole. L’accusation produira son réquisitoire.
Le 24 novembre ce sera au tour de la défense de plaider. La Cour souhaitant permettre la publicité des débats, il est possible que le lieu du procès soit déplacé (ancien prétoire de la cour d’assises).
19.07.2020 – Mort d’un Molenbeekois à Anvers lors d’une intervention policière
Abderrahman « Akram » Kadri, 29 ans, d’origine algérienne, est mort d’un « arrêt cardiaque » à la suite d’une intervention policière dimanche dernier, appelée par le gérant d’un café proche de la gare centrale d’Anvers, après l’agression de passant. Des témoins auraient déclaré à la police avoir Abderrahman mettre quelque chose dans son propre verre et l’avaler.
Les policiers ont maîtrisé l’homme, le mettant à terre et lui passant des menottes, et appelé les services de secours, qui sont arrivés une douzaine de minutes plus tard. Sur la vidéo diffusée sur Twitter, un homme allongé sur le sol et retenu par deux inspecteurs de police. La légende indique que la police aurait étouffé l’homme, ce qui n’apparaît pas sur les images.
Selon la personne qui a partagé cette vidéo, « Une amie a fait le film. Après qu’elle a arrêté de filmer, deux autres combis de police sont arrivées, puis ça s’est aggravé. D’après mon amie, l’homme portait un protège-dents sur lequel on pouvait voir du sang. Quand ils l’ont mis sur une civière, son visage semblait sans vie.«
Selon un client du café, « un policier a maintenu son genou sur le dos d’Akram durant au moins 10 minutes« . Un autre agent maintenait lui les jambes du suspect croisées et plaquées au sol, car il donnait des coups de pied pour se dégager.
Quand ces services médicaux sont arrivés, l’homme ne réagissait plus. Les ambulanciers l’ont réanimé et transporté dans un état critique à l’hôpital, où malgré une intervention, il est décédé entre 21 h et 22 h, selon cette source.
Le porte-parole de la police locale a déclaré : « Nos hommes ont menotté l’homme au sol et croisé ses jambes parce qu’il n’arrêtait pas de donner des coups de pied. Ils ont remarqué qu’il avait une coupure à la tête et qu’il saignait de la bouche. » La police anversoise a examiné les images et conclu que la violence utilisée contre cet homme était proportionnée, avant de publier un communiqué : « Les services de police de la zone de police d’Anvers ont été appelés sur les lieux hier vers midi suite à un rapport sur les troubles survenus dans le café Koetsier dans la Statiestraat à Anvers. En raison des circonstances sur place, les services de police ont été contraints de menotter un homme de 29 ans. À un certain moment, l’homme a subi un malaise et les services d’urgence ont été prévenus. L’homme a été emmené dans un état critique à l’hôpital où il est mort la nuit dernière. Le ministère public d’Anvers a ordonné une enquête judiciaire sur la mort de l’homme. Les circonstances exactes de l’arrestation et de la mort font actuellement l’objet d’une enquête. Le juge d’instruction rassemble toutes les informations pour avoir une idée claire de ce qui s’est exactement passé et souhaite poursuivre son enquête en toute sérénité. »
Lieselotte Claessens, porte-parole du parquet du parquet belge, a précisé avoir ouvert une enquête sur « les circonstances exactes de l’arrestation et de la mort », et déclaré que « le juge d’instruction rassemble toutes les informations pour avoir une idée précise de ce qui s’est passé et souhaite poursuivre son enquête en toute sérénité.«
L’avocat Sven Mary a informé le juge d’instruction d’Anvers que la famille Kadri se tiendrait partie civile.
De son côté, Amar Belani, l’ambassadeur d’Algérie à Bruxelles a réagi : « Pour le moment, il est difficile de se prononcer sur l’intervention des agents de police ainsi que sur les conditions exactes dans lesquelles s’est déroulée l’arrestation de notre jeune compatriote Akram. Une enquête judiciaire a été ouverte par le parquet pour déterminer les causes exactes du décès, ainsi que les circonstances dans lesquelles cette intervention policière est intervenue. Des contacts sont en cours avec le ministère public pour obtenir les premières informations officielles à ce sujet. Bien entendu, nous suivrons de très près les développements de cette tragique affaire qui a fortement ému les membres de notre communauté et bien au-delà, car certains éléments doivent être clarifiés le plus tôt possible.«
[Sources : 7sur7, Sudinfo, RTBF, Algérie Part Plus et AFP, 7sur7, 7sur7]
11.07.2020 – Le policier tireur qui a tué Mawda ne sera pas accusé de meurtre…
Chambre du conseil de Mons, mercredi 8 juillet 2020
Des universitaires, juristes et professeurs de droit réclament que le tir du policier qui a été fatal à l’enfant soit qualifié de meurtre, ce qui justifierait la tenue d’un procès aux Assises.
Cependant la chambre du conseil de Mons, lors du règlement de procédure, en a décidé autrement. Le policier, auteur du tir qui a tué la petite Mawda, sera renvoyé devant le tribunal correctionnel de Mons pour répondre d’un homicide involontaire. Le conducteur de la camionnette et le passeur de migrants, inculpés d’entrave méchante à la circulation ayant entraîné la mort, ont aussi été renvoyés devant le tribunal.
Le 17 mai 2018, la petite fille âgée de deux ans avait été tuée lors d’une course-poursuite sur l’autoroute entre une voiture de police et une camionnette transportant une vingtaine de migrants qui souhaitaient rejoindre le Royaume-Uni. Un policier avait ouvert le feu depuis la voiture de police en mouvement contre la camionnette en mouvement.
Les parents de l’enfant ont demandé à la chambre du conseil de requalifier les faits en meurtre. Mais ils n’ont pas été suivis par la chambre. « Nous sommes déçus car nous sommes convaincus qu’il y a eu un tir volontaire« , a déclaré Me Selma Benkhelifa avocate des parents. Lors de l’audience à huis clos, elle avait tenté de convaincre la chambre. « Nous soutenons que c’est un homicide volontaire parce que, en tirant sur la camionnette, le policier a fait un geste potentiellement mortel, disproportionné par rapport à la fuite« .
Me Laurent Kennes, avocat du policier, avait une lecture différente du dossier. Pour lui, le policier n’a jamais eu l’intention de tuer : son but était de viser les pneus de la camionnette. L’absence de formation du policier en matière de course-poursuite sera débattue lors du procès qui devrait avoir lieu assez rapidement car le chauffeur de la camionnette et le passeur sont encore en détention préventive.
[Source : Belga]
10.07.2020 – Un coup de sang pour justifier un traitement inhumain ?
Tribunal correctionnel de Bruxelles le 5 juin 2020
Un policier est prévenu pour avoir porté des coups ou causé des blessures à un migrant de nationalité soudanaise de 18 ans, avec circonstance aggravante de préméditation.
Le procureur requiert une peine d’un an de prison qui pourrait bénéficier d’un sursis. Il a argumenté que ces faits, commis à l’encontre d’une personne qui n’a à aucun moment insulté les policiers ou été violente, étaient « pour le moins interpellants« , même si « la fonction de policier est difficile et demande beaucoup de sang-froid« .
La procureur aurait-il donc admis ce type de maltraitance si le jeune homme avait « insulté les policiers ou été violent » ?
Me Alexis Deswaef, qui défend la victime, demande une requalification de ces faits en traitement inhumain, avec la circonstance aggravante étant donné qu’ils ont été perpétrés par un agent représentant la loi. Ceci pourrait alourdir la peine.
Rappelons que le 21 avril dernier, des policiers bruxellois ont emmené des migrants dans une camionnette et les ont relâchés ailleurs près du quai de Willebroeck, non sans avoir fait usage de gaz dans les yeux du jeune homme et détruit son GSM à coups de matraque. Seule une vidéo prise par des témoins a pu mener cette affaire devant la justice.
Me Deswaef estime dans sa plaidoirie que le policier a voulu intimider son client. « Il [le policier, NDLR] a tenté de faire pression sur lui pour qu’il parte, ce transmigrant qui nous ennuie, et aller le conduire tout près du canal. C’est un peu comme au Moyen-Âge, lorsque le soir venu on conduisait les étrangers hors des portes de la ville. […] Il y avait du mépris pour ce migrant, sinon on n’agit pas comme cela« , a-t-il affirmé.
Me Sven Mary qui défend le policier suggère au tribunal d’ordonner au policier de suivre une formation en gestion de la violence. À titre subsidiaire, qu’il bénéficie d’un sursis en cas de condamnation à une peine de prison.
« Mon client regrette amèrement. Mais ce n’est pas un robot, ce n’est pas une machine… Il a eu un ‘coup de sang’ comme il l’a dit, mais il a ajouté: ‘j’ai compris tout de suite que j’avais fait une connerie’.
Quelle peut donc être la raison d’un policier pour avoir un coup de sang lorsqu’il est en service et opère un contrôle dans le cadre des règles Covid-19 ? Est-ce qu’apprendre à gérer sa violence lui apprendrait aussi le respect des personnes interpellées, quelles qu’en soient les raisons ? En quoi être transmigrant occasionne-t-il « un coup de sang » de la part d’un membre des forces de l’ordre
[Sources : Belga 5.6.2020, La Libre 6.6.2020]
30.06.2020 – Ils et elles se couvrent entre collègues – rien de neuf mais toujours aussi interpellant : les collègues sont aussi coupables que ceux qui posent les actes
Bruxelles, le 7 juin 2020, manifestation en soutien à Black Life matters, mouvement étasunien qui défend simplement le fait que la vie de personnes black compte ! Le contexte de cette manifestation est connu : le meurtre de George Floyd perpétré par un policier entouré de ses collègues. Cette manifestation organisée en dépit des mesures de confinement eut plus de retentissement en raison de cette outrecuidance des organisatrices.teurs de braver les instructions officielles, que du fond de son succès. Car à Bruxelles, une manifestation, qui plus est statique, qui plus est dans un contexte fort particulier et restrictif, qui plus est imposant un masque, une manifestation donc qui réunit bien au-delà de 10.000 personnes motivées et pacifiques, méritait plus de considération que celle concédée par la presse en général.
Si tant de personnes ont ressenti le BESOIN de participer et de manifester leur soutien à la cause, ce n’est évidemment pas uniquement (bien qu’essentiel) le soutien à l’atrocité vécue par George Floyd. Non, c’est parce que cette brutalité policière les a touché.es, au fond d’elles, d’eux, soit concerné.es directement, soit indirectement dans leur vécu, dans leur respect, dans leur honneur humain.
Suite à cette manifestation des « émeutes » ont eu lieu dans un quarter de Bruxelles qui comprend d’un côté les magasins les plus chics et de l’autre Matonge – quartier commerçant et associatif africain. Voilà la situation qui donne lieu aux forces de l’ordre présentes en grand nombre, certes un peu dissimulées, dès le début de la manifestation, d’intervenir.
Certaines interventions, éloignées des émeutes, telles que l’usage de canons à eau, ont par ailleurs été vécues comme effrayante par des jeunes personnes surprises et alarmées. Inutile déploiement de force de la part des autorités.
Mounaime, 19 ans, aurait été arrêté et menotté par 5 policiers cagoulés. D’emblée la question se pose : cette manière de se cagouler a-t-elle d’autre objectif que de déclencher la panique ? De dissimuler l’identité des agresseurs ? Qui donne l’ordre d’envoyer des policiers cagoulés parmi la foule, qui ensuite semblent s’en donner à cœur joie ? Il existe une distance énorme entre le fait de procéder à une arrestation, justifiée ou non, dans les règles de l’art policier prescrit, avec correction et démunie d’usage inutile et illégitime de violence, et ce qui nous est rapporté. Le jeune aurait en réalité été tabassé et insulté dans un combi de la police à l’abri des regards ! Ce traitement violent s’il en est, l’amène à s’évanouir . Vers 23 heures (pourquoi si tard?), il a été transporté à l’hôpital où les médecins ont diagnostiqué des hémorragies internes.
Il nous est précisé qu’il conteste avoir pris part aux émeutes déclenchées après la manifestation. Nous n’émettons certainement aucun doute sur ses dires. Nous nous permettons cependant de préciser que de tels agissements de tabassage de la part de personnes policières (cagoulées) détenant un pouvoir d’autorité n’auraient pas été justifiables, même à l’encontre d’un.e émeutier-ère, et ce en aucun cas.
Son avocat Guillaume Lys indique que plainte a été déposée « La version de mon client est précise et circonstanciée » explique-t-il. « Il (la victime) est capable de reconnaître ses agresseurs. Nous espérons qu’un juge d’instruction soit saisi pour faire la lumière sur ces faits très graves de manière totalement indépendante ».
En lisant ce type de récit on ose espérer qu’une instruction et une enquête seront menées pour clarifier l’agression de manière objective, et que les collègues présents seront amenée.s à témoigner des faits. Malheureusement rien n’est moins sûr.
Sans préjuger de la suite de cette affaire révélatrice de dérives nous sommes en droit de douter du support de collègues policiers à la victime. Ainsi nous avons récemment eu confirmation à travers les déclarations d’un policier, déclarations faites lors d’une audition concernant une accusation de « bavure« d’un policier en région bruxelloise : « Si on fait une petite erreur, on essaie de camoufler, de se protéger les un les autres. Même le chef est parfois au courant. Je vous donne l’exemple où des coups sont portés à une personne durant son transfert. Lorsque le chef va constater que la personne présente des traces de coups, il ne va rien dire, par solidarité. Il va accepter que les policiers rédigent un PV pour rébellion. Ça existe dans toutes les équipes […] S’il n’y a pas d’images on dira qu’il n’a rien fait. […] ».
À l’heure où les policiers organisent des manifestations pour se plaindre du manque de considération à leur égard, soutenus par leur hiérarchie comme c’est le cas à Liège où Christian Beaupère, le chef de corps, a annoncé sa participation à l’action. « Je suis policier depuis 44 ans et je ne peux rester passif face à l’acharnement auquel la police est confrontée ces dernières semaines« , […] Je n’accepte aucune discrimination. Le fait qu’il y ait très peu de faits racistes qui nous soient imputables ne nous dispense pas d’y être attentifs« , poursuit-il, « pourtant, je n’accepterai jamais que notre métier soit ainsi vilipendé, calomnié, insulté, injurié sur la place publique. »
Dont acte.
[Sources : RTBF, Buzz & Actualités TV, La DH du 19.06.2020]
21.06.2020 – 30 millions d’euros de plus pour la police fédérale
Le gouvernement annonce une enveloppe supplémentaire pour les services de la police fédérale, destinés essentiellement, outre le financement d’un régime de non-activité préalable à la pension :
- à des investissements « essentiels » dans le parc automobile des forces de l’ordre;
- à des investissements dans les domaines de l’innovation et de l’informatique, afin d’enclencher « une nouvelle étape dans la transition vers une organisation policière plus mobile et plus flexible qui se focalise davantage sur une fonction de police spécialisée et innovatrice« , selon Pieter de Crem (ministre de la Sécurité et de l’Intérieur, CD&V en affaires courantes depuis un an).
Sur ce second pôle, ObsPol s’interroge sur la stratégie et la finalité de ces fonds, dans un contexte de surveillance électronique généralisée et la vague de contestation citoyenne tous azimuts qui ne cesse de s’amplifier (climat, justice sociale, racisme, violences policières etc.) : cse fonds serviront-ils au développement d’application permettant le renforcement du flicage des citoyens et des activistes ? À la multiplication des caméras de surveillance, drônes ? À l’interconnectivité des bases de données existantes de fichage ?
[Source : Le Vif]
10.06.2020 – Lancement d’une campagne contre le profilage ethnique en Belgique par une plateforme de 7 associations
Stop Ethnic Profiling est une plateforme en ligne destinée à alerter sur une phénomène largement constaté dans la police : le profilage ethnique, défini comme « le fait que la police a recours, lors d’une interpellation ou arrestation, à des éléments se fondant sur l’aspect extérieur plutôt que le comportement. Des stéréotypes négatifs ou hypothèses concernant l’origine ethnique, la couleur de peau, la nationalité ou religion servent alors de prétexte à un contrôle, une fouille ou une arrestation au lieu de se référer à des éléments objectifs et justifiables.«
L’objectif déclaré des 7 signataires de la campagne est de « provoquer un changement de mentalités et de politique« , en mettant » le profilage ethnique à l’agenda des femmes et hommes politiques ainsi que de la police, en plaidant pour des mesures concrètes. » Il s’agit aussi de « fournir de l’information à destination du grand public » et renseigner « les personnes les plus exposées au profilage ethnique de leurs droits« .
Le site bilingue FR–NL propose différentes sections : Profilage ethnique, Témoignages, Mes Droits, Recommandations, Matériaux et Contact. Il propose aussi une brochure d’Amnesty Internationale intitulée « Vous et la police » ainsi qu’une courte vidéo en Anglais produite pour Civil Liberties Union for Europe disponible sur YouTube intitulée « Can we record the police while they work? ». Elle est disponible aussi 21.06.2020.
Les organisations à l’initiative de cette campagne financée par Open Society Initiative for Europe (OSIFE) sont Amnesty International Belgique, Jongeren Maken de Stad! (JES), la Ligue des droits humains (LDH) et son pendant côté flammand la Liga voor Mensenrechten, le Minderhede Forum, Uit De Marge, et le MRAX.
09.06.2020 – « Dans une société libre, certains sont coupables, tous sont responsables »
Suite au meurtre de George Floyd aux États-Unis, perpétré par le policier Derek Chauvin entouré de ses collègues, partout dans le monde la colère, l’indignation se sont fait entendre.
Bruxelles se devait d’organiser un rassemblement permettant au plus grand nombre d’exprimer un hommage à l’homme tué par les forces de l’ordre et réclamer qu’ici aussi cessent le racisme institutionnel et les violences policières.
Plusieurs organisations ont permis cette manifestation où plus de 10.000 personnes se sont retrouvées pour exiger la fin de ce virus qu’est le racisme.
Les médias ont largement communiqué sur cet événement, une très belle galerie de photos peut être admirée.
Fin de la manifestation officielle, les personnes se dispersent tranquillement, une atmosphère de chaleur humaine se dégage, tous espérant que le message puisse se propager parmi les responsables politiques et policiers et ne soit pas un vain événement revendicatif de plus.
Nous ne pouvons passer totalement sous silence les « émeutes » qui ont suivi la manifestation. Les organisations ont clairement déclaré regretter ces débordements suite à un rassemblement qui avait été pacifique. Des groupes d’individus s’en sont pris à des véhicules de police et ont pillé des magasins. Nombre de vidéos sont visibles sur internet.
Le SLFP (syndicat de police) a lui, dès lundi déposé un préavis de grève pour la zone Bruxelles-Capitale-Ixelles suite à ces incidents à Matonge.
Nous nous faisons ci-dessous écho à des réflexions de Peter A Geffen, fondateur et président de l’Institut KIVUNIM – Building World Consciousness et fondateur de l’Abraham Joshua Heschel School à New York, qui nous ont particulièrement interpelé.e.s. :
« Je n’ai pas tué George Floyd, ce que le policier de Minneapolis a fait.
Je n’ai pas mis le feu à ces immeubles ou à cette voiture de police, ce sont des terroristes urbains.
Je n’ai pas pillé et ni volé les magasins et les supermarchés, ce sont ces émeutiers anonymes.
Oui, « certains sont coupables, (mais) tous sont responsables ».
Le Dr [Martin Luther] King avait déjà été interrogé au sujet de la mise en danger de la vie de «passants innocents» lorsqu’il a dirigé une marche qu’il savait devoir affronter la violence, comme à Selma. Sa réponse était très simple et directe : «Le terme est un oxymore, car si vous êtes un spectateur, vous ne pouvez pas être innocent. »
Rabbi Heschel, ami du Dr King et proche associé dans la direction du mouvement contre la guerre au Vietnam a compris la nature insidieuse du mal.
« Il y a un mal que la plupart d’entre nous tolèrent et dont nous sommes même coupables : l’indifférence au mal. Nous restons neutres, impartiaux, et pas facilement touchés par les torts causés à d’autres personnes.
L’indifférence au mal est plus insidieuse que le mal lui-même; elle est plus universelle, plus contagieuse, plus dangereuse. Justification silencieuse, elle rend possible une éruption du mal comme une exception devenant la règle et est à son tour acceptée. »
[Source : Pressenza]
31.05.2020 – De la suite donnée aux brutalités sur personnes au sol…
Force est de constater que les violences illégitimes existent, nous en recevons des témoignages régulièrement et en lisons les échos dans les différents médias. Le meurtre de George Floyd aux États-Unis vient nous le balancer en pleine figure.
Près de chez nous, une vidéo partagée par le syndicat de police SLFP témoigne sans ambiguïté des violences commises par des passants contre des policiers au cours d’une arrestation à Anderlecht. Ces brutalités exercées à l’encontre de personnes, qui plus est au sol, nous semblent assurément inacceptables. Ces brutalités physiques ont aussi été accompagnées d’insultes. Un juge d’instruction s’est immédiatement chargé du dossier et actuellement plusieurs personnes suspectes seraient placées sous mandat d’arrêt. Grâce à des images donc, il est possible d’identifier des suspects comme l’indique le porte-parole du parquet de Bruxelles.
Il ne s’agit somme toute que d’un fonctionnement logique et efficace mis en place par les autorités. Récemment une intervention violente à l’égard d’un homme en migration a d’ailleurs également été suivie d’une enquête suite à des témoignages et une vidéo.
Ceci nous rappelle une nouvelle fois que le fait de filmer une intervention sur la voie publique est et reste un élément, non seulement autorisé, mais indispensable pour l’établissement de preuves ultérieures en cas de plainte notamment. Nous rappelons à ce sujet qu’il n’est pas interdit de prendre de photos ni de filmer, quoi qu’en disent certain.es policières-ciers, sauf exception précise.
Une confiscation de votre téléphone à des fin d’effacement d’images par les forces de l’ordre n’est donc pas autorisée (plus d’info).
Nous nous permettons par ailleurs d’émettre ici le souhait que toutes les violences illégitimes, y compris celles commises par des policières et des policiers, en uniforme ou en civil, soient également traitées avec la rapidité et le sérieux qui leur sont dues.
Nous souhaitons aussi rendre hommage à George Floyd, une victime de plus du système raciste policier régnant aux USA à travers le tag réalisé à la gare de Liège Guillemins.
[Sources : RTBF, SudInfo, BuzzFeed, DemocracyNow!, The New York Times]
12.05.2020 – Il y a déjà deux ans : Mawda tuée par un tir policier
À quelques jours du triste anniversaire de la mort de Mawda le 17 mai 2018, tuée par un policier sur l’E42, lors d’une course poursuite de la camionnette de migrants dans laquelle elle se trouvait avec ses parents, nous souhaitons la commémorer afin que l’oubli ne s’installe pas sur cet terrible drame !
Rappelons que le Comité P avait rédigé un rapport de plus de 50 pages, dans lequel il s’était principalement focalisé sur les problèmes techniques de communication entre les policiers. Ce faisant des questions cruciales ne semblaient pas avoir été prises en compte.
A l’époque Selma Benkhelifa, l’avocate des parents de Mawda indiquait au magasine Le Vif que, « Le ton du rapport est très choquant. C’est un rapport uniquement technique dans lequel la mort de la petite Mawda passe pour un détail. On parle de problèmes de communication, de la manière dont la police devrait mieux collaborer inter-équipes. Le langage utilisé est presque incompréhensible pour le commun des mortels. Le prénom de Mawda n’est même pas cité, il n’y apparaît pas non plus les termes ‘petite fille’, ‘arme’, ou ‘mort. On ne lit que ‘incident de tir’. A la lecture du rapport, en faisant abstraction de la date du 17 mai, on ne peut même pas savoir qu’une petite fille est morte ce jour-là! ». […] Ce qui aurait été intéressant, c’est que la Comité P se soit posé la question de savoir ce qui a mené à un drame pareil. Mais il ne répond à aucune de ces questions : ‘Comment un policier a-t-il pu croire légitime de sortir son arme contre une camionnette dans laquelle se trouvaient des migrants?«
Plusieurs reconstitutions ont eu lieu depuis et le 18 décembre 2019 le policier auteur du coup de feu qui a tué Mawda a été inculpé. Le Procureur Général de Mons Ignacio de la Serna a indiqué que « Le policier a été inculpé du chef d’homicide involontaire, article 418 du code pénal, c’est-à-dire qu’il lui est reproché d’avoir involontairement causé la mort de la petite Mawda« . Le juge d’instruction a attendu la reconstitution et les rapports balistiques avant de décider de cette inculpation.
L’enquête est toujours en cours, nous ne pouvons qu’espérer que la clarté soit faite sur ce drame et la mort inacceptable de cette jeune enfant.
07.05.2020 – Le Conseil d’État annule la sanction de démission d’office prise à l’encontre de l’un des policiers pris en flagrant délit de picole pendant le service
Le samedi 14 janvier 2017, des policiers de Schaerbeek tombent sur des collègues attablés au café Black Horse : 3 collègues armés, en uniforme et en service. Sur la table, plus de chopes que de flics…
Le 14 avril, le Conseil d’État vient de sauver la mise à l’un des trois acolytes qui avait déposé un recours, en lui permettant de réintégrer le corps des forces de l’ordre. Le Parquet avait quant à lui classer sans suite. Normal, non, après 33 ans de service ?
Détail amusant : les versions des policiers qui ont appréhendé leurs collègues pendant leur « chill out » ne concordent pas entre elles sur le nombre de verres et de bouteilles dénombrées, du commissaire aux agents…
[Source : La DH]
30.04.2020 – Un ex-flic dénonce publiquement le racisme de ses collègues
Dans une interview accordée à la RTBF, un policier démissionnaire raconte : « J’étais flic et j’ai démissionné à cause du racisme dans mon commissariat« . Voici la transcription de ce témoignage rare…
« La manière dont parle parle à la radio des personnes étrangères, que ce soit « bougnoule, « singe« , « babouin« , ce sont des termes qu’on retrouve très très souvent. Quand on parle d’une personne étrangère, ça va être « le nègre« , « le bougnoule« … J’ai été policier pendant un an et demi, et j’ai démissionné parce que j’étais révolté des propos racistes et des violences physiques à l’encontre des personnes étrangères. Je pense que je suis l’un des premiers à parler publiquement, parce que beaucoup ont peur des représailles. J’ai démissionné en décembre 2017, donc ça fait deux ans et demi. Si j’ai mis autant de temps c’est parce que c’est compliqué…
J’ai été affecté dans une zone de la province du Hainaut. À partir du moment où j’ai mis les pieds dans la salle de rédaction des PV pour les policiers en intervention, il y avait une grande affiche où il était inscrit : « Chassez la crasse !« , avec des photos de personnes étrangères quelconques. Ça m’a totalement révolté, surtout que cette affiche-là, je l’ai retrouvée plusieurs fois sous forme de tract dans mon casier. « Chassez la crasse ! » : on parle d’humains quand même !
Quand vous consultez le carnet des arrestations, où on note les personnes qui sont arrêtées, et que vous constatez qu’il n’y a que des étrangers, c’est quasiment 90% d’étrangers… Peu importe les contrôles, généralement on va se focaliser sur les personnes étrangères. Dans le Hainaut, c’est pas qu’on n’a pas la plus forte densité d’étrangers, sachant que je n’étais pas dans la région de Charleroi, 90% c’est énorme ! Vous vous en doutez, c’est comme ça, il y a du délit de sale gueule malheureusement…
J’étais affecté au service d’intervention, et étant donné que j’étais blessé au genou, j’ai surtout effectué des « gardes cachot », et c’est là où j’ai assisté aux humiliations et aux violences physiques. J’ai par exemple vu des passages à tabac dans des salles qui n’étaient pas audiofilmées, où on les mettait complètement nus lorsqu’on réalisait une fouille, on me demandait de ne pas servir d’eau aux personnes étrangères qui étaient arrêtées… C’était dur à vivre, dur à voir…
Lancer l’alerte, je ne l’ai pas vraiment fait. J’ai plus été voir mes supérieurs en leur disant que je n’acceptais pas cette mentalité qui était mise en place. Il a été catégorique, il m’a dit « Soit tu acceptes cette mentalité, soit tu démissionnes. » J’ai demandé à changer de service, et ç’a été un refus catégorique, et le changement de zone encore moins. Du coup je suis remonté un plus haut au sein de la police fédérale, vraiment au niveau de la Direction du personnel, et à part me dire de porter plainte contre mon employeur, ils ne m’ont pas vraiment aidé…
Je rentrai chez moi tous les jours quasiment en pleurs, c’était vraiment insurmontable, et voilà, j’ai pas longtemps hésité à démissionner, parce que je me sentais pas capable de vivre ça au quotidien.
Si moi j’ai réagi sur Twitter, c’était à la suite des différentes émeutes en Belgique et en France, que je ne cautionne absolument pas, parce que dans la police ils ne sont pas tous à mettre dans le même sac, on a de très bons policiers, et malheureusement des moins bons, mais j’ai voulu témoigner pour soutenir un peu ces jeunes qui ne se sentent jamais écouté parce que, oui, il y a de la discrimination raciale au sein de la police. Je pense que je suis l’un des premiers à parler publiquement, parce que beaucoup ont peur des représailles. Maintenant, le contrôle interne de la zone où je travaillais m’a contacté pour savoir mon histoire, voir ce qui s’était passé, et elle m’a dit de ne plus mettre d’huile sur le feu, donc j’ai eu un petit peu d’intimidation, et j’ai également eu pas mal de policiers qui ont fait de l’intimidation, ils m’ont reconnu, ils ont reconnu mon nom, et ils m’ont dit, en gros, qu’il ne faut plus trop parler, quoi…
Je m’imaginais absolument vivre ce que j’ai vécu, étant donné que j’ai réalisé mes stages dans une autre zone de police, où ça s’est merveilleusement bien passé, j’étais avec des personnes formidables, et où il n’y avait aucune discrimination raciale, et une fois que j’ai démissionné j’ai trouvé j’ai travaillé en tant que personne civile dans un autre hôtel de police où les inspecteurs sont vraiment géniaux et j’ai jamais eu aucun problème, et énormément de policiers de partout en France et en Belgique sont venus témoigner de la même chose qu’ils vivent, actuellement, encore, et y en a un qui a parlé publiquement sous mes tweets, qui a été également Inspecteur en Belgique dans la Région de Bruxelles, et qui a également démissionné pour les mêmes raisons. On retrouve énormément de policiers avec une très grande ouverture d’esprit, c’est important de le souligner. Y a vraiment de très belles personnes. Et c’est ceux-là qui doivent vraiment combattre de l’intérieur, et j’espère que grâce à mon message, même si ce n’est que le début, si je mets que la première pierre, ça peut faire changer les choses, ce serait vraiment, vraiment, vraiment très bien… »
[Source : Vews – RTBF]
23.04.2020 – Un jeune Soudanais, en parcours migratoire à Bruxelles, victime de violences policières
Un migrant soudanais, encore mineur ou tout juste majeur, avait été embarqué brutalement devant témoins dans une camionnette de la police de Bruxelles Capitale / Ixelles, mardi 21 avril 2020 vers 22 h 15, à hauteur de la place Anneessens, avant d’être retrouvé, environ un quart d’heure plus tard, en pleurs, sur un trottoir ; son téléphone portable cassé et ses quelques biens dont son sac de couchage éparpillés autour de lui. Le jeune homme est allé aux urgences en état de choc pour faire constater ses lésions.
La scène avait été saisie par des jeunes qui lui étaient venus en aide et n’avaient heureusement pas manqué de dénoncer cet acte inhumain, inacceptable et injustifiable ! La victime avait en effet été brutalisée par les forces de police à coups de matraque et de spray lacrymogène avant d’être honteusement jetée en dehors de la camionnette comme une vulgaire chaussette…
Il semble qu’une dizaine de policiers l’avaient coincé dans les escalators, remonté et plaqué brutalement contre la camionnette. Ils se sont adressés à lui de façon extrêmement agressive comme l’indique un témoin, ils l’ont fouillé et vidé son sac brutalement avant de l’embarquer.
Quatre policiers concernés par cette intervention avaient ensuite été privés de liberté le lendemain, en vue de leur audition par le service du contrôle interne de la police de Bruxelles Capitale / Ixelles. Tous ont été relaxés par la suite.
« L’un des quatre policiers a été provisoirement suspendu de ses fonctions », confirme Ilse Van de Keere, porte-parole de la police de Bruxelles Capitale/Ixelles.
« Soyez certain que les mesures adéquates seront prises Jamais nous ne tolérerons de comportements inadéquates au sein de notre corps de police et encore moins quand il est question de violences« .
Une information judiciaire a été ouverte par l’office du Procureur du Roi et une enquête et des poursuites seront entamées au cas où une ou plusieurs infractions pénales sont établies.
[Sources : Sudpresse 23.4.2020, Sudinfo, Bx1]
03.04.2020 – Intimidation, harcèlement : la police d’Arlon s’amuse à créer des attroupements
Quelques jours avant la fin de mars, les contrôles, les coups de pression et les survols de la ZAD par drones ce sont accentués. Et il semble clair que la police fédérale et la police d’Arlon profitent de la crise du Covid-19 pour préparer sans doute une expulsion à la fin du confinement.
A la date du 1er avril, l’accumulation de contrôles, de coups de pression, d’amendes, d’espionnage, d’arrestation arbitraire – voire raciste – en centre-ville, a ramené sur la ZAD, restée calme jusqu’ici, une climat de tension inutile en ces temps où la solidarité devrait primer. Quelques zadistes sont venus à la rencontre de l’équipe de pilotage des drones présente sur zone afin de négocier une « trêve ». Nos ami.es, après avoir reçu des rafales de sarcasmes (l’un des policiers prétendait prendre des images historiques et/ou artistique en vue de la victoire de la ZAD et de ne pas vouloir filmer nos visages), ont réussi à négocier un peu de paix. Parole non-tenue par les gardiens de la paix qui, 30 minutes plus tard, renvoient leur drones sillonner la zone, depuis l’arrière des bâtiments d’Idelux. Le règlement d’utilisation du drone stipule que les agents pilotes doivent toujours l’avoir en vue afin de le faire voler, ce qui était géographiquement impossible. Ces deux agents ont donc commis un espionnage illégal.
Suite à cela, des combis de police, dont des fédéraux, ont tourné durant une bonne partie de l’après-midi, en profitant au passage pour nous insulter, nous faire des doigts d’honneur et même nous pointer avec leurs armes de service (pistolet de poing – qui tire à balles réelles – et des FN303). La police sera-t-elle prête à tuer pour un zoning ? En tout cas, les principaux effets de ces contrôles en ville et de ces incursions sur la ZAD sont de créer les attroupements qu’ils sont censés empêcher.
Ces provocations ont entraîné de notre part une réponse à la mesure de l’agression commise par des agents dont la mission sera de nous expulser, nous garder à vue, voir nous tabasser afin qu’une intercommunale opaque et anti-démocratique puisse construire un énième zoning industriel sur une zone de Grand Intérêt Biologique. Nous rappelons que nous défendons cette zone justement pour empêcher cela, et quiconque voudra faire cesser le vol des hirondelles sera chassé.e de ce bois. Ici nous ne faisons qu’interrompre le désastre en cours et peut-être créer un monde où le coronavirus serait impossible. La violence est du côté de ceux qui veulent casser les forêts et emprisonner celles et ceux qui les défendent. La violence est du côté de ceux qui détruisent les hôpitaux, à Arlon ou ailleurs, qui maltraitent le personnel de santé en les soumettant à des cadences de plus en plus infernales, sabrent dans les finances de la santé une fois ministre du budget puis, devenue première ministre sans majorité, les exhorte à mettre en péril leur santé au nom du sauvetage de la nation et de l’unité nationale.
Pendant et après le confinement, la ZAD sera toujours du côté du personnel de santé en lutte contre ceux dont le mode de vie inconséquent nous à amené à la crise en cours.
[Source : Zablière – Zad d’Arlon – Posté le 3.4.2020
#GareàLaRevanche #OuiAuMaintienDeLHopitalDArlon #LaSantéEnLutte]
23.05.2018 – Conférence sur le contrôle au faciès en Belgique
Qu’est-ce que le contrôle au faciès ou le profilage ethnique et que connaît-on du phénomène en Belgique? Quels sont les outils des citoyen·nes pour y remédier ? Existe-t-il des bonnes pratiques mises en œuvre par la police à l’étranger afin de régler le problème ? En matière de contrôle au faciès, quelles mesures peuvent contribuer à le détecter, le prévenir et le combattre ?
Cette conférence est une collaboration entre : Amnesty International, Liga voor Mensenrechten, Minderhedenforum, Uit De Marge, la Ligue des droits de l’Homme, Obspol et le MRAX. À cette occasion, nous présenterons et discuterons des différentes recherches sur le profilage ethnique en Belgique. Les diverses recommandations issues des enquêtes et des bonnes pratiques à l’étranger seront également discutées.
Des expert.es de Belgique et de l’étranger interviendront et plusieurs débats auront lieu. Des moments de questions-réponses avec le public sont prévus afin de nourrir les débats.
La conférence sera en néerlandais, en français et en anglais. Une traduction simultanée est prévue tout au long de la journée.
La conférence est complète, il n’est malheureusement plus possible de s’inscrire. Vous pouvez suivre le livestream via la page FB d’Amnesty International. Envoyez un mail à elisabeth.severino@amnesty-international.be pour être tenu.e au courant.
- QUAND ? : Mercredi 23 mai de 09:30 à 17:30
- OÙ ? : Bibliothèque royale de Belgique, Boulevard de l’Empereur 4 – 1000 Bruxelles
- Programme : télécharger le Programme
20.02.2018 – Nouvelles armes, nouvelles méthodes, une évolution vers un mieux ?
Nous avons déjà décrit le pistolet à impulsion électrique couramment appelée taser, censé aider les policiers. Bien que nous ayons reçu plusieurs témoignages de son utilisation par des forces de l’ordre en Belgique, il semble que son usage ne soit pas encore encadré juridiquement.
Alors qu’un projet « pilote » devait se faire dans 14 zones de police bruxelloises, les armes commandées ne sont pas encore arrivées (heureusement ?), et les syndicats s’opposent encore à leur utilisation. En effet il est bien prévu que les policièr.es qui se serviront de ces armes doivent être formé.es et entrainé.es, mais, sans armes, pas d’entraînement possible. Les syndicats sont s’inquiètent du fait que ces armes « non létales » présentent néanmoins des risques réels, voire vitaux pour certaines catégories de personnes, notamment les personnes souffrant de déficiences cardiaques : les policiers-tireurs seraient donc tenus pour responsables des conséquences de leur tir. Les zones de police elles-même sont réticentes quant au coût d’acquisition de ces armes. Elles ne semblaient pas avoir compté avec une dépense qui pourrait atteindre les 25 000 euros (1).
Récemment la société américaine qui fabrique ces armes a changé de nom, elle se nomme désormais Axon. Au Salon Milipol de Paris en novembre 2017, cette société a d’ailleurs présenté un nouveau système de « caméra-piéton » (bodycam). Autre sujet de polémique, cette caméra déclenchée par la policière ou le policier lui-même, serait remplacé par une nouveauté, le « Signal Sidearm« . Il s’agit d’un capteur sans fil qui fixé à l’extérieur des étuis d’armes déclenche automatiquement la caméra-piéton dès que l’agent sort le taser ou le pistolet de son étui. Ceci qui, selon son fabricant, pourrait servir de preuve en cas d’utilisation d’armes, puisque cette caméra-piéton filmera la personne en face du policier. En France, 2600 caméras-piétons (2000 pour les policiers, 600 pour les gendarmes) sont en cours de déploiement depuis le 1er mars 2017 (2).
Un autre aspect inquiétant dans les interventions policières est l’usage des balles en caoutchouc. Lors d’une intervention à Bruxelles le 18 novembre dernier pour expulser des personnes sans-papiers d’un squat, des policiers en civil ont fait usage également de cette arme. Sans se présenter en uniforme, sans sommation : comment cela est-il possible ? [En savoir plus sur cette agression]
À réfléchir à cette prolifération d’armes et aux notes astronomiques que cela représente, la question se pose de savoir « À qui profite … tout ceci ?« . Il est certain que des certaines sociétés comme Axon doivent se frotter les mains devant ces ouvertures de marchés ! Axon n’a-t-il pas récemment reçu commande de la police australienne pour 11 000 bodycams, soit la deuxième plus grosse commande après celle de la police métropolitaine de Londres (3) ? Mercredi 21 février dernier la loi caméra devrait être votée à la Chambre. Nous ne connaissons pas les détails d’utilisation qui y seront prescrits, les policière.ers porteurs de cet outil devraient filmer l’intégralité de leur intervention, et la caméra serait éteinte à la fin de l’intervention. Nos témoignages nous indiquent que souvent les violences illégitimes, physiques ou autres, se poursuivent dans le véhicule, au commissariat,parfois même en cellule… Certains syndicats réclameraient même que ce soit le policier qui décide de la mise en route ou non. Étrange ouverture à des abus possibles puisqu’il serait alors impossible de connaître le comportement, voire les provocations de la part de la porteuse ou du porteur de cette caméra-piéton. Et puis quid du traitement des images : qui les stocke, qui les examine, sous la responsabilité de qui, avec quelles garanties d’indépendance ? Encore la police ?
Enfin, ces armes et nouveautés électroniques sont-elles vraiment nécessaires dans la gestion de la sécurité et de la protection du public. Quelle est leur plus-value par rapport à l’arsenal dont disposent déjà les policiers sur le terrain ? Pour l’instant aucune étude exhaustive et indépendante qui prendrait en considération tous les aspects de la question (coûts, formation, dangerosité réelle, utilité réelle, risque encouru, perception par les citoyens de leur police etc.) ne permet de démontrer que la rationalité économique et sociale de ces équipements.
22.11.2017 – Le droit de filmer la police : le pot de terre contre le pot de fer
De nouveau un photographe se voit inquiété pour avoir filmer des policiers lors d’une « occupation festive » VSP…
Frédéric Moreau de Bellaing, photographe professionnel, dans le cadre d’un projet sur les migrants, se rend à l’inauguration d’une nouvelle occupation organisée par le collectif La Voix des Sans-papiers (VSP) le 21 juillet dernier. Il y prend des clichés; qu’il diffuse sur plusieurs pages FB. Le 9 octobre, surprise : il reçoit un courrier de la Zone de police BXL Ouest, le convoquant à une audition pour « être entendu sur des faits qui concernent une infraction punissable d’une peine privative de liberté qui pourraient vous être reprochés, plus précisément : INFRACTION À LA LÉGISLATION RELATIVE À LA VIE PRIVÉE.« .
La policière qui le reçoit lui reproche d’avoir « photographié des policiers, le 21 juillet, sans leur accord.« . Durant l’audition, elle le questionne à plusieurs reprises sur les responsables des pages Facebook qui ont publié des photos de la manifestation, le type d’appareil photo qu’il utilise. Elle lui indique ensuite que son domicile va faire l’objet d’une perquisition et que son appareil sera saisi. Devant son refus de signer sa déposition et demande à voir le commissaire, qui, après avoir contacté les services juridiques de la police, décidera qu' »il n’y a pas violation au droit de la vie privée car les personnes sont en service et leur image n’est pas protégée dans ces cas-là.«
Face à cet énième avatar des tentatives d’intimidation de plus en plus fréquentes de la police confrontée au droit citoyen de filmer la police en action, ObsPol tient à souligner les faits exemplaires dans cette affaire :
- Le photographe avait pris la précaution de consulter un avocat sur la législation relative à la vie privée, pour être sûr de ne pas y contrevenir.
- Bien qu’il sache avoir parfaitement le droit de photographier les policiers, Frédéric s’est dans un premier temps abstenu de photographier les policiers qui lui ont demandé agressivement de ne pas le faire (il souhaitait simplement ne pas rajouter aux problèmes des sans-papiers de VSP).
- Tout ce que les policiers auraient pu faire, c’est lui demander de prendre les photographies de plus loin.
- Aucun cliché où l’identité d’un policier aurait pu être reconnu n’a été publié, une exigence éthique que s’est fixée Frédéric.
Vincent Engel, dans un article publié sur le site de Le Soir dénonce le « processus théâtral » à l’œuvre :
- Le ton menaçant de la convocation à être entendu (ou « invitation« , selon la terminologie en usage), qui laisse entendre que « Vous avez commis une infraction grave, vous ne savez pas laquelle mais préparez-vous au pire » ;
- L’audition se déroule face à une policière en gilet pare-balles, dans le sanctuaire d’un commissariat : façon de souligner que le photographe est un dangereux individu ?
- Il est signifié au déposant qu’il n’avait pas le droit de photographier les policiers : mensonge ou incompétence ?
- Lorsque Frédéric refuse de signer le PV d’audition et demande à appeler son avocat, refus de la policière : « Vous ne pouvez pas« . Vraiment ?
On le voit, tout est mis en œuvre pour que le doute s’installe dans l’esprit du « justiciable« , pour que naisse un sentiment de culpabilité injustifié alors même qu’il est dans son bon droit et s’est sciemment astreint à des limites plus strictes que les règles prescrites pour le respect de la vie privée par la loi belge.
Dans l’affaire toute récente de Zin TV (la 1ère audience a lieu à huis-clos ce mardi 14 novembre au palais de justice de Bruxelles), Guy Cumps, Président du Comité P, a pris la plume pour rappeler aux avocats de la télé alternative qu’un « policier ne peut pas supprimer lui-même ou imposer la suppression des images ou vidéos à la personne les ayant réalisées« . (Pour mémoire, en octobre 2015, lors d’une manifestation contre le TTIP, le Traité transatlantique de libre-commerce, des policiers ont saisi la caméra d’une équipe de ZIN TV et effacé des données vidéo des cartes mémoires).
Rappel à la norme et page tournée ? Pas si sûr… Dans le même courrier, Guy Cumps précise que « les plaignants [les photographes et vidéastes de Zin TV, NDLR] étaient effectivement mêlés au groupe de manifestants arrêtés administrativement et pouvaient donc être considérés comme faisant partie du mouvement« . Doit-on en conclure que les policiers seraient fondés à arrêter toute preneur d’images ayant un lien avec des personnes arrêtées administrativement, ne serait-ce que par leur présence sur les lieux de l’intervention ? L’impossibilité de faire valoir son droit de filmer la police au moment de l’interpellation (et l’on sait combien il est souvent difficile de se faire entendre de policiers qui refusent toute communication avant de vous embarquer) justifierait-elle l’arrestation et le « processus théâtral » qui s’ensuit ?
Ainsi que le rappelle ZinTV, « La question ne concerne pas uniquement la corporation de la presse mais tous les citoyens en situation de filmer la police dans ses interventions, que ce soit en manifestation, lors d’arrestations, d’expulsions ou encore plus récemment lors des rafles qui ont eu lieu au parc Maximilien où des migrants, des volontaires de la plateforme citoyenne de solidarité aux réfugiés ainsi que des photographes ont subi des intimidations et des violences alors qu’ils filmaient les interpellations et les arrestations. Ils se sont fait saisir leurs téléphones, certaines photos et vidéos ayant été effacées par les agents de police, en toute illégalité.«
On mesure ici la marge entre détenir un droit l’exercer. « Avoir le droit de » est souvent plus facile que de « faire valoir son droit » devant des policiers. Entre manque de formation, incompétence et mensonge volontaire, le citoyen est démuni. Mais mieux vaut être démuni qu’ignorant, alors téléchargez et gardez sur vous le flyer Filmer la police, et n’hésitez pas à témoigner sur notre site si vous aussi êtes victime ou témoin d’un abus policier : professionnel ou non, vous avez le droit de les filmer !
[Sources : Le Soir, Lettre du Comité P, Zin TV]
19.11.2017 – Protéger ou sévir ? La place de l’expression citoyenne dans l’espace public
Nouvelle édition du Colloque Démocratie de la LDH le 8 décembre, une activité organisée dans le cadre de la campagne « 7/24:30! – De Hautes Luttes«
La liberté d’expression est une valeur cardinale de tout État démocratique, tout comme la liberté de rassemblement. Pourtant, en Belgique, on assiste régulièrement à des frictions entre autorités administratives et forces de l’ordre d’une part et personnes/mouvements qui font un usage de ces libertés d’autre part. Les interactions entre autorités publiques et mouvements sociaux et citoyens sont parfois troublées.
En outre, si certains moyens d’expression « classiques » sont abondamment utilisés (manifestations syndicales, rassemblements exprimant des positions politiques, etc.), d’autres formes d’expression/manifestation à caractère politique ont aussi droit de cité (désobéissance civile, affichage/graffiti, blocage d’axes routiers, piratage de panneaux publicitaires, etc.). Les autorités publiques réagissent de diverses manières face à ces modes d’expression et d’action qui mettent en cause de manière plus ou moins frontale, plus ou moins radicale les ordres établis.
Dans le cadre de son année thématique relative aux mobilisations citoyennes et sociales, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) souhaite rappeler le cadre et l’état du droit existant en la matière, interroger la pertinence de la réaction publique à ces diverses formes d’expression et mettre en débat les moyens d’expression et d’action légitimes ou non dans un État démocratique.
QUAND ? : Vendredi 8 décembre 2017 de 9:00 à 16:15
OÙ ? : Espace Repères – 53 rue Sylvain Denayer, 1070 Bruxelles
INSCRIPTION ? : Tel. 02/209 62 80 – ldh@liguedh.be
[Sources : Programme complet, Flyer]
16.11.2017 – Des associations appellent à un rassemblement à l’occasion du procès en appel dans l’affaire MOAD
La Campagne Stop Répression, la Nouvelle Voie Anticoloniale, les JOC Bruxelles et le Comité des parents contre les violences policières à Molenbeek appellent à un rassemblement à l’occasion du procès en appel du policier condamné le 19 décembre 2016 pour les violences commises sur Moad en 2013, appel interjeté par le policier en cause. Voici le texte de l’appel :
« Moad, 14 ans, a été brutalement interpellé par 5 agents alors qu’il courrait dans une rue proche de chez lui en janvier 2013. Le jeune garçon a été frappé, menotté, insulté et emmené au commissariat sans le moindre contact avec ses parents.
Le 19 décembre a eu lieu le procès des 5 policiers. Ce procès est l’aboutissement de la très longue bataille politique menée par la famille pour que soit reconnue la vérité et que leur fils obtienne justice. Sauf que ce n’est pas le procès des 5 agents auquel on a eu droit, mais bel et bien celui du jeune Moad. En effet, outre les attaques insultantes des trois avocats de la défense (donc des policiers), le jeune a eu droit à des questions et réflexions reprochantes et également insultantes de la part du juge et du procureur du roi ! Le prononcé du jugement a été rendu et un policier sur 5 a été condamné.
Ce jeudi 16 novembre aura lieu le procès en appel du policier condamné le 19 décembre 2016 pour les violences commises sur Moad en 2013. Le flic condamné a fait appel de la décision du juge. Ce n’est pas fini pour Moad et sa famille, soyons donc nombreux à continuer à les soutenir !
A travers le cas de Moad, il s’agit aussi de dénoncer les abus et les violences quotidiennes subies par nombre de jeunes. Rassemblons nous pour soutenir Moad et dénoncer les brutalités policières, la complicité de la justice et le racisme d’État ! Pour que cessent les contrôles au faciès et l’impunité de la police !
La Campagne Stop Répression et la Nouvelle Voie Anticoloniale, des JOC Bruxelles et le Comité des parents contre les violences policières à Molenbeek appellent l’ensemble de la société à participer au rassemblement “JUSTICE POUR MOAD” qui est organisé à Bruxelles ce jeudi 16 novembre à partir de 12h30 devant le palais de justice.
Nous appelons également toute organisation, association, collectif,.. à signer cet appel (via FB ou par mail à stop.repression.be@gmail.com), à participer et à mobiliser ! »
[Sources : Stop Répression, Flyer]
14.11.2017 – L e profilage ethnique en Belgique : pile ou faciès ?
ObsPol relaie une enquête de réalisée par Joachim Gilles, Vincent Abieri, Maxime Gilles & Thomas Bausier, quatre étudiants qui se sont penchés sur la problématique du profilage ethnique dans la police. Ils nous ont confié leur étude pour laquelle nous les remercions.
En France, l’interpellation du jeune Théo dans la banlieue d’Aulnay-sous-Bois fait resurgir des démons enfouis. Victime de coups et d’insultes racistes, le jeune homme de 22 ans a également été violé par l’un des quatre policiers. Cette affaire chamboule la société française. Mais penser que ce problème ne touche pas la Belgique serait une erreur. La Police de notre plat pays ne serait pas toute blanche en ce qui concerne violences policières et délits de faciès.
« Le 27 janvier dernier à Molenbeek, mon petit frère Younes et l’un de ses amis étaient en train de faire un tour quand ils se sont faits interpeller par la Police. Pendant ce contrôle, les policiers frappent son ami. Mon frère n’avait pas sa carte d’identité. Le policier commençant à être violent, Younes a pris peur et s’est enfui. Une fois rattrapé et maîtrisé, mon petit frère s’est également fait frapper alors qu’il était à terre et qu’il ne pouvait pas bouger. Lors de son arrestation, les policiers ont cherché à se mettre dans des angles morts, là où il n’y avait pas de caméras. À un moment donné, mon petit frère ne sentait même plus les coups. »
Dans la voiture, le policier lui a demandé ceci : « Tu me connais ? Ah tu ne me connais pas encore ». Après que l’un de ses collègues ait rajouté « Montre un avant-goût », le policier en question l’a à nouveau frappé. Son tympan s’est percé. Au commissariat, ils n’ont pas hésité à se moquer de lui et de ses parties intimes après lui avoir demandé de se déshabiller. Ce témoignage nous laisse un air de déjà-vu. Les propos ci-dessus, nous les avons recueillis auprès de Lamia, grande sœur de Younes. Suite à ces événements, la famille a décidé de porter plainte. Ce cas-ci ne serait cependant pas isolé, encore moins dans la commune.
L’affaire Moad : un cas susceptible de changer les choses
Molenbeek, janvier 2013. Une affaire fait grand bruit. Il s’agit de l’histoire du jeune Moad. A l’époque, alors âgé de 14 ans, ce dernier se fait arrêter par la Police à quelques rues de chez lui. Aïcha, sa maman, n’a rien oublié. Elle se confie. Dans un bar proche de l’endroit où son fils a été tabassé. « Ça s’est passé un vendredi vers 18h. Moad s’est fait arrêter alors qu’il trottinait dans la rue pour aller rechercher son sac de sport à la maison. La Police estimait que Moad avait commis ou qu’il allait commettre un fait sur un Night Shop qui se situe non loin de chez nous. Mais ce commerce-là connaît déjà très bien mon fils parce que c’est à lui qu’ils font appel quand ils ont une panne d’ordinateur. Au procès, les policiers disaient qu’ils l’avaient maîtrisé contre un mur. Mais non, c’est au sol qu’ils l’ont fait, et l’un d’eux écrasait la tête de Moad avec sa botte. Une policière était assise sur ses fesses pour le menotter. Un autre lui donnait des coups de matraque… Enfin voilà, ils se défoulaient, ils y allaient gaiement !»
La maman raconte l’auscultation de son fils après les faits : « Le médecin a constaté qu’il y avait des coups de matraque. Mon fils était aussi marqué au niveau des poignets. Mais ce n’était pas considéré comme des preuves suffisantes. En plus, il n’y avait pas de caméras pour filmer la scène car il n’y en a pas dans le quartier, c’est très calme. Il n’y a jamais eu de soucis dans ce coin-là. » Pour Aïcha, un seul élément leur a encore permis de croire. « Au commissariat, il est aussi tombé dans les escaliers. On l’a ramassé comme un sac- poubelle, étant donné qu’il était menotté de l’arrière. J’avais demandé à visionner les images des caméras de l’intérieur du commissariat au moment où mon fils tombe et quand on a cogné sa tête sur la porte pour essayer d’entrer. Il y avait une caméra à la porte et comme par hasard, il y a eu un saut d’horloge pendant onze minutes. La seule preuve qui a pu nous servir, c’est le fait que la botte du policier était bien marquée sur la tête de Moad. Quatre heures se sont quand même écoulées entre le moment où mon fils s’est fait arrêter et le moment où le médecin l’a observé. Même après tout ce temps, la botte était toujours marquée et Moad avait toujours une bosse derrière l’oreille ».
« Réduire les dérives s’il y en a »
Même au sein des hautes instances de la police, le problème du délit de faciès n’est pas ignoré et des pistes voient le jour. Frédéric Dauphin, chef de corps de la zone de police Bruxelles-Nord, avoue avoir déjà dû faire face à ce genre de problème. « Les policiers avec lesquels j’ai le plus de soucis sont ceux qui maîtrisent le moins bien les techniques d’intervention. Ce sont des gens qui en général évitent d’aller à ces cours où on les forme à ça ». Selon lui, la manière dont ils sont briefés serait très importante. « Le policier reçoit un briefing avant de partir en patrouille. On lui donne des indications sur les problèmes et les phénomènes de criminalité qu’il pourrait rencontrer sur son chemin pendant la journée. C’est peut-être déjà là qu’on induit tel ou tel comportement. Il pourrait se dire qu’il faut contrôler tous les jeunes qui correspondent à ce qu’on lui a dit plus tôt. En travaillant sur le briefing, on peut déjà améliorer les choses ».
Concernant la mixité de sa zone de police, le chef de corps met en avant la proximité de ses hommes même si « ce n’est pas pour ça que les problèmes de contrôle et de profilage n’existent pas. Les policiers transposent dans leurs activités communes des valeurs culturelles qui leur sont apprises ». Au final, peu de plaintes sont enregistrées. « On peut s’en réjouir et se dire que le phénomène est marginal, mais on peut aussi se demander si les personnes victimes des violences policières connaissent les services de contrôle et si ces services font bien leur travail ». Cette année, avec l’UNIA et l’INCC, une enquête sur l’activité opérationnelle de contrôle sur le terrain est menée. « On va voir dans quelle mesure on peut objectiver la situation, pour réduire les dérives s’il y en a. On est en tout cas dans une démarche scientifique avec des gens extérieurs au corps de police, avec des enquêteurs qu’on ne choisira pas. Le corps de police est ouvert à s’interroger sur ses pratiques ».
Liège : Un exemple à suivre ?
Dans la Cité Ardente, au poste de police situé rue Natalis, nous rencontrons la Commissaire Lengler. Selon elle, le motif de la couleur ou de l’origine ethnique seraient des excuses qui ressortent très souvent lorsqu’ils procèdent à une arrestation. « Dans neuf cas sur dix, ça sera toujours la même parole : « On ne veut pas de moi car je suis noir, arabe…» C’est toujours cela qu’on entend. Ils n’ont jamais rien fait et ont toujours été gentils. Si on est refoulé, il y a toujours un motif. Les policiers ne vont jamais s’amuser à faire ça pour le plaisir. La charge de travail est déjà trop importante pour chercher la petite bête là où il n’y a pas lieu. À partir du moment où on va chercher quelqu’un, c’est parce qu’il y a trouble à l’ordre public ». En 2015, 81 dossiers administratifs sur 101 sont classés sans suite et n’ont même pas été jusque devant le Comité P. La même année, 58 des 94 plaintes. à charge de policiers liégeois au niveau judiciaire sont également classées sans suite. Une seule condamnation a été retenue et 58 classées sans suite. Pour le reste, cela est en cours, attendant de passer devant le tribunal.
Alerte aux statistiques !
De 2009 à 2014, les plaintes enregistrées concernant des faits de racisme n’ont jamais dépassé les 2% du nombre total de dossiers enregistrés. L’année précédente, le pourcentage était même de zéro. Mais ces statistiques reflètent-elles vraiment la réalité ? Non. C’est d’ailleurs ce que nous explique Geneviève Parfait, de l’Observatoire des violences policières en Belgique, les statistiques ne correspondent pas forcément à la réalité. « A l’ObsPol, nous avons une vision du terrain qui diffère des statistiques pures car nous recevons bien plus d’informations. Par exemple, les chiffres du Comité P ne précisent pas s’il s’agit nécessairement de plaintes avec connotation raciste. Leurs chiffres ne concernent que les gens qui sont allés jusqu’à porter plainte ». En général, il est très difficile de prouver qu’une personne a été contrôlée en raison de sa couleur de peau. Le manque de preuves ou l’absence de témoins font partie des raisons qui reviennent souvent et qui conduisent presque toujours à classer l’affaire sans suite.
Nicha Mbuli, juriste au MRAX, partage ce sentiment. « Le Comité P attend de la victime un récit sans fautes, avec beaucoup de précisions. Mais comment peut-on relever son nom, son grade ou encore l’immatriculation de sa voiture quand on est en train de se faire tabasser ? C’est impossible ! On ne pense pas à tout ça… ». « Sans témoins, ça sera toujours la parole de l’un contre celle de l’autre », explique la criminologue Chaïma El Yahiaoui. Elle poursuit. « Généralement, l’individu peut invoquer le critère de l’origine quand il a été victime de coups et blessures pour dire que c’est dû à son faciès qu’il a été contrôlé. Mais sans cela quelle preuve pourrait-il apporter ? ». En effet, les personnes victimes de profilage ethnique ne vont pas toujours jusqu’à déposer plainte. Une réalité dont les chiffres ne tiennent pas compte comme nous l’explique Chaïma El Yahiaoui. « Généralement, les gens ne sont pas vraiment au courant des structures vers lesquelles ils peuvent se tourner pour déposer plainte. Beaucoup critiquent aussi le fait qu’il n’y ait pas de structures indépendantes. Par exemple, le Comité P se dit indépendant mais il ne l’est pas totalement, ça reste une structure interne de la Police. Il y en a d’autres qui ont plein d’idées farfelues. Certains croient qu’il faut d’abord disposer d’un nombre minimum de témoins. Il y a également la peur des représailles ainsi que penser que de déposer plainte ne servirait à rien ».
« On va te mettre dans une cage sale nègre ! »
À Liège, nous faisons la connaissance d’une jeune fille noire de 22 ans. Nous lui attribuons « Angela » comme nom d’emprunt. Tout comme Moad ou Younes, cette dernière a connu une mésaventure avec la police. « C’était il y a environ trois ans dans un magasin Kruidvat. J’étais avec ma petite sœur. Là-bas, la vendeuse nous a toutes les deux accusées à tort d’avoir volé des produits du commerce. Au moment où la police est arrivée, on m’a demandé mes papiers d’identité. Je ne les avais pas et c’est mon seul tort dans l’histoire. Je leur ai répondu que j’avais mon abonnement de bus, ce qui constituait quand même une preuve de mon identité. Ce n’était pas suffisant. Le policier n’a rien voulu savoir et a voulu m’embarquer de force. J’ai refusé et du coup, il a voulu me menotter. J’ai essayé de me débattre mais en faisant cela, il me faisait mal, j’ai eu des séquelles. Une fois menottée, ils en ont profité pour me mettre des coups. À un moment donné, j’ai cru qu’ils voulaient m’étouffer car j’étais à terre et l’un des policiers avait tout son poids sur moi ».
Pour Maître Lurquin, l’avocat qui avait défendu Moad et qui représente actuellement Younes, la police ne peut pas jouer avec le monopole de la force. « D’une part, il existe une violence institutionnelle qui est légitime de la part de la police. Il faut aussi pouvoir l’expliquer aux jeunes. Mais cette violence, on ne peut pas jouer avec quand on en détient le monopole. Elle doit être proportionnelle au danger que la personne pourrait représenter. Vous savez, on dit toujours que pour tout jeune qui commet un délit, il faut une sanction. Mais quand le délit est au contraire commis par le policier et qu’il reste impuni, ça fait en sorte que l’on fragilise le jeune aussi et il peut avoir une conception de la police qui n’est sûrement pas favorable pour le vivre-ensemble dans la société ». Maître Lurquin nous parle également des difficultés rencontrées dans ce genre de cas. « Il faut savoir si ce que le jeune nous raconte est vrai avant de commencer car si ça va au tribunal, il y a une instruction complète qui est réalisée, tout est vérifié. On a donc une première discussion très serrée avec la personne car si on se trompe, c’est la catastrophe. Ce qu’il se passe aussi maintenant, c’est le fait qu’il y a une contre-procédure. Dans le cas de Moad, les policiers qui ont été acquittés ont demandé des indemnités de procédure qui avoisinaient 9000 euros au total. Pour les avocats, ce sont des dossiers où on est un peu seul contre tous ».
Dans ce genre de cas, les plaignants obtiennent rarement gain de cause. Et quand bien même ils obtiennent réparation, les peines infligées aux policiers incriminés seraient souvent légères, voir dérisoires. Ce que nous raconte Angela concernant son arrestation laisse sans voix. « En m’embarquant dans l’un des combis, l’inspecteur m’a dit « On va te mettre dans une cage sale nègre ! Rentre dans le combi sale noire ! ». Ses collègues rigolaient, on aurait dit qu’ils approuvaient complètement ses propos ». À l’heure qu’il est, l’inspecteur serait toujours en fonction.
Vous avez dit rébellion ?
Lors de nos diverses entrevues, une notion s’est distinguée du reste : rébellion. L’avocat de Moad et Younes nous explique qu’il arrive généralement que les policiers se retournent contre les personnes qui ont porté plainte contre eux en disant qu’il y a eu rébellion. Ce terme apparaîtrait de manière récurrente comme lors de notre rencontre avec Maître Sandra Berbuto, spécialisée en matière des Droits de l’Homme. « À chaque fois que j’ai défendu une personne s’étant faite frappée par la police, nous nous sommes faits condamner pour rébellion. Les policiers se font taper sur les doigts mais c’est excessivement rare », regrette-t-elle.
Le récépissé : la piste à privilégier
Les chiffres officiels de la Police concernant le profilage ethnique peuvent être faussés. Pour remédier à cette lacune, une solution déjà présente en Grande-Bretagne pourrait venir donner des éléments de réponse. Pour Geneviève Parfait, l’adoption d’un récépissé serait nécessaire. « C’est comme quand tu as un PV sur ta voiture : le policier te dit à quel article de loi tu as contrevenu. Là, ce serait la même chose. On devrait dire à la personne pourquoi elle a été contrôlée. Comme ça, on sait qui a contrôlé, à quelle heure, quel est le matricule du policier, … Et à l’inverse, le ou les policiers devraient aussi à chaque fois se justifier ». Selon Chaïma, « la délivrance d’un récépissé nous permettrait surtout d’avoir des chiffres car c’est un vrai problème en Belgique. A chaque fois qu’on veut traiter de cette question, c’est le premier frein auquel on fait face puisqu’on n’a pas de données chiffrées ». La criminologue pense aussi que cette procédure pourrait endiguer le nombre de ces contrôles. « Il faut dire que dans la sociologie policière, l’aspect administratif n’est pas ce qui est le plus apprécié. Donc, le fait de devoir remplir un papier, cela va déjà les dissuader de contrôler des gens à tout bout de champ ».
[Source : Joachim Gilles, Vincent Abieri, Maxime Gilles & Thomas Bausier]
15.10.2017 – Le Collectif Mendiant(e)s d’Humanité révèle le passage à tabac d’un SDF à Namur
La police passe à tabac un SDF qui tentait d’entrer dans des bâtiments inoccupés de la Région wallonne. Les traces de blessures sur son corps et de nombreux éléments de preuves révèlent des violences policières.
Voici le récit de violences policières survenues durant la nuit du 13 au 14 octobre telles qu’elles ont été observées, subies et/ou ressenties par le Collectif Mendiant(e)s d’Humanité. Le Collectif a publié un communiqué de presse (dont voici des extraits résumant les faits), diffusé entre autres le 15 octobre sur le blog « Les laissés-pour-compte de Namur » de Benjamin Moriame, journaliste indépendant :
« […] Il faut savoir que Ludwig co-organise l’occupation pacifique des anciens bâtiments (inoccupés) des Archives de l’État à Bomel. Là-bas, une vingtaine de SDF vivent en communauté et, solidairement, soignent leurs maux avec un relatif succès (maladies, dépressions, addictions…). Ils veillent à ne pas dégrader les lieux, les aménagent et les restaurent si besoin. Un avis d’expulsion leur est tout de même parvenu début octobre et, comme toujours dans ces cas-là, ils se préparent à quitter (pour un autre bâtiment inoccupé), avant l’expulsion manu militari, pour éviter la confrontation et conserver le caractère pacifique de leur combat. L’électricité a été coupée entre-temps.
[…] Vendredi 13 au soir, les occupants de Bomel boivent un coup. Certains boivent trop. Ils parlent de leur prochain lieu d’occupation et, quelques-uns, dont Ludwig, décident d’aller ouvrir un nouveau lieu, rue Notre-Dame (dans l’ombre de la si bien éclairée Citadelle), tandis que d’autres essayent vainement de les en dissuader. […]. Le bâtiment est vidéo-surveillé […]. Une voisine, d’en face, descend dans la rue et prévient les squatteurs qu’elle a appelé la police, mais ces derniers ne se pressent pas de fuir. Les policiers arrivent rapidement. Quand les lumières bleues se précisent, quelques-uns s’en vont, d’autres hésitent. Le pied-de-biche est glissé par l’un d’entre eux sous une voiture, mais Ludwig ne veut pas perdre son pied-de-biche et le ramasse.
La police s’en prend à Ludwig et ordonne aux autres de décamper […]. Juste après avoir jeté le pied-de-biche, Ludwig prend une balle (sans savoir qu’elle est en caoutchouc) et tombe à genoux. Dans la foulée, il prend au moins neuf autres balles, jusqu’à épuisement des chargeurs. Ces balles auraient pu tuer Ludwig (qui ignorait de quoi elles étaient faites). Elles l’ont en tout cas blessé un peu partout. Entre les balles, Ludwig confesse avoir injurié et menacé les policiers (mais est-ce encore important ?). Ces derniers en ont, apparemment, été très vexés. Le corps de Ludwig présente les traces de dix balles en caoutchouc (y compris dans le dos !) et de nombreux coups. L’un de ces coups a été donné en plein visage.
« Je crois que c’était un pied mais je n’ai rien vu venir et, à ce moment, j’étais par terre », raconte Ludwig, qui jure n’avoir jamais levé la main sur les policiers. D’autres témoins confirment, avec des mots différents, mais le même récit : Ludwig était maintenu par terre par deux policiers tandis qu’un troisième lui a donné un violent coup de pied au milieu du visage et plusieurs autres dans les côtes.
Si ces faits – ou même la moitié des faits – pouvaient être confirmés par des preuves irréfutables (c’est vers cela qu’on se dirige), il est évident que ce serait très inquiétant pour les Namurois, car cela veut dire que la police ne se contrôle pas ou, pire, qu’elle est contrôlée par des gens qui méprisent la Loi, la démocratie, en particulier les règles qui régissent l’usage de la force par les représentants de l’État ainsi que celles qui interdisent toute forme de torture (pour intimidation, vengeance…).
[…] Ludwig est resté emprisonné environ 17 heures. Durant son audition, Ludwig s’est entendu dire, par un policier : « Pour le même prix, c’était à balles réelles ! » ».
[Source : Les laissés-pour-compte de Namur]
15.10.2017 – La Chronique N°180 de la LDH se penche sur les rapports de police
Cette année,dans le cadre de « Droits humains, de hautes luttes » autour des mobilisations citoyennes et sociales, la campagne de la LDH intitulée « Quels droits face à la police ? » a mis en avant des initiatives sur ce thème, dont un livret sur le droit de filmer la police (disponible ici). Le 8 décembre sera également l’occasion de débattre plus largement de (la répression de) l’expression citoyenne dans l’espace public avec des acteurs de terrain.
Au menu de cette édition juillet-septembre 2017 consacrée aux rapports entre les citoyens et la police : la diversité au sein de la police, la police en état d’urgence, les violences policières et plus encore. Sommaire de ce numéro de la Chronique :
- « Après les baffes, l’État belge mérite un bon coup de pied au c…« , par Mathieu Beys, juriste, auteur du livre « Quels droits face à la police ? Manuel juridique et pratique » et membre d’ObsPol. Suite à sa condamnation dans l’affaire Bouyid par la Cour européenne des droits de l’homme, qui fait jurisprudence dans toutes les affaires de violences policières, de l’Irlande à l’Azerbaïdjan, la Belgique est désormais célèbre pour l’impunité de certain.e.s de ses policier.ère.s.
- « Le vécu des citoyen.ne.s« , par Geneviève Parfait, membre d’ObsPol. « Bah, si je n’ai rien à me reprocher, je ne serai pas inquiété.e ». Ce type d’affirmation est souvent entendu lors de discussions sur les agissements de la police. La réalité est tout autre. En effet, force est de constater, au vu des récits, témoignages et demandes d’aide qui parviennent à ObsPol, qu’il n’en est rien sur le terrain. Si bon nombre d’interventions policières se déroulent conformément aux règles, lois ou d’autres se déroulent de manière problématique.
- « Profilage ethnique : de l’utilité (ou non) du récépissé« , par Manu Lambert, Conseiller juridique LDH. De longue date, les relations entre forces de police et minorités visibles ont été tendues, entraînant des accusations mutuelles de racisme et/ou de discrimination d’un côté, d’obstructions au légitime travail des forces de l’ordre de l’autre.
- « La police et la diversité« , par Claire-Marie Lievens, Conseillère juridique LDH. « Tout ce qu’il faut pour faire une comédie c’est un parc, un policier et une jolie fille » nous dit Charlie Chaplin. Mais en 2017, où en sont les relations entre le policier et la jolie fille ? Plus globalement, comment la police aborde-t-elle les nombreuses questions liées au genre, tant en interne qu’en externe, dans la relation au citoyen ? Et plus largement encore, comment est gérée la question de la diversité par le monde si particulier de la Police ?
- « La police en état d’urgence« , par Yannis Ladghem, Département communication LDH. La Belgique est depuis de longs mois confrontée à des activités terroristes qui ont poussé les autorités à placer le curseur de la menace au niveau 3 (sur 4) depuis plus de deux ans. Dans ce cadre, la police (aux côtés d’autres corps de sécurité) est fortement mobilisée sur la scène de la sécurité nationale. L’enjeu est de taille : garantir la protection de 11 millions d’habitant.e.s. Dans quelles conditions ?
[Source : Ligue des droits de l’Homme]
07.09.2017 – Violences policières et impunité : un mal belge ?
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Le 20 juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu deux décisions de règlement amiable impliquant des citoyens belges. De quoi s’agissait-il ? Après de longues années de procédure, l’État belge a fini par reconnaître que les deux personnes concernées par ces deux procédures distinctes (et sans aucun rapport entre elles) avaient fait l’objet de violences policières constituant des traitements inhumains et dégradants contraires à la CEDH. Cela, alors que les juridictions belges avaient ignoré leurs plaintes, pourtant bien étayées. L’État belge, après de longues années de déni, a préféré payer une somme importante aux intéressés pour s’épargner une nouvelle condamnation internationale et l’opprobre qu’aurait générée des décisions gênantes de la Cour.
Car, en effet, il ne s’agit pas là de la première affaire dans laquelle le recours illégitime à la force et l’impunité policière sont pointées du doigt par la juridiction européenne. Dans son célèbre arrêt Bouyid c. Belgique, la Grande Chambre de la CEDH taclait singulièrement les autorités belges, condamnant des interventions policières qui avaient pourtant été jugées parfaitement légitimes par les juges belges, y compris de la Cour de cassation.
L’État belge ne semble pas avoir tout à fait retenu la leçon. Il en sera donc pour ses (nos) frais. Sur le plan financier tout d’abord : après avoir négligé les plaintes des victimes pendant les longues années de procédures en Belgique, elle déboursera respectivement 18 500 et 15 000 euros pour indemniser les victimes. Et en matière de crédibilité internationale surtout, ces affaires placent la Belgique sous la lumière peu glorieuse des pays qui tolèrent l’impunité s’ils ne sont pas contraints d’admettre le contraire par une instance internationale.
La LDH est intervenue dans l’une de ces affaires dans l’objectif d’informer la Cour des difficultés rencontrées par les victimes de violences policières pour faire valoir leurs droits devant la justice du Royaume. A cette occasion, la LDH a rédigé un amicus curiae visant à éclairer la Cour sur ce phénomène et sur les principaux obstacles réglementaires et pratiques que rencontrent les victimes de ces violences. Une version synthétique de l’amicus curiae est également accessible sur le site de la LDH.
En conclusion, cette affaire démontre que le recours illégitime à la force (à caractère raciste dans l’un des deux cas) et la manière complaisante dont certains juges belges le traitent parfois est un problème récurrent en Belgique. Il est temps que l’État fédéral mette fin à l’impunité de celles et ceux qui nuisent à l’institution policière en prenant des mesures concrètes, tant réglementaires que par la formation des forces de police et des magistrat.e.s.
[Sources : Ligue des droits humains]
07.08.2017 – « Les caméras ne fonctionnaient pas », « classement sans suite » : un air de déjà vu !
Toute violence illégitime doit être sanctionnée, et cela devrait valoir aussi indiscutablement pour la violence que les forces de l’ordre pratiquent contre des citoyens eux, désarmés, habillés sans protection aucune et souvent seuls face à un groupe de policiers menaçants. Et pourtant…
En ce mois estival de juillet, une nouvelle retient notre attention : un dossier de violences policières classé sans suite par la Comité P. Un de plus, sommes-nous autorisés à dire. En effet, devant les rares plaintes qu’introduisent les victimes de violences policières, le jeu n’est pas égal. Alors que les syndicats policiers clament vouloir une « tolérance zéro » en matière d’agressions envers les policiers, on aimerait que l’inverse soit tout autant appliqué. En juin dernier, le SLFP Police, réclamait « une circulaire des procureurs généraux qui dirait clairement aux magistrats ce qu’ils doivent faire au minimum lorsqu’ils sont face à des violences contre les policiers, et qui mettrait en place une tolérance zéro contre ce type de faits » clamait Vincent Gilles, son président.
La crainte peut mener à des comportements de panique, comme en janvier 2017 lors d’un contrôle d’identité sur deux mineurs à Molenbeek sur deux mineurs : Mehdi, 15 ans, et Younes, 17 ans. Le fait de s’enfuir devant la gifle assénée par le policier à Mehdi, entraîne alors, comme souvent observé, une escalade dans la violence exercée par les forces de l’ordre. La police aurait donné à Mehdi à ce stade, des coups de pieds et de genou en raison de sa fuite. Emmené au commissariat sans autre forme d’interrogation, il aurait été forcé à se déshabiller, il aurait enduré les insultes et les propos racistes des policiers. Rappelons le jeune âge de la victime qui se trouve ainsi démunie dans une situation effroyable de déséquilibre des forces.
Younes de son côté s’était caché devant le déchaînement policier : « Après que Mehdi ait pris la fuite, j’ai pris peur et je me suis caché aussi derrière une voiture. Un policier est arrivé et a pointé son pistolet sur moi », raconte-t-il. « J’avais peur, j’étais immobilisé. Il m’a mis à terre et m’a donné plusieurs gifles« . La police estime-t-elle donc qu’il faut dégainer parce qu’un jeune se cache derrière une voiture ? Est-il acceptable d’avoir ensuite été giflé ? Au point d’avoir le tympan perforé ?
Les familles des jeunes victimes ont porté plainte au Comité P. Elles indiquent qu’elles avaient amené des témoins de l’affaire ainsi que des certificats médicaux. Première déconvenue : elles apprennent alors que les caméras du commissariat ne fonctionnaient pas ce jour-là… Un courrier du procureur du Roi que met enfin un terme à leur attente, par une seconde déconvenue : « L’enquête n’a pas permis de réunir des charges suffisantes à l’encontre du suspect [le policier, NDLR] ». Le dossier a été classé sans suite.
Et voilà, un nouveau dossier classé sans suite. Selon les déclarations du porte-parole de la zone concernée, J. Berckmans, il s’agirait d’un « bon signal« , prouvant qu’ils [les policiers, NDLR] « connaissent ‘la stratégie’ de certains jeunes et qu’une fois ‘qu’ils se blessent’ ils décident de déposer plainte« . Mais quelle est donc la « stratégie » des policiers dont les caméras ne fonctionnent pas? Prêts à dégainer devant un jeune, se permettant des gifles, des humiliations, des propos racistes ?
Une fois encore, les questions restent posées : comment une victime peut-elle apporter des preuves qui suffiraient au Comité P ? Comment garantir tout au long de la procédure, du début de l’intervention policière à la libération de la victime, les droits de celle-ci à être traitée dignement et dans le respect de ses droits élémentaires ?
Devant ce genre d’affaires, ObsPol ne peut que déplorer qu’en Belgique, le chœur des responsables policiers et politiques soit unanimement silencieux. Aux États-Unis, où les violences policières se mesurent sur une toute autre échelle (elles sont responsables de plus de 300 morts depuis le début de l’année), le nouveau Président, après avoir été applaudi lors d’un discours devant des officiers de police à Long Island (New York) pour avoir encouragé la police à ne pas prendre de gants dans leurs interventions, a été successivement désavoué par la hiérarchie policière et les procureurs de nombreux États, sans parler des ONG, chercheurs, journalistes etc.
Alors, à quand la fin du corporatisme policier et de l’omerta politique au Royaume de Belgique ?
06.08.2017 – Appel à rassemblement et chaîne de solidarité au parc Maximilien ce mardi à 10:00
Face au comportement odieux et écœurant de la police qui s’en prend aux personnes les plus fragilisées, les plus vulnérables, ObsPol appelle à un rassemblement pour former une chaîne humaine de solidarité sur les lieux mêmes des exactions policières.
La presse nous a largement informé des faits de confiscation, disparition, rackets perpétrés à l’encontre de personnes migrantes se trouvant dans des conditions de faiblesse extrême. Ces personnes ont eu le courage de dénoncer les faits, au risque de se voir elles-mêmes poursuivies. La presse s’en est fait l’écho et que voit-on le lendemain? ces mêmes migrants sont raflés, arrêtés brutalement au petit matin par les forces de l’ordre, leurs maigres et uniques biens jetés à la décharge ! Ces personnes se retrouveront au mieux dans la rue ayant perdu leurs essentielles possessions avec un OQT, ou pire dans un des cinq centres fermés, prisons abjectes pour personnes démunies de documents de séjour valables.
Ce qui se passe est scandaleux, inacceptable et nous ne pouvons assister à ce spectacle au balcon sans réagir ni exprimer notre désapprobation totale.
Montrons publiquement que nous ne cautionnons pas ces pratiques inquiétantes, que nous les dénonçons, que nous sommes solidaires des migrants victimes. Une chaîne de solidarité sera organisée.
« […] Non seulement les migrants sont en situation de vulnérabilité, laissés sans soins ni accueil par l’État, mais en plus, ils sont les victimes des agents de l’État. Honte à la Belgique !” (Alexis Deswaef, Président LDH).
06.04.2017 – TASER, une arme américaine au service des forces de l’ordre belges : porte ouverte à de nouveaux abus ?
L’utilisation par la police belge de pistolets à impulsion électrique, armes plus connues sous le nom de « Taser » du nom de la société américaine qui les fabrique, a été sous le feu de l’actualité récente. Dans un premier temps nous apprenions que la police belge et son chef le ministre de la Sécurité et de l’Intérieur Jan Jambon (N-VA) ont réussi à faire accepter l’utilisation de cette arme pour étoffer le coffre à outils policier. Poivre et bâton télescopique ne suffisent apparemment pas, voici les « Taser guns« …
Une zone de police en particulier – par ailleurs fréquemment impliquée dans des démêlés avec la justice pour le comportement de ses policiers, rappelons-nous l’inspecteur principal poursuivi par le Parquet pour coups et blessures avec des motifs racistes, – s’était portée candidate pour tester l’utilisation de ces armes. Pour nous rassurer probablement, il nous est précisé que les policiers qui utiliseraient cette arme devraient se faire taser pour comprendre le choc infligé! D’autres zones bruxelloises étaient également candidates (Anderlecht, Forest, Saint-Gilles et la zone Ouest qui couvre Molenbeek-Saint-Jean, Berchem-Ste-Agathe, Koekelberg, Jette et Ganshoren).
Décrivons brièvement le fonctionnement de ces pistolets : ils propulsent deux électrodes reliées à des filins à une distance maximale de 7,6 mètres. Les armes libèrent une décharge électrique de deux milliampères pour 50.000 Volts provoquant de la douleur et une dysfonction biomécanique.
Selon le Sergent Landry [Moniteur en emploi de la force – Service de police de Granby, Quebec – Canada] « en neutralisant le système neuromusculaire, la décharge immobilise la personne touchée et permet aux policiers d’intervenir sans risque pour procéder à son arrestation« . Il est en outre recommandé que le policier vise plus particulièrement le dos ou le bas de l’abdomen, en prenant soin d’éviter la tête, le cou, les seins, les parties génitales et la région du cœur. Il est en outre indiqué que « comme les individus ne réagissent pas tous de la même façon, toute personne recevant une décharge électrique sera transférée à l’hôpital pour un examen médical« . L’action de ce pistolet bloque le système nerveux : les muscles deviennent incapables de se contracter et de remplir leurs fonctions; la victime s’écroule alors au sol.
Dans les discours officiels on n’évoque généralement que le mode d’utilisation dans lequel la cartouche placée dans le pistolet libère deux ardillons qui vont aller se planter dans les vêtements de la personne. Il existe pourtant une seconde utilisation qui consiste en une impulsion électrique par contact : sans sa cartouche, le pistolet libère un arc électrique qui a les mêmes conséquences dès qu’il est appliqué sur la personne qui tombe alors au sol. Il faut également signaler que l’appareil possède une autre particularité rarement mentionnée : il est doté dans la partie inférieure de sa crosse, d’une caméra qui filme et enregistre tout ce qu’il se passe durant son utilisation [Jacques Prince, conseiller municipal délégué à la sécurité à Pontarlier, France]. Un instrument en état de marche dès sa mise sous tension et qui peut servir par la suite ; les images et l’enregistrement pouvant être extraits dans le cadre d’une procédure judiciaire. Actuellement le cadre légal qui manquait et avait déclenché l’opposition à leur utilisation de la part des syndicats policiers aurait finalement été défini [La loi sur la police intégrée prévoit que le Ministre de l’intérieur dispose d’une totale liberté pour doter les services de police d’un armement spécifique. La commission de l’armement policier qui a été saisie dans le cas présent n’a qu’un avis non contraignant. Le cadre légal serait respecté, selon Alain Kestermont conseiller sécurité et police (Défi)].
Nous ne pouvons que déplorer et craindre l’introduction d’un armement supplémentaire qui va augmenter la puissance de frappe des forces de l’ordre face aux citoyens. Beaucoup de voix s’élèvent contre l’utilisation du Taser, considéré comme une nouvelle porte ouverte aux abus. Au prétexte qu’il serait « non létal« , ce qui est erroné (lors de sa 39ème session de novembre 2007, le Comité de l’ONU contre la torture a estimé que l’utilisation du Taser constitue « une forme de torture » et « peut même provoquer la mort » (4) ; voir aussi le rapport d’Amnesty International de décembre 2008 (5) : le nombre de personnes mortes aux États-Unis après avoir été touchées par un Taser est de 334, chiffre établi pour la période comprise entre 2001 et août 2008. En février 2012, ce nombre a atteint les 500. Si la plupart de ces morts ont été attribuées à des facteurs autres que la décharge électrique, des médecins légistes et des coroners ont conclu que les décharges infligées au moyen d’un Taser avaient entraîné directement ou indirectement, la mort dans au moins 50 cas), les abus seront inévitables.
Plusieurs témoignages concordants nous sont déjà parvenus qui font état de l’utilisation de cette arme : « À ce moment-là il [le policier, NDLR] me réplique énervé ‘Vous êtes des terroristes sonores!’ il m’a regardé en souriant a sifflé dans son sifflet et m’a aspergé de gaz lacrymogène. J’ai vu des femmes se faire électrocuter par un Taser, se faire matraquer et gazer alors qu’elles n’avaient rien fait.«
Quelles seront les limites autorisées pour l’emploi des Tasers, définissant les futurs abus ? Les règles de la légitime défense leur seront-elles appliquées? Qu’a donc motivé la soudaine urgence de Jan Jambon ? Par ailleurs, lorsqu’on parle de « tester pendant six mois » des pistolets à impulsion électrique, qu’est-ce que cela signifie ? Les policier-ères vont-ils l’utiliser pour en tester l’efficacité, les effets, les blessures infligées, les douleurs occasionnées ? Une évaluation semble-t-il par le conseiller en prévention de la zone de police Bruxelles-Capitale Ixelles devrait encadrer le déroulement de l’expérience.
Selon la presse [DHnet, 1er avril 2017], du côté de la zone Bruxelles-Ouest, deux Tasers seront achetés et l’utilisation sera également faite par la brigade anti-banditisme. Seuls les chefs d’équipe pourront les utiliser après avoir suivi la formation. « Le nombre de personne sera limité et il n’est pas question d’équiper toute la brigade de ce nouvel outil« , explique Johan De Becker, le chef de corps (notons au passage qu’aux yeux d’un chef de corps, une arme n’est autre qu’un « outil« !). Espérons que, s’ils ne sont pas interdits, l’utilisation de ces « outils » sera soumise aux mêmes règles strictes que les armes à feu et fera l’objet d’un contrôle rigoureux !
27.03.2017 – Violences policières lors d’une tentative d’expulsion : à quand la fin de l’impunité ?
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Le 24 mars, lors d’une tentative d’expulsion forcée vers le Togo, Agbevide Djegon a été victime de violences policières physiques et psychologiques indignes. La CRER, Getting the Voice Out et ObsPol dénoncent des pratiques systématiques de violences policières lors d’expulsions ou de leur tentatives. Agbevide risque d’être persécuté par les autorités de son pays s’il retourne au Togo. Ses demandes d’asile n’ayant pu aboutir, il a fait une tentative de suicide le 13 mars 2017. Inconscient, il n’a pourtant été emmené à l’hôpital que le lendemain. Dès sa sortie de l’infirmerie, il a été mis en isolement, au cachot pour ensuite être expulsé.
Lorsque Agbevide est arrivé à l’aéroport, cinq hommes et une femme de la police fédérale étaient présents. « J’avais une lame sur moi, que j’ai avalée parce que je ne veux pas y retourner. Ils m’ont dit « comme ça, tu peux crever au Togo » ». Les policiers ont retiré ses vêtements pour dissimuler les traces de sang. Paniqué, Agbevide a commencé à crier, les policiers lui ont alors « écrasé le cou». « Ils fermaient en même temps ma bouche et mon nez … j’étouffais ». Un passager s’est alors levé en criant aux policiers « Vous allez le tuer ! ». Agbevide était à moitié inconscient, le commandant est arrivé et a refusé de décoller dans ces conditions.
Durant le retour au centre fermé, un des policiers lui a lancé « Ce n’est pas terminé ! Quand tu reviendras, tu verras ce que ça va donner…»
Cette situation fait écho à celle d’Emmanuel K. dénoncée il y a quelques jours. Les récits sont concordants : humiliations, usage de la force disproportionnée et dégradante, menace d’étouffement, traitement inhumain de personnes seules face à de très nombreux policiers. L’utilisation de moyens de contrainte ou de violence fait partie de l’arsenal légal des forces de l’ordre, encore faut-il respecter les règles élémentaires. Rappelons que l’usage « légal » de la force impose que celle-ci soit « raisonnable et proportionnée« , deux éléments non respectés dans les cas présents. Les menottes ne peuvent être serrées dans le but de faire mal, on ne peut faire suffoquer une personne immobilisée et entravée ni d’ailleurs la menacer. Faudra-t-il attendre un nouveau cas de meurtre comme celui de Sémira Adamu pour qu’enfin des mesures significatives entrent en vigueur pour empêcher ces violences ?
Alors que les politiques migratoires restreignent toujours plus les droits humains, les mesures appliquées par les centres fermés et la police fédérale sont inhumaines et dégradantes. Les réalités de détention et d’expulsion sont opaques et donc peu connues de l’opinion publique, et pour cause : tentatives de suicides multiples (délibérément tues au grand public), conditions d’enfermement inhumaines, racisme, violences. La liste est longue.
Le cas d’Agbevide est un exemple parmi beaucoup d’autres. Les violences ne sont pas l’exception, elles sont devenues la règle et l’ordinaire de la trajectoire des migrants. Une violence symbolique, psychologique et physique incarnée par notre gouvernement, nos politiques migratoires, les centres de détention et les autorités fédérales.
Nous demandons la libération immédiate d’Agbevide et d’Emmanuel et dénonçons le cynisme des autorités face à des personnes vulnérables qui étaient pourtant venues chercher en Belgique protection dans le respect des droits humains.
Nous plaidons vigoureusement pour des alternatives à ces politiques d’expulsion abjectes et pour l’abolition des centres fermés.
Signataires de l’appel :
- Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation (CRER)
- Getting the Voice Out
- ObsPol
16.03.2017 – Les jeunes : cibles privilégiées des contrôles d’identité*
D’après Chaïma El Yahiaoui, chercheuse, le contrôle d’identité a souvent été au cœur d’interactions conflictuelles entre la police et les « jeunes » (**). Les rapports entre ces deux groupes ont souvent défrayé la chronique.
Il n’est pas rare ni anodin que le contrôle d’identité soit retenu et identifié comme étant une des principales sources de tensions entre les deux groupes. Et ce principalement pour deux raisons : d’une part, les jeunes considèrent qu’ils font parfois l’objet d’un ciblage systématique lors de ces contrôles ; d’autre part, ils dénoncent, outre leur fréquence, leur déroulement et les dérives éventuelles qui les accompagnent.
Une police qui cible ?
Pour les personnes interrogées, il n’y a aucun doute : ils représentent la cible privilégiée des contrôles de police. Néanmoins, tous ne sont pas concernés : les contrôles s’effectueraient en fonction du genre, de l’âge, de l’origine, de la religion et même, parfois, du style vestimentaire ou encore du quartier dans lesquels ils ont lieu. Ce sont principalement les caractéristiques personnelles des individus qui joueraient un rôle déterminant dans la décision du policier de procéder ou non à un contrôle. Ces derniers ne se fonderaient donc pas sur le comportement des gens, sur ce qu’ils font, mais bien principalement sur l’apparence des individus, sur ce qu’ils sont. De la sorte, la police cible et pratiquerait une forme de profilage « ethnique ».
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (***) définit le profilage ethnique comme étant « l’utilisation par la police, sans justification objective et raisonnable, de motifs tels que la [prétendue] race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale dans des activités de contrôle, de surveillance ou d’investigation ».
Sur base de quels critères ?
Comme déjà souligné, les critères qui seront utilisés par la police pour procéder au contrôle se rapportent parfois aux caractéristiques intrinsèques de l’individu à savoir l’âge, le genre et/ou l’origine supposée, ou encore le style vestimentaire ou la coupe de cheveux. Ainsi, il semblerait que les jeunes garçons étant perçus comme Arabes et/ou Noirs soient plus souvent confrontés à des interpellations policières. Leur visibilité, en raison de leurs caractéristiques personnelles et de leur présence dans certains espaces publics, constituent, selon eux, un critère qui favorise le contrôle policier. Ce dernier aura lieu de manière quasi systématique lorsqu’ils sont attroupés au sein de leurs quartiers si celui-ci est « défavorisé ». En effet, tous les jeunes perçus comme Arabes et/ou Noirs ne semblent pas logés à la même enseigne, la dimension économique pouvant être un facteur qui entre en ligne de compte (****). Ces dernières années, le critère religieux semble prendre de plus en plus d’ampleur suite aux politiques mises en place dans le cadre de la lutte contre la radicalisation.
Une police qui provoque ?
Le caractère arbitraire du contrôle n’est pas seul aspect dénoncé, mais également son déroulement, sa fréquence, ainsi que des dérives éventuelles. Les personnes interrogées estiment que la police est parfois perçue comme une force qui provoque dans sa manière d’être et d’agir : une police qui tutoie, qui ne salue pas, qui hausse rapidement le ton et qui peut tenir des propos injurieux, voire racistes. Une police qui fouille systématiquement certains jeunes, même quand cela n’est pas nécessaire.
La fouille lors des contrôles d’identité a souvent été appréhendée par les jeunes comme étant une pratique qui n’a pour finalité que leur humiliation. Ils vont dès lors dénoncer à la fois son caractère abusif et inutile, mais également la manière dont celle-ci s’effectue. Cette pratique va aussi être perçue comme un moyen dont le policier dispose pour mettre en évidence sa force symbolique, voire parfois physique. Ce qui peut bien entendu être source de tensions.
Évitement, adaptation et justification
De ce fait, certains jeunes ont développé des stratégies d’évitement afin de ne pas entrer en contact avec la police ou, lorsque celui-ci est inévitable, vont recourir à des stratégies d’adaptation.
Au-delà de ces stratégies d’évitement et d’adaptation, les personnes concernées vont également développer un certain sentiment d’acceptation du phénomène et le justifier. Une majorité d’entre eux interprètent le ciblage policier comme étant le fruit de représentations sociales erronées à leur égard. En d’autres termes, c’est l’image que la police a de ces jeunes qui expliquerait selon eux ce ciblage. Une minorité des jeunes décrit ce ciblage comme le fruit d’une pratique raciste et discriminante.
La police n’aurait pas une image positive de la jeunesse en général, quels que soient l’origine, le genre, le niveau scolaire ou socio-économique du jeune. Ils seraient perçus comme se rebellant plus facilement contre toute forme d’autorité et représentant également la catégorie la plus vulnérable, économiquement et socialement parlant. Ils seraient dès lors plus susceptibles de commettre des infractions.
Mais en sus, les rapports que la police entretient avec les jeunes seraient, selon eux, largement influencés par des représentations sociales qui sont le fruit de préjugés et stéréotypes négatifs : certains jeunes seraient davantage perçus par les policiers comme étant potentiellement délinquants et revêtant les caractéristiques d’un potentiel suspect. Ce sont donc essentiellement les jeunes issus de l’immigration vivant au sein de certains quartiers, dits sensibles, et occupant l’espace public au sein de ces mêmes quartiers qui seront perçus comme tels.
Face à ce profilage, les individus concernés vont pour la plupart dénoncer cette catégorisation. Ils mettent en cause le rôle des médias, qui contribueraient largement à les discréditer en jouant un rôle prépondérant dans la construction de l’image des jeunes issus de l’immigration comme étant potentiellement délinquants, mais aussi dans sa diffusion et sa persistance dans la société. Selon eux, ils ne disposent d’aucun moyen accessible leur permettant de contrer ces discours qui les dénigrent.
La police est perçue comme étant à l’image de la société, à savoir pourvoyeuse et reproductrice de discriminations. Ce qui n’est pas sans conséquences sur le travail policier : en raison du développement du ressentiment, de l’incompréhension et de l’amertume, se développe une perte du lien social, ce qui a un impact sur la légitimité qu’ils reconnaissent à la police.
* : Les données présentées dans cet article sont issues de deux sources distinctes : d’une part d’une quarantaine d’entretiens semi-directifs réalisés dans le cadre d’un mémoire de fin d’études qui traite de la question des représentations de la police qu’ont les jeunes bruxellois.es issu.es de l’immigration, d’autre part d‘entretiens réalisés dans le cadre d’une étude exploratoire sur la question du profilage « ethnique » réalisée pour le compte de la Ligue des droits de l’Homme.
** : Le profil des personnes interrogées : jeunes filles et garçons bruxellois.es âgé.es de 15 à 25 ans issu.es de l’immigration.
*** : Ce qui semble relativiser quelque peu le caractère purement ethnique
**** : Ce qui semble relativiser quelque peu le caractère purement ethnique
[Sources : Ligue des droits humains. Télécharger l’étude exploratoire]
13.03.2017 – Tous unis contre la répression : Manifestation
ObsPol signe l’appel de la Coordination des sans-papiers et de la Campagne Stop Répression des JOC à l’occasion de la Journée internationale contre les violences policières du 15 mars
[NDLR : le texte qui suit est extrait de l’appel]
« À l’occasion de la journée internationale contre les violences policières, la Coordination des sans-papiers et la campagne Stop Répression s’associent pour dénoncer la répression policière et le racisme d’État lors d’une manifestation qui aura lieu à Bruxelles ce 15 mars 2017.
Contrôles au faciès, injures racistes, coups, passage à tabac… Toutes ces violences, loin de ne représenter que quelques bavures isolées, nous montrent que la violence policière est un phénomène réel et systémique, passé sous silence et restant trop souvent impuni. Ces derniers mois, suite aux attentats de Bruxelles et de Paris, le gouvernement belge a décidé dans la précipitation, de la mise en place de toute une série de mesures sécuritaires et de lois liberticides et racistes qui transgressent les fondements de la démocratie. Dans ce contexte post attentat, les exactions commises par la police prennent de plus en plus d’ampleur. L’instrumentalisation de la peur permet aux pouvoirs publics de mettre en place des politiques sécuritaires qui nous plongent dans une surveillance de masse et bafouent nos droits fondamentaux. Nous sommes face à un véritable Patriot Act européen, qui, loin de réduire les violences, ne fait qu’exacerber les divisions parmi la population et le sentiment d’injustice.
Le déploiement de l’armée dans nos rues, le « plan canal » qui renforce les effectifs policiers et la surveillance généralisée (augmentation du nombre de caméras dans les rues et fichages des personnes suspectées de radicalisation), dans les zones considérées comme « sensibles », nous donnent le sentiment que l’État mène une guerre contre sa propre population. L’évacuation du collectif la Voix des Sans Papiers, le 19 septembre à Molenbeek, qui s’est déroulée avec des dispositifs policiers sans précédent (hélicoptères et armes lourdes) pour déloger quatorze personnes désarmées est symptomatique de la manière dont ces mesures sont utilisées par le gouvernement pour criminaliser les sans-papiers, en les faisant passer pour des terroristes potentiels. Nous pouvons aussi constater une intensification des rafles opérées dans les quartiers populaires et dans des zones d’exploitation des travailleurs sans-papiers notamment à Matongé et Saint-Josse. Avec cette instrumentalisation de la notion de terrorisme, qui nous dit que demain un syndicaliste ne pourra pas être également condamné pour incitation au terrorisme parce qu’il s’oppose aux réformes injustes du gouvernement ?
Ces récentes mesures sécuritaires renforcent le contrôle, les abus policiers et la criminalisation envers les migrants et les sans-papiers, ainsi que d’autres catégories de personnes désignées comme « dangereuses » : jeunes de quartiers, musulman.e.s, racisé.e.s,… Cette politique répressive, largement véhiculée à travers les médias, est menée contre ceux que l’on désigne comme « l’ennemi intérieur ». Elle est utilisée par les dirigeants pour masquer leur incapacité à répondre aux vraies causes de l’insécurité : l’augmentation des inégalités par la mise en place de mesures d’austérité qui précarisent l’ensemble de la population. Les politiques sécuritaires et liberticides des gouvernements mettent en danger les droits et les libertés de toutes et tous. Ne nous laissons pas aveugler et diviser par la peur. Unissons-nous pour stopper ces mesures autoritaires qui ne résolvent rien et ne font qu’alimenter l’exclusion et la violence engendrée par notre société. »
Lors de la manifestation du 15 mars, nous réclamerons :
- La fin de la criminalisation des sans-papier, régularisation pour tous
- Le retrait des mesures racistes et liberticides
- Le retour des militaires dans les casernes
Signataires de l’appel :
Coordination des sans-papiers Belgique, JOC, MOC, Tout Autre Chose, Ligue des droits de l’Homme, CNAPD, Bruxelles , Pantheres, JAC /LCR, EGA / PSL, Cellule d’Observation et d’Ecoute Citoyenne (COEC), Comité des parents contre les violences policières à Molenbeek, Change asbl, Alternative libertaire Bruxelles, ESG asbl, USE Bruxelles, CADTM, Cellule d’Observation et d’Ecoute Citoyenne (COEC), Bruxelles Zone Antifasciste, JEUNES FGTB, JEUNES CSC Bruxelles, ECOLO J, JOCI, Les Équipes Populaires, Commission Justice & Paix, Agir pour la paix, Réseau Ades, ObsPol, ChezElle Asbl
[Source : Campagne Stop Répression]
09.03.2017 – Les violences policières passée au Presse-Purée
Le 15ème numéro de Presse-Purée sur Radio Panik revient sur les récentes agressions médiatisées pour s’intéresser aux phénomène des violences policières
[NDLR : extrait de la page de l’émission]
« Ce soir, en tant que non-experts revendiqués mais de très bonne volonté, les membres de la brigade Presse Purée se sont intéressés à une actualité récurrente, lancinante même, celle qui met en lumière la violence. Une violence particulière, puisqu’exercée de manière abusive par les personnes qui justement ont pour mission de la combattre, à savoir des membres des forces de l’ordre. Un abus de pouvoir en somme. Pouvoir que ces personnes reçoivent de l’état. Violence d’État. Car ces personnes qui sont censées connaître la loi pour la faire respecter. Car comme on le sait tous sans vraiment le savoir : « nul n’est censé ignorer la loi ». A plus forte raison un policier. Dérapage, bavure, incident, voire même accident, les termes utilisés pour qualifier cette violence sont multiples. Affaire Théo chez les voisins. Chez nous, manif féministe qui tourne en eau de boudin pour épingler deux histoires totalement différentes mais récentes qui ont eu un retentissement dans la presse.
Pourquoi a-t-on l’impression étrange et persistante que bien souvent, ces actes restent, si pas impunis vis à vis des victimes, à tout le moins anecdotiques dans leurs conséquences sur les responsables ? Comment éviter de tomber dans le piège de la colère, de l’impuissance, du sentiment que nous ne sommes pas tous égaux devant la justice ? Le piège de la banalisation de ces actes, de leur justification bancale ?
Presse Purée tente de partiellement répondre à toutes ces questions en compagnie de la brigade Presse Purée composée pour l’occasion et en compagnie de deux invités de choix de marque : Nico de l’Observatoire des Violences Policières en Belgique et Martin des JOC, Jeunes Organisés & Combattifs pour la campagne STOP Répression. »
[Source : Presse-Purée #15 du 3 mars sur Radio Panik]
28.02.2017 – Températures en baisse, agressions en hausse
Le mois de janvier nous a une nouvelle fois apporté une série de témoignages de violences de la part des forces de l’ordre, tous inquiétants, certains encore plus révélateurs sans doute que d’autres.
Les services de police et leurs représentants syndicaux, lorsqu’ils sont interrogés sur cette problématique se retranchent régulièrement derrière le fait que les faits restent à prouver, que 99,9% des policiers font un travail dur et remarquable, que les tensions actuelles dues à l’actualité font que les policiers seraient particulièrement tendus etc [voir la vidéo de #m du 2 février, le magazine de la rédaction de BX1]. Cependant, ces réponses et esquives oratoires ne justifient pas réellement les comportements en cause. S’il est exact que tant de policiers se conduisent de manière irréprochable, comment interpréter alors le fait que les collègues des policiers violents, non seulement assistent aux exactions sans intervenir, voire se positionnent de telle façon que des témoins éventuels ne puissent voir les faits, ou encore confisquent le matériel qui aurait filmé ou pris des photos ? Comment expliquer que les collègues ne s’interposent pas par exemple lorsqu’une victime au sol continue à être tabassée ? ou lorsqu’à l’intérieur d’un commissariat les intimidations ou remarques racistes fusent ? Comment expliquer qu’il se trouve des collègues pour corroborer les accusations de « rébellion« , arme favorite utilisée lors de dérapages policiers? Comment expliquer encore que la hiérarchie nie les faits de profilage ou d’excès, puisque ce faisant elle empêche évidemment toute action d’assainissement ?
Toutes ces questions se posent à l’occasion des nombreux faits relayés, qu’ils soient à l’encontre de personnes isolées ou de groupes comme lors de la free-party de Vilvorde la nuit de nouvel an ? Quel déploiement de violence organisée vécu à cette occasion par des dizaines de personnes avec les profondes séquelles, et pas seulement physiques, que de telles expériences gravent dans la mémoire des individus.
La difficulté de faire valoir ses droits face à la police est énorme et représente très souvent un parcours du combattant pour n’arriver que rarement à une condamnation des policiers impliqués. Cependant, un verdict récent vient fort heureusement faire exception à cet état de fait. Il s’agit de la condamnation du tribunal correctionnel de Bruxelles qui a condamné le 25 janvier dernier trois policiers à des peines de 8 à 12 mois de prison avec sursis. Ils ont été reconnus coupables d’avoir mené une expédition punitive sur deux étudiants, en janvier 2014, dans le Bois de la Cambre à Bruxelles. Un quatrième policier écope, lui, d’une peine de travail de 150 heures. Le tribunal a condamné le principal prévenu à une peine de 12 mois de prison avec sursis pour détention arbitraire, faux rapport d’activité et pour traitement inhumain et dégradant ainsi que violences illégitimes. Deux autres policiers ont été condamnés à une peine de 8 mois de prison avec sursis pour détention arbitraire et faux rapport d’activité. Un dernier policier prévenu a été condamné pour ces deux mêmes préventions à une peine de travail de 150 heures.
Rappelons une partie des faits relatés par une des victimes « […] Avec mon camarade B, nous protestons et nous sommes embarqués dans le fourgon, qui démarre. B leur demande où ils comptent nous emmener et ramasse deux coups de poing. Puis, ils prennent nos GSM et les jettent par la fenêtre« . Menés dans un coin discret du Bois de la Cambre, où ils sont rejoints par une seconde voiture de police. « Ils nous ont fait mettre à genoux à côté du lac. Puis ils ont demandé à B. d’enlever son pantalon et sa veste, puis de sauter dans le lac. Il faisait -5°C cette nuit-là ! Il a refusé, un policier s’est rué sur lui, lui a mis des coups de pied et de genou dans les côtes. J’ai tenté de le protéger, j’ai aussi pris des coups. Puis ils sont partis. On a déposé plainte à l’inspection générale le lendemain, sans trop d’espoir.«
Voici donc une plainte qui aboutit à une condamnation, mais ici aussi, si l’on compte le nombre de policiers impliqués, nous semblons loin du 0,01%…
02.02.2017 – Les violences policières s’invitent au sommaire du #M, le magazine de la rédaction de BX1
Y-a-t-il de plus en plus de cas de violences policières, plusieurs cas ont interpellé la chaîne ces dernières semaines. #M a donc décidé d’ouvrir le débat sur cette question dans son édition du 2 février et d’en faire sa page principale. Autour de la table, deux représentants des forces de l’ordre, un membre d’ObsPol…
Après les agressions médiatisées de Benjamin Hannesse à Bruxelles centre la nuit du réveillon du jour de l’An, de Mehdi à Molenbeek, de Thomas à Etterbeek, Jean-Christophe Pesesse invite à la table du magazine de la rédaction trois personnes pour en débattre. Côté forces de l’ordre, le représentant syndicaliste Stéphane DELDICQUE, Secrétaire permanent CSC services publics et Michael JONNIAUX, Chef de corps de la zone de police Montgomery. Questions précises et discussions cadrées. Les policiers réitèrent l’argumentaire si souvent entendu sur l’air de :
- « Les violences policières sont quasi-inexistantes : voyez les chiffres du Comité P« ; certes, les chiffres du Comité P. semblent faire accroire qu’un nombre insignifiant de plaintes sont portées à sa connaissance, et qu’un nombre encore plus dérisoire aboutirait à des sanctions contre les policiers. MAIS peut-on accorder un tant soit peu de crédit à un organe composé essentiellement de fonctionnaires de police en détachement ? Un organe maintes fois pointé du doigt par les ONG et le Comité contre la Torture de l’ONU ? Peut-on éviter de mentionner qu’une part considérable des faits de violence ne font pas l’objet d’une plainte, par suite d’intimidation, de classement sans suite par le Procureur du Roi, en raison du désarroi, de l’incompréhension, du désir de bien vite oublier le traumatisme, voire, comme on le constate de plus en plus souvent chez les sans-papiers, de la crainte liée au statut de séjour ? Et quand plainte il y a, doit-on encore rappeler l’extraordinaire parcours du combattant qui attend la victime face à la Justice et aux poursuites engagées par les forces de l’ordre ?
- « La médiatisation de prétendues bavures excite l’opinion contre la police qui fait son travail correctement » : Certes, MAIS si ces bavures n’étaient pas médiatisées, comment les citoyens en auraient-ils connaissance ? Les Ministres de l’Intérieur eux-mêmes, aux termes d’une circulaire du collège des Procureurs généraux, doivent-être tenus informés de toute affaire impliquant des violences policières, mais, AUCUN, depuis la création d’ObsPol, ne le savait… Doit-on dans ce cas s’en remettre à la communication du Comité P, juge, partie et organe de presse ? Le pendant de l’argument, propice à l’inquiétude des masses, est le risque d’émeutes que la médiatisation générerait : combien de fois cela s’est-il produit ? Mystère. Interdire ces rassemblements, comme lors du rassemblement prévu du 17 février dernier, revient en revanche à prohiber toute expression du mécontentement citoyen face à ces abus;
- « Chacune des plaintes fait l’objet d’une plainte approfondie sous la direction du Parquet » : certes, MAIS rappelons ici que le Procureur est seul décideur de l’opportunité de poursuivre ou non les policiers, et que, dans nombre d’affaires qu’ObsPol a suivies, le classement sans suite a prévalu en dépit des preuves matérielles à charge particulièrement incriminantes. Connivence ou coïncidence ?
- « Le réflexe corporatiste et la protection par la hiérarchie policière sont des mythes » : de fait, chaque fois que le thème des violences policières est abordé par les médias, syndicat et hiérarchie policière s’invitent dans la presse et à la télévision pour tenir ce discours; en revanche, si l’affaire n’est pas ébruitée, c’est le silence total qui prévaut côté Police. Aucun cas ne nous revient à l’esprit où un Divisionnaire, un commissaire viendrait spontanément faire part au public d’une affaire impliquant une « brebis galeuse » dont il a la charge. De plus, les témoignages reçus par ObsPol de policiers contre les pratiques de leurs collègues indiquent sans ambiguïté que c’est bien ce réflexe de protection mutuelle qui prévaut, et que seule la peur de sanctions, de placardisation et d’être pointé du doigt (sans oublier parfois les menaces plus explicites) empêche un plus grand nombre d’entre eux de briser la loi du silence;
- « Les violences policières sont des violences physiques » : certes, MAIS s’en tenir aux violences physiques serait pardonner par avance les abus verbaux (insultes, propos racistes, homophobes, sexistes etc.), et les violences psychologiques (contrôles aux faciès multipliés, arrestations administratives sans raison valable, intimidations sous forme de menaces, de pressions pour signer des documents, pour ne pas porter plainte, etc.); par ailleurs, les violences physiques ne recouvrent pas uniquement les coups portés, il s’agit bien plus fréquemment de pratiques plus insidieuses (colsons bien trop serrés, tirage par les colsons, tirage par les cheveux, refus de donner à boire ou à manger pendant la détention, obligation de se déshabiller, flexions à nu devant témoins de l’autre sexe etc.), des pratiques qu’ObsPol relève dans ses rapports;
- « Les policiers sont bien formés » : soit, MAIS alors comment expliquer que le stoïcisme qui devrait découler de leur formation à résister au stress et aux situations difficiles cède si facilement et si fréquemment au besoin d’en découdre, d’affirmer sa domination, d’abuser de son pouvoir pour l’imprimer dans la chair et l’esprit de la victime ? Comment former un individu déjà raciste à cantonner ses idées entre les murs de son domicile ?
- « Le manque de moyens et de policiers » : peut-être, encore qu’on puisse s’étonner de voir tant de policiers et une telle débauche de moyens à chaque manifestation, et l’équipement type « Robocop » adopté si fréquemment même par les policiers de quartier, qui crée un véritable fossé entre la police et les habitants et ne contribue certainement pas à rétablir le lien entre eux….
Sources : #m sur BX
09.01.2017 – Bonne année !
L’année 2016 s’est achevée ; pas les témoignages de violences policières, souvent fort agressives et décomplexées.
Fréquemment à l’abri des regards, les victimes sans défense se retrouvent dans des états de peur panique, les mots « j’avais peur de mourir » sont récurrents. Il en va de même pour les victimes de ces traitements d’origine étrangères lors d’expulsions. Ces violences parviennent rarement à la connaissance du public car à l’abri des regards et parce que leurs victimes, une fois arrivées dans un pays lointain, n’ont pas la possibilité effective de porter plainte. Pour ne pas laisser sous silence ces agissements, voici des extraits d’un récit qui nous est parvenu et qui relève un coin du voile, Lors d’une expulsion sous escorte :
« Alors ils m’ont passé les menottes, ils ont serré très très fort . […] Ils m’ont ensuite ligoté les pieds. Ils m’ont donné des coups de coudes, ils m’ont humilié, ils m’ont piétiné, ils m’appuyaient sur l’abdomen puis ils m’ont jeté dans la voiture. La brutalité s’est poursuivie contre moi, je suis sans défense et je ne constitue aucun danger ni pour ma personne, ni pour autrui, ni à l’ordre public. […] Arrivée sur le tarmac : ils m’ont fait monter dans l’avion et m’ont installé à l’arrière. La maltraitance continue … […]
Ils m’ont mis à l’arrière dans l’avion avec deux escortes qui me quadrillaient. Un autre agent debout maintenait ma tête vers le bas contre le siège avant. Je suis resté courbé et oppressé privé de tout geste. Je criais mais personne ne pouvait m’entendre. J’arrivais à peine à respirer. J’étais suffoqué. Je me sentais anéanti et j’avais peur pour ma vie […] »
La brutalité utilisée par les policiers en fonction avec leurs collègues pour témoins passifs ou collaborant, est injustifiable et semble se banaliser. Rappelons les règles d’usage de la force par la police. Aux termes du code de déontologie (Art. 49, mai 2006) :
Pour accomplir leurs missions, les membres du personnel n’utilisent des moyens de contrainte que dans les conditions prévues par la loi.
Dans l’exercice de ses missions de police administrative ou judiciaire, tout fonctionnaire de police peut, en tenant compte des risques que cela comporte, recourir à la force pour poursuivre un objectif légitime qui ne peut être atteint autrement (Art. 37, alinéa 1er LFP.).
Tout recours à la force doit être raisonnable et proportionné à l’objectif poursuivi (Art. 37, alinéa 2 LFP.).
Tout usage de la force est précédé d’un avertissement, à moins que cela ne rende cet usage inopérant (Art. 37, alinéa 3 LFP.).
Les membres du personnel qui sont autorisés a utiliser la force ou la contrainte, conformément à la loi, s’assurent que :
- l’objectif poursuivi par l’intervention est légal;
- cet objectif ne peut être atteint d’une autre manière moins violente, tels la persuasion ou le dialogue
- les moyens mis en œuvre sont raisonnables et proportionnés à l’objectif poursuivi et aux circonstances propres au cas d’espèce. Ceci implique qu’ils doivent rechercher les modes d’intervention adéquats les moins violents possibles et qu’une certaine différenciation et gradation doivent exister dans les modalités du recours à la force. 8, alinéa 2 LFP.).
Questions : tous les policiers en fonction ont-ils connaissance de ces réglementations ? Si oui, quels sont les mécanismes qui permettent à certains d’entre eux de ne pas s’en soucier et de donner libre cours à leurs pulsions ? Quels sont ceux qui grippent le contrôle et la répression par leur hiérarchie et les organes de contrôle interne ?
2016 s’est achevée sur des violences. 2017 s’ouvre sur … des violences.
F. nous raconte que ce premier janvier 2017 il a vécu une expérience très pénible et traumatisante :
« Je lui [le policier] ai alors demandé de me le [mon sac] rendre et que nous allions retourner dans la fête privée de laquelle nous venions. Il a refusé. Je l’ai redemandé. Et il m’a alors pris au cou dans un élan de colère sans nulle autre raison, et son collègue, le plus jeune qui n’avait rien dit jusqu’à lors, l’a accompagné et me donnant, ensuite, une série de coups de pied au niveau du ventre et des côtes. Les deux avaient sorti leur matraque en même temps. Leur volonté d’en découdre par la violence était explicite.
Peut-être pris de rage encore plus forte, les deux policiers se sont mis à revenir vers moi en courant. Moi, pris de frayeur, j’ai couru vers la rue Y., espérant pouvoir me mettre à l’abri. Peine perdue. Ils m’ont rattrapé avant, saisi par la capuche de ma veste, mis au sol puis frappé de coups de pieds dans l’abdomen, dans le dos, les côtes et le ventre mais surtout dans mes jambes. Tout ça sans relâche pendant plusieurs minutes. »
À l’évidence, les policiers impliqués n’ont cure du fait que les coups ne sont en rien justifiés, ni indiqués pour neutraliser une quelconque violence ; se comportant de la sorte ils sont délinquants.
Pendant ce temps, en ce début d’année également, le ministère de l’Intérieur indique qu’il y aurait eu une baisse du nombre de blessures volontaires envers les policiers. Les syndicats de police réagissent en s’interrogeant sur les chiffres communiqués : « Toutes les données sont tellement éparpillées entre les différentes zones de police qu’il n’est pas possible d’établir une tendance, qu’elle soit à la baisse ou à la hausse. Les faits enregistrés se concentrent sur les cas de violence physique, mais nous rencontrons également de la violence mentale et il est difficile de la répertorier. C’est pourquoi nous demandons depuis des années un système à l’aide duquel les agents, aussi bien de la police locale que fédérale, pourraient tout signaler. […] Les victimes sont souvent laissées pour compte et les auteurs de violence, eux, restent impunis en bénéficiant soit d’un sursis, soit d’une libération sous conditions. Il faudrait pourtant veiller à ce que les agresseurs soient punis pour qu’ils réalisent que c’est la tolérance zéro qui prévaut. Il faut montrer de façon claire que les agents de police ne sont pas des punching-balls. »
Évidemment, si l’on ne peut que déplorer les agressions sur des policiers, on ne peut s’empêcher de regretter que cette volonté de tolérance zéro ne trouve d’écho ni auprès de la hiérarchie policière, ni auprès des organes de tutelle, ni auprès des syndicats de policiers qui restent bien silencieux lorsqu’il s’agit des abus commis par les forces de l’ordre sur des citoyens ordinaires, … On ose pourtant croire que la santé d’un quidam vaut bien celle d’un policier. Alors, un oubli sans doute ?
07.11.2016 – HONGRIE : Déchaînement de haine par la police contre les migrants
La police hongroise se lâche sur les migrants en transit qui franchissent la frontière pour traverser le pays, les ONG dénoncent, le comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe rappelle les autorités à l’ordre dans un rapport. Un air de déjà vu ? Le travail quotidien du collectif No Border Serbia, qui documente les violences quotidiennes, a poussé France 24 à publier certaines images, souvent terribles, mais qui ont le mérite de nous rappeler à la réalité…
La Hongrie est depuis bientôt deux ans régulièrement dénoncée par les associations humanitaires et collectifs de citoyens pour ses exactions contre les migrants qui tentent de la traverser. C’est, ou plutôt c’était, pour les migrants syriens, afghans, irakiens et pakistanais une nouvelle porte d’entrée vers l’espace Schengen et l’Union européenne, à la sortie des routes des Balkans. Le premier ministre hongrois Viktor Orban, devant l' »afflux des demandes d’asile » qui mettent « la Hongrie et toute l’Europe […] en danger » (la Hongrie a vu transiter 225 000 migrants depuis le début de l’année, qui dans leur très grande majorité ont poursuivi leur route vers l’ouest de l’Europe), n’a pas hésité dans l’escalade de la répression et des mesures pour repousser les entrants :
- Mise en place d’une fiction juridique créant une « zone de transit » à la frontière, qui permet aux autorités d’alléguer que les migrants qui s’y trouvent ne sont pas entrés en Hongrie et ne bénéficient donc pas de la protection du droit international, et peuvent par conséquent être repoussés hors du pays sans autre formalité (depuis mai, les hommes seuls ont vu leur demande d’asile systématiquement refusée); femmes et enfants sont condamnés à tâcher survivre dans des conditions épouvantables au milieu d’un no-man’s land avant de pouvoir accéder à la zone de transit;
- Criminalisation corollaire du franchissement de la frontière en dehors des zones de transit (2879 demandeurs ont été poursuivis depuis juillet 2016 au titre de ce nouveau chef d’inculpation);
- Décret de juillet 2015 listant l’UE et un certain nombre de pays candidats à l’adhésion (comme la Serbie) comme des « pays sûrs« , ce qui permet aux autorités hongroises d’utiliser une procédure expéditive d’expulsion contre les migrants en transit;
- Érection d’une clôture de 175 Km le long de la frontière serbe, puis d’une clôture de barbelés de 41 Km le long de la frontière croate, et enfin d’une troisième clôture de barbelés le long de la frontière slovène;
- Adoption en septembre d’une loi (qui nécessitait une majorité des deux tiers et a été adoptée par 151 voix contre 12 et 27 abstentions) qui entérine la possibilité de déployer massivement des militaires aux frontières et autorise dans certaines conditions l’armée et la police à ouvrir le feu contre des migrants « à balles réelles« , à condition que les tirs ne soient pas « mortels » (sic !);
- L’armée est également autorisée à procéder à des contrôles d’identité, et à procéder à la garde-à-vue de migrants;
- Le dispositif, qui complète une législation anti-migrants entrée en vigueur le 15 septembre, permet en outre à la police de perquisitionner tout domicile privé où des migrants sont soupçonnés de se trouver.
Ces dispositions s’appliquent dans les zones où a été déclaré l' »état de crise due à une immigration massive« , une mesure ad hoc mise en oeuvre dans six départements limitrophes de la Serbie, la Croatie, la Slovénie et l’Autriche. « « On ne peut pas laisser entrer ceux qui nous submergent« , affirmait M. Orban, dans un discours humaniste prononcé devant le parlement avant l’adoption de la loi. C’est dire si les forces de l’ordre sont poussées au respect des droits humains…
En dépit des alertes lancées par les organisations humanitaires ayant pignon sur rue, dénonçant les « pushbacks » vers la Serbie, les traitements inhumains et dégradants à répétition (tabassages à coups de pieds, de poings, de matraque, gaz irritants, lâchers de chiens, passage forcé dans des couloirs étroits de clôture de barbelés « razor wire« ), la situation semble empirer sur le terrain, tandis que de timides réponses des instances européennes se font jour : le 10 décembre 2015, la Commission initie une procédure contre la Hongrie pour non-respect de ses obligations en matière d’asile; Le comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe exhorte la Hongrie à rappeler aux policiers travaillant au contact des migrants qu’aucune forme de mauvais traitements ne doit être tolérée, dans un rapport rendu public jeudi. Le texte fait mention de gifles et de coups de poing. Une recommandation que le gouvernement hongrois a jugée, dans une réponse adressée au CPT, « injustifiée ». Selon l’exécutif, nul n’est besoin de déclaration officielle pour rappeler aux policiers qu’ils risquent une sanction en cas de non-respect des droits fondamentaux, cela étant « absolument évident » …
[Sources :France 24 – Les Observateurs, NoBorder Serbia, Human Rights Watch, Haut Commissariat aux Réfugiés, Amnesty International, BBC News, Tribune de Genève, Le Monde, Huffington Post, Mediapart]
05.11.2016 – « Sources d’inquiétude : les réponses antiterroristes de la Belgique aux attaques de Paris et de Bruxelles«
Human Rights Watch publie un rapport sur les effets de la politique antiterroriste en Belgique. L’organisation révèle son inquiétude au regard tant des lois en application que des pratiques policières qui en ont résulté et émet nombre de recommandations à destination des autorités belges, des institutions européennes et internationales.
À la suite des attentats terroristes perpétrés depuis 2014 en France(1) et à Bruxelles(2), les deux pays ont mis en place un régime de lois d’exception afin de faire face à la menace terroriste. Côté belge, un grand nombre de nouvelles lois et réglementations ont été promulguées, plus de 1 800 militaires déployés dans les grandes villes, la police belge a procédé à plusieurs centaines de perquisitions, d’arrestations, de contrôles et de fouilles. La première fonction régalienne étant d’assurer la sécurité des citoyens, Human Rights Watch ne remet pas en cause le principe de ces mesures, mais son enquête met au jour d’autres aspects de cet arsenal. Côté lumière : ces actions ont permis aux autorités de condamner 43 suspects et d’en inculper 72 autres pour des crimes en lien avec le terrorisme; côté ombre : des lois rédigées en termes très généraux qui pourraient porter atteinte aux droits fondamentaux (liberté de mouvement, liberté d’expression, respect de la vie privée), des abus policiers (usage excessif de la force, profilage ethnique), des victimes démunies devant l’acharnement, le manque de recours et l’insuffisance (voire l’absence) de réparation ou de compensation.
Le Rapport de Human Rights Watch, disponible en versions française, anglaise et néerlandaise, s’appuie sur une enquête de terrain auprès de 23 personnes alléguant des abus physiques ou des violences verbales , ainsi qu’auprès de 10 proches ou avocats de personnes faisant état d’abus de la part de la police, de militaires en patrouille ou des autorités pénitentiaires. L’organisation a également interrogé plus de 30 activistes nationaux et locaux œuvrant pour la défense des droits humains, des représentants du gouvernement et des législateurs, des « experts sur la sécurité » basés en Belgique, des agents de police et des journalistes. En outre, HRW a examiné des douzaines de clips et de messages postés sur les réseaux sociaux. Les conclusions du Rapport couvrent deux aspects : les textes en vigueur en matière de lutte anti-terrorisme, et leur application par les forces de l’ordre.
S’agissant des textes législatifs et réglementaires, HRW montre qu’au moins 6 instruments « menacent les droits fondamentaux » [les commentaires entre crochets n’émanent pas de HRW et n’engagent que leur auteur, NDLR] :
- Déchéance de nationalité :
La loi du 20 juillet 2016 permettant de déchoir de leur nationalité belge les binationaux naturalisés condamnés à des peines de prison de 5 ans ou plus pour des actes en lien avec une activité terroriste (3), (4) pourrait « laisser penser qu’il existe une couche de citoyens de « seconde zone » qui relèveraient de cette catégorie du fait de leur origine ethnique et de leur religion« . - Déplacement avec intention :
La même loi de juillet 2015 (4) érige en infraction l’acte de quitter le territoire ou d’y entrer avec une « intention terroriste« , sans définir ce terme. Cette ambiguïté, ce flou dans la formulation pourrait selon HRW « limiter le déplacement de personnes sans aucune preuve de leur intention de commettre ou de soutenir des actes armés extrémistes à l’étranger« . - Retenue du passeport ou de la pièce d’identité :
Cette mesure introduite en janvier 2016 habilitant les autorités fédérales à suspendre ou confisquer ces pièces, pour 6 mois au plus, aux citoyens belges suspectés de vouloir aller en Syrie ou dans d’autres zones de conflit pour des raisons liées au terrorisme, n’apporterait pas « la protection importante d’un contrôle judiciaire préalable« . [On pourra se demander au passage si cette sanction administrative n’est pas un révélateur de notre temps : aurait-t-on imaginé à l’époque interdire les déplacements des « brigadistes » anti-franquistes vers l’Espagne ? Tous les Freedom Fighters partant par idéal dans les pays où opèrent aussi ces organisations terroristes doivent-ils être systématiquement estampillés « terroristes » eux aussi ?] - Conservation des données :
La loi du 28 mai 2016 n°2016-05-29/03 relative à la collecte et la conservation des données dans le secteur des communications électroniques (5) oblige les sociétés de télécommunication à fournir au gouvernement, à sa demande, des informations sur leurs clients et permet non seulement au pouvoir judiciaire mais également dans certains cas aux services secrets et aux services de police belges d’accéder aux métadonnées pendant des enquêtes criminelles sans autorisation judiciaire. Elle n’exclut pas les métadonnées des avocats, médecins et journalistes en dépit de la violation potentielle de la confidentialité des clients, patients ou sources. Selon HRW, cette loi « soulève de graves problèmes de protection de la vie privée« . [Si l’on ne doit pas s’en étonner dans le contexte de la surveillance généralisée actuel (NSA américaine, système d’écoutes mis en place par les services anglais, affaire des « fadettes » du journaliste de Le Monde en France etc.), ne doit-on pas voir dans cette disposition les prémisses d’une légalisation du fichage généralisé et du screening des données individuelles ?]. - Détention préventive étendue pour les personnes suspectées de terrorisme :
La loi de lutte contre le terrorisme (4) autorise le juge à ne plus à considérer s’il existe ou non des « sérieuses raisons de craindre » que les accusés commettent de nouvelles infractions ou se soustraient à l’action de la justice pour ordonner la détention préventive d’un suspect. Cette loi selon HRW « pourrait restreindre de façon disproportionnée le droit à la liberté« . - Incitation au terrorisme :
La même loi incrimine le fait de « diffuser » ou de « mettre à disposition du public de toute autre manière un message avec l’intention d’inciter directement ou indirectement à la commission » d’un acte terroriste. Il n’est désormais plus nécessaire qu’un acte ait effectivement été commis par suite du message. Selon HRW, cette « vaste mesure pénalisant l’incitation indirecte au terrorisme pourrait étouffer la liberté d’expression« . - Mise à l’isolement prolongée :
Une directive d’avril 2015 du directeur général de l’administration pénitentiaire, Hans Meurisse, impose de placer tous les détenus suspectés ou reconnus coupables d’actes en lien avec le terrorisme à l’isolement jusqu’à 23 heures par jour [Direction générale des Établissements pénitentiaires, Instructions concernant l’extrémisme, 2 avril 2015, dont HRW possède une copie]. Selon HRW, « Une politique qui place à l’isolement pendant une longue période tous les prisonniers accusés ou reconnus coupables d’infractions liées au terrorisme – 35 détenus au moment de la rédaction de ce rapport – constitue un traitement cruel, inhumain et dégradant et pourrait s’apparenter à de la torture. Dans un cas que Human Rights Watch a documenté, les autorités pénitentiaires ont détenu un prisonnier à l’isolement pendant 10 mois en dépit du fait que ce dernier ait tenté, au bout du troisième mois, de s’ouvrir les veines. Dans un autre cas, les autorités ont gardé un prisonnier à l’isolement pendant huit mois malgré les avertissements des psychiatres désignés par la prison qui signalaient que le détenu « parlait aux murs »« .
S’agissant du comportement et des pratiques des forces de l’ordre :
- HRW rapporte « 26 incidents dans le cadre desquels la police fédérale ou locale belge a semblé faire preuve d’un comportement abusif ou discriminant lors d’opérations de lutte antiterroriste. Un usage excessif de la force, et notamment quatre passages à tabac, a apparemment été établi dans dix de ces cas. Dans 25 cas, les personnes alléguant avoir fait l’objet d’abus étaient musulmanes, toutes d’origine maghrébine à l’exception d’une personne. Seul un des suspects a été inculpé pour des infractions terroristes, mais dans un cas d’une erreur d’identité.«
- « Cinq hommes visés dans des descentes de police et l’avocat d’un sixième homme ont décrit une police fédérale défonçant des portes, criant des insultes d’ordre ethnique ou religieux ou les maîtrisant brutalement alors même que ces hommes n’opposaient aucune résistance à leur arrestation. Dans quatre cas, il y a eu des allégations de passages à tabac par des policiers. Selon l’avocat, la police a frappé son client à la tête avec un fusil d’assaut alors qu’il était en train de donner le biberon à son fils de deux ans. L’homme se serait alors évanoui et l’enfant serait tombé contre un mur. Human Rights Watch a examiné le dossier médical de trois de ces cas : tous faisaient état de contusions et autres traumatismes cohérents avec les allégations de coups. Un de ces dossiers faisait état de contusions et de coupures au visage de l’enfant de 2 ans.«
- « Human Rights Watch a interrogé 15 hommes et adolescents qui ont affirmé que la police fédérale ou locale les a insultés, menacés et, dans quatre cas, plaqués contre des voitures ou frappés lors de fouilles antiterroristes réalisées après les attaques de Paris et de Bruxelles.«
- « Un jeune de 16 ans a expliqué qu’il avait été embarqué par la police et détenu pendant six heures peu de temps après les attaques de Paris simplement parce qu’il courait dans la rue. Il a déclaré qu’il courait parce qu’il était en retard à un rendez-vous avec un membre de sa famille.«
- « De nombreux individus ciblés ont indiqué que le comportement abusif les avait traumatisés, certains au point de devoir consulter un psychologue. Certains ont expliqué que leur employeur les avait renvoyés après avoir appris que leur domicile avait été perquisitionné ou qu’ils avaient été détenus, même s’ils n’avaient fait l’objet d’aucune inculpation. Dans trois cas où de jeunes enfants étaient présents lors des perquisitions, les parents ou les avocats ont déclaré que ces enfants ont montré des signes de détresse pendant des mois ; ils faisaient notamment des cauchemars ou étaient pris de panique dès qu’ils voyaient la police ou entendaient du bruit à la porte.«
- « La loi belge permet à des individus de demander réparation pour des dommages matériels disproportionnés causés lors de perquisitions, même si les actions de la police ont été exécutées en toute légalité. Dans les cas sur lesquels Human Rights Watch a enquêté, la réparation varie grandement d’un cas à l’autre, et intervient souvent longtemps après les faits ou s’avère être insuffisante.«
ObsPol remercie Human Rights Watch pour leur travail indispensable en ces temps d’exception (pour combien de temps encore ?) :
- Indispensable, il l’est parce qu’en dépit des échos de plus en plus nombreux nombreux remontant des acteurs de terrain et des populations des quartiers visés, peu voire pas de statistiques viennent éclairer la part d’ombre que nous évoquions au début de cet article, contrairement à ce qui se passe en France, où l’état d’urgence, de prorogations en prorogations, très décrié par la société civile, fait l’objet de plusieurs rapports des institutions de contrôle;
- Indispensable, il l’est également pour rappeler tant au gouvernement et au Parlement qu’aux instances internationales, par le biais des recommandations mises en avant par HRW, que la lutte contre le terrorisme est indissociable de son corollaire : le contrôle des forces de l’ordre par une autorité indépendante (est-il besoin de rappeler ici que le Comité P ne saurait être qualifié d’organe indépendant de la police ?);
- Indispensable, encore pour les victimes des comportements abusifs de la police, que ce soit dans le cadre d’interventions antiterroristes avérées ou d’opérations courantes de police dont les dérives sont parfois couvertes a posteriori par la permissivité de la légisaltion anti-terroriste, qui trouvent dans ce rapport une possibilité de parole et de témoignage non vouée à l’oubli, réparation certes insuffisante mais sûrement pas inutile;
- Indispensable, enfin pour que la banalisation de ce régime d’exception dans notre vie de tous les jours n’autorise pas un effet de cliquet, qui rende acceptable plus facilement que le précédent chacun des grignotages successifs de nos libertés par la loi ou les pratiques policières : la sécurité est une nécessité, mais ne saurait justifier aucun débordement laissé impuni.
Il faut toutefois toucher un mot du point faible de cet outil : la relativité de sa base statistique, une faiblesse en grande partie inhérente à la thématique elle-même : difficulté de connaître et/ou de contacter les victimes, méfiance de celles-ci par crainte de mesures de rétorsion éventuelles, et de leurs conseils, surtout lorsqu’une procédure judiciaire est en cours. Un obstacle qu’ObsPol connaît bien dans son travail de collecte des témoignages de violences policières.
Un autre aspect manque à cette étude : les conséquences sur la population des sans-papiers de ces opérations de police, et notamment le recensement et le fichage policier effectué par le biais de visites en porte-à porte de tous les habitants de rues entières, à l’occasion duquel nombre de « undocumented immigrants » (personne n’est illégal, rappelons-le encore une fois) sont raflés et envoyés en centre fermé en attendant leur expulsion du territoire, période pendant laquelle ils bénéficient d’un véritable régime de faveur de la part de leur geôliers…
Les échos du terrain tendent à montrer qu’au-delà des épisodes liés aux actions antiterroristes s’installe dans les quartiers un ras-le-bol plus général en relation avec le profilage ethnique, la multiplication de ces contrôles d’identité au faciès, le racisme latent qui parfois s’exprime ouvertement lors de ces contrôles, le fossé créé entre la population et les forces de l’ordre dans la vie quotidienne (que l’on songe seulement à l’équipement standard actuel de protection des forces de l’ordre, souvent sous la pression des syndicats de police : rassurant de voir ce que l’on inspire aux policiers de son quartier, non ?), le sentiment d’impunité que génère l’absence ou l’insuffisance de sanction des personnels qui trahissent la déontologie policière.
Il faut souligner également la démesure de certaines opérations de police, comme par exemple celle du 18 septembre dernier (voir notre article ci-dessous) ou l’éviction du collectif La Voix des Sans-Papiers des locaux qu’il occupait à Molenbeek : près de 200 policiers, des dizaines de combis, un hélicoptère, des agents masqués, des fenêtres brisées et des portes défoncées (et des portes-parole arrêtés et envoyés en centres fermés bien loin de Bruxelles…). Etait-ce bien nécessaire ? S’agissait-il d’un raid anti-terroriste justifiant de tels moyens, ou bien simplement d’une banale expulsion d’une occupation par des sans-papiers comme la police de Bruxelles en a connu des dizaines ?
Ceci nous conduit à ajouter une autre recommandation à la liste de Human Rights Watch : recommander au gouvernement de choisir la transparence et de publier au plus vite l’ensemble des procédures internes mises en place entre les Ministère de l’Intérieur et de la Justice d’une part, et les services de police d’autre part, permettant aux autorités de recenser celles des opérations de police qui sont menées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, puis, tant que durera le régime d’exception, de publier régulièrement les chiffres et statistiques correspondantes.
À noter quer la Ligue des droits de l’Homme devrait publier prochainement un rapport sur le profilage ethnique. ObsPol s’associe aux recommandations de Human Rights Watch. ObsPol apportera sa pierre à l’édifice grâce à vos témoignages sur notre site et à un nouveau formulaire de témoignage anonyme qui sera mis en ligne prochainement et qui recensera les contrôles d’identité à répétition.
[Source : Human Rights Watch]
18.09.2016 – BRUXELLES : Arrêté et suspecté de rébellion pour avoir demandé les raisons d’une opération policière ?
La presse fait régulièrement état de faits de violences des forces de l’ordre, actes parfois fort inquiétants, et cependant classés à la rubrique des «faits divers ». Quelle est la suite effectivement réservée par les autorités compétentes à ces événements ? Souvent, les articles se veulent rassurants (ou bien serait-ce les autorités ?), se contentant d’indiquer qu’une « enquête sera diligentée ». Un de ces « fait divers » récent vient relancer l’inquiétude…
Le 18 septembre 2016 un affrontement entre des « jeunes des environs » et des policiers de la zone de police Bruxelles-Ouest a eu lieu lors d’un contrôle policier qui a mal tourné. A noter que certains « jeunes » se sentent fréquemment harcelés par les forces de l’ordre et ressentent de l’exaspération face à ces contrôles répétés. Évidemment, le contexte actuel mis en place pour répondre aux critiques de manque d’efficacité des forces de police ne fait que pousser dans le sens d’une multiplication de ces contrôles, et il devient également plus difficile de remettre en cause cette pratique, voire de la contester. En l’occurrence, les raisons de ce contrôle ne sont pas connues, et ceci n’entre pas en ligne de compte dans la manière d’observer la manière dont ce contrôle s’est passé.
Selon un témoin, plusieurs véhicules de police se sont présentés à proximité de la station de métro pour effectuer un contrôle. « Une dame qui leur demandait la raison de ce déploiement a été immédiatement rudoyée et lorsque son fils de 15 ans a voulu intervenir, ce dernier a été plaqué au sol et menotté. Le frère aîné a aussi été appréhendé. (…) La police a embarqué les deux jeunes appréhendés avant de revenir sur les lieux vers 15:30 » (1), (2).
Sur son site la JOC précise les faits (3) :
[…] Une dame présente sur les lieux demande à un agent les raisons d’un tel déploiement policier, ce dernier lui répond de « dégager ». Elle est alors poussée et compressée contre une barrière. Son fils, âgé de 15 ans, intervient et demande au policier de ne pas s’adresser de cette façon à sa mère. On lui dit de « fermer sa gueule », face au traitement réservé à sa mère, celui-ci refuse de se taire. Il est balayé et plaqué au sol puis menotté par 3 agents. Son visage est écrasé au sol par les bottes des policiers. Plusieurs jeunes sur place, ayant assisté à la scène, sont gazés immédiatement avant même qu’ils ne réagissent. Le plus âgé des fils de la dame, cherche à savoir pourquoi son frère est menotté. Il est arrêté aussi. Les policiers les embarquent. Ils seront inculpés de « rébellion », avec la circonstance aggravante pour le fils aîné de « rébellion armée », il dit avoir seulement jeté une bouteille de soda en plastique en l’air. Vers 16:00, alors que le calme est revenu, la police « anti-émeute » se rend sur place. Les personnes présentes sont matraquées sans ménagement. En ce compris ceux et celles qui demandent à comprendre ce qui se passe ou qui exigent que la police agisse avec respect. C’est à ce moment-là, que la tension monte et que la situation dégénère en affrontements entre les jeunes et la police. Bilan de cette opération policière : trois jeunes sont arrêtés, plusieurs sont blessés dont un grièvement qui a du être hospitalisé. […]
Cette manière d’agir et de parler n’est évidemment pas réglementaire et ne peut être que source de protestation. Nous rappelons ici la règle concernant l’usage de la force par les policiers :
Avant de passer à l’attaque, la police doit avertir avant d’utiliser la force. Il faut qu’elle laisse suffisamment de temps pour réagir aux ordres pour éviter la violence, elle ne peut s’en dispenser que « si cela rend l’action inopérante ». Par ailleurs, pour que l’usage de la force par les policiers soit légal, il faut que 4 conditions soient réunies:
- ils doivent poursuivre un « objectif légitime »…
- « qui ne peut être atteint autrement »…
- En n’exerçant qu’une force « raisonnable et proportionnée à l’objectif poursuivi » en tenant compte des risques
- Après avoir averti (en principe)
Les trois premières doivent l’être en toutes circonstances, la quatrième connaît des exceptions. Tant que ces conditions sont réunies, leur violence est légalement justifiée. Mais dès qu’ils agissent en dehors de ces conditions, les policiers sont dans l’illégalité et deviennent éventuellement délinquants.
Dans l’affaire qui nous intéresse, la police accuse les personnes arrêtées de rébellion et la mère « d’incitation à l’émeute ». Lors de son arrestation la dame aurait été traitée selon elle avec racisme et violence.
ObsPol tient à rappeler ici que porter plainte, au moins auprès du Comité P, est TOUJOURS utile afin que l’affaire soit prise en compte dans les statistiques officielles et ne tombe passe par pertes et profits. D’autres voies judiciaires sont également possibles (voir notre page « Vos Droits » ). Dans TOUS les cas, votre témoignage sur notre site sera précieux, en ce qu’il viendra s’ajouter aux statistiques de terrain, une source qui ne dépende pas des autorités.
[Sources : JOC]
11.07.2016 – CALAIS : nouvelles tactiques et nouvelles munitions
Récemment un observateur direct à Calais a fait part de ses constatations sur le terrain. Il n’est pas inutile de rappeler l’extrême violence utilisée par les forces de l’ordre à Calais à l’encontre des personnes en migration.
Il semble que les « outils » de répression utilisés se fignolent. Des manifestants avaient déjà constaté qu’après l’usage de gaz, les pompes à eau aspergent les personnes, l’eau sur la peau augmentant la sensation de brûlure. Ici il s’agit d’une nouveauté dans le type de munitions utilisées. Ci-dessous le récit de Jacques.
« Il faut faire extrêmement attention à ce que peuvent tirer les flics lors des tentatives d’incursion des migrants sur l’autoroute, car j’ai découvert ces derniers jours, quand j’étais dans la zone des 100 mètres entre la rocade et la jungle, que les flics avaient tiré un type de munitions que nous ne connaissions pas : une grenade lacrymogène tirée par un lanceur de flashball LBD40. » Voici une photo :
A gauche, une partie d’une grenade lacrymogène classique, tirée par un lance-grenade de calibre 56 mm (la partie blanche en bas est la douille, qui reste dans le canon après le tir). Au centre, une douille de Flashball de type BD40. A droite, des éléments d’une grenade lacrymogène, dont la partie blanche en bas et la douille) dont le diamètre correspond pratiquement (il est inférieur d’à peine 1,5 mm) au calibre du LBD40. Les flics n’utilisent pas d’autres armes de ce calibre, sachant que l’ancien Flashball avait un calibre de 44mm.
Ce qui est dangereux, c’est que lorsqu’une une arme peut tirer deux munitions, il y a de fortes chances que, dans le feu de l’action, le tireur ait oublié ce qu’il y a placé quelques minutes plus tôt. D’où un grand risque de blessures en cas de tir direct… Il semble qu’il y ait eu plusieurs cas de migrants touchés par des tirs directs de lacrymo, ça serait intéressant de savoir s’il ne s’agissait pas là d’un mauvais usage de cette munition…«
24.06.2016 – Non-lieu pour cinq policiers dans l’affaire de l’agression à Bruxelles-Midi
Soupçonnés de violences illégitimes, fausses déclarations dans des procès-verbaux et injures racistes en avril 2011, la chambre des mises en accusation de la Cour d’appel de Bruxelles prononce le non-lieu pour cinq policiers cinq ans après le dépôt de la plainte, et contre l’avis du Parquet qui réclamait leur renvoi en correctionnelle pour tous les chefs à l ‘exception des injures racistes…
Saïd F., le plaignant, avait accusé les forces de l’ordre de l’avoir frappé à la tête et d’avoir mordu par des chiens policiers à la jambe le 27 mars 2011. Un rapport médical semblait confirmer ses dires en faisant état d’hématomes et contusions, dont plusieurs plaies profondes au cuir chevelu, d’égratignures et d’éraflures multiples au visage, et de lésions à la cuisse.
Les policiers avaient déclaré être à l’époque des faits en intervention à Saint-Gilles et entourés « par une quarantaine de jeunes » dont l’un aurait tenté de leur « porter un coup de couteau« . La Parquet avait estimé qu’ils avaient donné une version des faits dans leur procès-verbal tronquée en leur faveur, et que « des charges suffisantes » étaient réunies pour les poursuivre. Une vidéo filmée par un témoin de la scène avait été versée au dossier.
Le Parquet ou la victime peuvent encore se pourvoir en cassation. À défaut, le non-lieu prononcé par la chambre des mises en accusation deviendra définitif.
[Sources : La DH]
02.06.2016 – La sortie d’un petit guide pour filmer les actions de la police française nous donner l’occasion de rappeler ici la situation, souvent méconnue à ce sujet
Tout comme en Belgique, la France connaît des exactions de la part des forces. Les violences policières avec les conséquences souvent fâcheuses qu’elles ont pour les victimes sont trop souvent difficiles à faire valoir face aux autorités et aux juges. Une manière de se protéger mais également de constituer des preuves pour d’autres consiste à filmer l’action des policiers pendant leurs interventions. En Belgique également la prise d’images est autorisée en principe.
Il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Il est légitime que des citoyens et journalistes filment ou photographient des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements et ce n’est en principe pas une infraction (1). Comme le dit l’autorité de contrôle de la police en France (l’équivalent du Comité P), les forces de l’ordre « doivent considérer comme normale l’attention que des citoyens ou des groupes de citoyens peuvent porter à leur mode d’action. Le fait d’être photographiés ou filmés durant leurs interventions ne peut constituer aucune gêne pour des policiers soucieux du respect des règles déontologiques. »
MAIS dans certains cas, les policiers peuvent me demander de ne pas prendre d’images :
- Pour protéger la vie privée des personnes arrêtées (mais çela ne les autorise pas à m’empêcher de photographier ou filmer toute intervention) (2);
- Si c’est nécessaire pour « le maintien de l’ordre public, la sécurité des personnes, le respect du secret professionnel ou la protection de la vie privée » ou si leur chef leur en a donné l’ordre [5] (ils peuvent par exemple m’éloigner d’une scène de crime pour laisser travailler les enquêteurs et protéger les victimes des paparazzis);
- S’ils pensent que leur droit à l’image ou leur vie privée serait violé, par exemple parce qu’ils craignent des représailles de la part de malfaiteurs si leur photo est diffusée, mais ceci ne vaut en principe pas en cas d’intervention dans un lieu accessible au public. L’argument de la vie privée ou du droit à l’image s’oppose au « droit de contrôle démocratique, à savoir ce qu’on appelle la « fonction de chien de garde » de la presse dans une société démocratique », qui peut être invoqué par les journalistes mais aussi par « toute personne remplissant un tel rôle »
En pratique les policiers intimident parfois les curieux, ou les journalistes professionnels, et encore plus ceux qui veulent obtenir des preuves de leurs abus. Pour m’éloigner des lieux, ils ne peuvent utiliser la force qu’après m’avoir demandé de partir et m’avoir averti de leur violence potentielle. En définitive, si l’on diffuse la photo ou le film montrant des policiers en action, ce seront les juges qui décideront de ce qui devra primer : la vie privée du policier ou mon droit à prendre des images et celui du public d’être informé de leur intervention.
Voici un lien vers un guide pratique pour filmer la police en France.
[Sources : Quelsdroitsfacealapolice.be, Paris-luttes.info]
26.05.2016 – Un observatoire des violences contre les policiers ?
Selon la Libre Belgique, un site en construction devrait voir le jour devant la recrudescence des violences contre les forces de l’ordre. Selon le porte-parole du syndicat SLFP Police, 8 000 faits de violence à l’encontre de policiers auraient été recensés en 2014 et 2015, contre un peu plus d’une centaine à charge de ceux-ci.
Un site en cours d’élaboration devrait notamment faire état des recommandations pour les chefs de corps élaborées par le troisième groupe de travail mis en place par Mmes Milquet et Turtelboom après les graves incidents de l’été 2012 pour sensibiliser les policiers et la population.
[Source : La Libre]
26.04.2016 – Deux Inspecteurs de police de Laeken arrêtés et écroués pour association de malfaiteurs et vols avec violence pendant leurs heures de service
Selon les quotidiens De Standaard et Het Nieuwsblad, les deux inspecteurs auraient fait une dizaine de victimes. « Le service de contrôle interne de la police de Bruxelles Capitale-Ixelles (…), a initié une enquête concernant des présomptions de faits très graves commis par deux inspecteurs de police de ce corps« , indique le porte-parole de la zone de police Bruxelles-Ixelles.
Comme le rappelle le quotidien De Morgen, des faits semblables ont eu lieu à Anvers. Six agents y sont suspectés de vols systématiques de personnes sans papiers pendant les heures de service. Un rapport du comité P révèle que le racisme est toujours présent dans le corps de police anversois.
[Source : Le Vif]
15.03.2016 – 5ème édition de la manifestation contre les violences policières organisée par la Campagne STOP RÉPRESSION de la JOC et soutenue par un grand nombre d’associations et de collectifs citoyens : service minimal dans les médias
La cinquième manifestation contre les violences policières organisée à Bruxelles, s’est déroulée sans incident dans les rues de Molenbeek-Saint-Jean, en passant par la Métro Beekkant. 500 manifestants sont descendus dans la rue afin de réaffirmer que les violences illégitimes, le racisme, la xénophobie et le sexisme par la police touchent particulièrement les jeunes, les pauvres et les personnes issues de l’immigration. La police s’est contentée de laisser l’organisation de la sécurité aux parties organisatrices.
Les manifestants se sont arrêtés devant le centre d’accueil pour demandeurs d’asile Petit-château et en différents lieux de Molenbeek-Saint-Jean pour faire entendre des témoignages de familles. « Les victimes de violences policières demandent la vérité et la justice« , a déclaré Thomas Englert, porte-parole des JOC Bruxelles. « Pour la justice, il y a un long combat devant nous. Pour la vérité, la manifestation a servi de porte-voix pour donner la parole à ces victimes souvent criminalisées. Ce sont les policiers qu’on appelle quand on a un problème, pour avoir une protection. Quand on est face à un abus de pouvoir et à une violence, c’est extrêmement choquant. Ça l’est d’autant plus quand on se retrouve accusé de rébellion, donc désigné comme la personne violente.«
Malgré le nombre de manifestants et les témoignages poignants entendus à différentes haltes de la marche sur le parcours, la couverture médiatique de l’événement a été minimale, en dépit de la conférence de presse tenue à la Ligue des droits de l’Homme la veille sur le sujet (désertée elle-aussi par la presse…). Seuls L’avenir, Métro et de rares autres médias s’en sont fait l’écho et ont relaté l’événement, le plus souvent très brièvement, pour ne pas dire superficiellement. On en jugera en parcourant ces articles.
Alors : les violences policières, un phénomène banalisé ? Aurait-on franchi un cran dans l’acceptation de telles pratiques comme normales dans l’exercice du pouvoir de police ? La presse reflète-elle l’opinion, ou le pouvoir ?
14.03.2016 – Invitation à une conférence de presse : publication du Rapport ObsPol 2016
Ligue des droits humains, 10:30, Rue du Boulet 22 – 1060 Bruxelles
Il y a trois ans, le 15 mars 2013, à l’occasion de la journée internationale contre les violences policières, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) mettait en ligne le site internet de l’Observatoire des violences policières.
La création de cet Observatoire poursuivait un triple objectif : informer le citoyen quant à ses droits et devoirs vis-à-vis de la police, lui fournir, s’il est victime de violences policières, des outils et des conseils juridiques et pratiques et, enfin, lui permettre de témoigner, de manière anonyme au besoin, sur les éventuelles violences subies. Trois ans après le lancement du site, la LDH vous invite à la présentation du rapport 2016 de l’Observatoire. Les tendances qui se dégagent des témoignages reçus ces trois dernières années seront envisagées tant sur le plan quantitatif que qualitatif.
La conférence de presse abordera également, d’une part, la nécessité d’un contrôle citoyen de la police au regard des insuffisances des organes de contrôle officiels et, d’autre part, les incidents régulièrement constatés lorsque les citoyens filment ou photographient des policiers durant leurs interventions.
Cette conférence de presse se déroulera le 14 mars 2016, à 10 h 30, dans les locaux de la Ligue des droits humains, Rue du Boulet 22 à 1000 Bruxelles.
Intervenants : Alexis Deswaef, Président LDH, un responsable du site Obspol, Zouhaier Chihaoui, avocat
Contacts presse : David Morelli, responsable Com LDH : 02 209 62 86
26.11.2015 – Soirée d’information : peut-on encore filmer la police sans se faire arrêter ?
Pianofabriek, 19h, Salle de projection Arenberg, Rue du Fort 35 – 1060 Bruxelles
Dans le cadre de ses pratiques de média citoyen ZinTV est régulièrement confrontée à la difficulté croissante de pouvoir filmer la police. En effet, – nul n’est censé ignorer la loi – disent-ils en prétendant qu’il serait interdit de les filmer pour des raisons de sécurité ou de terrorisme. Et pourtant, il n’existe aucune interdiction générale de photographier ou filmer les actions de la police. Il est légitime que des citoyens et journalistes filment ou photographient des interventions policières, que ce soit pour informer ou récolter des preuves du déroulement des événements et ce n’est en principe pas une infraction. Le précieux ouvrage « Quels droits face à la police » de Mathieu Beys nous éclaire sur nos droits, et contribue à renforcer le contrôle démocratique de la police par celles et ceux qu’elle est censé protéger et servir.
Jan Jambon, ministre de l’Intérieur, Steven Vandeput, ministre de la Défense et Theo Francken, Secrétaire d’État à l’Asile et la Migration sont membres de la NVA, un parti d’extrême droite à qui le gouvernement Michel a donné des postes aussi stratégiques que délicats pour notre démocratie… ils visent déjà à faire le ménage dans les quartiers populaires de Bruxelles.
Depuis l’arrestation de l’une de ses équipes de tournage lors des manifestations contre le traité transatlantique le 15 octobre, ZinTV a décidé d’entamer une procédure judiciaire contre la police en vue de défendre son droit fondamental à exercer sa liberté d’expression en toute sécurité, mais c’est aussi l’occasion de poser le débat sur un vide législatif autour de l’émergence d’une presse citoyenne. De plus, militants et jeunes sont confrontés régulièrement à des policiers qui disent qu’il est interdit de filmer, voire qui effacent illégalement des images d’abus. Plus que jamais il est nécessaire connaître nos droits, de défendre ainsi notre démocratie, notre droit d’exercer le droit à la communication.
Avec Olivier Stein, avocat à Progresslaw et membre de la commission justice de la Ligue des Droits de l’Homme, qui prend souvent la défense des victimes de violence policière; Mathieu Beys, juriste, auteur du manuel « Quels droits face à la police » et membre de l’Observatoire des violences policières de la LDH.
Organisé en partenariat avec les JOC Bruxelles
[Source : ZinTV]
23.10.2015 – La LDH exige une enquête sur les intimidations policières lors des actions anti-TTIP
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) a pris connaissance de « deux cas de destruction de matériel de presse et d’arrestation de journalistes par les forces de police à l’occasion des manifestations anti-TTIP, le 15 octobre dernier, à Bruxelles« .
La LDH a demandé, dans ce cadre, qu’une enquête « sérieuse et indépendante » soit menée au sein de la police « sur les intimidations et effacements d’image portant atteinte à la liberté d’expression. » Les cas dénoncés par la LDH se sont déroulés durant les manifestations contre le TTIP du 15 octobre dernier lors desquelles quelque 600 manifestants ont tenté d’encercler le sommet européen à Bruxelles. Durant les actions, la police aurait ainsi obligé un cameraman de la web TV, ZIN TV, à effacer l’intégralité des images tournées durant cette journée, selon la Ligue. Un journaliste italien a également été arrêté par la police après qu’il avait filmé une intervention policière durant la manifestation, selon la LDH. « Bien que le journaliste leur présente sa carte de presse, les agents saisissent la carte mémoire de son appareil photo. Il sera ensuite embarqué dans une camionnette, sans qu’aucune motivation ne lui soit donnée. Il est amené au commissariat central de la zone de police Bruxelles-Ixelles« , poursuit la Ligue.
Droit de la presse
« Nous demandons une enquête auprès de la police, afin qu’elle vérifie ces faits auprès de ses troupes. Nous n’avons, par ailleurs, pas encore pris contact avec les représentants de la police« , a fait savoir la LDH. L’organisation exige que « les responsables soient identifiés et, si les faits sont établis, sanctionnés. » Les deux journalistes ont engagé un avocat, selon la Ligue. La LDH indique que ces témoignages d’intimidations policières ne sont pas isolés et lui sont même rapportés « de plus en plus souvent« . Elle rappelle que ces types de comportement « violent le droit de la presse à la protection des sources d’information des journalistes et, d’autre part, l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme protégeant la liberté d’expression et la liberté de la presse.«
[Source : Belga pour RTBF]
19.10.2015 – Angela Davis : « De Ferguson à Paris, marchons pour la dignité ! »
Angela Davis, marraine de la marche de la dignité et contre le racisme, bat le rappel pour l’événement du 31 octobre, à Paris. La marche, lancée par un collectif de femmes, est coanimée par des organisations de l’immigration et des quartiers populaires et également soutenue par de nombreuses organisations du mouvement social à l’échelle nationale et internationale.
Une transformation historique est en cours dans les métropoles occidentales. Depuis 2013, les États-Unis traversent une vague de contestation profonde des institutions policières et judiciaires. À la suite de la mort de trois hommes noirs – Trayvon Martin, puis Michael Brown et Eric Garner entre les mains de la police –, un mouvement a vu le jour pour réclamer la justice sociale et raciale, sous le nom de « Black Lives Matter ».
« Les vies des Noirs sont importantes », dit littéralement le slogan. Cet énoncé prescriptif dénonce une politique systématisée qui veut que la vie d’une personne africaine-américaine soit moins importante que celle d’une personne blanche. La violence à l’encontre des Africains-américains ne se manifeste en effet pas seulement par des brutalités isolées, mais par une discrimination systémique au sein des institutions judiciaires et policières : les crimes racistes commis par les forces de l’ordre (et parfois par des citoyens blancs) restent impunis, sont sciemment couverts par les instances de répression et sont socialement validés par les arbitrages judiciaires.
Cette réalité est un secret de polichinelle. En faire le récit relève du lieu commun, mais il faut des milliers de personnes dans les rues pour l’imposer dans le débat public. Et c’est ce qui s’est produit : en deux ans, la question des violences policières est devenue incontournable dans le paysage médiatique et politique étatsunien. Ce tournant est le fruit d’initiatives multiples, des marches contre les violences policières jusqu’aux interpellations de candidats électoraux, en passant par une occupation résolue des réseaux sociaux, blogs et plate-formes numériques. Cette vague contestataire est l’un des mouvements les plus prometteurs depuis Occupy Wall Street pour ceux qui luttent en faveur de la justice sociale et de l’égalité.
En France, une initiative des plus prometteuses rassemble une pluralité de militantes, issues des horizons sociaux et politiques les plus divers, pour lutter contre le racisme d’État, l’islamophobie, la rromophobie, la négrophobie, et leur point de cristallisation principal : les violences policières. Ces femmes, toutes issues de l’immigration et des quartiers populaires, ont appelé à une « marche de la dignité » le 31 octobre, pour réclamer la fin de l’arbitraire policier et raciste.
Cet appel a d’ores et déjà reçu un soutien impressionnant. Elle est absolument unitaire au sein des luttes de l’immigration et des quartiers populaires. De nombreuses associations de terrain, qui luttent au quotidien contre l’islamophobie, la négrophobie ou encore la rromophobie, en sont partie prenante. À l’initiative de militants associatifs, des cars seront affrétés depuis la province vers Paris. Du côté de la gauche radicale française, il faut noter que la plupart de ses organisations ont appelé à cette manifestation. À l’international, de nombreux groupes autour de Black Lives Matter ont apporté leur soutien. C’est le cas aussi de Podemos ou encore de la coalition turque HDK auquel est affilié le principal parti d’opposition de gauche pro-kurde, le HDP.
Si cette initiative fait sens du côté de ceux qui subissent les discriminations de façon systématique, elle a donc aussi le potentiel d’être un mouvement rassembleur, un moment fort des mobilisations sociales au sens large et pour l’ensemble des forces progressistes. Elle porte aussi un message internationaliste, car il s’adresse à toutes celles et ceux qui luttent contre le système mondial de la suprématie blanche, soutenu par les États impérialistes et leurs politiques néocoloniales à l’étranger, carcérales et sécuritaires à l’intérieur.
Il n’est à cet égard pas anodin que cette mobilisation ait lieu en pleine offensive israélienne à Jérusalem et dans les colonies. Israël est aujourd’hui un pilier de ce système néocolonial, par son rôle de gendarme du Moyen-Orient, son régime d’apartheid à l’égard des Palestiniens et son rôle d’avant-garde dans le complexe militaro-carcéral et la promotion des technologies de maintien de l’ordre. Pour les marcheurs français, cette conjoncture est à la fois riches d’analogies, tant la France a une position pro-active dans les technologies sécuritaires (drones, surveillance, armes prétendument non létales), et tant son gouvernement appuie systématiquement les initiatives israéliennes. Enfin, cet appel est lancé en France par ce que, dans le monde anglophone, nous avons l’habitude d’appeler des « femmes de couleur » (women of color). Cette dimension résonne particulièrement avec les combats que j’ai eu à mener. Hier comme aujourd’hui, les femmes non blanches ont eu une place spécifique dans le système raciste. Du rôle de soutien de famille des Africaines-américaines jusqu’aux femmes, sœurs et filles d’hommes victimes du système policier et carcéral, nous, femmes de couleur, avons toujours joué un rôle d’avant-garde dans la lutte antiraciste. Je suis heureuse de voir de nouvelles générations de femmes reprendre ce flambeau, et réaffirmer la dignité de millions de voix écrasées, humiliées, de familles brisées, et d’héritages rompus.
[Source : Angela Davis et Mediapart]
28.09.2015 – L’État belge giflé par la Cour européenne des droits de l’Homme pour la baffe d’un policier restée impunie
Les tribunaux belges ont banalisé la gravité de la violence subie par des personnes entièrement livrée aux policiers. La Cour européenne des droits de l’Homme remet les points sur les « i ».
Ce lundi, la Belgique a été une fois encore condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme dans une affaire de violence policière. Les victimes sont deux frères qui ont chacun reçu une gifle de policiers de la zone Bruxelles Nord, au commissariat de Saint-Josse-ten-Noode en 2003 et 2004.
Pour la plus haute Cour du Conseil de l’Europe, une simple baffe, donnée sans nécessité par un policier, porte atteinte à la dignité de la personne et est donc un traitement dégradant interdit de manière absolue par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme. La LDH note que cette décision oblige la Belgique à combattre sérieusement des abus policiers qui restent trop souvent impunis. En effet, les policiers mis en cause ont toujours nié avoir donné ces gifles et ont obtenu un non-lieu devant les tribunaux belges, malgré des certificats médicaux établis le jour des faits par les victimes et décrivant les traces visibles. Pour la Cour européenne, il est bien établi que les policiers ont donné ces baffes : les victimes sont entrées en bonne santé au commissariat et en sont ressorties avec des ecchymoses.
Dans la procédure en Belgique, les juges avaient accordé un non-lieu. La Cour européenne condamne aussi l’État pour avoir bâclé l’enquête. Il n’y a pas eu d’expertise médicale, ni confrontation entre les victimes et les policiers mis en cause. Les policiers ont été blanchis quasiment sur la seule base de leurs déclarations, ce qui est inacceptable. Les tribunaux belges ont banalisé la gravité de la violence subie par des personnes qui étaient entre les mains des policiers.
Cette décision conforte par ailleurs la jurisprudence de la CEDH en matière de renversement de la charge de la preuve dans ces situations.
Depuis 2013, l’Observatoire des violences policières de la LDH recueille des témoignages de personnes victimes ou témoins sur son site d’ObsPol. Il faut noter que les constats de cet observatoire ont été mobilisés par les deux frères devant la Cour européenne qui leur a donné raison après une longue bataille judiciaire. La LDH ne peut que se féliciter que le travail d’ObsPol soit pris en compte, même de manière indirecte, par la Cour européenne.
La LDH rappelle que les citoyens doivent avoir le droit de filmer les policiers pour mieux combattre les violences abusives et l’impunité de celles-ci.
[Source : CEDH]
27.07.2015 – Tribunal correctionnel de Nivelles : quatre mois d’emprisonnement avec un sursis de trois ans, et amende de 360 € pour un policiers reconnu coupable d’avoir frappé un homme menotté
Le 17 novembre 2014 dans la région de Grez-Doiceau, après une course-poursuite avec des policiers, le prévenu avait donné deux coups de pied au suspect alors que celui-ci était tenu par ses collègues. La scène avait été filmée par un hélicoptère de la police fédérale.
Le policier a justifié à l’audience son comportement en expliquant qu’il avait estimé que ses collègues étaient en difficulté, que le suspect menotté refusait d’avancer après avoir été arrêté dans les champs et qu’il lui fallait « débloquer la situation« . Par ailleurs, il a indiqué que l’homme était « signalé comme dangereux« . Ses collègues ont soutenu au contraire que le suspect était menotté dans le dos et tenu par deux agents… Un policier qui se trouvait dans l’hélicoptère ayant participé à la course-poursuite avait rappelé aux équipes au sol que tout était filmé.
[Source : 7sur7]
25.06.2015 – Tribunal correctionnel d’Anvers : deux poids deux mesures dans le verdict de l’affaire Jonathan Jacob
Qui ne se souvient des images insoutenables d’une « équipe spéciale d’assistance » vêtue d’habits noirs, gantée, cagoulée, armée de bâtons, s’acharnant sur un homme nu, étendu dans une cellule de commissariat ? La justice a rendu son verdict : une décision qui donne froid dans le dos…
Ces policiers s’étaient défoulés en portant leur « assistance » au point de tuer le jeune homme. L’autopsie avait révélé qu’il avait succombé à une hémorragie interne, provoquée par cette intervention « musclée » donc de leurs coups. Lorsqu’on considère que, de facto se trouver en cellule dans un commissariat fait de vous une personne particulièrement vulnérable, cette violence mortelle ne peut qu’éveiller l’effroi. A quand le suivant ?
Sur simple demande d’un d’un commissaire, les forces de l’ordre peuvent se rendre au fond d’une cellule et battre son occupant. Si des témoignages de tabassage de personnes au sol dans des commissariats parviennent régulièrement à ObsPol, cette affaire en illustre bien le paroxysme, par les images des caméras de sécurité et l’extrême violence mise en œuvre, tant de la part de :
- la hiérarchie policière : le commissaire qui donne l’ordre à un médecin d’administrer un tranquillisant au détenu,
- le corps médical, qui obtempère complaisamment à l’injonction,
- les gros bras de l’équipe d’intervention, protégés par leur armure Robocop et leur bouclier, qui n’ont visiblement cherché à aucun moment à immobiliser le détenu pour l’injection mais se sont immédiatement attachés à le rouer de coups.
À l’époque, soit trois ans après les faits, lorsque Joëlle Milquet, alors ministre de l’Intérieur, prit connaissance des images, elle s’était dite « choquée« . Le Comité P n’avait alors entamé aucune enquête sur cette affaire. Par ailleurs, aucune procédure disciplinaire n’avait été prise à l’encontre des policiers impliqués qui pouvaient donc poursuivre leur besogne sans obstacle. Ce n’était qu’en raison de la diffusion des images par la VRT, que les choses se sont mises à bouger !
Autre élément « choquant » : alors qu’il y a trois ans que tout le monde impliqué tentait d’étouffer l’affaire, la fameuse unité spéciale d’intervention anversoise avait déposé plainte contre le père pour diffusion des images car, « cela perturberait le travail de la justice » (d’après l’avocat de la police) !
Le 25 juin 2015, le tribunal correctionnel d’Anvers a prononcé son verdict :
-
- Le psychiatre du centre Broeders Alexianen (province d’Anvers), ainsi que le directeur de l’époque ont été condamnés à 6 mois de prison avec sursis pour négligence coupable.
- En ce qui concerne les policiers, les faits ont été requalifiés en « coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner« ! Quiconque a pu visionner la vidéo avant son retrait du site de la VRT n’a pu manquer à quel point les coups étaient bien « volontaires« .
Mais peut-on encore douter, devant la fréquence des coups, la totale absence de retenue dans la force, le nombre de policiers qui s’y sont adonnés, et les parties du corps visées, qu’il n’y ait eu volonté délibérer de réduire le détenu au silence ? Selon l’article 401 du code pénal, l’auteur risque une peine de réclusion allant de cinq ans à dix ans s’il n’y a pas de préméditation, mais sera puni de la réclusion de dix ans à quinze ans, s’il a commis ces actes de violence avec préméditation… :
- Le commissaire de police de la zone Minos, qui avait appelé l’équipe « spéciale d’assistance » est acquitté.
- Un membre de cette unité, parce qu’arrivé en fin d’intervention, également.
- Et pour les sept autres ? Quelle sanction pour la mort d’homme ? Quatre mois de prison avec sursis et une amende de 275 euros…
Ainsi, ravir la vie à Jonathan Jacob, âgé de 26 ans, dans la cellule d’un commissariat de police ne vaut que quatre mois de prison avec sursis ! Une nouvelle fois ceci révèle le constat tant de fois renouvelé de la quasi-impunité des policiers lorsqu’ils se rendent coupables de violences à l’égard des personnes enfermées ou non.
Rappelons ici que le tribunal correctionnel de Bruxelles avait acquitté le 28 mai dernier neuf policiers de la zone Bruxelles-Midi qui avaient été poursuivis pour coups et mauvais traitements administrés à la prison de Forest en octobre 2009 à l’encontre de prisonniers qui s’en étaient plaints soutenus par leur direction. Cependant, un seul aura osé porter plainte et le tribunal a proclamé ne pas disposer de preuves pour condamner les policiers.
La liste est longue et les témoignages continuent d’affluer confirmant que la révoltante constatation des deux poids, deux mesures appliqués par les magistrats entre le citoyen et les forces de l’ordre est loin de s’améliorer.
[Source : Canva]
23.06.2015 – Examen périodique universel : ObsPol soumet ses constats et recommandations au Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies
L’Examen Périodique Universel (EPU) est un mécanisme unique du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ayant pour but d’améliorer la situation des droits humains dans chacun des 193 États membres de l’Assemblée générale des Nations Unies. Par ce mécanisme, la situation des droits de l’Homme dans chacun des pays membres de l’ONU est examinée successivement tous les quatre ans et demi. En janvier 2016, ce sera au tour de la Belgique de passer son deuxième examen périodique universel.
Dans ce cadre, les ONG ont la possibilité de donner leur point de vue quant à la situation des droits humains en Belgique. Des ONG belges et internationales ont choisi de saisir cette opportunité et se sont mobilisées pour produire 17 rapports portant sur différents points posant question aujourd’hui en Belgique en terme de respect des droits fondamentaux.
Ce document constitue une synthèse des principales critiques de l’Observatoire des violences policières, de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) émises dans le cadre de l’Examen périodique universel auquel est soumis l’État belge. Étant donné la nature de ce rapport et les limites drastiques émises par le Conseil pour sa réalisation, la LDH et la FIDH n’ont pas eu l’ambition d’être exhaustives mais ont plutôt cherché à cibler certaines interrogations essentielles en termes de respect des droits fondamentaux en Belgique. Dès lors, il reste à dessein succinct et incomplet.
De ce fait également, la LDH et la FIDH ont mis sur pied une coordination d’associations de défense des droits fondamentaux avec pour objectif de couvrir une palette large de matières traitées par le Conseil des Droits de l’Homme. Dans ce cadre, ces associations ont convenu d’effectuer un travail complémentaire, de manière à éviter les redondances. Les ONG suivantes ont répondu à l’appel, et nous nous référons à leurs rapports respectifs pour les matières qu’elles couvrent :
- La Liga voor mensenrechten, Le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX), L’Observatoire International des Prisons (OIP) – Section belge, La Coordination et Initiatives pour Étrangers et Réfugiés (CIRé), La Coordination des ONG pour les droits de l’enfant (CODE) et la Kinderrechtencoalitie (Kireco), Défense des Enfants International (DEI) – Belgique, L’Observatoire des violences policières (OBSPOL), L’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) – Belgique francophone, Privacy International, Le Groupe d’Action qui dénonce le Manque de Places pour personnes handicapées de grande dépendance (GAMP), La Plate-forme Mineurs en exil, End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for Sexual Purpose (ECPAT) – Belgique, Le Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH) et le Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat (RWDH), Pour une Ethique du Vote Automatisé (PourEVA), L’asbl Objectif, Food First Information and Action Network (FIAN) – Belgique (avec la CNCD-11.11.11, le Réseau des GASAP, Le Mouvement d’Action Paysanne (MAP), la FUGEA et le CETRI)
[Télécharger la contribution d’ObsPol, de la LDH et de la FIDH]
20.05.2015 – Compte-rendu de la visite d’une délégation de la LDH au centre fermé La Caricole
Le samedi 9 mai 2015 a eu lieu la 5ème édition du Steenrock, festival musical installé devant le 127bis. Ses revendications : la suppression des centres fermés, l’arrêt des expulsions, la révision des politiques d’asile et de migration en vue de les acheminer vers la liberté de circulation pour toutes et tous, et la condamnation des violences policières.
La visite d’une délégation parlementaire [des centres fermés 127bis et Caricole, c’est à dire des centres de détention pour migrants en situation irrégulière en attente d’expulsion ou de reconduite à la frontière; ces deux établissements se trouvent sur la commune de Steenokkerzeel, immédiatement contiguës à l’aéroport de Zaventem, NDLR] a été organisée avec, entre autres, la présence de la LDH. Y participaient : Marco Van Hees (PTB), Benoît Hellings (Ecolo), Vincent Cornil (MRAX), Stéphane Crusnière (PS), Michaël Verbauwhede (PTB) et une députée européenne (suédoise). Il avait été demandé à la LDH également d’y prendre part, d’autant que les autres membres n’avaient jamais visité de centre et que nous pouvions être en quelque sorte leur guide [La LDH est en effet association dite agréée par l’Office des Étrangers pour visiter et assister les détenus en centres fermés, NDLR]. Alexis Deswaef, le Président de la LDH, a donc accompagné la délégation au 127bis et moi [Geneviève Parfait, NDLR] au Caricole.
La visite au Caricole, ce centre inauguré au printemps 2012 a duré environ 1h30, elle a débutée par une « présentation » dans la salle de réunion par la directrice, accompagnée de son chef de la sécurité.
Le centre a une capacité de 90 places et est rarement occupé à plus des deux tiers; initialement il était destiné à remplacer les centres INAD et de Transit de l’aéroport, donc des personnes « inadmissibles » pour l’entrée en Belgique en raison de papiers estimés pas en ordre, ou d’un manque de preuves de disposer de suffisamment d’argent par exemple. Ces personnes étant habituellement renvoyées quasiment par le vol retour, séjournent environ 3 jours au centre. Il y a également des demandeurs d’asile qui ont introduit une demande depuis l’aéroport ou le Caricole et pour qui l’enfermement est plus long. Ils attendent l’aboutissement de la procédure et la détention est de 2 mois et demi à 3 mois [durée maximale légale de détention, NDLR]. Si leur demande est admissible, ils sont pris en charge par Fedasil. Dans le cas contraire, ils/elles seront expulsés. La troisième catégorie de personnes est constituée de personnes qualifiées d’illégales : elles sont enfermées dans l’attente de la possibilité d’une expulsion. Les durées d’enfermement peuvent alors durer des mois. Rappelons ici la détention d’une femme enceinte pendant près de 6 mois. Enfin s’y retrouvent aussi des personnes relevant du ministère de l’Intérieur (généralement en provenance de prisons). Ce mélange de populations ne pose pas de problème de cohabitation nous dit-on, l’ambiance ressentie est d’ailleurs plutôt calme.
La population actuelle est principalement composée d’Albanais, d’Irakiens et de Syriens. À la question de savoir s’il y avait des mineurs dans le centre, nous apprenons que cela peut arriver mais pour quelques heures seulement, le temps d’organiser la vérification de l’âge ou leur départ. Depuis quelque temps, la politique pratiquée consiste à envoyer d’office les femmes au Caricole plutôt qu’au 127bis. Aucune raison concrète n’a pu être obtenue quant aux motivations de cette manière de faire. Le 127bis, une prison pour hommes uniquement ?
Aux questions concernant l’accessibilité aux renseignements sur leurs droits (avocat, procédures, plaintes, etc.) nous sommes informés que des fiches (dans une trentaine de langues) sont données aux détenus lors de leur arrivée. Les informations concernant les visites des ONG et la Commission des plaintes sont affichées dans les locaux communs. Faute de temps nous ne les avons pas vues.
La visite se poursuit le long des corridors blancs. Tout est blanc ici, en arrondi [le Caricole a une forme circulaire en anneau, coupant les détenus de tout repère visuel extérieur, NDLR] les fenêtres donnant désespérément sur des champs ou pistes au loin. Tout est aseptisé. On pourrait s’imaginer se trouver dans un hôpital. Alors que les personnes ne connaissent que rarement cette langue, nous notons que les écriteaux sont en néerlandais uniquement. Un local internet existe mais il n’est accessible que quelques heures, faute de personnel. Une cour extérieure (environ 3m²), un terrain de sport, entourés de hauts grillages, existent… mais nous n’y avons vu personne. Idem pour la bibliothèque La salle TV, elle, était occupée par plusieurs détenus.
Nous visitons également les chambres (de 4 personnes) correctement tenues, les salles de « intake » et autres pièces de l’administration, les chambres d’isolement « uniquement pour les personnes malades », en cas de risque d’Ebola par exemple. Un judas permet de regarder à l’intérieur de ces chambres. Elles peuvent être fermées en indirect, c’est-à-dire par le sas qui y mène. Nous demandons aussi à voir les cellules d’isolement. Ce sont de petites cellules aux minuscules fenêtres type meurtrières, des « cours » noires, comme une cheminée carrée (2m²) aux murs noirs, nus sans siège ni objet quelconque. Elles servent parfois de fumoir. Le recours à l’isolement aurait été pratiqué une quinzaine de fois en 2014, souvent suite à une mauvaise nouvelle, parfois pour de très courtes périodes de deux à trois heures ; le temps que le détenu se calme. Le recours aux médicaments ne se fait a que sur prescription médicale, un registre est tenu.
Lors d’une halte dans l’un des corridors, nous nous attardons auprès de trois dames qui souhaitaient nous faire part de leur situation. Il apparaît effectivement que, si du point de vu logistique il n’y aurait pas trop à redire, les problèmes sont liés à la privation de liberté et aux situations humiliantes, par exemple le fait d’être menotté lors des transports vers le tribunal. Rappelons ici le sort qu’avait connu une jeune Somalienne qui, menottée dans la camionnette de police et oubliée par les policiers, avait dû attendre deux heures sous un soleil de plomb, sans accès à une boisson ni possibilité d’appeler au secours, avant que l’on se souvienne d’elle et qu’on la reconduise au centre. D’autres personnes mentionnent le fait que la nourriture ne semble convenir qu’à un seul type de personnes et que, de ce fait, voilà plusieurs jours que certaines d’entr’elles refusent de manger. Des détenus arrivent petit à petit pour nous parler. Un monsieur âgé nous montre sa prothèse de jambe et ne comprend pas pour quelle raison il se trouve là. Un autre monsieur raconte qu’il a été arrêté dans les 20 minutes qui ont suivi son information de refus de demande d’asile. Un autre encore nous dit qu’il souhaite changer d’avocat…
Nous avions aussi posé la question de l’intervention de la police à l’intérieur du centre, ce à quoi il nous a été répondu par la négative. Au moment où la directrice nous fait quitter le centre par l’arrière, nous apercevons une quinzaine de policiers qui quittent le centre également…
Quelques médias (pas de presse grand public, ni bien sûr celle du service publique) nous accueillent à la sortie. Bien qu’une prise de parole avait été prévue pour la LDH par les organisateurs du festival (cet événement, dont l’initiative revient à la Coordination contre les Rafles, les Expulsions et pour la Régularisation (CRER), était organisé conjointement avec Bruxelles Laïque, le Mouvement contre le Racisme, l’Antisémitisme et la Xénophobie (MRAX), et le Service Civil International (SCI); il est soutenu par le Service International de Recherche, d’Éducation et d’Action Sociale (Siréas), le Centre National de Coopération au Développement (11.11.11-CNCD), Le Monde des possibles, la Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Étrangers (CIRÉ), la Centrale Jeunes FGTB, le Parti du Travail de Belgique (PTB) et Kairos, et Tout autre chose), elle n’a finalement pas été permise par les organisateurs, débordés par le temps. Il sera intéressant de voir le suivi accordé par les parlementaires à cette visite…
[Source : Ligue des Droits humains]
01.04.2015 – Cour d’appel de Bruxelles : suspension du prononcé et acquittement pour un commissaire bruxellois
Le Parquet général demande l’acquittement d’un policier de la zone Bruxelles-Midi condamné en avril 2013 pour deux faits de violence, l’un à l’égard d’un collègue, l’autre lors d’une interpellation dans une manifestation. Selon le parquet général, ces faits ne reposent sur aucune preuve.
En avril 2013 un inspecteur principal de la police locale de la zone Bruxelles-Midi avait été condamné à huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Les faits reprochés étaient deux incidents de coups et blessures à caractère raciste. Cela s’était passé en 2009 l’homme, alors inspecteur principal, aurait donné un coup de poing à un collègue Mohamed A. dans les locaux du commissariat puis l’aurait agrippé à la gorge en le qualifiant de « bougnoule« . Il aurait également, lors de l’interpellation d’un homme qui tenait une manifestation interdite, poussé celui-ci par deux fois contre un chambranle de porte en lui proférant des injures racistes. Plusieurs de ses collègues avaient dans un premier temps réfuté les accusations mais, en 2010, l’un d’entre eux a changé ses déclarations. Il a alors affirmé que tous les reproches étaient fondés. L’inspecteur qui depuis est commissaire, nie et suite à cette condamnation avait fait appel de sa condamnation.
Le 10 février 2015 le procès en appel a débuté et le Parquet général de Bruxelles, qui exerce une mission de sauvegarde des intérêts généraux de la société, a demandé comme la défense, son acquittement. Selon lui, ces faits ne reposent sur aucune preuve.
Le 1er avril 2015 la Cour a rendu son arrêt : suspension du prononcé et acquittement pour le commissaire. Selon la cour, il n’est pas prouvé que l’homme avait des motifs racistes, ni qu’il a réellement été trop rude avec un manifestant. Ainsi il a, après avoir été condamné à 8 mois de prison, bénéficié d’une suspension du prononcé. Ce qui consiste à déclarer la prévention établie sans prononcer la condamnation. Le prévenu est coupable mais dans l’intérêt d’un reclassement du condamné, aucune peine ne sera prononcée. Cette mesure met fin aux poursuites. En effet, pour ce qui est de l’insulte à son collègue, la cour d’appel n’a pas estimé que l’insulte était établie, et a jugé que le commissaire avait agi dans un mouvement de colère. Le collègue aurait par ailleurs « cherché » le coup de poing en ayant un comportement arrogant et défiant.
Pour ce qui est de son comportement violent et insultant à l’égard d’un manifestant, en le poussant volontairement à deux reprises contre un chambranle proférant sa série de propos racistes lancés au visage, la cour d’appel n’a pas trouvé de preuves satisfaisantes permettant de considérer les faits établis. Le commissaire a été acquitté pour ces faits.
[Source : Belga/Sudinfo.be]
26.03.2015 – Procès NoBorder : la police de Bruxelles condamnée à indemnisation pour préjudice moral
Cinq militants No Border avaient cité la Zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles devant le Tribunal de première instance. Les faits concernés par la citation sont leur arrestation préventive et abusives, dans le cadre de la semaine du camp No Border en septembre 2010, semaine au cours de laquelle 500 arrestations « préventives » ont été effectuées.
Les arrestations dénoncées dans la plainte sont celles qui ont eu lieu le 29 septembre 2010, jour de l’euro-manifestation organisée par les syndicats européens.
Trois des cinq plaignants ont été arrêtés dans la station de métro Ribaucourt parmi un groupe d’une trentaine de « clowns » en chemin vers le point de départ de la manifestation. Le juge a estimé que cette arrestation était bien illégale. En effet il rappelle le principe que « l’on doit arrêter les gens pour ce qu’ils font, non pour ce qu’ils sont ». Or, il n’y avait ni perturbation de la tranquillité publique, actuelle ou potentielle lors de l’arrestation, ni infraction. En l’occurrence il s’agissait bien d’une contravention à la loi belge ainsi qu’à l’art. 5 de la Convention européenne des droits de l’homme (1).
Les deux autres plaignants ont été arrêtés lors de la manifestation à laquelle ils participaient de manière pacifique. Le juge estime que « le contexte général était instable », et qu’étant donné la présence de personne cagoulées il n’a pas été possible pour les policiers de faire le tri. Il ne considère pas ces arrestations comme disproportionnées.
En revanche, sur les conditions de l’arrestation et de la détention, le juge estime que le maintien des menottes pendant le transfert ne se justifiait pas sous la simple allusion vague que les personnes avaient un « profil peu collaborant ». De même, il précise que la prise générale de photos n’est pas justifiée. En effet, l’éventuel mélange de « profils » de manifestants ne permet pas de les traiter indistinctement. C’est en vain que les policiers invoquent que les photos étaient destinées uniquement à l’identification, puisque les plaignants étaient en possession de leur carte d’identité. Ici également le juge rappelle le principe que « la prise de photos de personnes soumises à une brève privation de liberté […] ne peut se produire qu’en cas de nécessité pour l’identification ou à des fins judiciaires et ne peut donc jamais être entreprise systématiquement ». Quant à la durée même de l’arrestation il précise que le fait qu’elle puisse durer 12 heures maximum, ne signifie pas qu’elle puisse être maintenue si longtemps sans nécessité. Mais dans le cas présent il ne la caractérise pas comme une faute dans le contexte d’alors.
Le tribunal condamne la zone de police à indemniser les plaignants pour le préjudice moral subi. Les plaignants, bien que la citation n’ait pas été entreprise dans un esprit de lucre, estiment malgré tout que les montants accordés sont insuffisants pour pour une privation illégale de liberté.
On constate à l’occasion de cette affaire le gouffre qui s’est progressivement creusé entre la pratique sur le terrain par les policiers et les principes de loi. À cet égard ce jugement est intéressant en ce qu’il rappelle des principes fondamentaux et devrait contribuer à une prise de conscience, afin que les policiers soient mieux contrôlés. Sans surveillance de leurs actions, sans sanctions lorsqu’elles outrepassent leurs droits et deviennent illégitimes, les forces de l’ordre ne peuvent que poursuivre dans cette voie.
C’est là également une des revendications portées lors de la manifestation du 15 mars dans les rues de Bruxelles à l’occasion de la journée internationale des violences policières.
10.02.2015 – Un Inspecteur fait appel d’une condamnation pour coups et blessures à caractère raciste, le Parquet réclame l’acquittement
Le Parquet général demande l’acquittement d’un policier de la zone Bruxelles-Midi condamné en avril 2013 pour deux faits de violence, l’un à l’égard d’un collègue, l’autre lors d’une interpellation dans une manifestation. Selon le parquet général, ces faits ne reposent sur aucune preuve.
En avril 2013 l‘Inspecteur principal M.C. de la police locale de la zone Bruxelles-Midi avait été condamné à huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Bruxelles. Les faits reprochés étaient deux incidents de coups et blessures à caractère raciste. Cela s’était passé en 2009 l’homme, alors inspecteur principal, aurait donné un coup de poing à un collègue dans les locaux du commissariat puis l’aurait agrippé à la gorge en le qualifiant de « bougnoule« . Il aurait également, lors de l’interpellation d’un homme qui participait à une manifestation interdite, poussé celui-ci par deux fois contre un chambranle de porte en lui proférant des injures racistes. Plusieurs de ses collègues avaient dans un premier temps réfuté les accusations mais, en 2010, l’un d’entre eux a changé ses déclarations. il a alors affirmé que tous les reproches étaient fondés.
L’inspecteur M.C. avait nié et fait appel de cette condamnation. Mardi 10 février le procès en appel a été entamé et le parquet général de Bruxelles, qui exerce une mission de sauvegarde des intérêts généraux de la société, a demandé, comme la défense, son acquittement. Selon lui, ces faits ne reposent sur aucune preuve.
La cour rendra son arrêt le 1er avril prochain.
03.02.2015 – Sortie du Rapport annuel 2013 du Comité P
ObsPol en a extrait quelques statistiques relatives à la problématique des violences policières, ainsi que des remarques concernant les arrestations administratives.
Le Comité P recense dans son Rapport 2013 2885 plaintes, soit une hausse de 7% avec 205 dossiers de plus qu’en 2012. Précisons cependant que dans le cas où plusieurs plaintes relatives à un même événement sont adressées par des personnes différentes, un seul dossier sera ouvert. Ainsi, si à l’issue d’une manifestation par exemple 15 plaignants déposent plainte, leur plainte sera traitée en un seul dossier comptabilisé comme tel. Pour le Comité P cette méthode permet « d’uniformiser le traitement du dossier relatif à une problématique particulière. »
Le nombre de dossiers traités par mois est en moyenne de 240.
Pour ce qui concerne les faits incriminés sur l’année 2013, citons :
- un comportement ou une attitude agressive : 400 plaintes (+8 par rapport à 2012)
- des constatations injustes : 362 (+45)
- les refus d’acter : 268 (-19), alors que le
- traitement illégal : 243 (+10)
- coups et blessures : 189 (-19)
- un comportement désobligeant : 203 (-5) mais
- une attitude laxiste ou négative : 230 (+32)
572 dossiers concernent des plaintes pour faits de violences policières, ce qui représente près d’un dossier de plainte sur cinq. Ces dossiers ont trait en tout ou en partie aux violences et ou à l’attitude agressive des fonctionnaires de police à l’égard de citoyens.
Qu’advient-il des plaintes reçues, quelle orientation reçoivent-elles ?
Trois possibilités :
- les dossiers reçoivent un code qui renvoie à l’existence d’un manquement ou d’une faute dans le chef d’un fonctionnaire de police
Environ 12 % des dossiers de plaintes de 2013 avaient mené au constat de l’existence d’une faute ou d’un manquement. Ce taux se situait entre 10 et 15% pour les années précédentes. - Les dossiers qui renvoient en tout ou en partie à la compétence des instances judiciaires
13 % des dossiers ont été adressés aux autorités judiciaires, car il a été estimé qu’ils pouvaient, en tout ou en partie, concerner des infractions à caractère pénal. - Les dossiers de plaintes non fondées ou qui ont abouti à une décision de la non-existence d’une faute dans le chef des fonctionnaires de police mis en cause
Selon la méthodologie employée, environ 6 à 7 dossiers sur 10 sont considérés en tout ou en partie, après enquête, non fondés.
Origine des plaintes ?
C’est la zone de Bruxelles-Ixelles sur laquelle a été recensé le plus de plaintes avec 274 plaintes, suit loin derrière celle de Bruxelles-Ouest avec 74.
Pour les zones de police en Flandre, on trouve en tête la police locale d’Antwerpen avec 177 et celle de Gent avec 78. En ce qui concerne les zones de police en Wallonie, ce sont celles de Charleroi et Liège qui sont présentes dans le classement de tête avec une quarantaine de plaintes enregistrées.
Quelques commentaires concernant les arrestations administratives :
Le Comité P a mené une enquête dont il ressort que les plaintes relatives aux arrestations administratives reçues ces dernières années concernent tous les aspects du déroulement de l’arrestation administrative. (cf. rapport p. 42). Principaux motifs de ces plaintes :
- motivation insuffisante de l’arrestation administrative
- non-enregistrement ou l’enregistrement lacunaire de cette arrestation
- manque ou l’absence d’information donnée à la personne arrêtée administrativement
- non-information d’une personne de confiance
- refus d’une assistance médicale
- privation d’eau potable et de repas
- non-mise à disposition de sanitaires adaptés
En outre, de très nombreuses plaintes relatives à des arrestations administratives dénonçaient le recours à une violence disproportionnée y compris l’utilisation de menottes, l’exécution de la fouille et l’exposition à la curiosité publique.
Le rapport s’étend sur l’importance de la fourniture d’eau potable et rappelle que celle-ci est soulignée dans l’exposé des motifs du projet de loi de 2007 modifiant la loi sur la fonction de police, qui indique : « Le droit de manger, de boire et d’utiliser des sanitaires adéquats pendant une privation de liberté fait partie de la protection de l’intégrité physique et de la dignité humaine. Le fait de priver une personne de nourriture, de boisson ou de l’utilisation de sanitaires adéquats pendant une privation de liberté est en effet qualifié de traitement inhumain par la jurisprudence internationale. »
Un constat récurrent porte sur l’insuffisance, voire l’absence de motivation d’une arrestation administrative. Il ressort qu’une motivation adéquate n’est pas toujours formulée pour justifier l’arrestation administrative. On utilise trop souvent des formules de style ou des termes trop généraux, ignorant le critère de la « nécessité absolue ». Dans de nombreux cas, il est seulement indiqué: « trouble de l’ordre public » sans que soit précisé en quoi consiste réellement ce trouble ni pourquoi l’arrestation administrative est une nécessité absolue. De même, le rapport ou le registre ne disent pas grand-chose, voire rien du tout des initiatives prises par les services de police pour amener la personne arrêtée à de meilleures dispositions avant de procéder à son arrestation administrative. C’est principalement en raison de cette motivation lacunaire ou totalement absente qu’il est impossible de contrôler la légalité de l’arrestation.
Le Comité P rappelle ici que la Cour d’appel considère que l’exercice de la fonction de policier ne peut s’accomplir que « dans le respect de la loi et non en fonction d’une conception très personnelle d’une mission de protecteur de l’ordre public. »
[Source : Rapport 2013 du Comité P]
06.11.2014 – BRUXELLES : une manifestation syndicale réprimée durement, des journalistes et des observateurs prus à partie par la police
Chez nous, en novembre et décembre 2014 une grande place de l’actualité se rapportait à une série de grèves de grande importance, l’une, le 6 novembre a fait parler d’elle en particulier par les heurts police contre manifestants en fin de manifestation.
Les médias ont couvert largement les violences qui avaient été commises à l’encontre de policiers, dont une centaine fut blessée.
Peu ou rien ne fut évoqué à propos de violences subies par des manifestants ou simples passants de la part des forces de l’ordre. C’est ainsi qu’un photographe fut matraqué à deux reprises par les forces de l’ordre, bien qu’il eut les mains en l’air avec un boîtier dans chaque main, qu’il ne fut pas vêtu de la même façon que les dockers et qu’il ait informé les forces de l’ordre de son statut de journaliste.
Un autre témoignage d’un observateur des mouvements sociaux dans le cadre de ses activités professionnelles rapporte qu’en fin de manifestation son attention a été attirée par les faits violents qui se déroulaient. Il précise qu’à aucun moment, il n’a été menacé par les policiers ni par les différents acteurs (dockers ; manifestants ; casseurs ou curieux) actifs sur les lieux.
Après une charge, un groupe de policiers se dirigeait vers l’entrée d’une rue pour la fermer. Bien que l’observateur ait marqué son accord au policier de quitter les lieux et qu’il se soit dirigé vers la rue X pour partir, le policier se mit à courir vers lui pour le heurter violemment d’une de ses mains et de son bouclier. Il a ensuite poursuivi la personne et lui a asséné un fort coup de matraque sur la tête, lui faisant perdre connaissance tandis que du sang lui coulait de la tête. Hospitalisé, le manifestant a reçu un certificat d’arrêt de travail de deux semaines.
26.10.2014 – FRANCE : Décès d’un opposant au barrage de Sivens, blessé à mort par le tir d’une grenade d’un policier
Bien qu’ObsPol ne couvre pas la France, nous ne pouvons dans cette rubrique passer sous silence la gravité des faits de violence des forces de l’ordre réprimant les manifestants réunis au Testet pour lutter contre le projet du barrage de Sivens. Ils y ont perdu un ami…
Aux premières heures du dimanche 26 octobre 2014, à quelques mètres des soldats de l’État, armés et protégés par leur armure et leur bouclier, Rémi Fraisse a perdu la vie par le fait du bras armé de l’État. Il avait 21 ans.
« Je la dégoupille, il fait noir mais je connais leur position. » C’est ainsi que le Maréchal des logis chef J., lanceur de grenade, s’est exprimé. S’il tente d’éviter de toucher quelqu’un, les manifestants « bougent beaucoup ». Et la grenade explose. La mort de Rémi Fraisse est annoncée après « cinq à dix minutes ».
Par un tir tendu, un gendarme lance une grenade de désencerclement, visant probablement la tête, elle s’est coincée entre la nuque et les épaules de Rémi. Et ce, bien que les lois internes des bras armés de l’état français interdisent les tirs tendus à une certaine distance et interdisent également de viser la tête ou de viser tout court avec certaines armes.
« Il est décédé, le mec… Là, c’est grave…»
[Source : Le Monde]
16.10.2014 – Première audience dans le procès des NO BORDER
À l’approche de La première audience qui se tiendra le mercredi 22 octobre 2014 au Palais de Justice de Bruxelles, petit résumé des faits : déroulement de la répression et des arrestations des activistes du camp Noborder, du 26 septembre au 1er octobre 2010…
Dimanche 26 septembre 2010 – manifestation devant le centre fermé 127bis de Steenokkerzeel
Ce jour là, à l’occasion du rassemblement annuel en mémoire de Semira Adamu, devant le centre 127bis la répression inattendue commence. Vers 14:15 à proximité de la gare de Nossegem : un déploiement policier important bloquant tout accès au pont. Des cordons de policiers et camionnettes stationnées de manière à empêcher tout passage vers le centre fermé 127 bis à Steenokkerzeel.
Dès la gare de Bruxelles, les policiers avaient envahi les wagons du train en direction de Leuven et priaient les autres voyageurs de se déplacer dans d’autres wagons afin de regrouper les voyageurs qui avaient l’air de se rendre à Steenokkerzeel et vérifiaient leurs papiers. C’est là que l’intimidation commence.
À la sortie du train les vérifications, parfois musclées, d’identité se prolongent pendant plus d’une heure. Les personnes sont obligées, parfois manu militari, de se laisser filmer à 40-50 cm du visage avant d’être autorisés à rejoindre les autres. À l’approche des manifestants au centre fermé, on observe à l’arrière la police montée ainsi que des policiers se promenant avec des chiens entre les deux rangées de grillages. Tout ce déploiement est fort impressionnant et intimidant.
À un moment du rassemblement, certains manifestants frappent sur la grille d’entrée ce qui déclenche chez les policiers, des mouvements inquiétants puisque les chevaux sont appelés et arrivent menaçants en écrasant les manifestants les uns sur les autres. Lorsque les manifestants dont certains sont à ce stade très effrayés, tentent de retourner vers la gare, d’autres policiers casqués et boucliers en main empêchent tout avancement que ce soit vers la gauche ou la droite. Les manifestants se retrouvent donc encerclés ne pouvant se diriger dans aucune direction.
Très lentement, avec de régulières pressions que les policiers exercent à l’arrière avec les chevaux de manière provocante et, suivis d’autopompes, le cortège des manifestants « hermétiquement » entouré de policiers avec leurs boucliers se met enfin en marche, marche lente et saccadée par les nombreux arrêts imposés par les forces de l’ordre. À la gare le passage est à nouveau bloqué les policiers refusant de laisser quitter les manifestants s’ils ne (re)montrent pas leur carte d’identité. Quelques manifestants qui avaient été arrêtés préalablement sont relâchés.
Mercredi 29 septembre – Bruxelles jour de la manifestation européenne des syndicats contre les plans d’austérité
Dès 9:30-10:00 du matin Bruxelles et en particulier dans les environs de Tour&Taxis où le camp NoBorder était implanté, les métros Simonis, Yzer, les grands boulevards, place Sainctelette, boulevard Lemonnier, sont envahis par des forces de l’ordre en civil et/ou en uniformes, des chiens, des chevaux, des combis.
Une multitude d’arrestations sont effectuées de manière systématique de personnes se déplaçant à pied ou en métro selon un processus identique : deux, trois personnes sont interpellées brutalement et sans aucune explication ni raison, de toute évidence sur base de leur aspect extérieur, plutôt jeune, style vestimentaire décontracté, sac à dos, style de coiffure… par des policiers en civil ou en uniforme. Fouille superficielle, fouille des sacs, vérification des documents d’identité, menottage derrière le dos, assis à même le sol le temps qu’arrive un véhicule de police pour les embarquer toutes sirènes hurlantes. Les personnes sont traitées brutalement, fourrées dans les véhicules et emmenées au commissariat où elles passent de 8 à 11 heures.
Les très nombreux témoignages envoyés au Legal Team du camp NoBorder ou à la LDH, font état de comportements railleurs, brutaux et généralement très violents en gestes et en paroles. Fréquemment arrêtés alors qu’ils s’apprêtent à prendre un bus ou se trouvent simplement assis à 3, 4 sur un banc, des individus se voient ainsi empêchés d’exercer une quelconque activité pendant l’entièreté de la journée puisque privés de liberté. De cette manière plus de 140 personnes sont victimes de ce que les forces de l’ordre ont qualifié « d’actions ciblées« , « d’arrestations préventives « .
A partir de 13:00 un rassemblement était prévu par Les précaires solidaires, groupe auquel devaient se rallier certains participants du camp No Border. La participation de ce groupe à la manifestation syndicale avait été négociée en détail et entièrement acceptée par les organisateurs (CSC et FGTB). Dès l’arrivée sur le lieu de rassemblement place Bara cependant, les membres du groupe Précaires se voient interdire l’accès de leur véhicule sono et leurs banderoles. Ainsi, dès avant le départ, intimidé par un impressionnant déploiement des forces de l’ordre ce groupe de manifestants se voit ensuite subitement encerclé ce qui les isole du reste du cortège. Le comportent des forces de l’ordre est d’emblée très agressif.
Après des palabres le groupe peut enfin rejoindre le cortège, visiblement il est souhaité qu’il reste à distance. Pourtant après quelques dizaines de minutes à la Porte de Hal, la police encercle ledit groupe avec une grande brutalité. Il est perceptible que la détermination est antérieure pour empêcher le groupe d’aller plus avant avec le reste de la manifestation. C’est avec une violence extrême et gratuite que les policiers se ruent sur les manifestants (voir les témoignages nombreux, photos et vidéos), ils frappent à la tête, sur les bras… Un homme au crâne fracassé titube, une femme lui venant en aide en tentant de le retenir par le bras reçoit un violent coup de matraque sur l’avant-bras. Il faut au moins 20 minutes avant que des secours n’arrivent pour le conduire en ambulance à l’hôpital avec 4 autres manifestants. Même les secouristes sont empêchés de venir en aide. La police procède à l’arrestation des manifestants encerclés. Cette manœuvre est suivie d’un second encerclement et de placages au sol. Des policiers en civil arrivent de tous les côtés, encapuchonnés, parfois masqués, sortent leurs matraques télescopiques et frappent lourdement même des gens déjà au sol. Toute tentative d’entraide ou de gestes de solidarité de la part d’autres manifestants sont violemment repoussés, voire réprimés brutalement, et du gaz au poivre leur est pulvérisé à bout portant dans le visage sans aucune précaution. Certains manifestants suffoquent, les yeux rougis. C’est un réel déferlement de violence.
Environ 90 personnes menottées les mains derrière le dos, sont obligées de s’asseoir en file sur le trottoir, pendant près de deux heures. Certains policiers exercent des mesures de contention supplémentaires en maintenant une pression dans le dos avec le genou. On assiste à des propos provocateurs et intimidations, notamment à l’aide de leurs bonbonnes de gaz de la part de policiers protégés par des masques. Des camionnettes de police font partiellement écran à ces agissements et un cordon de policiers empêche toute personne – même habitant du quartier – de passer. Questionnés les policiers répondent qu’il s’agit de « casseurs« . À un riverain de couleur qui dit aux policiers que c’est eux qui font peur avec leur accoutrement, l’un d’entre eux répond :
– » T’as déjà vu ta gueule ? C’est toi qui fait peur ! «
– » Mais c’est raciste ce que vous dites ! « .
– » Ben oui ! »
À partir de 16:30 les départs échelonnés se font avec des combis policiers, les personnes arrêtées sont traitées sans ménagement ni respect.
Les arrêtés sont conduits dans les casernes d’Etterbeek et rejoignent les autres en arrestations « préventives » de la journée. Ils y sont traités de manière humiliante et dégradante. Tous identifiés, fichés et fouillés. Il leur est demandé de signer des documents par lesquels ils déclarent avoir « porté atteinte à l’ordre public » !
Mercredi 29 septembre – Parc Léopold
Vers 11:00 un groupe qui souhaite faire connaître son opposition à l’agence Frontex, dont certains représentants devaient se réunir à la Bibliothèque Solvay dans le Parc Léopold, se réunit afin de bloquer l’accès aux participants de la réunion.
Les policiers, nombreux dans le parc, arrêtent tout passant qui leur semble suspect. Certains sont mis à l’écart de la vue dans des bosquets où ils sont maltraités. La violence est systématique. Les colsons sont serrés, les mains deviennent mauves, les personnes sont assises à même le sol et maintenues par des pressions de policiers sur le dos. Six policiers s’acharnent sur une seule personne. Les personnes arrêtées sont traînées par terre et jetées dans la camionnette de police. Pas de ceintures de sécurité pour les personnes pourtant menottées, une conduite brutale intentionnellement, avec coups de frein qui font se cogner les personnes aux sièges avants. À la caserne, fouille et relevé d’identité. Les policiers disent être à la recherche de « matériel de manifestant« . Arrestation vers 12:00 d’une quarantaine de personnes, libérées vers 21:00, après que tout le monde soit photographié; 11 gaufres sont apportées pour 22 prisonniers, un verre d’eau à 16:00 et un autre à 19:00.
Autres arrestations à Schumann – un groupe assis se fait arrêter et enfermer dans les mêmes conditions.
Jeudi 30 septembre 2010
Des arrestations ont lieu sur les trottoirs du centre ville. Les personnes sont traitées avec une violence débridée par les policiers qui les interpellent, en plaquant au sol, en tordant les bras et même en exerçant des strangulations, et les menottent. Sans qu’aucune raison ni objet de l’arrestation ne leur soit communiqués, elles sont ensuite maintenues pendant 11 heures à l’Amigo (commissariat central de Bruxelles). Fouille à corps, obligation pour les personnes de sexe féminin de se dévêtir même au regard de policiers du sexe opposé. Une jeune femme refusant d’enlever son pantalon se voit pliée en avant sur une table et baisser son pantalon par un policier, une autre doit se déshabiller entièrement. Humiliations et menaces, « J’ai envie de te couper les cheveux et les ajouter à mes trophées ! » se permet un policier ayant préalablement sorti son couteau. À la vue de passeports allemands, un policier se met à chanter « Deutschland, Deutschland über alles !« . Sacs, vestes et bijoux sont confisqués et certains objets ne seront jamais restitués. Remarques sexistes et moqueries font rire les policiers tout au long des 11 heures d’arrestation, au terme desquelles le rhabillement doit se faire dans le couloir…
Vendredi 1 octobre – arrestations gare du Midi
Appel à manifestation avait été lancé, suivi d’une interdiction communale de rassemblement de plus de 5 personnes. Dès 17:00 le quartier de la gare du Midi est envahi de policiers, combis et autopompes. Des personnes isolées ou se déplaçant à deux, trois sont systématiquement interpellées sur base de leur apparence extérieure (âge, vêtements décontractés, style de coiffure). Des passants voulant exercer une certaine vigilance sur les arrestations en cours sont aussi arrêtés. Des mineurs, identifiés comme tels avant leur arrestation, sont détenus jusqu’à 01:00 du matin en compagnie d’adultes. Les parents de ces mineurs ne reçoivent aucune information les concernant pendant leur détention. Aux personnes qui s’enquièrent de ce déploiement policier et aux cafetiers du coin, il est répondu qu’il s’agit de deux gangs qui préparent des bagarres et que les policiers sont là pour les en empêcher.
Le soir dans le quartier, arrestations aux alentours de la Porte de Hal vers 19:30. Route barrée à des personnes marchant dans la rue à deux. Les policiers les regroupent afin qu’il y en ait plus de cinq. Certains se font piéger par des tactiques policières qui consistent à dire à deux personnes « Attention il y a la police au coin« , si celles-ci répondent « Ah merci !« , elles sont embarquées par les policiers en civil et emmenées aux casernes d’Etterbeek où elles rejoignent d’autres déjà présentes. Menaces, intimidations, moqueries, incitations à la bagarre, sexisme, violences sont commises par les policiers, privation de boire, de manger et d’aller aux toilettes pour certains ! Est présent de manière active et proactive le Commissaire divisionnaire de police de la zone Bruxelles Ixelles.
Samedi 2 octobre 2010 – manifestation No Border dans les rues de Bruxelles
La veille, la police visite magasins, commerces, banques, restaurants et « avertissent » que le lendemain une manifestation dangereuse aura lieu. Qu’il y aura des « Black Blocs » qui vont tout casser, qu’il vaudrait mieux qu’ils ferments leurs établissements.
Il s’agit de la grande manifestation autorisée dans les rues de Bruxelles. C’est la seule manifestation organisée par le camp NoBorder. Bien que la présence policière avait été prévue discrète, il y a un nombre impressionnant de policiers en civil en plus des policiers présents pour la circulation. La surveillance, les photographies et les prises d’images sont constantes et importantes, exécutées par des policiers en civil principalement. Petite anecdote qui témoigne de l’état d’esprit des policiers : un enfant muni d’un flyer se rend sur le trottoir pour en distribuer aux observateurs du cortège. Voyant cela, un manifestant va vers lui à un moment donné et lui dit « Tu vois, ce monsieur : c’est un policier » et le policier de répondre devant l’enfant « Et toi, t’es une sous-merde !«
Des agissements récurrents
Concernant la mise en détention des personnes arrêtées, plus de 80 témoignages directs et écrits permettent d’affirmer les faits suivants :
- chaque arrestation se fait de manière brutale et violente ;
- aucun motif n’est donné aux personnes concernant l’arrestation et la mise en détention serrage excessif des colsons ;
- intimidation par les policiers qui circulaient aux abords des cellules à l’aide de chiens intimidation par les policiers d’ordre sexuel (à l’encontre d’hommes et de femmes) ;
- Accès aux toilettes refusé, parfois accordé après 4:30 de détention pour certains, d’autres ont dû se soulager dans la cellule (avec parfois plus de 20 détenus) ;
- privation de nourriture et/ou d’eau ;
- à leur sortie, les détenus sont sommés de signer un document indiquant qu’ils ont troublé l’ordre public. Des photos sont prises de chaque personne (voire, dans certains cas, de force) ;
- violences policières dans les bus qui les transportaient et à la caserne (généralement devant le refus d’obtempérer aux ordres sans avoir obtenu d’informations sur ce qui concerne les arrestations ou l’usage de la force) ;
- mise en isolement sans couverture ni nourriture pour des personnes » repérées » ;
- irrespect et paroles fascisantes » Hitler ist mein Führer ! « , » Je n’aime pas les chômeurs « , » T’es habillé comme un clodo « , » On va faire du sexe avec toi » (en montrant la matraque).
08.10.2014 – Les caméras de vidéo-surveillance récemment installées dans certains commissariats ne plaisent pas à certains syndicats policiers
La presse relate que certains syndicats de policiers n’apprécient pas l’installation de caméras parce qu’ils craignent qu’il s’agisse de mettre à l’index certains officiers selon Vincent Gilles…
Dans le courant du mois de juillet 2014 un préavis de grève actuellement suspendu avait même été déposé par le syndicat libéral. Celui-ci estime que les caméras gangrènent les relations avec le bourgmestre et affirme qu’elles ne seraient pas légales. Il ajoute que le préavis de grève pourrait être réactivé notamment si la prise de son de ces caméras n’est pas supprimée au commissariat central de l’Amigo.
Pourtant le commissaire Roland Thiebault, directeur de la police administrative au sein de la zone de police ‘Polbruno’ (Evere/Saint-Josse-ten-Noode/Schaerbeek) indique qu’après une série de tests effectués fin 2009, le circuit a été mis en service en mars dernier, en concertation avec les organisations syndicales de la zone. “Ces caméras « objectives » reliées à un serveur enregistrent les images et non le son, et ce 24 heures sur 24, 7 jours sur 7”, précise-t-il. Les données ne peuvent être examinées que par le Service de contrôle interne de la zone et sur demande du parquet ou du juge d’instruction saisi d’une plainte.
Par ailleurs, l’accès au serveur est également sécurisé. “Les images ne sont donc jamais visionnées en temps réel”, ajoute le commissaire. Les enregistrements restent à disposition des autorités judiciaires pendant 30 jours. Passé ce délai, les fichiers stockés sur le serveur sont automatiquement effacés. En cas de panne du système, une alerte par mail est automatiquement générée et envoyée au commissaire Frank Dauchy, le directeur du dispatching de la zone de police de Bruxelles Nord, qui peut immédiatement prévenir la société » [qui gère le système, NDLR].
Il précise en outre qu’ “au départ, le personnel était assez réticent par rapport au projet. Le but n’est évidemment pas de le contrôler mais plutôt de faire face à des dénonciations parfois fantaisistes dont les policiers peuvent faire l’objet”. En cas de plaintes, les images permettent en effet de déterminer rapidement si les accusations de brutalité policière par exemple, sont fondées ou non. Depuis l’installation du dispositif, des enregistrements ont déjà été visionnés à deux reprises (en juillet) dans le cadre de plaintes à l’encontre de policiers. Dans les deux cas, et après visionnement des images, celles-ci ont été déclarées non-fondées.
C’est aussi l’avis de Rudy Janssens, secrétaire fédéral CGSP qui estime que « la plupart des policiers considèrent que l’installation des caméras permettra de lutter contre les plaintes abusives « .
[Source : Police fédérale]
14.08.2014 – Agression à l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles en juillet
La presse s’est faite le relais de plusieurs faits de violences des forces de l’ordre récemment, et en particulier cet épisode de traitement inhumain à l’hôpital St-Pierre à Bruxelles au mois de juillet…
Un détenu menotté et allongé sur une civière a été frappé par un policier, tandis qu’un autre le maintenait, Les deux auteurs des faits ont été inculpés pour traitement inhumain par la juge d’instruction. Leur collègue, « pour ne pas voir » aurait tourné la tête. Elle n’est pas inculpée. Suite à ces révélations, les trois policiers ont été provisoirement suspendus par la police de Bruxelles-Ixelles et la police fédérale.
Plusieurs réflexions au sujet de ce nouveau cas de violence ; ce traitement inhumain constitué par des coups portés par des policiers en fonction en milieu hospitalier sur des personnes vulnérables (blessées ou malades), n’est pas le seul dont nous avons connaissance (voir les témoignages sur notre site). Plusieurs personnes fragilisées particulièrement parce que ne disposant pas de titre de séjour en règle, ont fait part de ce type de violences.
Par ailleurs, le cas de ces policiers témoins directs des faits dans l’exercice de leur fonction (ici une policière, ailleurs un collègue plus âgé) et qui ne se trouveraient pas inquiétés alors qu’ils auraient pu intervenir, nous interpelle. Le code pénal dans son article 422 ter ne prévoit-il pas des sanctions pénales pour « celui qui, le pouvant sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui, refuse ou néglige de porter à une personne en péril le secours dont il est légalement requis… » ?
La scène a ici été filmée, et il eût été fort difficile assurément de ne pas y donner suite. Les suites judiciaires et disciplinaires ne sont malheureusement pas systématiques; ainsi de nombreux cas nous montrent que la parole d’une victime de policiers violents n’est pas prise en compte de la même manière que celle de policiers tentant de se disculper. Rappelons ici la suspension du prononcé en faveur du policier qui avait frappé un jeune festivalier chilien au point de lui arracher la lèvre supérieure et trois dents (toujours pas réparées).
31.07.2014 – La CEDH juge qu’une « arrestation à la suite d’une manifestation viole le droit de manifester, et croire les policiers sur parole viole le procès équitable«
Un arrêt qui vient à point nommé pour jeter une lumière nouvelle sur le dossier de la manifestation du 15 mai et la question du poids à accorder à la parole des policiers…
Dans un arrêt [en Anglais uniquement, NDLR] numéro 1774/11 NEMTSOV contre RUSSIE, rendu le 31 juillet 2014, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré que l’arrestation de l’auteur de discours critiques et provocateurs à la sortie d’une manifestation (autorisée) viole l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Version du requérant : il aurait tenté de sortir de la manifestation pour rejoindre sa voiture mais aurait été arrêté par un cordon de policiers qui empêchait les participants de quitter la manifestation (barrage filtrant bloquant la seule issue).
Version des policiers : il se serait agité et aurait appelé la foule à participer à une seconde manifestation non autorisée, puis résisté à son arrestation.
Dans ces circonstances, la Cour estime qu’il n’y a aucune raison de faire confiance aux témoignages de 2 policiers, repris par les juges nationaux, qui affirment que le requérant s’agitait et résistait (§ 70), contre la version de témoins oculaires et un film des événements.
La cour insiste bien sur le « chilling effect » : son arrestation est arbitraire puisqu’elle n’a rien à voir avec le but invoqué (empêcher un rassemblement illégal), elle n’est qu’une intimidation pour empêcher les manifestations d’opposition (§ 76-78).
La manière dont les juges russes refusent de prendre en compte les témoignages favorables au requérant (sous prétexte qu’ils témoignent à sa demande) et même le film (sous prétexte que le requérant a pu se montrer agité au moment où il n’apparaît pas sur les images, caché par d’autres rangs de manifestants et policiers…), rappelle quelques sinistres arrêt de notre jurisprudence belge… (§ 40-49)
Si les juges croient sur parole les policiers et refusent tout crédit aux témoins favorables au requérant, il devient impossible d’obtenir justice. La Cour en déduit une violation de l’art. 6 §1 !
Extraits choisis :
91. The Court has also noted the ample and coherent evidence presented for the defence (see paragraph 69 above) and the reasons for their dismissal, in particular the assumption that the witnesses who participated in the same public demonstration as the applicant were biased towards him, which the Court finds it hard to justify. By applying this criterion the domestic courts disqualified ab initio any potential eyewitness in this case, irrespective of their individual situations or their attitude towards the applicant. The overall implausibility of the official version, compounded by the lack of any material corroborating the policemen’s account, has been obvious to the Court. In sum, the Court considers that the domestic decisions were not based on an acceptable assessment of the relevant facts.
92. The Court further holds that by dismissing all evidence in the applicant’s favour, the domestic courts placed an extreme and unattainable burden of proof on the applicant, so that his defence could not, in any event, have had even the slightest prospect of success. This ran contrary to the basic requirement that the prosecution has to prove its case and one of the fundamental principles of criminal law, namely, in dubio pro reo (see, mutatis mutandis, Barberà, Messegué and Jabardo v. Spain, 6 December 1988, § 77, Series A no. 146; Lavents v. Latvia, no. 58442/00, § 125, 28 November 2002; and Melich and Beck v. the Czech Republic, no. 35450/04, § 49, 24 July 2008).
93. Lastly, the Court observes that the courts limited the scope of the administrative case to the applicant’s alleged disobedience, having omitted to consider the « lawfulness » of the police order (cf. Makhmudov v. Russia, no. 35082/04, § 82, 26 July 2007). They thus absolved the police from having to justify the interference with the applicant’s right to freedom of assembly and sanctioned the applicant for actions which – had they truly occurred – would have been protected by the Convention (see paragraph 77 above).
94. The foregoing considerations are sufficient to enable the Court to conclude that the administrative proceedings against the applicant, taken as a whole, constituted a violation of his right to a fair hearing under Article 6 § 1 of the Convention.
[Télécharger le communiqué de presse en Français]
28.05.2014 – Campagne de l’Association des Avocats Démocrates pour une Directive européenne sur l’identification des agents de police
L’AED (Avocats Européens Démocrates) promeut une campagne européenne pour la signature d’une pétition adressée au Commissaire européen, à la Commission européenne et à la Commission des Droits de l’Homme du Parlement européen, demandant la prise des mesures nécessaires à l’adoption d’une directive européenne sur l’identification des agents de police sur la base d’une décision antérieure du Parlement européen.
L’intention est de rassembler le plus grand nombre de signatures dans tous les états membres de l’UE jusqu’à septembre, moment où la pétition sera présentée aux autorités européennes.
Dans la pétition, il est demandé aux autorités d’initier les démarches et débats nécessaires à l’adoption d’une directive ou d’une décision-cadre visant à donner une réponse au problème de l’identification visible des agents de police, dans le but d’éviter les atteintes aux droits fondamentaux, de sauvegarder les droits de la défense, l’indépendance du pouvoir judiciaire et son rôle de contrôle et afin de bannir du quotidien l’impunité des actions délictueuses desdites forces de police et de leurs responsables administratifs et politiques selon les critères suivants :
- Obligation générale d’une identification sur les uniformes de toutes les forces de police.
- Visibilité simple et claire des identifications, fixant leurs dimensions et stipulations.
- Obligation pour tout agent de police de s’identifier à la requête d’un citoyen
- Système clair de sanctions pour les contrevenants à la loi.
[Source : AED]
15.05.2014 – European Business Summit : arrestation administrative musclée et détention pour 240 manifestants
Sur les quelques 500 activistes qui étaient sur place, 240 auraient été interpellés, dont trois députés Écolo. Trois bus des forces de l’ordre ont été remplis pour évacuer les lieux. Pas de violences dans cette intervention, mais un bel exemple d’intimidation et d’entrave à la liberté d’expression…
Ce jeudi 15 mai, près de 500 activistes de l’Alliance D19-20 ont manifesté à Bruxelles. Ce collectif qui rassemble des agriculteurs, citoyens, travailleurs, chômeurs ou encore artistes entendait protester contre l’accord de partenariat transatlantique (APT) dont le but est de faciliter les échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Europe, afin d’en « dénoncer les conséquences potentiellement délétères » et d’empêcher la tenue d’un sommet à ce sujet.
La police, qui les attendait au tournant avec la brigade anti-émeute, les chiens et une autopompe, n’entendait pas les laisser faire. Des centaines de manifestants ont été encerclés et les forces de l’ordre ont fait usage de l’auto-pompe. Près de la moitié des manifestants qui défilaient pacifiquement ont été interpellés. Le simple fait de ne pas quitter les lieux entraînait une arrestation administrative. Les députés Écolo bruxellois Anne Herscovici, Alain Maron et Ahmed Mouhssin faisaient partie du lot (ils seront pourtant relâchés vers midi, ainsi que d’autres employés du parti, à la demande de la co-présidente d’Ecolo, Emily Hoyos, ou spontanément sur décision de la Police selon la RTBF, tandis que leurs co-détenus anonymes seront maintenus en détention pendant de longues heures encore dans des cellules froides et humides). Selon eux, « les manifestants se déplaçaient (pourtant) tout à fait pacifiquement vers les lieux de la réunion« . Les Verts se sont indignés de ce que « la limitation [du droit de manifester] par la police de Bruxelles est inadmissible. Le bourgmestre de Bruxelles doit agir pour mettre fin à ces dérapages policiers« .
« Les manifestants n’ont pas respecté cet accord qui avait été conclu.« Christian de Coninck, le porte-parole de la police, a justifié l’intervention policière par le fait que les manifestants aient tenté, alors qu’ils n’en avaient pas l’autorisation, de rallier les abords d’une réunion où devait notamment s’exprimer le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht devant un parterre d’hommes d’affaires, en déplorant que « des élus aient été en contravention« .
Yvan Mayeur, Bourgmestre de Bruxelles, a également commenté l’événement sur FB : « La police de Bruxelles-Capitale-Ixelles a procédé à l’arrestation des personnes qui ne respectaient pas les conditions de la manifestation autorisée. Leur identification ainsi que leur relaxe est en cours. J’ai d’ores et déjà demandé qu’une évaluation soit menée sur la prise en charge des événements ainsi que sur le bon respect des accords conclus préalablement avec les organisateurs. » Ces derniers mois, le bourgmestre a eu des mots très durs du suite à l’action du 19 décembre à l’occasion du Conseil européen, ou encore à l’action d’Amnesty International interdite pour ne pas choquer les dirigeants chinois.
Voir aussi les images dans notre rubrique vidéo.
[Sources : Belga/RTBF, et Belga/La Libre]
28.04.2014 – Affaire Ricardo : un policier reconnu coupable mais pas sanctionné, une victime condamnée à 8 jours avec sursis
Tabassé par un policier sous les yeux de son collègue en 2011 en se rendant au Steenrock, il en a perdu 3 dents, mâchoire démolie et lèvre supérieure toujours tuméfiée et déformée. Le verdict de la cour laisse perplexe : Ricardo condamné à 8 jours de prison pour offense, le policier lui, reconnu coupable, faits établis, bénéficie de la clémence du juge et obtient la suspension du prononcé…
Le samedi 7 mai 2011, Richard Henriquez avait prévu de se rendre au Steenrock, organisé devant le centre fermé pour étrangers 127bis à Steenokkerzeel.
Au moment de rejoindre le festival la camionnette qui l’avait pris en stop fait le plein à une station-service et il y eut un contrôle de police. Tandis que le chauffeur était interrogé par la police, certains occupants de la camionnette ont quitté calmement les lieux dont Ricardo Alors qu’il marchait avec un autre festivalier, un policier l’interpelle et demande sa carte d’identité. Le policier s’exprimant en néerlandais, Riccardo lui demande de parler français mais la réponse fut négative. Ricardo présente un document à la place d’un autre et le policier le prenant peut-être pour un sans-papiers, devient très menaçant et puis il s’est adressé à son collègue plus âgé qui lui a répondu « Ja, ja ». Le jeune policier s’est alors approché très près de Ricardo, le regardant fixement, sortant sa matraque longue et fine et l’a frappé immédiatement au visage. Au premier coup, Ricardo a senti toutes ses dents bouger. Une dent est tombée sur place. Il l’a crachée dans sa main. Deux autres dents tomberont à l’hôpital. Le policier frappait uniquement au visage. Ricardo a aussi été blessé à la lèvre déchirée et aux mains car il tentait de se protéger le visage. A noter encore qu’à aucun moment Ricardo n’a touché le policier ou fait le moindre geste envers lui. Il a crié « T’as cassé ma dent… Arrête… Arrête… ! ». Mais le policier n’a pas arrêté et a continué à donner des coups de matraque. Le second policier n’a rien dit et n’a rien fait pour pour arrêter son collègue. Ricardo fut ensuite emmené à l’hôpital non sans avoir été préalablement menotté par le policier.
A l’hôpital la mâchoire abîmée et trois dents en moins, il a été et recousu à la bouche. Tout ceci a occasionné à Ricardo de profondes séquelles de craintes toujours actuelles et très présentes, par la suite, il dut même subir des intimidations policières indirectes.
Suite à ces très dramatiques violences policières à son encontre plainte avec constitution de partie civile contre X fut déposée du chef de plusieurs infractions dont : coups et blessures volontaires ; traitement inhumain et dégradant ; abus d’autorité ; coalition de fonctionnaires ; discrimination…
Trois ans après les faits le tribunal correctionnel vient de prononcer son verdict pour le moins… décevant. En effet, comme c’est d’usage du côté policier en cas de bavure, la « contre-attaque » n’a pas manqué et Ricardo fut accusé de rébellion et d’avoir offensé oralement le policier. Les deux plaintes, celle de Ricardo contre le policier, et celle à son encontre, furent plaidées en même temps. Le jugement du 28 avril dernier concernait donc les deux affaires.
Pour ce qui est de Ricardo, la cour n’a pas retenu la prévention de rébellion, plusieurs témoignages ont clairement indiqué qu’à aucun moment cela n’avait été le cas et que ce n’était donc pas établi. Pour ce qui concerne l’offense par contre, le juge estime qu’elle est établie et condamne pour ce fait Ricardo à 8 jours de prison avec sursis.
En ce qui concerne le policier la cour considère les faits comme établis et prouvés. Le policier est reconnu coupable des actes reprochés et d’avoir dans l’exercice de ses fonctions, sans raison légitime utilisé la violence contre Ricardo. Ainsi le policier délinquant devra couvrir les frais de traitement de réparation orthodontiques. Pour ce qui est de l’aspect pénal, ce policier bénéficie cependant d’une mesure de clémence de la part de la cour qui lui accorde la suspension de la peine pendant 3 ans, tenant compte du fait qu’il n’a jamais été condamné précédemment et estimant qu’il a subi et subit encore de lourdes conséquences suite cette agression qu’il a commise.
Ce jugement n’est toutefois pas définitif puisqu’il reste la possibilité d’aller en appel.
[Source : Indymedia]
Voir aussi la vidéo du témoignage de Ricardo publiée par AlterEchos.
04.04.2014 – Congrès du Vlaams Belang protégé par les forces de l’ordre
Les policiers en civil s’en prennent à des contre-manifestants rassemblés pour exprimer leur désapprobation de la réunion du Vlaams Belang à Bruxelles en présence du groupe « Nation »…
Le 3 avril 2014 à l’occasion d’un congrès du Vlaams Belang, parti d’extrême droite flamand au théâtre Le Vaudeville en plein centre de Bruxelles, un rassemblement de personnes dénonçant les contenus politiques portés par ce parti s’est tenu à l’entrée des Galeries de la Reine. Ce rassemblement ne fut pas le seul puisque le groupe Nation s’y trouvait aussi rassemblé.
Le groupe antifasciste se voit bientôt provoqué par le groupe Nation clamant ses slogans. Les personnes de ce groupe lèvent le bras en salut interdit et obéissent à une personne face à elles qui leur indique par gestes quelles postures et mouvements effectuer. Tant et si bien qu’ils ont de cette manière fini par mettre en place la situation permettant à M. Dewinter et ses comparses d’arriver tranquillement pour se rendre dans les galeries, protégés par les forces de l’ordre.
En cordon, en civil scandant des propos tels que « gauchistes« , « s’ils passent je vais les fracasser » sans identification, sans brassard, des policiers sortent leur matraque télescopique et frappent d’aucuns violemment à la tête. Les forces de l’ordre s’en prennent exclusivement aux antifascistes, pas aux aux membres de Nation qu’ils avaient été trouver à plusieurs reprises pour discourir. Ceux-ci font le salut nazi, la main parfois munie de poings américains.
Après une bousculade visant à empêcher les vlaams belangers de tranquillement entrer dans les galeries, les forces d’intervention se mettent en branle.
Casqués, bouclier au bras, matraque portée haute menaçante ils poursuivent les manifestants – uniquement les antifascistes – au pas de course jusque dans les ruelles menant à la Grand Place. Offensifs et hargneux ils offrent un spectacle ahurissant aux touristes perplexes de voir ainsi des policiers en tenue de combat, poursuivre en courant les gens effrayés dans les ruelles.
Apparemment la police semble avoir utilisé une tactique visant à protéger le groupe Nation permettant ainsi le passage aisé et protégé des vlaams belangers qui furent d’ailleurs quelques minutes plus tard accompagnés par une escorte policière protectrice vers La Chaloupe d’Or où la réunion pourrait se poursuivre.
À aucun moment ni les policiers en civil sans aucun signe distinctif ni les forces d’intervention n’ont demandé aux contre-manifestants de quitter les lieux avant de se ruer sur eux. Depuis, on a appris que l’autorité bruxelloise se constitue partie civile pour sauvegarder l’honneur du service policier.
02.04.2014 – Un père de famille maltraité à Charleroi devant l’école où il venait chercher ses enfants
A la veille des vacances de Pâques, un père de famille carolo a été victime de violences policières injustifiées, selon lui et les témoins présents. Pour la police et le parquet de Charleroi, par contre, cette débauche de moyens était totalement justifiée…
Alors que Fabian arrive devant l’école, des policiers alertés par un voisin, verbalisent les voitures mal garées dans cette rue en stationnement alterné. Il poursuit sa route pour ne pas s’arrêter du côté interdit comme il en avait eu l’intention, mais s’avise que l’un des agents note son numéro d’immatriculation. Revenant à pied, il lui demande s’il va recevoir une contredanse, ce qui lui est confirmé. S’insurgeant contre cette sanction pour une intention, il est rejoint et soutenu par d’autres parents d’élèves alentour. Puis il pénètre dans la cour de l’école récupérer ses enfants.
Les deux policiers en franchissent alors le seuil et lui demandent de présenter ses papiers, puis de le suivre lorsqu’il leur avoue ne pas avoir sur lui. Devant ses tentatives pour les en dissuader, ils appellent du renfort, et c’est l’escalade : 9 policiers arrivent sur les lieux toutes sirènes hurlantes, le préviennent qu’ils vont lui passer les menottes, ce à quoi il rétorque que c’est inutile et qu’il va les suivre sans faire d’histoires. Mais l’un des policiers l’attrape par le bras, tandis qu’un autre passe derrière lui et l’étrangle. Il est mis à terre et menotté très serré. Hurlant de douleur, il n’offre pas spontanément son autre main, et reçoit une volée de coups dont des coups de matraque dans le dos tandis que des pieds lui écrasent le visage. Les policiers l’embarquent au poste, où il passera 4 heures en garde à vue, avec prise de photos et d’empreintes et procès-verbal pour outrage à agents et rébellion.
Fabian a porté plainte auprès du Comité P., estimant que « les policiers font leur travail et je n’aurais peut-être pas dû aller les voir. Ils n’ont fait que suivre les ordres. […] Mais je trouvais ça honteux d’être verbalisé alors que je n’étais même pas à l’arrêt. Puis leur réaction a été disproportionnée. » Le Parquet quant à lui relativise l’affaire : « L’insécurité routière est un des principaux thèmes qui suscitent l’insécurité dans la population. Là, ça tourne mal et on vient se plaindre de la police !« , ajoutant que « ce n’est pas l’affaire du siècle« . Le Parquet n’a pas poursuivi Fabian. Quant à la Police, elle estime qu’ « il a eu un comportement inadapté pour de simples faits de roulage« . Affaire à suivre…
[Source : RTL.be]
25.03.2014 – Publication du Rapport ObsPol 2014
Après un an d’existence, voici le premier bilan de cette étude. Un bilan mitigé : riche en enseignements sur ce phénomène mal connu, mal vécu et honteux que sont les violences illégitimes…
Il déçoit pourtant par le nombre somme toute insuffisant des témoignages reçus (voir plus bas § Critère de recevabilité et invalidation des témoignages), en raison notamment de la trop faible diffusion de l’Observatoire des violences policières, et peut-être de la méfiance initiale à son encontre par une partie de la population (et notamment les militants et activistes, les sans-papiers). Rappelons que l’obligation de décliner son identité en contrepartie d’une promesse d’anonymat et de confidentialité complets n’est pas encore parvenue à rassurer. Les ressources limitées d’ObsPol, composé exclusivement de bénévoles souvent engagés sur d’autres thématiques, ont freiné la réactivité et retardé la publication des témoignages sur le site, et par là-même l’effet d’entraînement auprès des victimes. Ce nombre est encore réduit par le jeu des filtres résultant de la méthodologie retenue : un grand nombre de témoignages collectés ont en effet été soit rejetés définitivement, soit suspendus temporairement (pour une énumération des motifs de rejet et suspension, cf. 1.1 – Témoignages enregistrés / invalidés).
Toutefois, en dépit de l’assiette statistique modeste, il reste que les 88 témoignages d’agression retenus sont autant de vies bouleversées, et tout autant d’actes inacceptables, inacceptables et qui doivent être dénoncés et sanctionnés. Leurs auteurs jettent le discrédit sur une institution qui se doit d’être irréprochable, tant dans la formation et la discipline de ses agents, que dans la répression dont fait preuve sa hiérarchie envers ses brebis galeuses. N’aurions-nous reçu ne serait-ce qu’un seul témoignage, que cette agression n’en serait pas moins scandaleuse et devrait être dénoncée. Dans une société où la violence, tant symbolique que physique, serait de plus en plus prégnante, la part qui revient aux autorités est d’autant plus inacceptables du fait du monopole de la violence légale et de la formation octroyée aux techniques de réaction appropriées à ces violences comme moyens d’assurer sa mission de protection des citoyens.
Voici donc le résultat de ce travail. Il est organisé autour des témoignages et des déposants (première partie), de l’agression (deuxième partie), des suites qui y ont été données (troisième partie), ainsi de la fréquentation du site obspol.be (quatrième partie), et d’une réflexion sur la nécessité d’un contrôle citoyen des violences policières en Belgique (cinquième partie) inspirée de l’examen du dernier Rapport annuel 2012 du Comité P.
Dans les quatre premières, parties, seuls figurent les chiffres qu’il nous semble important de mettre en avant, avec le plus souvent un diagramme destiné à faciliter une représentation visuelle immédiate des chiffres bruts, et un bref commentaire. Des annexes vient compléter cette structure, comprenant la liste exhaustive des chiffres et statistiques traités, sous forme de tableaux et de graphiques, et les questionnaires tels qu’ils apparaissent en ligne.
Vos commentaires sont bien entendus les bienvenus à l’adresse contact@obspol.be, ainsi que les témoignages des victimes et des témoins directs d’agression, afin que les violences policières ne restent plus dans l’ombre.
[Téléchargez le rapport intégral, la version condensée ou les tableaux statistiques]
15.03.2014 – 3ème édition de la Manifestation contre les violences policières
Dans le cadre de la Journée Internationale contre les brutalités policières, la Campagne Stop Répression de la JOC appelle à une manifestation unitaire contre les violences policières et l’impunité…
Les faits d’actualités et les témoignages ne manquent pas pour dénoncer les nombreux abus de la police lors d’arrestations où d’opérations de maintien de l’ordre !
L’usage excessif de la force par une police de plus en plus militarisée, est un des outils de répression d’une politique toujours plus sécuritaire dans un climat d’austérité. Le durcissement des lois liberticides ou encore celle sur les Sanctions Administratives Communales servent le même objectif. Toutes ces formes de répression visent à faire taire les mouvements sociaux et leurs revendications ! La violence ne s’arrête pas aux mouvements sociaux. Dans les quartiers, on remplace la politique sociale par des mesures sécuritaires (caméras, toujours plus de policiers, amendes,…). Ces mesures alimentent le cycle de la violence.
Face aux policiers qui insultent frappent et/ou abusent, le citoyen n’a aucun recours. Malgré les promesses d’ enquêtes, les victimes de violences policières se voient privées de la vérité et de la justice qui leur reviennent de droit. Souvent, elles se retrouvent elles-mêmes criminalisées et poursuivies.
RDV à 15:00 Place Fontainas, 1000 Bruxelles (Métro Anneesens). N’oubliez pas de télécharger et d’imprimer des flyers ObsPol à distribuer pendant la manif !
[Sources : Indymedia et Campagne Stop Repression !]
14.03.2014 – Live Chat RTBF : posez vos questions dans un dialogue en ligne et en direct avec ObsPol et Mathieu Beys, auteur de « Quels droits face à la police ?«
Les violences policières sont-elles banalisées? Restent-elles trop souvent impunies? Quels sont vos droits de citoyen en cas de contrôle d’identité ou d’arrestation? Quels sont les recours en cas de violence policière? L’Observatoire des violences policières vous répond ce vendredi dès 12h sur le live chat RTBF.
- Écoutez Le podcast du Forum de Midi du 14 mars 2014 : Trop peu de suite aux plaintes pour violences policières. Avec Alexis DESWAEF, président de la Ligue des Droits de l’Homme, Antoine CHOMÉ, avocat au barreau de Bruxelles et spécialiste en droit pénal, et Vincent GILLES (par téléphone), président SLFP-Police (Syndicat libre de la fonction publique, secteur Police).
- Lisez la transcription du Live Chat.
13.03.2014 – Les violences policières restent trop souvent impunies, selon la LDH
C’est ce qu’affirme la Ligue des Droits de l’Homme, qui a fait le bilan de son Observatoire des violences policières. Un site internet avait été lancé il y a un an.
12.03.2014 – « Quels droits face à la police ?« , un manuel juridique et pratique par Mathieu Beys
Dans quels cas les policiers peuvent-ils contrôler mon identité, me fouiller, m’arrêter ou entrer chez moi ? Dans quels cas peut-on me passer les menottes ? Puis-je prévenir un proche que je suis arrêté ? Peut-on entrer chez moi sans autorisation en cas de tapage nocturne ? Que peut savoir la police grâce à mon téléphone et à mon ordinateur ? Peut-on me filmer à la toilette ou dans ma douche ? Qu’est-ce que je risque si je ne réponds pas à une convocation de la police ? Puis-je voir un avocat avant d’être interrogé ? Suis-je obligé de répondre aux questions des policiers ? Dans quel cas puis-je invoquer le secret professionnel ou le secret des sources journalistiques ? Suis-je obligé de signer le PV ? Dans quel commissariat de police puis-je aller porter plainte ? Comment vérifier si les policiers mènent l’enquête sur ce qu’il m’est arrivé ?
Pour la première fois, un manuel pratique offre des réponses claires à plus de 500 questions que tout citoyen peut se poser sur les pouvoirs de la police en Belgique et donne des pistes de réactions concrètes – modèles de lettres à l’appui – à celles et ceux qui veulent défendre leurs droits après une intervention ou une abstention policière abusive. Cet outil, à la fois très accessible par son style et très fouillé par les nombreuses références juridiques en notes, devrait rendre service tant aux citoyens curieux qu’aux professionnels : juristes, travailleurs sociaux, personnel soignant, journalistes, enseignants et formateurs….
L’auteur
Juriste et licencié en histoire (ULB), Mathieu Beys a été avocat au Progress Laywers Network avant de conseiller travailleurs sociaux et étrangers en séjour précaire dans une ONG. Il est aussi chargé d’exercices à l’Université libre de Bruxelles et membre de l’Observatoire des violences policières de la Ligue des droits de l’Homme. Il donne régulièrement des formations sur les étrangers, la police et les droits fondamentaux.
Le dessinateur
Illustrations de Manu Scordia, qui publie des dessins et caricatures dans Ensemble, le trimestriel du Collectif Solidarité contre l’exclusion, dans le JEF (Journal des étudiants francophone, périodique de la FEF) et dans Solidaire. On peut également découvrir son travail graphique sur son blog.
[Lire le dossier de presse LDH]
12.03.2014 – Conférence de presse : présentation du premier Rapport de l’Observatoire et du Manuel « Quels droits face à la police ?«
Il y a un an, le 15 mars 2013, à l’occasion de la journée internationale contre les violences policières, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) mettait en ligne le site internet de l’Observatoire des violences policières….
La création de cet Observatoire poursuivait un triple objectif : informer le citoyen quant à ses droits et devoirs vis-à-vis de la police, lui fournir, s’il est victime de violences policières, des outils et des conseils juridiques et pratiques et, enfin, lui permettre de témoigner, de manière anonyme au besoin, sur les éventuelles violences subies.
Presque un an jour pour jour après le lancement du site, la LDH vous invite pour un premier bilan du site de l’Observatoire qui envisagera, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, les tendances qui se dégagent des témoignages reçus.
La conférence de presse abordera également, d’une part, la nécessité d’un contrôle citoyen de la police au regard des insuffisances des organes de contrôle officiels et, d’autre part, les incidents régulièrement constatés lorsque les citoyens filment ou photographient des policiers durant leurs interventions.
A-t-on le droit de filmer les forces de l’ordre en action ? Les policiers peuvent-ils effacer les images prises par des citoyens ou saisir l’appareil ? Voilà deux des quelques 500 questions auxquelles Mathieu Beys, membre de l’Observatoire, apporte des réponses claires et argumentées dans son manuel juridique et pratique « Quels droits face à la police ? ». Il présentera à l’occasion de cette conférence de presse son ouvrage co-publié par Couleur Livres et les éditions Jeunesse et droit.
Cette conférence de presse se déroulera le mercredi 12 mars 2014 à 11 heures, dans les locaux de la Ligue des droits de l’Homme, Rue du Boulet 22 à 1000 Bruxelles.
Intervenants :
Alexis Deswaef (Président LDH), un responsable de l’équipe Obspol et Mathieu Beys (auteur de l’ouvrage « Quels droits face à la police ? »)
Un exemplaire de l’ouvrage « Quels droits face à la police ? » sera distribué aux journalistes présents à la conférence de presse.
CONTACTS PRESSE :
David Morelli, responsable Com LDH : 02/209.62.86
26.02.2014 – Belgique : pas d’impunité cette fois !
Traitements inhumains et dégradants, coups et blessures animés de haine raciale, voici les préventions établies à l’encontre des policiers des chemins de fer…
Il y avait dans ce drame 13 prévenus accusés de violences récurrentes qui remontent à 2006. Ce 26 février le Tribunal correctionnel de Bruxelles a prononcé les peines de certains des prévenus. Neuf sur treize policiers ont été condamnés. Un seul à de la prison ferme soit 40 mois, les huit autres à des peines entre 12 et 40 mois mais avec sursis.
Cette fois il n’y aura donc pas d’impunité pour les violences que ces policiers ont exercées à l’encontre des plus fragiles parmi les précaires, des personnes sans-abris ou demandeurs d’asile, obligé-es de se réfugier à la gare pour tout abri. Pendant une dizaine de mois cette fine équipe s’est livrée à traitements et dégradants dans une petite pièce des locaux de police de la gare du Midi à Bruxelles. Heureusement la dénonciation par un collègue a mis fin à ces pratiques écœurantes rappelant des agissements développés dans des régimes totalitaires à l’encontre des plus fragiles.
Les supérieurs de 11 de ces policiers ont été acquittés. Effectivement le tribunal estime qu’ils n’avaient pas pu se rendre compte de ce qui s’est passé – de manière récurrente et pendant une dizaine de mois – dans les locaux de police.
25.02.2014 – Non-lieu pour les policiers remplaçant de gardiens de prison
La chambre du conseil de Bruxelles a prononcé un non-lieu pour 9 policiers de la Police locale de Bruxelles Midi. Ils bénéficient d’un non-lieu pour avoir maltraité des détenus. En effet, le Parquet ne voyait aucune raison de les poursuivre…
Ces policiers volontaires s’étaient rendus à la prison de Forest (Bruxelles) en octobre 2009 pour remplacer des gardiens en grève. Suite à ces remplacements certains détenus avaient dénoncé leur comportement faisant état de maltraitance.
Après enquête le Parquet a estimé qu’il manquait de preuves que les policiers avaient effectivement été au-delà de leur fonction.
Se posent ici plusieurs questions : quelle est la légitimité de ces fonctions de maton assignées à des policiers ? Les pouvoirs des policiers sont-ils légalement plus étendus que celles des matons ? Les policiers ont-ils reçus la formation adéquate pour remplir ces fonctions, même exceptionnellement ? Sur quels critères de compétence les policiers en cause ont-ils été choisis pour ce rôle ?
05.07.2013 – Les violences policières au programme du Forum de Midi de la RTBF
La police a-t-elle la main trop légère, le nombre de plaintes pour violence policière est en hausse selon la Ligue des Droits de l’Homme. Qu’en dit justement la police ? Quels sont les droits de la victime en de pareille circonstance ?
Les invités du jour :
- Laurent KENNES, avocat pénaliste et maître de conférence à l’ULB
- Commissaire Eddy LEBON, secrétaire national su syndicat de la police Sypol
- Olivier STEIN, avocat et membre de la Ligue des Droits de l’Homme
- Commissaire Roland THIEBAULT, coordinateur opérationnel et porte-parole de la zone de police
[Sources : Le forum de midi et le podcast de l’émission]
02.07.2013 – La LDH dénonce une augmentation des plaintes pour faits de violence policière
Alexis DESWAEF, Président de la Ligue des droits de l’Homme, dénonce dans un entretien accordé à la RTBF une augmentation des cas signalés de violences policières, « et ce n’est plus seulement un manifestant, une indignée, un altermondialiste devant les centres fermés qui sont victimes de violences policières, finalement c’est Monsieur et Madame Tout le monde dans la vie de tous les jours où des interventions des policiers dérapent, où on constate un usage disproportionné de la force publique qui est un privilège dont bénéficie les policiers où il n’y a plus de proportionnalité par rapport à leur travail. Et quand c’est disproportionné, c’est illégal et ça il faut le dénoncer !« .
M. Alexis DESWAEF rappelle que les forces de l’ordre peuvent utiliser la force uniquement dans dans certaines circonstances et lorsque certaines conditions sont réunies (voir notre rubrique « Vos questions« ) : « Il y a des conditions qui doivent être respectées comme d’absolue nécessité, de proportionnalité ou de but légitime. Et une gifle dans un commissariat, c’est clairement un abus de pouvoir. A partir du moment où la personne est sous le contrôle de la police, est maîtrisée, il n’y a aucune raison pour qu’ils utilisent la force et quand on voit que des personnes, parfois menottées, subissent encore des violences vengeresses de la part de certains policiers, ces policiers n’ont plus leur place dans la police. Il est de son intérêt de nettoyer ses rangs et d’en enlever ces brebis galeuses. C’est le principe de légitime confiance que le citoyen peut avoir et doit avoir dans sa police, qui est trahi chaque fois qu’un policier se rend coupable de violences inacceptables.«
Par ailleurs, selon la LDH, un autre constat s’impose : « Comme si la meilleure défense était l’attaque, on voit bien souvent des policiers violents déposer à leur tour plainte contre la victime pour rébellion, injure, voire coups et blessures, ce qui fait en sorte que le dossier est renvoyé au parquet. On voit au parquet que les dossiers bien souvent s’enlisent, vont parfois même jusqu’à la prescription et c’est cette impunité-là qu’on doit dénoncer car cette impunité de fait dont bénéficient les policiers nourrit finalement chaque fois les violences futures.«
Aussi la LDH recommande-t-elle aux victimes de déposer plainte avec constitution de partie civile directement auprès d’un juge d’instruction (voir notre rubrique « Vos droits« ) avec l’aide d’un avocat. La Ligue souligne que ces violences sont sans doute le fait d’un minorité de policiers mais qu’elles portent atteinte à l’image de la police dans son ensemble, et qu’une meilleure formation des policiers, en particulier pour ceux qui ne connaissent pas Bruxelles avant leur entrée en service dans la capitale, serait certainement de nature à en réduire l’incidence.
[Sources : Myriam Baele et Stéphanie Wynants – RTBF]
24.05.2013 – Aartselaar : Un silence et une passivité qui en disent long sur l’antisémitisme de la police dans la commune
Elle ouvre sa porte garnie d’une mezouzah. Face à elle, le couple de jeunes voisins bien propres sur eux qui, depuis des semaines, hurlent dans l’escalier que les Juifs n’ont rien à foutre ici. À une heure du matin, à trois heures du matin, à cinq heures du matin, ils tambourinent à la porte pendant de longues minutes, hurlent « Sales Juifs », « Juifs puants » et tout ce que l’antisémitisme a pu produire comme horreurs… Mais ce 24 mai, c’est à 10:30 qu’ils frappent à la porte. La femme est dans son chez-soi, au téléphone avec sa grand-mère. Elle raccroche, va à la porte. Elle se demande ce qu’ils veulent. Elle est seule dans l’appartement. Elle ouvre. « On est venus finir le travail des nazis », disent le garçon et la fille qui sont face à elle. Incrédule, n’ayant pas bien compris ce que ces jeunes voulaient, la femme répond « Faites ce que vous avez à faire ». Alors, les deux se ruent sur elle. La femme la prend à la gorge, l’homme la cogne, ils la jettent au sol. Elle perd conscience.
Quand la femme reprend ses esprits, le couple de voisins est tranquillement rentré chez lui, un étage en dessous. Elle ne parvient pas à rassembler ses idées. Elle est couverte de son propre sang, son corps n’est plus qu’hématomes, elle a mal au ventre, elle a le nez cassé, une large coupure au poignet. À côté d’elle, un miroir brisé, tombé ou jeté d’une armoire. Elle ne sait pas, elle était inconsciente. Elle appelle sa grand-mère, qui appelle la police. La police ne vient pas. Ne voyant rien venir, ni police, ni ambulance, la femme appelle elle-même le central.
Finalement, l’ambulance arrive. La police aussi. Mais elle n’établit aucun constat. Elle n’interroge personne. Elle ne dresse pas de PV. Il ne s’est rien passé, pensez-vous, des Juifs ! En bas de l’immeuble, une policière bavarde même avec les deux jeunes proprets, et rit avec eux alors qu’on emmène la femme couverte d’hématomes, de sang, le nez cassé, se tenant le ventre, qui ne parvient pas à parler clairement, en état de choc. Quant à la presse, elle met des semaines à se réveiller, et s’en tient à la version du commissaire de police : c’est bien sûr la femme qui a agressé les deux jeunes, dans le hall, et d’ailleurs, elle était ivre. La seule plainte que la police locale enregistre, c’est celle des deux jeunes proprets. La femme n’y a pas droit. Affaire sans importance, elle n’est même pas classée, elle n’existe tout simplement pas ! […]«
Lire la suite sur le blog de Marcel SEL.
[Source : Un blog de Sel – Les humeurs de Marcel Sel]
08.05.2013 – Molenbeek : erreur de suspect pour la police, traitement de choc pour Naïm, 18 ans
Naim, un jeune Molenbeekois de 18 ans, a déposé plainte au Comité P après avoir reçu des coups au commissariat de Molenbeek. Interpellé à tort mercredi 8 mai par une patrouille de police qui recherchait les auteurs d’un sac-jacking, il est arrêté puis emmené au commissariat où il affirme avoir été battu par un policier…
Relâché le lendemain matin après que la police ait reconnu s’être trompée de suspect, il va faire constater ses blessures à l’hôpital : «Il a eu des coups au niveau de la tête, c’est difficilement repérable mais ça a été constaté par les médecins. Il a diverses lésions à l’arrière des oreilles. Ensuite au niveau des côtes aussi, au niveau du bras gauche parce qu’il tentait de se protéger les côtes», confie sa sœur qui l’accompagnait.
Selon RTL, la police dément les accusations de violence. Françoise Schepmans, la bourgmestre de Molenbeek, annonce une enquête officielle.
[Sources : lavenir.net, Telebruxelles.net]
02.05.2013 – L’identification des policiers : une nécessité pour éviter l’impunité
La Ligue des Droits de l’homme a diffusé le communiqué de presse suivant :
En mars 2013, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et la Liga voor Mensenrechten (Liga) étaient invitées par la Commission de l’Intérieur du Sénat à donner leur point de vue sur une proposition de loi visant à garantir l’identification des policiers tout en améliorant la protection de leur vie privée.
Une note analytique fut rédigée conjointement par les deux associations à l’issue de ce dialogue.
Un dialogue qui fut très constructif. Il a permis, entre autres, de rappeler que l’obligation de pouvoir identifier les policiers en toute circonstance s’inscrit dans les mesures procédurales liées à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
Pour rappel, cet article prescrit l’interdiction absolue de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Cette interdiction absolue implique que l’obligation de pouvoir identifier les forces de l’ordre ne peut pas connaître d’exception. Il va de soi que tout citoyen doit pouvoir porter plainte contre un policier qui aurait fait un usage illégitime de la violence.
La proposition de loi approuvée mardi dernier par la Commission de l’Intérieur du Sénat met en place de mesures permettant l’identification des policiers, la Belgique cherchant ainsi à satisfaire à ses obligations internationales.
S’il faut évidemment s’en réjouir, il faut rester néanmoins attentif au fait que l’identification nominative doit rester la règle et l’anonymisation l’exception. Or, la proposition de loi permet de remplacer, dans certains cas, les noms par des numéros. Pourtant multiplier les hypothèses de « numérotation » signifierait que tous les policiers craignent des représailles, ce qui n’est pas conforme à la pratique de terrain et par ailleurs dommageable pour l’image de l’agent de quartier dans le public. Enfin, cette numérotation, lorsqu’elle advient, doit être lisible et mémorisable par le citoyen (c’est le cas pour un matricule 127, pas pour le matricule 16478547)
Si on peut comprendre que l’anonymisation soit nécessaire dans certains cas, la LDH insiste sur le fait que l’anonymat doit demeurer l’exception et non devenir la règle.
[Source : Ligue des Droits de l’Homme]
21.04.2013 – Un Inspecteur principal de la police locale de Bruxelles Midi condamné pour violence raciale
Quatre ans après la plainte de Nordine Saïdi pour « racisme et violences policières », Le tribunal correctionnel de Bruxelles a condamné un inspecteur principal de la police locale de Bruxelles Midi (Anderlecht/Saint-Gilles/Forest) à huit mois de prison avec sursis pour deux faits de violences racistes.
En août et septembre 2009, M.C. avait donné un coup de poing à son collègue inspecteur puis l’avait pris à la gorge, en le qualifiant de « bougnoule« . Il avait également rudoyé un homme au cours d’une arrestation à l’occasion d’une manifestation non autorisée en le projetant contre une porte et en accompagnant son geste d’injures racistes. Après avoir nié les accusations dans une premier temps, un collègue de l’inspecteur principal s’est rétracté en 2010, et a confirmé que tous les reproches étaient fondés.
Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme a réagi le lendemain par voie de communiqué de presse :
Le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu, aujourd’hui, un jugement condamnant un inspecteur principal de la zone de police locale de Bruxelles – Midi qui était poursuivi dans deux affaires pour violence raciale. Pour le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme qui s’est constitué partie civile aux côtés des deux victimes, cette condamnation constitue un signal fort et souligne aussi la nécessité d’une sensibilisation permanente de la police dans leur lutte commune contre la violence raciale.
L’inspecteur principal était poursuivi par le parquet pour coups et blessures avec des motifs racistes dans deux affaires différentes. Dans un premier incident, suite à un différend avec un collègue de travail au poste de police, le prévenu aurait traité ce dernier de « bougnoule » (sic), un terme péjoratif stigmatisant l’origine maghrébine de son collègue.
En outre, le prévenu était également poursuivi pour avoir tenu des propos racistes identiques à l’encontre d’un autre homme qu’il avait arrêté lors d’une manifestation. En se constituant partie civile, le Centre voulait s’assurer que les motivations racistes (1) dans le chef du prévenu feraient l’objet d’un examen approfondi pendant le procès. Le prévenu a été condamné à une amende et à une peine d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à des dommages et intérêts.
Par cette condamnation, le tribunal a envoyé un signal important. Les délits de haine violents portent non seulement atteinte à la dignité de la victime, mais peuvent aussi inciter d’autres à adopter le même discours de haine et à commettre des infractions similaires. « Un tel comportement est inacceptable, surtout de la police qui doit servir d’exemple dans notre société », a déclaré Edouard Delruelle, directeur francophone du Centre. « La police est, depuis plusieurs années, un partenaire dans la lutte contre le racisme, la discrimination et les délits de haine. Nous avons conclu une convention avec la police afin de sensibiliser le corps de police au racisme et à la discrimination », poursuit-il. L’un des instruments les plus efficaces dans la lutte contre la violence raciale est en effet l’enregistrement de ces infractions par la police. Mais les policiers eux-mêmes ne peuvent discriminer ou commettre des délits de haine. Ces incidents montrent qu’un changement de mentalité reste d’actualité, mais ce genre de faits est minoritaire.
[Sources : Égalité.be, Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme]
10.04.2013 à 20:20 – Devoir d’enquête se penche sur les violences illégitimes : « Flics victimes, flics bourreaux »
Extrait de la présentation de l’émission : « De nombreux faits divers illustrent les dangers du métier de policier. Banal contrôle d’identité qui dégénère en agression ou en émeute. Crachats, insultes, coups de poings et parfois même coups de couteaux. Ces affaires font grand bruit et provoquent le ras le bol des agents.
Les syndicats policiers dénoncent les zones de non droit ou des bandes organisées se déchaînent. Ils stigmatisent aussi le passivité de certains parquets envers la montée de la violence à l’égard des représentants de l’ordre.
S’il est indéniable que le respect de l’autorité est en chute libre dans une frange grandissante de la population, il est tout aussi vrai que certains policiers usent, de façon gratuite et aveugle, de violences inqualifiables. Ces bavures rarement réprimées et parfois étouffées contribuent elles-aussi à l’escalade de l’agressivité entre policiers et justiciables. Policiers victimes et policiers bourreaux, les exemples ne manquent pas et seront disséqués par ce « Devoir d’Enquête » mené directement sur les terrains les plus chauds du royaume.
Une enquête d’Emmanuel Allaer et Jean-Michel Dehon. »
[Source : RTBF]
04.04.2013 – L’un des quatre syndicats représentatifs de la police plaide pour une protection des adresses privées des policiers
Le SLFP-Police, l’un des quatre syndicats représentatifs de la police en Belgique (SLFP Police, SNPS, CSC et CGSP), plaide pour une protection des adresses privées de tous les policiers et pour une protection de l’identité des agents menant des enquêtes avec des méthodes particulières de recherche, indique-t-il jeudi dans un communiqué.
Plus tôt dans la journée, le sénateur Open Vld Jean-Jacques De Gucht avait jugé utile de renforcer l’anonymat des policiers impliqués dans des fusillades mortelles afin de les prémunir d’éventuels actes de vengeance. La proposition de loi du sénateur De Gucht est bonne, mais elle « vient trop tard » et « ne va pas assez loin« , estime le syndicat policier, rappelant qu’il exige depuis des années que les policiers fassent l’objet d’une meilleure protection contre la violence et les actes de vengeance de groupes d’auteurs qui ‘leur veulent du bien' ».
« Lorsqu’on sait que 85 % des plaintes contre des policiers sont fausses ou non-fondées, il nous semble logique que, selon le principe du respect de la vie privée et de la sécurité des policiers concernés et de leur famille, l’adresse professionnelle soit mentionnée en lieu et place de l’adresse privée« , développe le SLFP-Police. L’obtention du simple nom d’un policier suffit aujourd’hui à son identification complète par les réseaux sociaux et autres moyens informatiques, déplore le syndicat. Il demande donc des initiatives de la part des autorités politiques afin de protéger de manière suffisante les agents menant des enquêtes avec des méthodes « particulières » de recherche. Il réclame « instamment aux ministres de tutelle de prendre enfin des mesures concrètes » en ce sens.
[Source : Belga / LaLibre.be]
24.03.2013 – Belgique : Recrutement à la police
La direction de la sélection et du recrutement de la police fédérale a organisé samedi, en collaboration avec les neuf écoles provinciales de police, une journée nationale d’information sur les possibilités de carrière, et plus particulièrement sur la fonction d’inspecteur…
Il s’agit de la première journée d’information au niveau national. Les 9 écoles en question sont situées à Asse, Evere (Bruxelles), Genk, Jurbise, Mendonk (Gand), Namur, Ranst (Anvers), Seraing (Liège) et Zedelgem (Bruges). En 2013, l’objectif en matière de recrutement a été fixé par le gouvernement à 1.500 nouveaux inspecteurs, à l’heure actuelle, la police en recherche encore 1.154.
Vendredi après-midi, la police comptait déjà plus de 4.000 inscriptions de candidats potentiels et en général, les candidatures ne manquent pas, mais le plus grand nombre d’aspirants postulent sans avoir conscience des qualifications requises. Fin décembre 2012, la direction du recrutement et de la sélection avait atteint l’objectif de recruter 1.400 inspecteurs aspirants, soit une hausse de 40% par rapport à 2011.
[Sources : Newsletter de la Section Belge de la Commission pour un Secours rouge international]
21.03.2013 – Violences policières dans les quartiers populaires – Podcast
Podcast diffusé jeudi à 19:00 : en présence de Moad, 14 ans molesté en janvier 2013, de sa maman, Aïcha, d’habitants de Molenbeek et Anderlecht. Au programme également, un docu sonore sur l’affaire Hakim Hajimi, mort par asphyxie le 9 mai 2008 ; un entretien par téléphone avec Amal Bentounsi, la sœur de Amine Bentounsi, tué d’une balle dans le dos par un policier à Noisy-le-Sec le 21 avril 2012 … et des freestyles en direct (merci Rachid, Yassine, Naïm, et tous les autres …).
[Source : Radio Panik 105.4 ou téléchargez le Podcast]
20.03.2013 – Belgique : un rapport dénonce le racisme dans le domaine de la justice pénale
Le récent rapport du Réseau européen contre le racisme (ENAR) relève…
« Les faits contestés sont de natures diverses : ils ne recouvrent pas, comme beaucoup le pensent, que les coups et blessures, ils comprennent aussi le refus d’acter une plainte pour racisme ; propos méprisants ; tutoiement déplacé ; plaisanteries humiliantes ; tendance à considérer l’« étranger » comme un suspect potentiel (même quand il fait lui-même appel à la police ou à la justice) ; non recours, pour les auditions de personnes ne maîtrisant pas le français, à des traducteurs jurés accrédités ; etc.
Certes, les populations étrangères ou d’origine étrangère ne sont pas les seules victimes de violences policières, cependant elles n’en demeurent pas moins trop souvent la cible.
L’ENAR préconise ainsi des « des mesures structurelles et contraignantes (tenir un registre de détention ; installer des caméras de surveillance dans les commissariats et dans les véhicules de police ; etc.) doivent être prises sans plus attendre« , tout en rappelant que :
« La loi sur la fonction de police prévoit que la fouille d’un véhicule ou de tout autre moyen de transport, ou le contrôle de l’identité d’une personne ne peuvent être réalisés que si les policiers ont des motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d’indices matériels ou de circonstances de temps et de lieu, que cette personne est recherchée, qu’elle a tenté de commettre une infraction ou se prépare à la commettre, qu’elle pourrait troubler l’ordre public ou qu’elle l’a troublé. Plus généralement, les législations antidiscrimination interdisent toute discrimination directe ou indirecte sur la base de la prétendue race, la couleur de peau, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique, les convictions philosophiques ou religieuses, etc., à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée par un but légitime et que les moyens de réaliser cet objectif soient appropriés et nécessaires. […] Ainsi, il n’est pas admissible, au regard des dits articles, de considérer le profilage ethnique comme légal. Ces dispositions ne sont pas nécessairement respectées, […] et il faut souligner le manque criant de données officielles permettant d’identifier les situations de profilage ethnique. D’ailleurs, cette carence a même été relevée par l’ECRI dans son dernier Rapport sur la Belgique.
Au chapitre des recommandations nationales, et concernant la justice pénale, l’ENAR estime qu’il est nécessaire de :
- Considérer le « dol général » (et non le « dol spécial ») dans cl’appréciation de l’intention d’auteurs de faits racistes.
- Instaurer des mesures structurelles contre les violences policières (ex : caméras de surveillance dans les commissariats et les véhicules de police, registre de détention).
- Porter une attention particulière aux agissements des services de police dans le cadre de leur fonction d’autorité. En particulier, permettre un contrôle démocratique (par la population) via des outils existants dans d’autres pays (ex : « reçu » que la police britannique doit remettre aux citoyens contrôlés, à leur demande).
- Lutter contre l’impunité des méfaits commis par les forces de l’ordre.
- Planifier des stratégies sur le long terme contre les violences et crimes racistes.
- Combattre l’enregistrement de données ethniques à l’occasion de faits infractionnels
- Fixer par la loi l’interdiction de détenir des enfants (et leur famille) dans les centres fermés.
- Ne jamais expulser des personnes, même déboutées, qui risquent des actes de torture, de traitements inhumains ou dégradants dans leur pays d’origine. […]
[Sources : ENAR Rapport alternatif 2011-2012 et 7sur7]
15.03.2013 – Bruxelles : Seconde Manifestation contre les violences policières
Dans le cadre de la Journée Internationale contre les brutalités policières, la Campagne Stop Répression de la JOC appelle à une manifestation unitaire contre les violences policières. Cette manifestation fera écho aux nombreuses mobilisations en Belgique, en Europe et dans le monde contre la répression et la brutalité policière.
La Journée Internationale contre les brutalités policières est née en 1997 à l’initiative du COPB (Collectif Opposé à la Brutalité Policière), un collectif basé à Montréal, au Canada. En 2012, elle fut l’occasion d’une première manifestation qui a rassemblé plus de 500 personnes à Bruxelles. La campagne »Stop Répression » de la JOC et les organisations signataires de cet appel manifesteront le vendredi 15 mars 2013 à 18h à contre la brutalité policière et toutes les répressions, ici et ailleurs !
[Source : Joc.be, 15 mars 2013 à 18h]
Près de 1000 personnes (700 selon la police) manifestaient vendredi soir à Bruxelles contre les violences policières à l’initiative de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC). Cette action, soutenue par une trentaine d’organisations, s’inscrit dans le cadre de la campagne « Stop-Répression » de la JOC ainsi que dans le cadre de la journée internationale contre les brutalités policières.
Le cortège de manifestants s’est rassemblé vers 18h, place Fontainas à Bruxelles. Il s’est ensuite dirigé vers la Bourse, avant d’emprunter la rue Antoine Dansaert jusqu’au canal.
« Les cas de violences et les abus se sont multipliés l’année dernière. Pourtant, l’impunité de la police reste totale. Souvent les victimes se voient accusées de rébellion et ceux qui se mobilisent sont menacés d’amendes administratives« , dénonce la Jeunesse ouvrière chrétienne.
L’an dernier, l’action avait déjà mobilisé quelque 500 personnes. La Journée internationale contre les brutalités policières est née en 1997 à l’initiative du Collectif Opposé à la Brutalité Policière (COBP) de Montréal, au Canada.
[Source : Belga, vendredi 15 mars 2013 à 20h02]
14.03.2013 – Forest : deux policiers reconnus coupables de violences mais pas sanctionnés
Après deux ans de suspension du prononcé du jugement, deux policiers ont été reconnus coupables d’usage disproportionné de la violence par le Tribunal correctionnel de Bruxelles…
Le 27 septembre 2009, alors que les gardiens de la prison de Forest en grève sont remplacés par les policiers de la zone Midi, une dispute éclate et un détenu reçoit des coups de pieds et de matraque. Il est évacué inconscient vers l’hôpital.
Le tribunal a estimé les faits établis, mais n’a pas prononcé de sanctions contre les deux policiers impliqués eu égard au contexte particulier dans la prison ce jour-là. La cour a tenu compte du manque d’expérience des inculpés, qui plaidaient l’état de légitime défense. Cette affaire ne devrait ainsi pas nuire à leur carrière.
[Source : RTBF, jeudi 14 mars 2013 à 7h33]
11.03.2013 – Charleroi : trois policiers condamnés pour des « éloignements » d' »illégaux »
Le tribunal correctionnel de Charleroi a condamné deux policiers carolos à 12 mois de prison avec sursis pour avoir éloigné des illégaux du centre-ville et pour avoir fait usage, au moins dans un cas, de la violence. Un troisième inspecteur obtient la suspension du prononcé.
En février 2010, Lionel B. et Mohamed T., deux policiers locaux de Charleroi, interpellaient un « illégal » pour l’emmener dans un bois de Gosselies afin de l’éloigner temporairement de Charleroi.
L’intéressé avait déposé plainte le lendemain, expliquant avoir subi des coups, avoir vécu un simulacre d’exécution et s’être fait voler son portefeuille ainsi que son GSM. Cela avait valu aux deux inspecteurs d’être incarcérés pour vol avec violence, coups, détention arbitraire et xénophobie. Un troisième policier avait immédiatement demandé à être entendu pour avouer deux autres éloignements, ce qui lui avait valu d’être inculpé à son tour pour détention arbitraire et xénophobie.
Dans son jugement, le tribunal a précisé que les deux premiers policiers ont « joué de la lampe de poche et de leur arme » pour intimider le sans-papier, qu’ils lui ont porté des coups et qu’ils lui ont confisqué ses effets personnels sans motif, se rendant ainsi coupable d’un vol avec violence. Selon le juge, ils ont fait preuve « de sadisme et de violence contrôlée, sans qu’il n’y ait toutefois de connotation raciste« . Il a par contre été précisé que ces procédures d’éloignement étaient habituelles et peu combattues par la hiérarchie, dans un contexte où les illégaux gangrènent Charleroi et sont source d’insécurité. Le tribunal a constaté à ce titre « l’inefficacité de l’Office des Étrangers« .
Les deux policiers écopent donc de 12 mois de prison avec sursis pour ce qui excède la détention préventive. Le troisième, qui n’a participé qu’à deux éloignements sans violence prouvée, obtient la suspension du prononcé.
[Source : Belga, Régions, lundi 11 mars 2013 à 10h56]
24.02.2013 – Bruxelles : « Dans la foulée, le suspect a heurté le sol et s’est occasionné une blessure au niveau de l’arcade gauche, ainsi que diverses contusions«
La soirée God Save The 90’s se terminait ce dimanche vers 05:30 du matin, rue Duquesnoy, dans le centre-ville de Bruxelles. Un artiste bruxellois de 33 ans, veut passer une dernière fois aux toilettes mais il se heurte “à l’agressivité” d’un agent de sécurité. Et la situation dégénère… « Les petits cons comme toi, on les mate, m’a dit l’un des videurs, lorsqu’ils m’ont foutu dehors, moi et ma copine, qui au passage a pris un coup à la tête.”
Le designer Nicolas Gerkens reconnaît avoir un peu bu, mais « je me défendais, je n’ai pas été agressif spontanément ». Sa copine retourne demander des comptes sur le coup qui lui a été porté, et c’est Nicolas qui se voit mettre par terre par trois videurs – dont une femme. C’est alors qu’une patrouille de police débarque, attirée par le brouhaha. Selon Nicolas, ils l’ont rapidement menotté : « Je ne suis pas un costaud. Je me suis un peu débattu mais sans plus car je ne comprenais pas pourquoi on m’embarquait. »
Quelques moqueries et plusieurs « Ta gueule« plus tard, le voilà enfermé dans une cellule. « Après m’avoir demandé de me déshabiller puis de me rhabiller, les policiers se sont déchaînés sans aucune raison. Ils m’ont donné des coups et des baffes au visage. Un des policiers m’a également étranglé ! Je n’arrêtais pas de demander pourquoi j’étais là, que je n’avais rien fait de mal. « . L’avocat de Nicolas, Me Simon Menschaert, décrit les blessures : « Traces de strangulation, deux coquards, hémorragie à la cornée, chevilles qui ont triplé de volume, hématome dans le ventre, etc.«
Du côté de la police, on estime avoir « fait usage de la contrainte » , pour maîtriser un individu « très agressif« , qui avait « volontairement frappé une femme agente de sécurité de la soirée et était ivre« . D’après la police locale, il a fallu quatre inspecteurs pour maîtriser Nicolas qui ne se montrait “pas du tout collaborant ”. Et d’ajouter : « Dans la foulée, le suspect a heurté le sol et s’est occasionné une blessure au niveau de l’arcade gauche, ainsi que diverses contusions.«
Nicolas assure pourtant qu’il a reçu des coups de plusieurs agents qui avaient pris le soin de mettre des gants, dans une cellule du commissariat… La suite ? Après ces péripéties, les policiers ont conduit le blessé à l’hôpital Saint-Pierre où il a été soigné. « Il a été écroué à la prison communale en attendant qu’il cuve sa boisson et est reparti sans faire de déclaration« , continuent les policiers dans le procès-verbal. « Si on m’avait mis en cellule de dégrisement directement, j’aurais accepté », soutient le designer industriel, qui s’insurge contre « cette violence policière gratuite. »
Après avoir pu parler à son avocat par téléphone, « j’ai signé des papiers, et je suis reparti vers 9 h 30. J’étais lessivé ».
« Sans doute a-t-il été quelque peu impertinent. Mais vous n’allez pas me faire croire qu’avec sa carrure il fallait quatre policiers pour le maîtriser. Et que ces hématomes au visage et les traces de strangulation proviennent d’une chute malencontreuse » , conclut l’avocat qui a déposé plainte au parquet de Bruxelles et au comité P.
[Source : dhnet.be]
09.01.2013 – Molenbeek : Moad, 14 ans, insulté et matraqué
Moad, un adolescent de Molenbeek de 14 ans, aurait été victime d’une agression policière lors d’une arrestation dans la rue près de chez lui alors qu’il courait chez lui pour récupérer ses affaires de sport. Emmené au commissariat, cinq policiers auraient usé de violence illégitime. Ce qui paraît pour le moins évident au vu des photos du visage tuméfié de la victime. Les parents de Moad ont déposé plainte au service interne de la zone de police. La famille s’est constituée partie civile. De son côté, la police se défend de tout débordement… Impression de déjà vu ?
[Source : A. BALTHAZART pour SudInfo.be, 16 janvier 2013 à 08h31]
Pour en savoir plus : vidéo, lettre de Moad, commentaires et photos sur le site Égalité.be
11.05.2012 – Bruxelles : Question parlementaire de Zoé Genot (députée Ecolo-Groen)à Joëlle Milquet, vice-première Ministre et Ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des chances
Pour lutter contre les violences policières, et disculper les policiers corrects : une solution, comme en Allemagne, un numéro bien visible sur les uniformes ?
01 Question sur « l’identification des agents de police » (n° 10531)
1.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) :
Madame la ministre, la Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion en 2011, dans l’arrêt Hristovi contre la Bulgarie, de rappeler qu’elle considère, même dans les cas où le port du masque par les agents de police intervenant est justifié, qu’il doit pouvoir être proposé un moyen anonyme d’identification individuelle. Ce moyen d’identification est pour la Cour le seul moyen efficace pour la conduite ultérieure d’enquêtes internes en cas de dérapages avérés ou du moins allégués. Elle va même jusqu’à ajouter que l’absence de cette mention irait jusqu’à conférer une impunité virtuelle à l’agent de police. Une telle impunité ne peut être tolérée.
Madame la ministre, la législation belge semble conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme puisqu’elle permet l’identification des agents de police intervenant auprès du public, mais il me semble qu’il y a parfois des problèmes dans l’application de cette législation. En effet, bien que la plaquette nominative soit obligatoire, il apparaît, à travers certains faits divers de violence policière et à travers des faits relatés par des victimes de telles violences, que le port de cette plaquette n’a pas toujours lieu ou qu’elle devient illisible du fait du port d’un talkie walkie ou d’un gilet pare-balles qui la cache. Confirmez-vous ces affirmations ?
Une exception est prévue au cas où il serait préférable que le fonctionnaire de police ne soit pas identifiable. Pouvez-vous me dire à quelle fréquence cette exception est invoquée ? Existe-t-il des ordres de missions qui entraînent un recours systématique à cette exception ? Quelles sont ces missions ?
Le Land de Berlin Berlin a adopté un règlement interne sur le fonctionnement de la police (l’Allemagne laisse à chaque Land le soin de gérer ses services de police). Que pensez-vous d’une plaquette anonymisée, bien visible (comportant un numéro interne aux services de police et accessible à leurs représentants), suffisante par rapport à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’identification individuelle ? Ou du choix laissé entre la plaquette nominative et numérale comme les Allemands ?
01.02 Joëlle Milquet, ministre :
Madame, dans la jurisprudence européenne, la remise en cause de l’anonymat policier est toujours liée à l’absence d’audition de policiers masqués lors d’une intervention, une immunité de poursuite de ces policiers ou l’absence d’enquête judiciaire sur les allégations de mauvais traitements.
Dans notre législation, nous avons tout de même des articles clairs. L’article 41 de la loi sur la fonction de police dit que « sauf si les circonstances ne le permettent pas, les fonctionnaires de police qui interviennent en habits civils à l’égard d’une personne, ou au moins l’un d’entre eux, justifient de leur qualité au moyen du titre de légitimation dont ils sont porteurs. Il en est de même lorsque des fonctionnaires de police en uniforme se présentent au domicile d’une personne ».
Dans l’arrêté royal du 4 septembre 2002 qui règle le port des grades par les membres du personnel, il est dit que lorsque les fonctionnaires de police interviennent en habits civils, ils portent le brassard, sauf si les circonstances ne le permettent pas.
Par ailleurs, dans une proposition de loi qui a été traitée hier au Sénat, il est proposé de modifier l’article 41 de la loi sur la fonction de police dans le sens où les policiers pourraient être identifiés par un numéro sur l’uniforme ou, lorsqu’ils interviennent en habits civils, sur le brassard. Cette proposition de loi vise aussi à éviter que les policiers intervenants puissent être identifiés via leur plaquette nominative et ainsi courir le danger de représailles de la part de criminels.
Il est important de savoir que la possibilité pour le policier d’intervenir de façon anonyme constitue toujours, chez nous, une exception à l’obligation de principe de légitimation, que l’autorité responsable qui autorise l’anonymat prend sa décision compte tenu des circonstances de l’intervention, lesquelles rendent l’identification des policiers soit inopportune, soit dangereuse et que le recours systématique à l’anonymat est tout à fait exclu, sauf si une loi le prévoit comme dans le cadre des méthodes particulières de recherche.
J’ajoute que l’anonymat des policiers répondant soit à des besoins opérationnels, soit à une nécessité de protéger le policier, il serait, selon moi, inopportun d’en dévoiler toutes les circonstances précises. Je suis ouverte au débat. Il a commencé hier au Sénat sur la base d’une proposition de loi de M. Deprez. Pour ma part, je trouve opportun d’identifier à l’aide d’un numéro plutôt qu’avec le nom car il faut tenir compte aussi de la problématique de l’augmentation de la violence à l’égard des policiers, qui doivent être protégés. Il en va de même pour les agents de sécurité qui portent actuellement une plaquette nominative ; ils ont demandé à pouvoir être identifié d’une autre façon.
Pour avoir une identification plus claire, le débat est en cours. Des auditions sont prévues. Le sujet est délicat. Nous devons donc obtenir un consensus mais aussi une prise de conscience des policiers que cette identification est justifiée mais qu’elle n’ira pas trop loin pour permettre d’assurer leur protection.
01.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) :
Madame la ministre, je n’ai pas entendu de réponse claire concernant le fait que, fréquemment, lors des manifestations, les gens ne sont pas identifiables, alors qu’ils ne sont pas dans des missions d’exception, ni quant à savoir quels sont les critères pour ces exceptions. Autant on ne peut pas dire que, lors de telle ou telle opération, il y aura exception à cette identification, autant il est important de définir des critères clairs qui puissent être débattus publiquement. Mais je pense que la proposition de loi déposée au Sénat est une excellente base de travail et permettrait une amélioration sur le terrain. J’espère donc qu’elle sera soutenue par tous.
[Sources : Chambre des représentants – Commission de l’Intérieur – Réunion du 9 mai 2012 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53 – COM 0479)]
08.12.2011 – Bruxelles : bavure policière à Matongé ?
Mardi, un Angolais qui se trouvait dans la galerie Matonge à Ixelles a été violemment passé à tabac par des policiers de la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles…
La victime a porté plainte au Comité P et auprès de la police locale. Un PV été dressé pour violences policières. Le service de contrôle interne de la zone de Bruxelles-Capitale-Ixelles a ouvert une enquête. Cet Angolais, âgé de 29 ans, effectue un stage en comptabilité au théâtre Molière dont une porte d’entrée donne dans la galerie Matonge. Alerté par des bruits dans la galerie, il y a jeté un coup d’œil.
C’est là que des policiers l’ont accusé d’être un fauteur de troubles et l’ont violemment pris à partie. Ils l’ont jeté par terre et il tombé sur le coin d’une table en verre. Ils l’ont ensuite roué de coups de pied et de coups de matraque. Deux chiens l’ont mordu aux jambes.
« On a essayé de dire aux policiers que notre stagiaire n’avait rien fait mais ils ne voulaient pas écouter. Ils étaient en mode Robocop« , a expliqué Peter Van Rompaey, directeur de Muziekpublique, l’asbl qui gère le théâtre Molière.
Toujours en état de choc, le stagiaire angolais souffre de contusions et blessures multiples. A la suite de son passage à tabac dans la galerie Matonge, il a été arrêté administrativement puis relâché dans la nuit de mardi à mercredi.
[Source : Belga/La Dernière Heure, publié le lundi 8 décembre 2011]
06.12.2011 – Ixelles/Etterbeek : « On a été gazés pendant deux heures«
Deux cent soixante-deux personnes arrêtées : tel est le dernier bilan des échauffourées de mardi entre forces de l’ordre et sympathisants du candidat Tshisekedi aux élections présidentielles en RDC dans le quartier Matonge, à Ixelles. Heureusement, hier, la journée a été plutôt calme. Une trentaine de pro-Tshisekedi ont tout de même effectué un sit-in pacifique sur le square du Bastion, non loin de la Porte de Namur. Il n’était pas autorisé mais a été toléré. Et s’est déroulé sans incidents.
C’est plutôt la nuit de mardi à mercredi qui aurait été agitée, selon divers témoignages. En effet, une centaine de manifestants, arrêtés administrativement et placés en cellule au complexe Géruzet, à Etterbeek, auraient été victime de gazages systématiques, entre 3 h et 5 h du mat, voire de passages à tabac.
Un témoin raconte : « Nous étions de 10 à 20 personnes par cellule. Il n’y avait pas d’agressivité mais nous faisions du bruit, notamment en scandant des chants anti-Kabila. Vers 23 h, un policier qui se croyait plus malin que les autres nous a dit : “De toute façon ça ne sert à rien, Kabila a gagné.” Cela a fait monter la tension et on a fait plus de bruit« , explique Joseph Mbeka. Il poursuit : « Vers 2 h, 3 h du matin, un escadron d’intervention équipé de casques et de matraques est arrivé. Ils sont rentrés dans la cellule à gauche de la nôtre et on a entendu des cris et des bruits sourds. Ensuite, ils sont venus chez nous. Ils ont gazé et donné des coups de poing et de matraques en ciblant les fauteurs de troubles. Un ami a interpellé les policiers : Pourquoi vous les tapez comme ça? Vous n’avez pas le droit. Ils lui sont tombés dessus à une dizaine.«
« C’est une bavure! Il faut que les responsables soient traduits en justice« , conclut Joseph Mbeka, selon lequel les policiers ont effectué « un gazage continu jusqu’à 5 h du matin« , heure à laquelle ils ont été relâchés. Au moins sept personnes ont, selon le même homme, décidé d’aller porter plainte aujourd’hui devant le Comité P.
À la zone de police Bruxelles-Ixelles, on dit ne pas être au courant de ces événements. Mais que, si une plainte est déposée, enquête sera faite par le service de contrôle interne. Du côté du cabinet du bourgmestre d’Ixelles, on fait savoir que si les faits sont avérés, ils sont extrêmement graves et que le bourgmestre encourage les plaignants à déposer plainte. Et à le contacter.
[Source : La Dernière Heure, publié le lundi 8 décembre 2011]
13.04.2011 – Koekelberg : Mohammed tabassé
Mohammed M’Talsi, résident de Koekleberg, revenait de chez ses parents avec sons frère. Garant sa voiture a proximité de son domicile, il est interpellé par deux policiers en civil, qui lui demandent « Vous savez ce que vous venez de faire ?« . Interloqué, Mohammed rétorque : « Mais non, c’est Saint-Nicolas ici ?« , déclenchant une réaction inattendue des deux policiers, qui l’extraient du véhicule, lui plient le bras dans le dos et le plaquent à terre. « C’est alors qu’ils m’ont projeté la tête la première sur la vitre de la voiture de mon frère. Je l’ai traversée ma tête la première. Une douleur invraisemblable! Je n’y voyais plus rien à cause du sang » raconte la victime, embarquée dans la voiture de police, où il recevra un coup à la pommette gauche…
[Source : LaCapitale.be, publié le lundi 7 mai 2012 à 08:14]
22.10.2010 – Comité des droits de l’Homme de l’ONU : projet d’Observations finales concernant la Belgique
Principaux sujets de préoccupation et recommandations :
- L’État partie devrait envisager la mise en place d’un mécanisme en charge de la mise en œuvre des constatations du Comité.
- L’État partie devrait envisager de retirer ses réserves et ses déclarations interprétatives à l’égard du Pacte.
- L’État partie devrait envisager la création d’une institution nationale des droits de l’homme en conformité avec les Principes de Paris (résolution 48/134 de l’Assemblée générale).
- L’État partie devrait envisager de mettre fin à l’usage du pistolet à impulsion électrique (Taser). Tant que ces armes seront utilisées, l’État partie devrait intensifier ses efforts afin que les forces de police respectent les règles et conditions prescrites pour leur utilisation. L’État partie devrait également mener une évaluation sur les effets de l’utilisation de ces armes.
- L’État partie devrait prendre des mesures nécessaires pour garantir que la force, lorsqu’est utilisée par les membres de la police, soit en conformité avec les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois et s’assurer que les arrestations ne se font que dans le cadre strict du respect du Pacte. L’État partie devrait, en cas de mauvais traitements suivis de plaintes, systématiquement mener une enquête, poursuivre et sanctionner les auteurs à la hauteur des faits commis. Il devra informer le Comité sur la suite donnée aux plaintes déposées suite aux manifestations du 29 septembre et du 1 octobre 2010.
- L’État partie devrait poursuivre ses efforts en vue de garantir une complète indépendance des membres du Service d’enquêtes du Comité P, afin d’assurer une transparence dans le traitement des plaintes contre les fonctionnaires de police.
- L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires pour garantir l’accès à un avocat dès les premières heures aux personnes privées de liberté tant dans le cadre des arrestations judiciaires et administratives que de la garde à vue, ainsi qu’un droit d’accès systématique à un médecin.
- L’État partie devrait prendre les mesures nécessaires afin d’éviter l’usage de la violence à l’égard des étrangers qui sont sous le coup d’une mesure d’éloignement, leur garantir qu’ils peuvent porter plainte en cas de mauvais traitements, auprès de la Commission des plaintes, poursuivre et punir les responsables.
[Source : CCPR/C/BEL/CO/5, Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies publiées le 22 octobre 2010]